Thomas Feuerstein
THESAURUS donne à voir une étagère de livres avec, essentiellement, des éditions anciennes d’encyclopédies. Thomas Feuerstein (*1968 Innsbruck, AT) fait ainsi directement référence au titre, qui vient du grec ancien, thesaurós, et signifie „trésor“ à la fois au sens de choses précieuses et du coffre ou de la construction où celles-ci sont conservées. Le terme français descend du latin thesaurus. Le terme thésaurus, dans le langage scientifique, renvoie à une structure spécifique destinée à s’approprier le savoir, dans laquelle chaque terme est caractérisé par une série de concepts, synonymes ou descripteurs, censés restituer de façon aussi précise que possible un domaine de connaissances. Feuerstein montre dans ce travail d’une grande acuité, composé de plusieurs photos individuelles, les dos de volumes d’encyclopédies qui, de A à Z, traitent de thèmes très divers, depuis algorithme, âme, ange gardien et art, curiosité, cybernétique, destin et hasard, en passant par neurosciences, obsession, occultisme, jusqu’à serveur, temps et zombie. En plusieurs endroits, l’image est manifestement paradoxale: le dos du volume a l’aspect d’une édition du XIXème siècle mais le thème est contemporain – comme par exemple lorsque le dos d’un volume porte le titre Server. Il revient au spectateur de décrypter, au gré de sa fantaisie et de sa culture, le principe qui préside au choix des concepts que l’artiste a égrénés dans l’ordre alphabétique: dans ces termes centrés sur la condition humaine, il peut se reconnaître lui-même et ses propres interrogations.
Le terme DAIMON, du grec ancien, est la racine du terme français démon. Le titre choisi par Thomas Feuerstein renvoie donc à l’étymologie et à l’évolution des langues. On retrouve le même maniement de la référence dans son travail photographique THESAURUS. Dans ces œuvres, Feuerstein s’intéresse au terme Daemon courant dans le langage informatique. On appelle daemons des opérations numériques ayant en définitive pour fonction de systématiser l’information, alors que l’utilisateur, lui, n’a aucun contrôle sur la manière dont ses opérations se déroulent. Ce sont ces puissances discrètes et obscures, ces démons de l’ère du numérique, qui intéressent l’artiste dans ses œuvres intitulées Daimon. Sur l’image que possède l’OEB, on aperçoit au total 760 boutons de réglage, qui, il est vrai, font davantage penser aux vis de réglage des appareils électroménagers d’antan qu’à la haute technologie numérique. C’est une vision ornementale et quasi anachronique que Feuerstein propose du numérique, ou, plus précisément, du rapport entre l’homme et la technique.
DAIMON, 2007/ 2020
C-Print
122 x 230 cm
© VG Bild-Kunst, Bonn; courtesy of Galerie Elisabeth & Klaus Thoman, Innsbruck