T 0411/91 (Hydrures/CNRS) 10-11-1993
Téléchargement et informations complémentaires:
Nouveaux hydrures de terre rare/fer/bore et er rare/cobalt/bore magnétiques, leur procédé de fabrication et de fabrication des produits déshydrurés pulvérulents correspondants, leurs applications
Activité inventive (oui)
Inventive step (yes)
I. La demande de brevet européen n 85 401 230.9 a donné lieu à la délivrance du brevet n 0 173 588 sur la base de neuf revendications. La revendication 1 du brevet a le libellé suivant :
"1. Nouveaux composés caractérisés en ce qu'ils consistent en hydrures de terre rare/fer/bore ou terre rare/cobalt/bore et répondant à la formule : R2Fe14BHx ou R2Co14BHx avec O
Il ressort clairement du brevet que l'élément désigné "A" est en fait "Al".
Le brevet comporte aussi une revendication 8 portant sur des composés de formule R2Fe14B ou R2Co14B caractérisés par leur procédé de fabrication et par leur granulométrie.
II. La requérante (opposante) a formé opposition au brevet et requis sa révocation pour manque d'activité inventive. Au cours de la procédure d'opposition ont été cités notamment les documents suivants :
(1) Science, Vol. 223, Nr 4639, 1984, p. 920-923
(2) GB-A-1 554 384
(4) Rep. Prog. Phys., Vol. 45, 1982, p. 937, 938, 990- 1011
(7) Solid State Communications, Vol. 40, 1981, p. 117- 120
(8) Journal of the Less-Common Metals, 101, 1984, p. 145-168.
III. Par une décision intermédiaire, la Division d'opposition a décidé de maintenir le brevet sous forme modifiée sur la base de la requête subsidiaire, c'est-à-dire des revendications 1 à 7 du brevet et des revendications 8 et 9 du 30 janvier 1991. Les produits non hydrurés selon la revendication 8 du brevet ont été considérés comme n'impliquant pas d'activité inventive.
IV. La requérante a formé un recours contre cette décision. Au cours de la procédure de recours, l'intimée (titulaire du brevet) a fait référence à un nouveau document (10) Journal of Solid State Chemistry 47, 1983, pages 41-46, pour supporter son argumentation. En réponse à une notification de la Chambre elle a déposé de nouvelles revendications 8 et 9 le 8 octobre 1993. La revendication 8 est identique à celle du 30 janvier 1991 et la revendication 9 a le libellé suivant :
"9. Utilisation de la poudre fine précédemment obtenue par le procédé selon la revendication 8 pour la préparation de supports d'enregistrement et de lecture magnétique, de ferrofluides et de masses élastomères ou plastiques ayant des propriétés magnétiques."
V. Les arguments présentés par la requérante dans le mémoire de recours et pendant la procédure orale du 9 novembre 1993 peuvent être résumés comme suit :
Le double problème technique à la base du brevet est d'augmenter le moment magnétique et la température de Curie du composé Nd2Fe14B connu du document (1). Le brevet ne montre pas d'amélioration du champ d'anisotropie. L'homme du métier confronté à ce double problème serait arrivé à la solution revendiquée au vu de l'enseignement du document (4). Ce dernier divulgue la règle générale que l'hydrogénation des alliages contenant du fer conduit à une augmentation de leur moment magnétique. Ni la fig. 36b, ni le dernier paragraphe de la page 1008 ne sont en contradiction avec cette règle générale. En ce qui concerne la température de Curie, la fig. 36 montre que dans trois cas sur quatre elle est augmentée par hydrogénation. Au vu de ces résultats très prometteurs, l'homme du métier pouvait raisonnablement s'attendre à une amélioration des propriétés magnétiques par hydrogénation et serait donc incité à essayer d'hydrogéner le composé Nd2Fe14B du document (1). Il est à noter d'ailleurs que l'existence d'une règle générale pour encourager l'homme du métier à faire des essais n'est pas un critère requis par la jurisprudence.
De plus, le document (7) donnerait à l'homme du métier une incitation supplémentaire à hydrogéner ce composé puisque d'une part les figures 2 à 4 montrent que l'aimantation de Ho6Fe23 et Er6Fe23 à température ambiante est considérablement améliorée par hydrogénation, ce qui confirme la règle générale indiquée dans (4), et d'autre part il divulgue aussi une augmentation de la température de Curie. En outre, le document (10) enseigne que le moment magnétique du fer dans Ho6Fe23H16 est supérieur à celui du composé non hydruré et que la température de Curie augmente avec la teneur en deutérium. Les composés des documents (7) et (10) présentent certes une température de compensation, cependant la situation décrite dans (10), page 45, ou dans (4), fig. 42, ne s'applique pas à Nd2Fe14B puisque ce composé est ferromagnétique et ne présente donc pas de température de compensation. D'ailleurs, d'après (4) le couplage entre les moments 4f et 3d est ferromagnétique dans le cas des terres rares légères et il est bien connu que cette règle s'applique aussi aux hydrures.
Le document (8) montre qu'il est possible d'hydrurer le composé La3Ni13B2, c'est-à-dire des alliages ternaires métal de terre rare/métal de transition/bore du même type que Nd2Fe14B. La distance La-B dans le composé La3Ni13B2 est voisine de la distance Nd-B dans Nd2Fe14B et la dénotation utilisée dans le tableau 1 de (8) prouve qu'il s'agit d'un composé ternaire. L'homme du métier pouvait aussi prévoir qu'il serait possible d'hydrurer un composé aussi riche en fer que Nd2Fe14B puisque les produits Lu6Fe23 et Y6Fe23 du document (4) contiennent environ la même quantité de fer que Nd2Fe14B en % atomique et ce document ne mentionne pas de décomposition lors de leur hydruration. Il ressort aussi de (4) que tous les hydrures ternaires présentent une bonne stabilité et qu'il suffit de déterminer par des essais de routine les conditions de pression et de température permettant d'éviter la décomposition ou la démixion. En outre, le document (2) divulgue que le procédé de "décrépitation" ne détruit pas les propriétés magnétiques et est applicable aux alliages dont le rapport Fe/terre rare peut prendre la valeur 17/2. L'homme du métier serait donc incité à essayer d'hydrurer le composé Nd2Fe14B.
Le procédé selon la revendication 8 n'implique pas d'activité inventive car la déshydruration des alliages hydrurés de terre rare/métal de transition est connue du document (2). Il est évident pour l'homme du métier d'appliquer le même procédé au composé Nd2Fe14B. Quant à la revendication 9, elle manque de nouveauté puisque l'utilisation revendiquée est divulguée dans le document (1) et ce dernier mentionne une granulométrie de quelques micromètres, c'est-à-dire 2 ou 3 µm.
La requérante a en outre indiqué qu'elle ne contestait pas que l'alternative de la revendication 1 concernant les composés R2Co14BHx implique une activité inventive.
VI. L'intimée a fait valoir notamment les arguments suivants :
Dans les conditions normales d'hydrogénation un composé peut soit ne pas réagir avec l'hydrogène, soit réagir en formant un hydrure massif, soit réagir en se démixant ou en se dismutant ou en "décrépitant". Il n'était pas évident pour l'homme du métier d'obtenir un hydrure quaternaire stable avec Nd2Fe14B car le fer, comme le cobalt, n'absorbe pas l'hydrogène, de plus le rapport fer/terre rare est très élevé et enfin le bore répulse l'hydrogène comme le montre (8). La terre rare étant déjà liée au bore, elle est moins disponible pour absorber l'hydrogène. Le composé La3Ni13B2 du document (8) est un composé dans lequel le bore se trouve lié par substitution aux atomes de Ni en occupant dans le réseau du Ni certains sites préalablement occupés par des atomes de Ni. Il s'agit donc en réalité d'un composé de structure cristallographique essentiellement binaire à trois composants ce qui n'est pas le cas du composé Nd2Fe14B. En outre La3Ni13B2 est un composé à base de nickel, or le nickel est un élément favorable à une hydrogénation importante contrairement au fer. Par conséquent, on ne peut se servir de ce composé pour démontrer la capacité d'absorption d'hydrogène de composés à base de Fe ou de Co. Le document (4) divulgue que l'hydruration risque de conduire à une décomposition partielle ou à une dismutation des composés binaires contenant du fer ou du cobalt, ce qui change les propriétés magnétiques globales. Ce risque est encore plus élevé avec des composés ayant un rapport fer/terre rare égal à 7.
D'après (4) l'hydruration des composés binaires cobalt/terre rare a une influence néfaste sur les propriétés magnétiques. Pour les quatre composés binaires contenant du fer étudiés à la fig. 36 l'hydruration améliore la température de Curie seulement dans deux cas. Cette figure et le tableau 16 ne concernent que des composés pour lesquels la terre rare n'a pas de propriétés magnétiques contrairement à Nd utilisé dans (1). Or, en présence de terres rares magnétiques, le paramètre à considérer n'est pas seulement le moment magnétique du fer mais l'aimantation globale. Le composé Nd2Fe14B présentant une structure magnétique complexe, on ne peut lui appliquer l'enseignement relatif à des structures binaires beaucoup plus simples.
Les documents (7) et (10) montrent qu'il existe une température de compensation dans le cas où la terre rare est magnétique et que cette température varie de manière aléatoire, ce caractère aléatoire étant accru lorsque la structure chimique et magnétique du composé est complexe. Par conséquent, les résultats magnétiques obtenus avec un composé binaire donné ne peuvent être extrapolés à des composés ternaires qui, par hydruration, conduisent à des composés quaternaires chimiquement stables.
La revendication 9 est nouvelle puisqu'il était impossible avant la présente invention de fabriquer une poudre de Nd2Fe14B ayant une granulométrie inférieure à 10 µm par le procédé décrit dans le document (1).
VII. La requérante a requis l'annulation de la décision de la Division d'opposition et la révocation du brevet. L'intimée a sollicité le rejet du recours et le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base des revendications 1 à 7 du brevet et des revendications 8 et 9 du 8 octobre 1993, avec correction d'une erreur matérielle dans la revendication 1, à savoir le remplacement de "A" par "Al", à titre de requête principale, ou à titre de requête subsidiaire le rejet du recours et le maintien du brevet sur la même base que la requête principale à l'exception de la revendication 9 supprimée.
VIII. A la fin de la procédure orale, le Président de la Chambre a prononcé la clôture des débats et indiqué que la décision serait communiquée par écrit. Les observations de l'intimée déposées le 24 novembre 1993, c'est-à-dire après la clôture des débats, n'ont donc pas été prises en considération.
1. Le recours est recevable.
2. Les revendications satisfont aux dispositions de l'article 123(2) et (3). La revendication 8 relative au procédé de fabrication de composés R2Fe14B ou R2Co14B est supportée par la revendication 7 de la demande initiale et les indications à la page 5, lignes 2-3, de cette demande. La revendication 9 correspond essentiellement à la revendication 8 initiale (revendication 9 du brevet). Le changement de catégorie de la revendication 8 est conforme aux dispositions de l'article 123(3) puisque la revendication 8 du brevet portait sur les composés R2Fe14B ou R2Co14B obtenus selon le procédé de déshydruration de la revendication 6 (chauffage des hydrures à au moins 150 C) et présentant une granulométrie comprise entre 0,2 et 3 µm et qu'elle a été transformée en une revendication relative audit procédé de préparation de ces produits. La protection apportée par cette revendication de procédé est manifestement plus restreinte que celle de la revendication 8 du brevet.
3. Le remplacement de la lettre "A" par "Al" dans la revendication 1 représente une correction d'erreur matérielle. Il est manifeste que la rectification de l'erreur s'impose à l'évidence au sens défini dans la règle 88. Ceci n'a d'ailleurs pas été contesté par la requérante.
4. Aucun des documents cités ne décrit des hydrures quaternaires répondant à la formule définie dans la revendication 1. Par conséquent, ces composés sont nouveaux. Il en résulte que le procédé de préparation de ces composés, leurs applications et leur procédé de déshydruration selon les revendications indépendantes 3, 5 et 6 satisfont aussi à la condition de nouveauté, de même que le procédé de préparation des composés R2Fe14B et R2Co14B selon la revendication 8 puisqu'il utilise les nouveaux composés hydrurés comme produits initiaux.
La requérante a contesté la nouveauté de la revendication 9 par rapport à l'enseignement du document (1). Ce document divulgue le composé Nd2Fe14B sous forme d'une poudre ayant une dimension de particules de quelques micromètres, ladite poudre étant préparée par broyage d'un lingot en plusieurs étapes (voir page 920, dernier paragraphe de la colonne du milieu). Cependant, les utilisations de ce produit mentionnée dans (1) différent de celles indiquées dans la revendication 9. Par conséquent, la revendication 9 est nouvelle.
5. En accord avec les parties et la Division d'opposition, la Chambre considère que le document (1) représente l'état de la technique le plus proche des composés selon la revendication 1. Le document (1) décrit un produit magnétique de formule Nd2Fe14B qui présente une température de Curie de 585 K. D'après (1) ce produit présente l'inconvénient de posséder une température de Curie relativement basse (voir p. 922, col. de droite, 4e paragraphe).
En partant de cet état de la technique, le problème technique à la base du présent brevet était de fournir des composés stables qui présentent une température de Curie plus élevée et une meilleure aimantation.
Conformément à la revendication 1, la solution proposée consiste en des hydrures répondant à la formule R2Fe14BHx ou R2Co14BHx dans laquelle o
Il ressort de la description du brevet, page 2, lignes 11-16, et du premier exemple de la description (col. 2, ligne 41 à col. 3, ligne 34) ainsi que de la figure 1 que le composé hydruré Nd2Fe14BHx résultant de l'hydruration du composé initial Nd2Fe14B présente un moment magnétique et une température de Curie plus élevés que ceux du produit initial. Il découle aussi de la description, col. 3, lignes 23 à 34, et col. 4, lignes 4- 8, que l'hydrure obtenu est un composé stable qui ne commence à perdre son hydrogène que par chauffage vers 150 C à pression atmosphérique. En l'absence de preuve du contraire, la Chambre n'a donc aucune raison de douter que le problème défini précédemment a été effectivement résolu par les composés revendiqués.
5.1. Le document (1) lui-même souligne l'inconvénient du composé Nd2Fe14B, à savoir sa température de Curie relativement basse. Pour augmenter cette température il est proposé d'ajouter jusqu'à 20 % de cobalt (voir p. 922, col. de droite, 4e paragraphe). Cette solution dans une direction totalement différente de la solution revendiquée et sans aucun lien avec celle-ci ne pourrait suggérer à l'homme du métier les produits définis dans la revendication 1.
5.2. Le document (4) est une étude scientifique décrivant notamment l'effet de l'absorption d'hydrogène sur les propriétés magnétiques de composés binaires constitués de deux métaux de transition. Afin de pouvoir mettre en évidence les changements dans le magnétisme des électrons 3d, une première série de résultats concerne les composés contenant un métal de transition 3d, en particulier Ni, Co, Fe ou Mn, combiné avec un métal non magnétique. La seconde série de résultats porte sur les composés contenant une terre rare magnétique. Le document (4) enseigne que dans le cas des composés du Co tels que La Co5, La2Co7 ou YCo3 l'absorption d'hydrogène conduit à une diminution du moment magnétique du Co mais que comparativement aux composés du Co et du Ni, les composés du fer présentent des changements de propriétés magnétiques allant souvent dans une direction opposée (voir page 990, fig. 29 ; page 999, lignes 19-26, fig. 35, dernier paragraphe , page 1000, tableau 15 et 1er paragraphe). Pour les quatre composés Y6Fe23, YFe2, YFe3 et CeF2 de la fig. 36, l'absorption d'hydrogène est accompagnée d'une augmentation relativement importante du moment magnétique du fer. Il en est de même pour LuFe2. D'après (4) l'augmentation du moment magnétique du fer semble être un phénomène général pour ce type de composés fer/métal de transition non magnétique (voir page 1000, fig. 36, dernier paragraphe et page 1001, tableau 16).
Cependant, en ce qui concerne l'influence de l'absorption d'hydrogène sur la température de Curie de ces composés, la situation n'est pas aussi claire. D'après la page 1001, les changements dûs à cette absorption ne semblent pas présenter un comportement uniforme. Il ressort de la fig. 36 et de la page 1001 (1er paragraphe) que sur les quatre composés étudiés, deux voient leur température de Curie augmenter par absorption d'hydrogène, à savoir Y6Fe23 et CeFe2, tandis que dans le cas de YFe3 la température de Curie reste pratiquement inchangée et avec YFe2 la température de Curie du composé hydruré a chuté d'au moins 200 K. De plus dans le cas de Hf2FeHx (page 991, fig. 30) la température de Curie est très basse (<120 K).
Il est à noter aussi que pour les composés binaires contenant un métal de terre rare magnétique tels que GdNi2, GdRu2, GdRh2, GdCo2, l'absorption d'hydrogène se traduit par une diminution de la température de Curie (cf. page 1006, 1er et 3e paragraphes, tableau 18).
La requérante a fait valoir que les résultats de la fig. 36 étaient prometteurs. La Chambre n'est pas convaincue par cet argument. En effet, il ne peut être déduit sur la base de deux résultats positifs sur quatre que l'absorption d'hydrogène dans les composés binaires fer/métal de transition non magnétique a tendance à améliorer simultanément leur aimantation et leur température de Curie. Compte tenu du fait que le composé ternaire Nd2Fe14B présente une structure magnétique plus complexe que les quatre composés binaires de la fig. 36, qu'il diffère considérablement de ceux-ci notamment par la présence d'une terre rare magnétique et du bore et que ces différences ont une influence sur les propriétés magnétiques, la Chambre considère que l'homme du métier ne pouvait s'attendre au vu de cet enseignement à ce que l'hydruration de ce composé ternaire puisse conduire à une amélioration simultanée de l'aimantation globale et de la température de Curie. Dans ces circonstances, il n'aurait pas été encouragé à essayer d'hydrurer Nd2Fe14B pour résoudre le problème défini ci-dessus, ceci d'autant plus qu'il pouvait craindre une décomposition partielle ou une démixion lors de l'hydruration de ce composé comme indiqué dans le paragraphe suivant.
5.3. D'après (4), les hydrures ternaires sont des composés métastables qui ont tendance à se décomposer en formant les hydrures binaires des éléments de terre rare et les métaux 3d ou un composé plus riche en métal 3d et par conséquent il est important d'accomplir l'hydruration suffisamment lentement pour que la température reste basse afin d'éviter la présence de plusieurs phases. De telles difficultés ont été rencontrées par exemple avec La7Ni3 et LaNi5 (cf. p. 992, 5e paragraphe, page 996, paragraphe 4.4.1 et page 997, 1e et 2e paragraphes). Des difficultés similaires sont mentionnées aussi pour les composés binaires contenant du fer ou du cobalt. Ainsi aux pages 998 et 999, il est fait plusieurs fois référence à la formation de phases riches en cobalt ou de cobalt résultant du caractère métastable des hydrures ternaires, par exemple dans le cas de l'hydruration de YCo2, Th7Co3 (voir p. 998, 3e paragraphe, page 999, 1er paragraphe), et le risque de décomposition est à nouveau mentionné au bas de la page 999.
Pour les composés du fer, il est indiqué que dans le cas de TiFe l'absorption d'hydrogène conduit à la formation de microprécipités riches en fer et que la démixion et la décomposition en surface provoquent un changement considérable des propriétés magnétiques (voir p. 1001, dernier paragraphe ; p. 1002, 1e paragraphe). D'après la page 1002 (2e paragraphe) il y a aussi une tendance à la séparation de phases dans le cas de l'hydruration du composé YFe2. Bien qu'il soit précisé au milieu de ce paragraphe qu'il a été possible récemment de préparer des hydrures ternaires de DyFe2, ErFe2, LuFe2 et ScFe2 dont le spectre Mössbauer ne présente pas un important élargissement des raies, les conditions du procédé d'hydruration ne sont pas divulguées.
Il découle donc de ce document que les risques de décomposition partielle ou de séparation de phases lors de l'hydruration des composés binaires contenant du fer ou du cobalt sont relativement importants et qu'il est nécessaire de déterminer les conditions d'hydruration particulières éliminant ou réduisant ces phénomènes.
Etant donné que le composé Nd2Fe14B du document (1) a un rapport atomique Fe/terre rare ou Fe/Y beaucoup plus élevé que ceux des composés binaires étudiés dans (4) (ce rapport est seulement de 3,8 dans Lu6Fe23 et Y6Fe23), que le fer, comme le cobalt, n'absorbe pas l'hydrogène, que le bore a tendance à répulser l'hydrogène et enfin que la terre rare est moins disponible pour absorber l'hydrogène puisqu'elle est déjà liée au bore, les chances de former un hydrure quaternaire stable dans le cas de Nd2Fe14B sont considérablement réduites comparativement aux composés binaires de (4). Dans ces circonstances, l'homme du métier ne pouvait escompter que l'hydruration du composé Nd2Fe14B puisse être accomplie avec succès, c'est-à-dire conduise à un hydrure quaternaire stable de formule Nd2Fe14BHx.
Il résulte de ce qui précède que ni les résultats du document (4) quant à l'influence de l'absorption d'hydrogène sur les propriétés magnétiques, ni l'enseignement de ce document quant à la stabilité des hydrures ternaires n'auraient encouragé l'homme du métier à faire des essais d'hydruration du composé Nd2Fe14B pour obtenir un composé stable ayant une température de Curie et une aimantation globale plus élevées.
5.4. Le document (2) divulgue un procédé comprenant le traitement d'un alliage magnétique binaire contenant un métal de transition et un métal de terre rare ou Y en présence d'hydrogène pour le convertir au moins partiellement en un hydrure, puis la décomposition de l'hydrure. Le rapport métal de transition/terre rare ou Y peut être de 5:1, 7:2 ou 17:2. Le métal de transition est de préférence Co et/ou Fe et le métal de terre rare Sm, Pr ou un mélange enrichi en Ce. Ce procédé permet de transformer l'alliage métallique en une poudre fine, apparamment sans destruction de sa microstructure magnétique (cf. revendication 1 ; page 2, lignes 22-25 et 92-106). Ce document enseigne donc que ces alliages peuvent absorber de l'hydrogène, cependant il est totalement silencieux quant à la composition du produit hydruré de sorte qu'il ne peut être déduit si un hydrure ternaire stable a été obtenu dans le cas des alliages binaires ayant un rapport Fe/terre rare ou Y de 17:2. De plus la température de Curie du produit résultant de l'hydruration n'est pas dévoilée. En l'absence de tels renseignements, ce document ne pouvait en combinaison avec (4) et (1) inciter l'homme du métier à essayer d'hydrurer le composé Nd2Fe14B pour résoudre le problème posé.
5.5. Le document (8) divulgue une liste de composés qui dissolvent l'hydrogène ou forment des phases hydrures (cf. page 147, tableau 1). Les seuls composés de cette liste contenant du bore sont La3Ni13B2 et PdB. Même en supposant que le composé La3Ni13B2 soit un composé ternaire, la Chambre considère que ce document ne change en rien les conclusions précédentes. En effet, comme souligné par l'intimée et non contesté par la requérante, le fer n'est pas un élément favorable à l'hydrogénation comparativement au nickel et bien que le composé LaNi5H6 soit utilisé pour le stockage d'hydrogène aucun composé ternaire terre rare-Fe-Hx relativement aussi riche en fer n'a pu être proposé pour cette utilisation. Par conséquent, le composé La3Ni13B2 à base de nickel ne peut servir à démontrer que l'hydrogénation de Nd2Fe14B serait susceptible de conduire à un hydrure quaternaire stable Nd2Fe14BHx d'autant plus que (8) ne contient aucune information ni sur la quantité d'hydrogène absorbée, ni sur les hydrures formés, ni sur leur stabilité.
5.6. Les documents (7) et (10) cités par l'intimée divulguent les propriétés magnétiques des composés Er6Fe23, Ho6Fe23 de leurs hydrures Er6Fe23H14, Ho6Fe23H16 ainsi que des deutérures Ho6Fe23Dx. Tous ces composés présentent une température de compensation. D'après (7) l'absorption d'hydrogène par ces deux composés a conduit à une diminution de l'aimantation à basse température à une augmentation de l'aimantation à température ambiante et probablement à une augmentation de la température de Curie (cf. page 118, fig. 2 et dernier paragraphe ; pages 119 et 120, fig. 3 à 5 et tableau 1). Le document (10) divulgue des résultats similaires pour l'absorption du deutérium par Ho6Fe23. Plusieurs hypothèses sont émises dans (7) et (10) pour tenter d'expliquer ces résultats (cf. (7) pages 119-120, (10) page 45, 2e paragraphe). Etant donné que le composé Nd2Fe14B ne présente pas de température de compensation contrairement aux composés Er6Fe23, Ho6Fe23 et à leurs hydrures, les résultats décrits dans (7) et (10) quant à l'influence de l'hydruration sur les propriétés magnétiques de ces composés ne sont pas transposables au composé ternaire Nd2Fe14B comme l'a d'ailleurs indiqué la requérante. Dans ces circonstances la combinaison de ces documents avec les documents (1) (4) (2) et (8) ne change pas les conclusions indiquées précédemment.
Comme l'a souligné la requérante, certains des hydrures revendiqués présentent vraisemblablement une température de compensation en particulier ceux contenant des terres rares magnétiques lourdes. Cependant, non seulement l'enseignement des documents (7) et (10) est à prendre en considération dans ce cas mais aussi celui de (4). Or, la fig. 42 montre que le composé DyFe3Hx a une aimantation globale inférieure à celle du composé non hydruré à basse température et à température ambiante. Il apparaît donc que dans le cas des composés ayant une température de compensation, l'influence de l'hydruration sur les propriétés magnétiques ne soit ni prévisible, ni extrapolable à des composés ternaires.
5.7. Pour les raisons présentées ci-dessus, les hydrures selon la revendication 1 sont considérés comme impliquant une activité inventive.
6. La brevetabilité des revendications 3, 5 et 6 qui concernent la fabrication de ces hydrures, leurs applications et leur déshydruration est supportée par celle des produits selon la revendication 1. Il en est de même de la revendication 8 qui porte sur le procédé de préparation des composés R2Fe14B ou R2Co14B et utilise les hydrures définis dans la revendication 1 comme produit de départ à déshydrurer.
7. En ce qui concerne la revendication 9, il est à noter que le document (2) décrit l'utilisation de poudres fines (1- 10 µm) d'alliages métalliques contenant un métal de terre rare et du fer ou du cobalt pour la préparation d'aimants dans lesquels les particules sont liées entre elles par un polymère (voir page 1, lignes 12-23 ; page 2, lignes 12-106 ; page 3, lignes 15-21 ; exemple ; revendication 9). Au vu de cet enseignement et de celui du document (1) l'utilisation du composé magnétique Nd2Fe14B sous forme de poudre fine pour la préparation de masses plastiques ayant des propriétés magnétiques apparait être à la portée d'un homme du métier. La revendication 9 ne pourrait donc être acceptable que si le produit lui-même, c'est-à-dire les poudres R2Fe14B et R2Co14B de granulométrie comprise entre 0,2 et 3 µm, obtenues par le procédé de déshydruration selon la revendication 8, satisfaisaient aux conditions de brevetabilité.
7.1. Le document (1) divulgue le composé Nd2Fe14B sous forme d'une poudre ayant un diamètre de particules de quelques micromètres. Ce produit pulvérulent est obtenu par broyage d'un lingot en plusieurs étapes (voir p. 223, dernier paragraphe de la colonne centrale).
La requérante a affirmé que le procédé décrit à la page 223 de (1) conduisait à une poudre de Nd2Fe14B dont la granulométrie est comprise entre o,2 et 3 µm et a conclu au manque de nouveauté du produit. Cependant cette affirmation est en contradiction avec la description du brevet attaqué dans lequel le document (1) est tout d'abord analysé et il est ensuite indiqué que l'obtention d'un produit de granulométrie comprise entre 0,2 et 3 µm n'était pas possible auparavant (voir brevet col. 1, lignes 11-20 et col. 2, lignes 17-26). Etant donné que la requérante sur laquelle repose la charge de la preuve n'a fourni aucune preuve pour appuyer son affirmation qui contredit les indications contenues dans le brevet, la Chambre ne peut suivre cette argumentation et conclut donc qu'une poudre de Nd2Fe14B ayant ladite granulométrie est nouvelle.
7.2. En partant du document (1) le problème à résoudre était d'obtenir une poudre de Nd2Fe14B encore plus fine. En l'absence de preuves montrant le contraire, la Chambre n'a aucune raison de mettre en doute que ce problème est effectivement résolu par la poudre obtenue par le procédé de déshydruration selon la revendication 8 et présentant une granulométrie comprise entre 0,2 et 3 µm.
7.3. Comme indiqué justement dans la décision de la Division d'opposition, l'homme du métier était averti du caractère essentiel de la finesse de la poudre pour les applications envisagées. Par conséquent, la formulation du problème ne saurait supporter la présence d'une activité inventive. Cependant, la question à examiner est si l'homme du métier aurait exercé ou non une activité inventive en parvenant à préparer le composé Nd2Fe14B sous forme d'une poudre plus fine. Il est à noter que le document (1) ne suggère aucune méthode permettant de réduire la granulométrie de la poudre. Quant à (2), il divulgue un procédé de "décrépitation" conduisant à une poudre magnétique fine et consistant à hydrurer au moins partiellement l'alliage magnétique binaire puis à décomposer l'hydrure. D'après (2), les procédés de broyage mécanique dans un broyeur par frottement ou dans un broyeur à boulets permettent d'obtenir une poudre magnétique ayant une dimension de particules de l'ordre de 1-10 µm, cependant ils présentent des inconvénients tels que la contamination par l'oxygène et l'eau, la déformation plastique des particules ainsi que le fonctionnement et l'entretien incommodes du dispositif. Le procédé de "décrépitation" proposé dans (2) pallie à ces inconvénients (voir p. 1, lignes 13-33 et 81-92), cependant les résultats indiqués ne suggèrent pas qu'il permette d'obtenir une poudre plus fine que par broyage mécanique. En effet, dans le cas de SmCo5, le procédé de "décrépitation" associé à une stimulation extérieure conduit à une dimension de particules semblable à celle obtenue par broyage mécanique (cf. page 3, lignes 9-21). Dans ces circonstances, l'enseignement de ce document ne pouvait inciter l'homme du métier à faire des essais d'hydruration/déshydruration du produit Nd2Fe14B décrit dans (1) pour en diminuer la granulométrie, d'autant plus qu'il pouvait craindre une décomposition partielle ou une démixion lors de l'hydruration de ce composé pour les raisons indiquées ci-dessus au point 5.3. La Chambre ne peut donc se rallier à l'opinion qu'une poudre de Nd2Fe14B ou plus généralement R2Fe14B ou R2Co14B ayant une granulométrie comprise entre 0,2 et 3 µm aurait pu être préparée sans exercer d'activité inventive.
Il résulte de ce qui précède que la brevetabilité de la revendication d'utilisation 9 est supportée par la brevetabilité du produit. Cette revendication est donc acceptable.
8. Les revendications dépendantes 2, 4 et 7 qui concernent des modes de réalisation particuliers des revendications 1, 3 et 6 bénéficient de la brevetabilité de ces dernières et sont donc aussi acceptables. Dans ces circonstances, il est inutile d'examiner la requête subsidiaire.
DISPOSITIF
Pour ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la Division d'opposition est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance pour maintien du brevet sous forme modifiée sur la base des documents suivants :
- revendication 1 du brevet dans laquelle "A" est remplacée par "Al" ;
- revendications 2 à 7 du fascicule de brevet ;
- revendications 8 et 9 déposées le 8 octobre 1993 ;
- description : colonnes 1 à 6 du fascicule de brevet
- dessins : 1/2 et 2/2 du fascicule de brevet.