T 0026/88 (Révocation automatique) 07-07-1989
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1. Si les délais dans lesquels doivent être réunies les conditions requises à l'article 102, paragraphes 4 et 5 CBE ne sont pas respectés, le brevet est automatiquement révoqué dès leur expiration, sans qu'il soit nécessaire de rendre une décision à cet effet.
2. Un document que l'OEB établi après l'expiration de ces délais et dans lequel il déclare que le brevet est révoqué ne saurait, si on le replace dans son contexte, être considéré comme une décision au sens de l'article 106(1) CBE ; il doit être interprété comme une notification de la révocation déjà intervenue et ne peut donc servir de base à un recours.
Maintien du brevet sous une forme modifiée
Non-respect des délais prévus pour acquitter la taxe d'impression et pour produire les traductions
Révocation automatique du brevet dès l'expiration de ces délais
Documents établis par l'OEB non assimilables à des décisions
Recours non avenu
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 81 200 005.7, déposée le 6 janvier 1981, a donné lieu à la délivrance d'un brevet européen portant le n° 0 032 757. Le 23 décembre 1983, il a été fait opposition à ce brevet. La division d'opposition chargée de la conduite de la procédure a rejeté l'opposition et décidé de maintenir le brevet tel qu'il avait été délivré. Un acte de recours à l'encontre de cette décision a été produit le 14 août 1985. Par décision du 17 mars 1987, la Chambre a ordonné le maintien du brevet sur la base du texte modifié des revendications et de la description, tel que déposé au cours de la procédure orale.
II. Le 15 juin 1987, l'agent des formalités de la division d'opposition a adressé à la titulaire du brevet une notification établie conformément à la règle 58(5) de la CBE (formulaire 2328.2), l'informant que la décision de la Chambre était passée en force de chose jugée, et l'invitant à acquitter la taxe d'impression et à produire la traduction des revendications modifiées dans un délai de trois mois à compter de la signification de cette notification. Il était précisé dans ce formulaire : "s'il n'est pas déféré à cette invitation dans les délais, le brevet européen est révoqué (article 102(4) et (5) de la CBE".
Le 25 septembre 1987, la taxe d'impression n'était toujours pas acquittée, et il n'avait pas été produit de traductions.
III. Le 27 octobre 1987, l'agent des formalités a établi deux documents, intitulés l'un "Révocation du brevet européen conformément à l'article 102(4) de la CBE" (formulaire 2332) et l'autre "Révocation du brevet européen conformément à l'article 102(5) de la CBE" (formulaire 2333). Sous la rubrique "Motifs de la décision", il était notamment indiqué dans le premier document que la taxe d'impression n'avait pas été acquittée, et dans le second, que les traductions n'avaient pas été produites. Il était en outre précisé, conformément à la règle 68(2) CBE, que la décision était susceptible de recours en application des articles 106, 107 et 108 CBE.
IV. Le 22 décembre 1987, la titulaire du brevet a présenté une requête en restitutio in integrum au titre de l'article 122 CBE.
Le 29 décembre 1987, elle a produit un acte de recours contre ce qu'elle considérait être une décision en date du 27 octobre 1987, et elle a acquitté la taxe prescrite.
V. Le 28 décembre 1987, l'agent des formalités a envoyé à la titulaire du brevet une deuxième notification établie conformément à la règle 58(5) de la CBE, libellée dans les mêmes termes que la première. Le 8 janvier 1988, de nouvelles notifications ont été adressées aux deux parties à la procédure d'opposition, les informant que la deuxième notification établie conformément à la règle 58(5) CBE leur avait été envoyée par erreur.
VI. Le 7 mars 1988, la titulaire du brevet (requérante) a produit un mémoire de recours dans lequel elle faisait valoir comme seul motif qu'il avait été proposé de modifier la règle 58 CBE et demandait que la révocation du brevet soit annulée en prévision de ce changement.
VII. Dans un avis provisoire daté du 6 décembre 1988, la Chambre a fait savoir que l'article 102, paragraphes 4 et 5 CBE devait être interprété comme prévoyant la révocation automatique du brevet dès l'expiration du délai en cause (en l'occurrence, le 25 septembre 1987), sans qu'il soit nécessaire pour cela de rendre une décision au sens de l'article 106(1) CBE. De ce fait, les documents datés du 27 octobre 1987 devaient être considérés non pas comme des décisions au sens de l'article 106(1) CBE, mais comme des notifications de la révocation du brevet, établies conformément à la règle 69 CBE , et par conséquent le recours devait être réputé nul et non avenu, et la requête en restitutio in integrum renvoyée pour décision à la division d'opposition.
La Chambre faisait par ailleurs observer à ce propos que dans le cas d'une révocation intervenue à la suite d'une décision, les dispositions de l'article 122 CBE risquaient d'être inapplicables.
La titulaire du brevet a réfuté ces arguments dans les observations qu'elle a présentées le 14 mars 1989.
(i) Elle a notamment contesté l'interprétation de l'article 102(4) et (5) CBE esquissée dans la notification, en faisant valoir essentiellement les raisons suivantes :
a) La notion de révocation automatique est nouvelle et n'a aucun fondement dans la CBE. Même dans le cas où l'on fait jouer la fiction juridique bien connue de la "demande réputée retirée", la demande n'est effectivement réputée retirée qu'à l'expiration du délai visé à la règle 69(2) CBE, et non pas à la date d'expiration du premier délai qui n'a pas été respecté. D'ailleurs, dans l'affaire J 22/86 (JO OEB 1987, 280), le recours avait bien été jugé recevable.
b) Une telle interprétation pourrait avoir des conséquences fâcheuses en ce sens que même dans le cas où ce serait à tort que l'OEB aurait constaté, par exemple, que la taxe d'impression n'a pas été acquittée, il n'y aurait pas de recours possible pour faire rectifier cette erreur. Le document daté du 27 octobre 1987 devait être considéré non comme une notification, mais tout au plus comme une décision au sens de la règle 69(2) CBE, et le recours devait donc être recevable.
c) L'article 102, paragraphes 4 et 5 CBE exige que l'OEB rende une décision de révocation pour que l'article 68 CBE puisse produire des effets. L'article 68 CBE confère à titre exceptionnel à l'OEB le pouvoir de faire échec aux droits découlant des brevets nationaux délivrés.
d) Il ressort des avant-projets et des documents de travail ayant conduit à la CBE que la révocation d'un brevet en vertu de l'article 102(4) et (5) CBE doit faire l'objet d'une décision : Les travaux préparatoires à la CBE montrent que la notion de révocation automatique est à exclure.
(ii) Par ailleurs, pour rationaliser la conduite de la procédure, la titulaire du brevet demandait d'abord l'examen par la division d'opposition de la requête en restitutio in integrum qu'elle avait présentée au titre de l'article 122 CBE, son recours devant être déclaré recevable, mais rester en instance en attendant que la division d'opposition statue au sujet de ladite requête, puisque celle-ci avait été présentée avant que n'ait été formé le recours.
Pour le cas où la requête présentée en vertu de l'article 122 CBE ne serait pas renvoyée devant la division d'opposition, la titulaire du brevet a demandé à titre subsidiaire qu'elle soit examinée par la Chambre et que celle-ci statue à ce sujet. Elle s'est référée à ce propos aux décisions T 13/82 (JO OEB 1983, 411), J 16/82 (JO OEB 1983, 262) et J 22/86 (JO OEB 1987, 280). La décision J 22/86 avait trait à un cas tout à fait comparable, à ceci près qu'il s'agissait d'une demande de brevet, et non d'un brevet.
La titulaire du brevet reconnaissait d'ailleurs à ce propos que, parmi les motifs qui l'avaient incitée à former son recours, figurait entre autres la crainte de voir s'appliquer les dispositions de l'article 122(6) CBE, qui prévoient que quiconque a de bonne foi commencé à exploiter l'invention ou fait des préparatifs pour l'exploiter à la suite de la perte d'un droit a le droit de poursuivre cette exploitation.
iii) Au cas où il ne serait pas fait droit à ces deux premières requêtes, la titulaire du brevet demandait à la Chambre de statuer en sa faveur, étant donné que la règle 58 CBE allait être modifiée, comme elle l'avait indiqué dans son mémoire de recours.
VIII. En réponse à une nouvelle notification, la titulaire du brevet a fait valoir de nouveaux arguments tendant à montrer que son recours était recevable et que rien ne lui interdisait de présenter parallèlement une requête en restitutio in integrum.
(...)
En conclusion, la titulaire du brevet avait résumé ses observations comme suit :
1. Vu les travaux préparatoires à la Convention, et notamment ceux relatifs à l'article 102 CBE, c'est à tort que la Chambre a suggéré que la révocation pour non-respect des délais de paiement de la taxe d'impression et de production de la traduction des revendications ne constitue pas une décision susceptible de recours.
2. La Chambre devrait interpréter l'auxiliaire à valeur d'impératif "shall be" (est révoqué) utilisé dans la version anglaise de l'article 102(4) et (5) CBE comme exigeant la prise d'une décision susceptible de recours.
3. Rien dans la Convention ne permet d'affirmer que la division d'opposition peut se borner à notifier aux parties que le brevet est réputé ne plus exister.
4. L'interprétation selon laquelle la révocation au titre de l'article 102(4) et (5) est simplement notifiée dans un avis non susceptible de recours est en contradiction avec les termes "decision" et "final decision" ("décision" -"adoption de la décision") utilisés dans les passages précités des Directives, ainsi qu'avec le formulaire OEB 2333 09.83.
5. L'interprétation selon laquelle la révocation au titre de l'article 102(4) et(5) CBE est simplement notifiée dans un avis non susceptible de recours est également en contradiction avec l'article 2 de la décision du Conseil d'administration en date du 8 décembre 1988.
IX. La titulaire du brevet a également demandé, au cas où la Chambre jugerait le recours irrecevable, que la question de la recevabilité soit soumise à la Grande Chambre de recours en application de l'article 112(1)a) CBE. Elle a fait valoir que pour être fidèle à la jurisprudence antérieure (point 11 des motifs de la décision J 5/81, publiée au JO OEB 1982, 155), la Chambre devrait soumettre cette question à la Grande Chambre de recours, puisque la Convention ne permet pas d'y répondre directement. ...
X. Ces problèmes ont été à nouveau examinés lors de la procédure orale du 7 juillet 1989 ; l'opposante, bien que dûment convoquée à cette procédure, n'a pas comparu. ...
Au cours de ladite procédure, la titulaire du brevet a remplacé les requêtes qu'elle avait précédemment formulées par de nouvelles requêtes, à savoir :
Requête principale
Il est demandé que le recours soit déclaré recevable et que le dossier soit renvoyé à la division d'opposition afin que celle-ci statue sur les questions en suspens.
1ère requête subsidiaire
Dans le cas où la Chambre aurait l'intention de déclarer le recours irrecevable, il lui est demandé de soumettre la question suivante à la Grande Chambre de recours :
"L'article 102(4) et (5) CBE prévoit-il que le brevet européen est révoqué par décision susceptible de recours au sens de l'article 106(1) CBE ?"
2ème requête subsidiaire
La Chambre est invitée à renvoyer le dossier devant la division d'opposition avant de se prononcer sur la recevabilité du recours.
3ème requête subsidiaire
Si la Chambre déclare le recours irrecevable, il lui est demandé de renvoyer le dossier devant la division d'opposition afin que celle-ci statue sur les questions en suspens."
A l'issue de la procédure orale, il a été annoncé que la Chambre ferait droit à la 3ème requête subsidiaire.
Motifs de la décision
1. La question qui se pose dans la présente espèce est celle de savoir si la requérante, qui admet ne pas avoir acquitté la taxe d'impression ni produit les traductions des revendications dans le délai de trois mois à compter de la date de signification de la notification l'invitant, conformément à la règle 58(5) CBE, à accomplir ces actes, peut remédier à cette omission, et si oui, de quelle manière : en formant un recours, en présentant une requête en restitutio in integrum ou en effectuant parallèlement ces deux démarches?
Pour répondre à cette question, il convient d'abord d'examiner l'interprétation qu'il convient de donner de l'article 102(4) et (5) CBE : en cas de non-respect des délais fixés, l'OEB doit-il rendre une décision ordonnant la révocation du brevet ou le brevet est-il automatiquement révoqué dès l'expiration de ces délais, sans que cette révocation fasse l'objet d'une décision ? Il est stipulé à l'article 106(1) CBE que les décisions rendues en première instance, par exemple celles des divisions d'opposition, "sont susceptibles de recours". Cette disposition a pour corollaire qu'il ne peut sinon être formé de recours. Par conséquent, si l'article 102(4) et (5) CBE signifie que la révocation d'un brevet doit obligatoirement faire l'objet d'une décision, il est possible de former un recours contre cette décision ; par contre, s'il n'est pas nécessaire de rendre une décision pour révoquer un brevet, il n'y a pas de recours possible.
La Chambre se propose d'examiner tout d'abord cette question d'interprétation dans un cas comme celui dont il est question ici, où il n'a pas été contesté que les délais prévus à l'article 102(4) et (5) CBE n'ont pas été respectés, puis d'analyser à part la situation juridique dans le cas où il est contesté que les délais n'ont pas été respectés.
2. Les dispositions pertinentes de l'article 102 CBE sont les suivantes :
"(4) Si la taxe d'impression d'un nouveau fascicule de brevet européen n'est pas acquittée dans les délais, le brevet est révoqué" (en allemand: "so wird das europäische Patent widerrufen" ; en anglais : "the patent shall be revoked").
"(5) ... Si la traduction n'est pas produite dans les délais, le brevet est révoqué".
Quelle que soit la version à laquelle on se réfère, il est clair que le brevet est obligatoirement révoqué lorsque les délais prévus ne sont pas respectés. Il est plus naturel d'interpréter les versions anglaise et française comme signifiant que le non- respect des délais entraîne automatiquement la révocation du brevet, sans qu'il soit nécessaire de rendre une décision à ce sujet (mais rien, dans la formulation employée, n'interdit expressément à l'OEB de rendre une décision ordonnant la révocation du brevet). Le texte allemand semble quant à lui impliquer qu'un acte officiel quelconque (une décision par exemple) est nécessaire pour que le brevet soit révoqué. Les trois textes font également foi (article 177(1) CBE).
Toutefois, comme cela a déjà été indiqué, la sanction prévue par la Convention en cas de non-respect des délais est obligatoirement la révocation du brevet. Dans ces conditions, il n'y a plus à statuer à ce sujet, et une décision serait à la fois superflue et vide de sens.
Il y a lieu à cet égard de comparer le texte des paragraphes 4 et 5 de l'article 102 CBE avec celui du premier paragraphe de ce même article qui prévoit dans des circonstances déterminées, définies dans ce paragraphe, que la division d'opposition, exerçant son pouvoir d'appréciation afin de déterminer si les motifs d'opposition font obstacle au maintien du brevet, rend une décision de révocation du brevet. Au contraire, dans les cas visés aux paragraphes 4 et 5, la division d'opposition n'a pas à faire usage de son pouvoir d'appréciation si la taxe d'impression requise n'a pas été acquittée et/ou si les traductions n'ont pas été produites.
L'interprétation selon laquelle il n'y a pas lieu de rendre une décision lorsqu'un brevet doit être révoqué en application de l'article 102(4) et (5) CBE est tout à fait en accord avec le texte de la règle 69(1) CBE, qui vise expressément les cas de "perte d'un droit, quel qu'il soit, (découlant) de la Convention sans qu'une décision ... de révocation ... du brevet ait été prise." Si telle n'était pas la véritable signification de l'article 102(4) et (5) CBE, et si la révocation d'un brevet au titre de l'article 102 nécessitait toujours la prise d'une décision, la règle 69(1) CBE n'aurait pas de raison d'être.
3. La Chambre juge bon d'ajouter également les remarques suivantes :
3.1. Si une décision au sens de l'article 106(1) CBE a été valablement rendue en première instance par l'OEB, son contenu est définitif et lie l'instance qui l'a rendue, quelle qu'elle soit. Ses effets sont immédiats, et par la suite, les parties à la procédure ne peuvent l'attaquer que par voie de recours en application de l'article 106 CBE ; s'il n'est pas formé de recours, l'instance qui a rendu la décision ne peut plus rien y changer, la modification ("annulation") d'une telle décision ne pouvant être obtenue que par la voie d'un recours (cf. à cet égard la décision T 222/85 "Irrecevabilité/PPG", JO OEB 1988, 128, point 3 des motifs). L'annulation sur recours d'une décision rendue en première instance ne peut intervenir que dans le cadre d'une révision préjudicielle en application des dispositions de l'article 109 CBE ou que par décision d'une chambre de recours.
Si la révocation du brevet intervenait par voie de décision, le titulaire du brevet aurait le droit, en vertu de l'article 106(1) CBE, de former un recours à l'encontre de cette décision. Etant donné toutefois que, comme la Chambre l'a expliqué plus haut, le brevet est obligatoirement révoqué en cas de non-observation des délais, ce recours n'aurait aucun sens, car il serait nécessairement voué à l'échec : la non-observation des délais est un fait auquel on ne peut rien changer et qui a automatiquement pour conséquence la révocation du brevet.
Une décision de révocation n'aurait donc en elle-même aucun sens ; qui plus est, elle risquerait de donner lieu à un recours absurde dans lequel aussi bien les parties concernées que l'OEB perdraient leur temps et leur argent.
3.2. Comme indiqué ci-dessus sous le point a), si une décision est rendue, elle produit effet dès qu'elle a été rendue, mais il va de soi qu'elle ne peut produire d'effet avant d'avoir été rendue. Dans ces conditions, s'il fallait considérer que l'article 102(4) et (5) CBE prévoit que la révocation d'un brevet doit faire l'objet d'une décision, il en résulterait une insécurité juridique, car une fois les délais fixés venus à expiration, l'on ne connaîtrait pas avec précision la date de la révocation du brevet par décision de l'OEB.
En revanche, si l'on considère qu'une décision n'est pas nécessaire, le brevet est automatiquement révoqué par le jeu des dispositions de la Convention, dès l'expiration du délai concerné ; ainsi (contrairement à ce que prétend la titulaire du brevet) il n'y a plus d'incertitude juridique en ce qui concerne la date de révocation du brevet aux fins de l'article 68 CBE. La Chambre renvoie à cet égard aux décisions J 4/86 (JO OEB 1988, 119) et J 12/87 (JO OEB 1989, 366), qui font référence à trois articles de la CBE de rédaction similaire, à savoir les articles 90(3), 91(4) et 94(3) CBE ; la Chambre avait estimé dans chacune de ces affaires que la perte des droits afférents à une demande de brevet intervient dès que le délai normal prévu par la CBE est venu à expiration.
3.3. Si la révocation du brevet doit faire l'objet d'une décision (susceptible de recours), cette décision peut également créer une situation confuse dans le cas où le titulaire du brevet souhaite faire valoir que, bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, il n'a pas été en mesure d'observer les délais qui lui avaient été impartis ; en effet, il peut hésiter sur le remède qu'il doit choisir : doit-il former un recours pour ce motif, ou doit-il présenter une requête au sens de l'article 122 CBE, et, dans ce cas, la requête doit-elle être présentée parallèlement au recours ou indépendamment ?
Il se pourrait en effet à cet égard, comme cela a été signalé dans la notification du 6 décembre 1988, que la prise d'une décision de révocation interdise l'octroi de la restitutio in integrum par le jeu de l'article 122 CBE.
3.4. Dans la décision J 22/86 "Désaccord/Medical Biological" (JO OEB 1987, 280), la chambre de recours juridique a donné une interprétation des paragraphes 3 et 5 de l'article 97 CBE, de formulation analogue. L'article 97(3) CBE dispose que "si les taxes de délivrance du brevet et d'impression du fascicule du brevet n'ont pas été acquittées dans les délais, la demande est réputée retirée", et l'article 97(5) "si la traduction n'est pas produite dans les délais, la demande est réputée retirée". La chambre de recours juridique a examiné ces dispositions aux points 8 et 9 des motifs de sa décision et a conclu au point 9 que dès l'expiration du délai imparti pour le paiement de la taxe d'impression et pour la production des traductions, la perte des droits est automatique, la demande étant d'office "réputée retirée".
Bien que la décision J 22/86 soit antérieure à la modification de la règle 51 CBE (concernant l'application de l'article 97(2)) qui a pris effet le 1er septembre 1987, elle n'en demeure pas moins pertinente pour la présente espèce.
3.5. La Chambre est d'avis que les dispositions de la CBE de formulation analogue régissant des situations comparables doivent être interprétées de manière uniforme. Les articles 90(3) et 91(4)CBE prévoient que la demande est automatiquement réputée retirée, lorsque la taxe de dépôt, la taxe de recherche ou les taxes de désignation ne sont pas acquittées dans les délais.
En vertu de l'article 97(3) et (5) CBE, une demande sur le point d'aboutir à la délivrance d'un brevet est automatiquement réputée retirée si, à l'expiration des délais prescrits, les taxes d'impression et de délivrance n'ont pas été acquittées ou si les traductions des revendications n'ont pas été produites. Il est clair que les paragraphes 4 et 5 de l'article 102 CBE doivent être interprétés de la même manière ; en effet, dans chacune des situations visées, il n'est pas nécessaire que l'OEB fasse usage de son pouvoir d'appréciation pour déterminer si une perte de droits doit ou non intervenir : l'inobservation des délais fixés pour le paiement des taxes en cause et/ou pour la production des traductions entraîne obligatoirement la perte des droits.
La mise en oeuvre dans les articles 90, 91 et 97 CBE de la fiction juridique de la "demande réputée retirée" se justifie dans la mesure où il est question dans ces dispositions de la Convention non pas de brevets déjà délivrés, mais de demandes de brevet. Lorsque les délais fixés pour le paiement d'une taxe ou pour la production des traductions ne sont pas respectés, l'OEB, plutôt que de rejeter la demande de brevet, la traite comme si elle avait été retirée par son auteur.
Le fait que les dispositions de l'article 102(4) et (5) CBE s'appliquent aux brevets déjà délivrés, et non pas aux demandes de brevet, ne change rien sinon du point de vue juridique. Dans les deux cas, la perte des droits intervient dès que les délais fixés n'ont pas été respectés. Il est vrai bien entendu qu'après la délivrance, en vertu des articles 2(2) et 64(1) CBE, les brevets européens sont régis d'une manière générale par les législations nationales, les procédures d'opposition faisant exception à cet égard. Il convient néanmoins d'interpréter la CBE de telle sorte qu'il n'y ait pas de contradiction entre les différentes procédures se déroulant devant l'OEB, s'il n'y a pas par ailleurs de contradiction entre les situations.
3.6. Après avoir soigneusement examiné les avant-projets et les documents de travail qui sont à l'origine de l'article 102(4) et (5) CBE, la Chambre estime que rien dans la genèse de ces dispositions n'interdit de les interpréter comme prévoyant la révocation automatique et immédiate du brevet dès que les délais fixés ne sont pas respectés. Les avant-projets et documents de travail en question ne permettent pas de tirer de conclusions à cet égard.
De surcroît, la Chambre est d'avis que lorsqu'il s'agit de savoir de quelle manière la Convention doit être interprétée, il ne faut pas surestimer l'importance des avant-projets et des documents de travail qui ont conduit à la Convention.
La Convention de Vienne sur le droit des traités (JO OEB 1984, 192), qui vise à codifier les pratiques admises universellement dans le monde pour l'interprétation des traités internationaux, donne à l'article 31(1) la règle générale d'interprétation suivante : "Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but" (c'est la Chambre qui souligne). Parmi les moyens "complémentaires" d'interprétation auxquels il peut être fait appel soit pour confirmer l'interprétation ainsi obtenue, soit pour dégager le sens lorsque l'application de la règle générale d'interprétation est source d'ambiguité ou d'obscurité, ou conduit à un résultat déraisonnable ou absurde, l'article 32 de cette Convention cite, entre autres, les travaux préparatoires.
Une telle approche est manifestement l'expression du bon sens, puisque c'est le texte d'un traité qui constitue la principale source du droit et qui indique aussi bien aux juristes qu'au public ce qu'est le droit. Les documents de travail ne sont pas accessibles au grand public. Lorsque l'on peut raisonnablement donner du texte même de la Convention une interprétation claire et juste, d'application aisée dans la pratique et en accord avec l'objet de la Convention et avec le but qu'elle poursuit, il n'est pas nécessaire normalement de se référer aux documents de travail. En tout état de cause, il faut bien être conscient du fait que certains passages des documents de travail ayant conduit à un traité peuvent parfois induire en erreur lorsqu'il s'agit de dégager l'interprétation correcte du texte définitif d'un traité.
Il convient également de signaler à ce propos que dans ses arrêts, la Cour européenne de Justice fait très rarement référence aux documents de travail qui ont conduit aux différents traités et conventions qu'elle doit interpréter.
Dans les arrêts de la Cour européenne de Justice, les traités tels que le Traité de Rome sont normalement interprétés à la lumière de leur objet et de leur but, conformément à la règle précitée, universellement admise dans le monde. La Chambre estime que c'est là la méthode qu'il convient normalement de suivre pour interpréter la CBE, notamment dans un cas tel que celui dont il est question ici, où, ainsi qu'elle l'a déjà signalé ci-dessus au point 2, il existe des différences mineures, de l'ordre de la nuance, entre les trois versions de la Convention.
3.7. Coupées de leur contexte, les dispositions de l'article 102(4) et (5) CBE peuvent signifier soit que l'OEB est tenu de rendre une décision lorsqu'il révoque un brevet, soit que la révocation est automatique et immédiate ; mais, de l'avis de la Chambre, si on les interprète correctement en les replaçant dans le contexte de la CBE, comme indiqué ci-dessus, elles signifient qu'une décision de révocation n'est pas nécessaire. Eu égard à la règle générale d'interprétation énoncée dans la Convention de Vienne, la Chambre est d'avis que l'intention véritable des auteurs de la CBE n'était pas d'obliger l'OEB à prendre une décision vide de sens (cf. point 2), qui serait source d'insécurité juridique (cf. point 3.2) et pourrait prêter à confusion (cf. point 3.3). Dans ces conditions, il n'est réellement pas nécessaire de se référer aux documents de travail qui ont conduit à la CBE.
3.8. Comme indiqué ci-dessus sous VIIb), la titulaire du brevet a prétendu que si la révocation du brevet ne fait pas l'objet d'une décision, il ne serait pas possible dans le cas où l'OEB aurait constaté à tort que les délais de paiement des taxes prescrites ou de production des traductions n'ont pas été respectés de contester ces constatations par la voie d'un recours. De telles allégations témoignent d'une mauvaise compréhension des effets produits par la règle 69 CBE.
Comme la Chambre l'a déjà rappelé, la titulaire du brevet a reconnu en l'occurrence ne pas avoir respecté en fait les délais qui lui avaient été impartis. Toutefois, dans le cas où un titulaire de brevet reçoit une notification de l'OEB au titre de la règle 69(1) CBE, l'informant qu'il n'a pas acquitté la taxe d'impression dans le délai fixé à l'article 102(4) CBE ni produit de traductions dans le délai fixé à l'article 102(5), et que de ce fait son brevet a été révoqué dès l'expiration de ces délais, s'il veut contester les conclusions de l'OEB parce qu'il estime qu'elles ne sont pas fondées, il peut, comme le prévoit la règle 69(2) CBE, requérir une décision en l'espèce de l'Office européen des brevets. Le titulaire du brevet peut en effet souhaiter faire valoir en pareil cas qu'il a bel et bien payé la taxe d'impression et/ou produit les traductions et fournir des preuves à l'appui de ses allégations. La division d'opposition doit alors uniquement statuer sur les faits, et déterminer si la taxe a été acquittée ou non ou si les traductions ont été produites ou non. Ceci peut parfois l'amener à apprécier si le demandeur a acquitté ou non dans les délais un montant suffisant ou produit ou non des traductions acceptables. Une fois que la division d'opposition a statué sur ces faits, il est naturellement possible de former un recours à l'encontre de cette décision, en application de l'article 106(1) CBE. Il convient toutefois de souligner que la décision de la division d'opposition (de même que toute décision rendue ultérieurement à la suite d'un recours) ne porte que sur la question de fait exposée ci-dessus : suivant la décision qui aura été rendue à ce propos, la révocation pourra intervenir automatiquement le cas échéant.
Ladite question de fait peut ainsi être examinée par deux instances, comme c'est normalement la règle.
3.9. Comme indiqué supra sous les points VII(ii) et X, l'insistance avec laquelle la titulaire du brevet demande à la Chambre de considérer que les documents datés du 27 octobre 1987 constituaient une décision susceptible de recours s'explique en réalité par son désir d'éviter que l'OEB ne constate qu'il y a eu effectivement perte des droits afférents au brevet européen,
et d'empêcher ainsi qu'un tiers ne puisse revendiquer le droit de poursuivre l'exploitation de l'invention, comme le prévoit l'article 122(6) CBE. Autrement dit, la titulaire du brevet souhaite obtenir satisfaction par la voie d'un recours plutôt que par la voie d'un rétablissement dans les droits qu'elle a perdus. Or, la Chambre ne sait pas si un tiers a exercé de telles activités, et de toute façon, elle n'a pas à tenir compte de cette éventualité dans sa décision.
Une chose demeure néanmoins, il n'est pas contesté que la titulaire du brevet n'a pas acquitté la taxe d'impression ni produit les traductions dans les délais prévus. Dans la requête qu'elle a présentée à part au titre de l'article 122 CBE, elle a prétendu que, bien qu'ayant fait preuve de toute la diligence nécessitée par les circonstances, elle n'avait pas été en mesure de respecter ces délais.
De l'avis de la Chambre, lorsque le titulaire d'un brevet ne respecte pas les délais fixés à l'article 102(4) et (5) CBE, il n'y a que deux solutions : le brevet peut être révoqué, c'est obligatoire, et il le reste ; ou bien il peut être révoqué dans un premier temps, quitte à ce que le titulaire du brevet soit par la suite rétabli dans ses droits si les conditions requises par l'article 122 CBE sont remplies. (La nouvelle règle 58 CBE offre une possibilité supplémentaire : le brevet peut être révoqué dans un premier temps, puis rétabli moyennant paiement d'une surtaxe - cf. ci-dessous point 8).
Aux termes de l'article 122(6) CBE, si, à la suite du non respect par le titulaire du brevet des délais prévus, un tiers a, de bonne foi, au cours de la période comprise entre la perte des droits et le rétablissement desdits droits, commencé à exploiter ou a fait des préparatifs effectifs et sérieux pour exploiter l'invention qui fait l'objet d'un brevet européen, ce tiers peut, à titre gratuit, poursuivre cette exploitation dans son entreprise ou pour les besoins de son entreprise. Donc, de l'avis de la Chambre, l'intention qui se profile derrière l'article 122(6) CBE, c'est de conférer une protection appropriée à toute personne qui, à la suite de la non-observation de délais par le titulaire du brevet, a été amenée à croire que celui-ci avait "définitivement" perdu ses droits. En d'autre termes, dans le cas prévu à l'article 122(6) CBE, la CBE vise à assurer une protection adéquate à la personne en question.
Ce serait donc aller à l'encontre du but visé par la CBE que de permettre à un titulaire de brevet qui n'a en fait pas respecté les délais prévus à l'article 102(4) et (5) CBE d'empêcher la protection des personnes se trouvant dans la situation visée à l'article 122(6) CBE, sous prétexte qu'il n'y a pas en réalité perte des droits afférents au brevet tant qu'il n'a pas été rendu de décision de révocation, et, dans le cas où la décision de révocation fait l'objet d'un recours, tant que le recours n'a pas été rejeté.
4. Pour les raisons précitées, la Chambre est d'avis que, interprété correctement, l'article 102(4) et (5) CBE signifie que lorsque les délais prévus à l'article 102(3) et à la règle 58(5) CBE ne sont pas respectés, le brevet est automatiquement révoqué dès l'expiration desdits délais (à moins qu'il ne soit présenté une requête au sens de l'article 122 CBE).
Si l'on retient cette interprétation, il n'est pas nécessaire d'examiner si la prise d'une décision de révocation exclut l'octroi de la restitutio in integrum au titre de l'article 122 CBE.
5. Il convient de noter que cette interprétation de la Chambre est dans la logique du "Communiqué du Vice-Président de la direction générale 2, en date du 15 juin 1984, visant à confier aux agents des formalités certaines tâches incombant normalement aux divisions d'opposition de l'OEB" (JO OEB 1984, 319). Aux points 10 et 11 de ce communiqué, il est indiqué que les agents des formalités peuvent être chargés de la tâche suivante :
"révocation du brevet européen, conformément à l'article 102, paragraphes 4 et 5 de la CBE",
tâche qui n'est donc pas décrite comme consistant à rendre une décision de révocation du brevet, alors qu'au point 8, par exemple, il est prévu expressément que les agents des formalités peuvent se voir confier " la décision portant maintien du brevet européen tel qu'il a été modifié, conformément à l'article 102, paragraphe 3 de la CBE". De même, les points 6, 12, 19, 20 et 21 de ce communiqué font référence à la tâche qui consiste à rendre une décision.
6. Comme indiqué plus haut, la titulaire du brevet, pour montrer qu'il faut une décision pour révoquer un brevet, a fait valoir les Directives, notamment les passages suivants :
Partie D, chapitre VIII intitulé "Décisions de la division d'opposition", point 1 "Décisions finales relatives à une opposition recevable", et plus particulièrement :
le point 1.2.2, où il est précisé que si la taxe d'impression n'est pas acquittée ou si la traduction n'est pas produite dans le délai de trois mois prévu par la règle 58(5) CBE, "le brevet européen est révoqué".
Le point 1.2.4, aux termes duquel "dans les cas visés aux points VIII, 1.2.2 ..., la révocation du brevet européen doit également être prononcée lorsqu'un acte non accompli dans les délais l'a été entre l'expiration du délai imparti et l'adoption de la décision, à moins qu'une requête en restitutio in integrum n'ait été présentée. Dans ce cas, il convient de prendre en premier lieu une décision sur cette requête."
Il ressort semble-t-il du point 1.2.4 que le brevet est obligatoirement révoqué en cas de non-respect des délais. Toutefois, la Chambre ne parvient pas à comprendre le raisonnement suivi dans la dernière phrase du point 1.2.4, où il est dit que la décision de révocation n'est prise qu'après qu'il a été statué sur la requête en restitutio in integrum. Pour la Chambre, il semble illogique de statuer sur une requête en restitutio in integrum si le titulaire du brevet n'a pas déjà été déchu de ses droits, et si les droits afférents au brevet sont déjà perdus, il n'est nullement nécessaire de rendre une décision de révocation du brevet, ainsi que la Chambre l'a expliqué.
En tout état de cause, la Chambre considère pour les raisons indiquées plus haut que les passages précités des Directives sont erronés dans la mesure où ils prévoient que la révocation du brevet doit être prononcée par voie de décision en cas de non- respect des délais prévus par la règle 58(5) CBE.
7. La Chambre rappelle que d'autres chambres de recours ont eu à connaître de décisions prises par la division d'opposition au motif que le titulaire du brevet n'avait pas respecté les délais prévus au paragraphe 4 ou au paragraphe 5 de l'article 102 de la CBE:
7.1. C'est ainsi que dans l'affaire T 387/88 (décision du 28 novembre 1988), l'agent des formalités de la division d'opposition, dans un document se présentant comme une décision, avait constaté que la taxe d'impression n'avait pas été acquittée dans les délais et prononcé en conséquence la révocation du brevet. Le titulaire du brevet avait formé un recours en citant une lettre plus ancienne qui tendait à prouver que la taxe d'impression avait bel et bien été acquittée dans les délais. La chambre de recours avait jugé le recours recevable et, sur la base de cette preuve, avait annulé la décision de la division d'opposition.
De l'avis de la Chambre, il est préférable en pareil cas de suivre la procédure décrite ci-dessus au point 3.8. Ainsi, si la division d'opposition (au lieu de rendre une décision) avait, par une notification établie conformément à la règle 69(1) CBE, fait savoir que le brevet était révoqué en application des dispositions de l'article 102(4) CBE parce que la taxe d'impression n'avait pas été acquittée, la titulaire du brevet aurait pu apporter la preuve que la taxe d'impression avait bien été payée, et requérir une décision en l'espèce au sens de la règle 69(2) CBE. Il est probable qu'à la réception de cette preuve, la division d'opposition aurait reconnu que la taxe avait effectivement été payée et qu'elle en aurait avisé le titulaire du brevet, comme cela est stipulé à la dernière phrase de la règle 69(2) CBE. Ceci aurait permis d'éviter décision et recours, et la procédure aurait été beaucoup plus simple pour toutes les parties concernées.
Si la division d'opposition n'avait pas accepté la preuve fournie par la titulaire du brevet ou si, pour une raison quelconque, elle n'avait pas partagé son point de vue, elle aurait rendu une décision susceptible de recours, ce qui aurait permis l'examen par deux instances de la question de fait.
7.2. Dans la décision T 35/88, en date du 9 décembre 1988, les faits étaient similaires, à ceci près que, dans un document se présentant comme une décision, l'agent des formalités de la division d'opposition avait prétendu qu'il n'avait pas été produit de traduction et avait pour cette raison révoqué le brevet. Là encore, un recours avait été formé, et il avait été prouvé que les traductions avaient été produites. La décision de révocation du brevet avait été annulée par la chambre de recours.
Cette affaire appelle les mêmes commentaires que la précédente.
7.3. La question de savoir si les dispositions de l'article 102(4) et (5) CBE exigent que la révocation d'un brevet fasse l'objet d'une décision ne semble avoir été abordée ni dans la décision T 387/88 ni dans la décision T 35/88, et c'est pourquoi, dans ces décisions, l'exposé des motifs est muet sur ce point.
7.4. Dans l'affaire T 14/89 (décision en date du 12 juin 1989, publiée au JO 1990, 432), la titulaire du brevet n'avait pas produit de traductions dans les délais prévus. La division d'opposition, dans un document se présentant comme une décision, avait fait savoir que du fait de cette omission, le brevet était révoqué , et signalé à la titulaire qu'elle avait la possibilité de former un recours en application de l'article 106 CBE.
La titulaire du brevet avait donc formé un recours, et les motifs qu'elle avait fait valoir auraient également pu être invoqués à l'appui d'une requête au titre de l'article 122 CBE. Néanmoins elle n'avait pas acquitté de taxe de restitutio in integrum ni prouvé les faits qu'elle avait invoqués pour justifier la présentation de sa requête en restitutio in integrum.
Pour la Chambre, cette affaire est un exemple typique d'un cas dans lequel la prise d'une décision de révocation a placé le titulaire du brevet devant un dilemme, celui-ci ne sachant pas s'il doit attaquer cette décision par voie de recours, ou présenter une requête en restitutio in integrum. Dans ladite décision T 14/89, la chambre de recours avait considéré semble-t-il que la titulaire devait accomplir les deux démarches ; elle était parvenue par ailleurs à tourner la difficulté que constituait pour le titulaire du brevet le fait de ne pas avoir satisfait aux conditions de forme requises à l'article 122 CBE. La Chambre estime dans la présente affaire qu'il ne convient pas d'exiger de la titulaire du brevet qu'elle engage deux procédures distinctes en vue de bénéficier d'un seul remède.
Dans la décision T 14/89, la chambre de recours ne paraît pas s'être demandée si l'article 102(4) et (5) prévoit que la révocation d'un brevet doit faire l'objet d'une décision, et ce problème n'est donc pas abordé dans l'exposé des motifs.
7.5. La Chambre a exposé plus haut pour quelles raisons elle a été amenée dans la présente espèce à s'écarter de l'interprétation qui avait été donnée de l'article 102(4) et (5) CBE dans les affaires précitées.
8. L'interprétation donnée de l'article 102(4) et (5) CBE au point 4 ci-dessus est en accord avec le texte modifié de la règle 58 CBE, adopté le 8 décembre 1988 par décision du Conseil d'administration, avec effet à compter du 1er avril 1989. Dans le nouveau paragraphe inséré dans cette règle, il est stipulé que si les actes requis (paiement de la taxe d'impression et production d'une traduction) ne sont pas accomplis dans les délais, "ils peuvent l'être encore valablement dans un délai de deux mois à compter de la signification d'une notification signalant que le délai prévu n'a pas été observé" - à condition qu'une surtaxe soit acquittée dans ce délai de deux mois.
Selon l'interprétation que la Chambre a donnée de l'article 102(4) et (5) CBE, l'inobservation du délai normal de trois mois prévu par la règle 58(5) CBE a automatiquement pour conséquence la révocation immédiate du brevet. Aux termes du nouveau paragraphe 6 de la règle 58 CBE, les actes en question sont réputés "valablement accomplis" s'ils sont accomplis dans le délai supplémentaire de deux mois qui a été fixé, et si une surtaxe est acquittée dans ce délai ; le titulaire du brevet est alors rétabli dans ses droits de la même manière que lorsque c'est l'article 122 CBE qui s'applique, mais la procédure est plus simple.
9. Il découle de ce qui précède que, dans la présente espèce, le brevet européen a été révoqué automatiquement le 25 septembre 1987 par le jeu de l'article 102(4) et (5) CBE, et qu'il n'était pas nécessaire passé cette date de rendre une décision de révocation.
Comme indiqué plus haut sous le point III, le 27 octobre 1987, l'agent des formalités a émis deux documents, établis l'un conformément au paragraphe 4, l'autre conformément au paragraphe 5 de l'article 102 CBE. Chacun de ces documents comportant notamment une rubrique intitulée "Motifs de la décision", et précisant, sous le titre "Indication des voies de recours", que "la décision est susceptible de recours", il ne fait pas de doute que, de par leur forme, ils se présentaient l'un et l'autre comme des décisions au sens de l'article 106(1) CBE. Néanmoins, ainsi qu'il a été constaté dans la décision J 08/81 (JO OEB 1982, 10), dans le cas d'un document établi par l'OEB, "c'est le contenu et non pas la forme qui permet de déterminer s'il s'agit d'une décision ou d'une notification". De plus, pour déterminer ce qui constitue le contenu d'un document, il convient de replacer celui-ci dans son contexte.
Il a déjà été indiqué que les documents datés du 27 octobre 1987 ont été établis alors que (selon l'interprétation donnée par la Chambre de l'article 102(4) et (5) CBE), le brevet avait déjà été automatiquement révoqué, le 25 septembre 1987. Dans ces conditions, le contenu de ces documents ne doit pas être interprété comme constituant une décision de révocation au sens de l'article 106(1) CBE. Selon la Chambre, si l'on veut interpréter correctement les documents en question, il convient de les considérer comme des notifications de la révocation qui était déjà intervenue.
10. Si l'on retient cette interprétation des documents établis le 27 octobre 1987, le présent recours est dénué de fondement, puisque la révocation du brevet n'a pas fait l'objet d'une décision susceptible de recours au sens de l'article 106(1) CBE. Néanmoins, la Chambre peut d'elle-même décider d'examiner les questions soulevées dans la requête qui lui a été présentée par le biais de ce qui se voulait un recours.
11. La Chambre observe à cet égard que vu la façon dont était rédigé le document du 27 octobre 1987, et vu notamment l'indication des voies de recours qui y figurait, il n'est pas surprenant que la titulaire du brevet l'ait interprété comme une décision au sens de l'article 106(1) CBE. La Chambre considère dans ces conditions que ce document n'a pas été rédigé comme il aurait convenu. C'est une notification en bonne et due forme qui aurait dû être envoyée, comme le prévoit la règle 69(1) CBE.
Néanmoins, quelle que soit la situation en l'occurrence, il n'y a pas lieu pour la Chambre de conclure de ce qui a été présenté comme un recours par la titulaire du brevet que celle-ci a requis un décision en l'espèce au sens de la règle 69(2) CBE, et qu'une décision doit être rendue en conséquence, comme le demande la titulaire du brevet. Si l'on se réfère à ce qui a été indiqué plus haut au point 3.8, il aurait été absurde que la titulaire du brevet conteste l'exactitude des conclusions de l'OEB au sujet de l'inobservation des délais, puisqu'elle reconnaît elle-même ne pas les avoir respectés.
12. Reste à examiner le problème soulevé par la titulaire du brevet dans son mémoire de recours du 4 mars 1988 - à savoir celui des effets produits par la modification de la règle 58 CBE, à laquelle la titulaire avait fait allusion dans son mémoire, mais qui n'était pas encore devenue définitive à cette date. En effet, comme la Chambre l'a déjà fait observer, la décision portant modification de la règle 58 CBE n'est entrée en vigueur qu'à compter du 1er avril 1989 (cf. supra, point 8).
La Chambre est d'avis que dans le système de "procédure de recours" institué dans la sixième partie de la CBE, la procédure de recours vise essentiellement à permettre l'examen de la validité quant au fond des décisions rendues en première instance (cf. en particulier à ce propos l'article 106(1) CBE). Normalement, les chambres de recours n'ont pas à examiner les questions qui ont été soulevées pour la première fois pendant la procédure de recours, ni à statuer à leur sujet. Le principe qui veut que les décisions soient prises par deux instances a été rappelé dans de nombreuses décisions antérieures des chambres de recours.
Dans la présente espèce, le seul "motif" invoqué par la titulaire du brevet dans son mémoire était que le recours devait être déclaré recevable en prévision des modifications qui allaient être apportées à la règle 58 CBE. La Chambre considère que ce point de vue était à l'époque juridiquement indéfendable dans la mesure où une décision, que ce soit en première ou en seconde instance, ne peut s'appuyer que sur des motifs fondés sur les dispositions en vigueur à la date à laquelle elle est rendue. Par conséquent, il n'existait pas de véritable motif de recours à la date à laquelle le mémoire a été produit, et, pour cette raison, le mémoire aurait pu être jugé irrecevable.
Toutefois, la décision portant modification de la règle 58 CBE, et avec elle une disposition transitoire énoncée à l'article 2 de la décision du Conseil d'administration, est en fait entrée en vigueur avant que ne se tienne la procédure orale dans la présente espèce, et donc antérieurement à la date à laquelle la Chambre rend la présente décision. La Chambre estime donc que la titulaire du brevet est en droit d'attendre de l'OEB qu'il décide si la règle 58 CBE telle que modifiée est applicable de plein droit dans la présente espèce.
La Chambre, renvoyant à ce qu'elle a exposé au point 8, considère que la requête en décision que la titulaire du brevet a présentée au sujet de l'applicabilité de la règle 58 CBE modifiée ne peut être considérée comme une requête en décision présentée conformément à la règle 69(2) pour contester comme non fondées les conclusions tirées par l'OEB.
Par conséquent, le délai de deux mois prévu par la règle 69(2) CBE n'est pas applicable en l'occurrence.
La Chambre considère dans ces conditions qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire devant la première instance afin qu'elle décide si les dispositions de la règle 58 CBE modifiée sont applicables dans la présente espèce.
13. C'est à "l'instance compétente pour statuer sur l'acte non accompli" (article 122(4) CBE), en l'occurrence, à l'agent des formalités de la division d'opposition, qu'il incombe de statuer sur la requête en restitutio in integrum présentée le 22 décembre 1987 au titre de l'article 122 CBE, ce qui est d'ailleurs dans la logique des considérations développées au point 12 ci-dessus au sujet du principe selon lequel les décisions doivent être rendues par deux instances.
Les deux décisions T 13/82 et J 16/85, que la titulaire du brevet a fait valoir lorsqu'elle a demandé que la Chambre statue elle- même sur la requête en restitutio in integrum (cf. point VII (ii) ci-dessus), concernaient des affaires dans lesquelles c'était au cours de la procédure de recours qu'un acte n'avait pas été accompli : en pareil cas, "l'instance compétente pour statuer sur l'acte non accompli", visée à l'article 122(4) CBE, est la chambre de recours, qui est donc compétente pour statuer sur la requête en restitutio in integrum. Dans ces cas, exceptionnellement, la décision ne peut être rendue par deux instances.
La titulaire du brevet a également invoqué à ce propos la décision J 22/86. Toutefois, dans cette affaire, la situation était tout à fait différente de celle dont il est question ici, ce qui explique que la chambre de recours ait pu dans ce cas exercer à titre exceptionnel les compétences de la division d'examen et statuer sur la requête en restitutio in integrum.
14. Comme il n'existe pas dans le cas présent de décision susceptible de recours, la Chambre estime que le recours doit être considéré comme non avenu. La taxe de recours doit par conséquent être remboursée.
Le recours étant considéré comme non avenu, il est évidemment irrecevable.
15. Enfin, la Chambre rejette la requête présentée par la titulaire du brevet en vue d'obtenir que la Grande Chambre de recours soit saisie d'une question de droit. Les dispositions de la règle 58 CBE modifiée étant désormais en vigueur, il est probable que le problème abordé dans la présente décision ne se posera que très rarement à l'avenir, et la Chambre estime donc que la question posée n'est pas importante au point de justifier une saisine de la Grande Chambre de recours.
Les arguments de la titulaire du brevet, rappelés ci-dessus au point IX, reposent sur une fausse idée des conséquences juridiques de la décision J 5/81. La question de la saisine de la Grande Chambre de recours doit être examinée et tranchée par la Chambre eu égard aux dispositions de l'article 112(1)a) CBE. La Chambre a déjà expliqué plus haut pour quels motifs elle rejette cette requête de la titulaire du brevet.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requête visant à soumettre une question de droit à la Grande Chambre de recours est rejetée.
2. L'affaire est renvoyée devant la division d'opposition afin qu'elle statue sur les points encore en suspens, en répondant aux questions suivantes :
(i) la règle 58 CBE modifiée par décision du Conseil d'administration avec effet à compter du 1er avril 1988 est-elle applicable en l'occurrence ;
(ii) peut-il être fait droit à la requête en restitutio in integrum présentée le 22 décembre 1987 conformément à l'article 122 CBE.
3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.