Des moustiques pour combattre la dengue : L'entrepreneur scientifique britannique, Luke Alphey, fait partie des finalistes du Prix de l'inventeur européen de l'année 2015
- En l'absence de vaccin ou de traitement, il est vital d'exercer un contrôle ciblé du vecteur de la dengue afin de protéger les populations.
- Une lutte antiparasitaire respectueuse de l'environnement est désormais possible grâce à la génétique: une modification de l'ADN empêche la reproduction du moustique Aedes aegypti.
- Lors des essais sur le terrain, Luke Alphey et son équipe ont réussi à réduire la population visée de plus de 90% - un niveau de contrôle jamais atteint jusque-là.
- Benoît Battistelli, Président de l'OEB: «Les cas de dengue sont actuellement en augmentation partout dans le monde. L'innovation d'Alphey pourrait être l'arme dont nous avions besoin pour contenir la maladie d'une manière ciblée.»
Munich/Oxford, le 21 avril 2015 - Un gène permet de sauver des vies. Grâce aux résultats de la recherche innovante du scientifique britannique de 51 ans, Luke Alphey, il est désormais possible de contrôler la population du moustique porteur de la maladie de manière durable tout en respectant l'environnement au moyen de l'ingénierie génétique. Alphey a créé une base pour lutter efficacement contre les insectes nuisibles et en tout premier lieu contre le moustique Aedes aegypti qui transmet le virus de la dengue mais aussi la fièvre jaune et le chikungunya, une maladie tropicale infectieuse causée par un virus.
L'Office européen des brevets (OEB) l'a nominé parmi les trois finalistes de la catégorie Recherche du Prix de l'inventeur européen de l'année 2015 pour ses réalisations. Le prix sera remis à Paris le 11 juin prochain.
Selon les propos de Benoît Battistelli, Président de l'OEB, lors de l'annonce des finalistes du Prix de l'inventeur européen : « Les travaux de recherches de Luke Alphey ont permis d'obtenir une méthode ciblée et respectueuse de l'environnement pour combattre la dengue Sa technique révolutionnaire de contrôle de la propagation de la maladie pourrait être l'arme dont nous avions besoin pour contenir la dengue de manière ciblée. »
Une recrudescence de la dengue
On observe actuellement une recrudescence mondiale de la dengue. Le nombre de personnes contaminées chaque année par cette maladie est monté en flèche au cours des dernières décennies. Près de 400 millions de personnes sont contaminées chaque année, 25 000 d'entre elles décédant d'une forme sévère de la maladie. Selon l'OMS, près de la moitié de la population mondiale risque de contracter la dengue.
Le principal responsable de cette propagation est le moustique Aedes aegypti originaire d'Afrique. Toutefois, avec le commerce international et le tourisme de masse on le trouve désormais sur les six continents. Les moyens conventionnels permettant de contrôler sa population sont inefficaces et pour la plupart toxiques. Même les agents chimiques à vaporiser n'empêchent pas la propagation du moustique Aedes aegypti, étant donné que dans la plupart des cas ils n'atteignent pas les insectes. En fait, ils empoisonnent plutôt de nombreux insectes et plantes utiles et entrent par conséquent dans la chaîne alimentaire.
Utilisation de l'instinct de reproduction pour réduire les populations de moustique
Le système breveté de Luke Alphey a été créé afin de résoudre ce problème « Notre idée était d'essayer d'améliorer les méthodes de lutte antiparasitaire pour créer quelque chose de vraiment spécifique et réduire les conséquences environnementales non désirées » explique-t-il. Au lieu de rechercher activement tous les moustiques transmettant la dengue, le scientifique libère des moustiques Aedes aegypti mâles modifiés qui vont s'accoupler avec des moustiques femelles de leur espèce et porteurs de la dengue. Rendus stériles grâce à l'ingénierie génétique, les mâles transmettent également un gène supplémentaire entraînant le décès de leur progéniture à l'état de larve ou de nymphe avant d'atteindre l'âge adulte. À chaque libération réussie, la population de moustiques parasites est d'avantage réduite. Un nombre réduit de moustiques en mesure de piquer entraîne donc une diminution du risque de transmission de la maladie. Les moustiques peuvent être utilisés à des fins précises et être libérés dans les régions fortement peuplées. Des essais sur le terrain ont déjà été menés dans différents pays (Brésil, Îles Caïmans, Malaisie et Panama) et d'autres projets planifiés sont déjà en cours.
Chaque essai de suppression avec des moustiques modifiés a mis en évidence une réduction de plus de 90 % de la population ciblée d'Aedes aegypti, un niveau de contrôle jamais atteint avec d'autres méthodes. De plus, les insectes et le gène ne restent pas dans l'environnement. Cette méthode étant spécifique à une espèce, elle ne touche pas les insectes utiles tels que les abeilles. « Nous n'avons pas pu mesurer la réduction de la dengue mais les modèles suggèrent que le degré de suppression des moustiques serait suffisant pour endiguer les épidémies de dengue n'importe où » conclue Luke Alphey. Le National biosafety group du Brésil a désormais approuvé la libération commerciale de ce moustique comme technique de lutte contre la dengue.
L e scientifique devenu entrepreneur en biotechnologie
Depuis son plus jeune âge, Luke Alphey a été motivé par sa curiosité à l'égard du fonctionnement du monde. Son intérêt pour la science l'a conduit à réaliser des études de génétique à l'Université de Cambridge. En 1988, il obtient son doctorat en biochimie à l'Université de Dundee. Il obtient ensuite un poste de chercheur à l'Imperial College London puis à l'Université de Dundee. En 1994, Luke Alphey reprend un poste de maître de conférences à l'Université de Manchester. En 1997, il devient agrégé supérieur de recherche MRC et maître de conférences en génétique au département de zoologie à l'Université d'Oxford où il occupe désormais un poste de professeur consultant.
Le scientifique s'est transformé en entrepreneur en biotechnologie.
L'idée de lutter contre les maladies transmises par les insectes au moyen d'animaux génétiquement modifiés n'est pas nouvelle. Dès 1950, des scientifiques américains ont stérilisés des insectes nuisibles en utilisant l'irradiation. Cette « Sterile Insect Technique » (SIT - Technique de l'insecte stérile) a été utilisée avec succès pour contrôler la lucilie-bouchère au Curaçao et pour la mouche tsé-tsé à Zanzibar. Toutefois, l'irradiation affaiblissait tellement les moustiques que le but recherché ne pouvait pas être atteint. Un collègue d'Alphey qui participait au SIT à l'Université d'Oxford l'en informa et lui indiqua les limitations de dosage pour les moustiques avec l'irradiation. C'est à ce moment-là qu'Alphey comprend comment utiliser ses outils génétiques et moléculaires de recherche basique afin de résoudre ce problème « Il s'agissait de réaliser une sorte de stérilisation génétique » a-t-il déclaré. En 2002, il fonde l'Oxford University spin-off Oxitec (Oxford Insect Technologies) afin de transformer cette technologie en un produit commercialisable. Pour ce faire, il a reçu de nombreuses aides privées et publiques. La British biotech company compte désormais environ 50 employés. Luke Alphey fait désormais partie du Pirbright Institute où il poursuit ses recherches sensationnelles dans la lutte antiparasitaire ; il continue à soutenir Oxitec en tant que directeur non exécutif.
Grâce à son esprit avant-gardiste, le scientifique britannique Luke Alphey a réussi à développer le premier produit mondial permettant de contrôler la dengue sans produit chimique et avec un impact réduit en dehors de la cible.
Ressources supplémentaires
Consulter le brevet : EP1246927
- Les dix ans du Prix de l'inventeur européen : rétrospective des inventeurs et des idées qui ont changé notre quotidien
- À propos de l'Office européen des brevets (OEB)
- Étude sur l'impact économique des brevets et autres droits de PI
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