Imagerie médicale par tomographie en cohérence optique (OCT) : James G. Fujimoto, Eric A. Swanson et Robert Huber, finalistes du Prix de l’inventeur européen 2017
- Les ingénieurs américains et le physicien allemand sont nommés dans la catégorie «Pays non membres de l'OEB» pour avoir développé une nouvelle technologie d'imagerie médicale fonctionnant avec des «échos» de faisceaux lumineux
- La tomographie en cohérence optique (OCT) a amélioré les diagnostics et la compréhension de la cécité, du cancer et des maladies cardiaques
- La OCT est aujourd'hui un procédé standardisé et utilisé environ 30 millions de fois par an
- Benoît Battistelli, Président de l'OEB : «Grâce à cette équipe, les médecins peuvent désormais obtenir en temps réel des images de tissus humains utiles pour détecter les premiers stades de cancers, de glaucomes et d'autres maladies»
Munich, le 26 avril 2017 - Depuis la découverte des rayons X par le physicien allemand Wilhelm Conrad Roentgen en 1895, les médecins ont réussi à « regarder à l'intérieur » du corps humain pour établir des diagnostics. Mais en dépit de l'apparition de nouvelles techniques, comme l'échographie et l'imagerie par résonance magnétique (IRM), certaines parties de l'anatomie restaient opaques. Les tissus mous, en particulier les minuscules vaisseaux sanguins de l'œil et du cœur, étaient quasiment impossibles à visualiser. La situation a changé grâce à un nouveau type d'imagerie médicale mis au point par les ingénieurs américains James G. Fujimoto et Eric A. Swanson, associés au physicien allemand Robert Huber. La tomographie en cohérence optique (OCT) utilise les « échos » de faisceaux lumineux pour rendre visible les tissus mous, avec une précision microscopique. Apparue à l'état de prototype clinique en 1993, la OCT est maintenant employée environ 30 millions de fois par an de par le monde.
Pour cette invention remarquable, Fujimoto, Swanson et Huber ont été nommés parmi les trois finalistes dans la catégorie « Pays non membres de l'OEB » du Prix de l'inventeur européen 2017. Les lauréats de la 12e édition de ce prix décerné chaque année par l'Office européen des brevets (OEB) seront annoncés lors d'une cérémonie à Venise, le 15 juin prochain.
« Grâce au travail de cette équipe de chercheurs, les médecins peuvent désormais obtenir en temps réel des images de tissus humains utiles pour détecter les premiers stades de cancers, de glaucomes et d'autres maladies », a déclaré le Président de l'OEB, Benoît Battistelli, lors de la présentation des finalistes du Prix de l'inventeur européen 2017. « La tomographie en cohérence optique (OCT) prouve à quel point les collaborations et innovations multidisciplinaires peuvent être bénéfiques pour des millions de malades. »
C'est au Massachussetts Institute of Technology (MIT), en 1990, que Fujimoto et Swanson ont commencé à développer la technologie OCT comme méthode de diagnostic du glaucome, une maladie qui peut mener à la cécité. Après avoir déposé plus de 50 brevets, ils ont surtout fait une avancée majeure en dirigeant un faisceau laser vers des tissus mous, puis en mesurant le temps de retard de son écho lumineux.
Les appareils OCT pour l'ophtalmologie ont commencé à faire leur apparition dans les hôpitaux en 1996, les premiers scanners OCT pour la pathologie coronaire ont suivi en 2004, les OCT destinés aux examens dermatologiques en 2010, puis pour les examens gastro-intestinaux en 2013. Les technologies-clés qui ont permis le développement des appareils OCT endocoronaires et des lasers permettant d'accélérer - jusqu'à 100 fois - les procédés d'imagerie ont été mis au point par le physicien allemand Robert Huber, qui avait rejoint l'équipe de Fujimoto au MIT comme chercheur postdoctoral de 2003 à 2005.
De l'imagerie médicale avec des échos de lumière
Les OCT ont résolu un problème dont souffrait l'imagerie médicale de longue date. Comme les images de tissus mous étaient difficiles à capter, les médecins étaient souvent contraints de pratiquer des biopsies invasives pour récupérer des échantillons à analyser. Une méthode pas applicable aux organes sensibles comme l'œil, par exemple. Aujourd'hui, un OCT peut réaliser une « biopsie optique » sans intervention chirurgicale. Selon un principe proche de celui de l'échographie - avec des faisceaux lumineux plutôt qu'avec des ondes sonores - la nouvelle technologie fournit des images de la rétine, du cœur et de d'autres organes avec une foule de détails. « Le laser infrarouge à impulsion ultra rapide pénètre jusqu'à 3 millimètres dans des tissus opaques. Nous parvenons alors à produire des images tridimensionnelles de très haute résolution. Elles peuvent être observées en temps réel sans qu'il ne soit nécessaire d'injecter des produits de contraste », explique ainsi Fujimoto. Ce dernier fait aussi valoir que les applications récentes de la OCT peuvent fournir des images 3D « en direct » pendant une opération chirurgicale. « La OCT mesure la distance jusqu'à l'origine de la réfection lumineuse qui permet ainsi de générer une image en 3D », résume Huber.
Des idées médicales révolutionnaires
Mis en service à partir de 1996, la OCT est rapidement devenue une technique standard pour les examens oculaires. « La OCT est l'une des techniques d'imagerie parmi les plus utilisées en ophtalmologie. Près de 30 millions de scans sont effectués chaque année dans le monde. Soit un scan toutes les quelques secondes », précise Swanson. En détectant à des stades préliminaires - et donc encore traitables - de graves maladies de l'œil comme le glaucome, la rétinopathie diabétique ou la dégénérescence maculaire, cette technologie a sauvé la vue d'innombrables personnes. Ce résultat est d'autant plus remarquable que l'équipe est composée d'ingénieurs et d'un physicien mais ne compte aucun professionnel de la médecine : « Je ne suis pas docteur et je ne suis pas en première ligne pour aider les patients. Mais un ingénieur peut aussi faire des choses qui ont un impact sociétale positif », souligne Fujimoto.
Le succès de la OCT a aussi eu des implications financières. « L'impact économique de cette technologie a été exceptionnel. La OCT a créé un marché de près d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires annuel et elle est à l'origine de la création de plus de 16 000 emplois très qualifiés. Elle a permis d'économiser des milliards de dollars qui auraient été engloutis dans des dépenses de santé inutiles », observe Swanson.
De brillantes perspectives économiques
La OCT a ainsi été saluée comme une « technologie médicale de rupture » par l'Association for Research and Vision, particulièrement réputée dans le monde de l'ophtalmologie. C'était en 1996, lorsque Carl Zeiss, société leader du marché de l'optique, a produit son premier appareil ophtalmologique OCT. Si de nombreuses entreprises présentes dans l'imagerie médicale commercialisent des appareils OCT aujourd'hui, les trois inventeurs ont aussi créé très vite et avec succès leurs propres start up, comme Advanced Ophthalmic Diagnostics dès 1992, mais aussi LightLab Imaging créée en 1998 par Fujimoto et Swanson, et Optores GmbH fondée par Huber en 2013.
Les OCT ont créé un nouveau segment de marché dont le chiffre d'affaires cumulé a totalisé 4,77 milliards d'euros entre 1996 et 2016. Selon le cabinet d'études BioOpticsWorld, les ventes totales de systèmes OCT se sont élevés à 688 millions d'euros sur la seule année 2015, sur un marché en pleine ébullition.
Innovation laser
Entrepreneurs à succès, les trois inventeurs n'en continuent pas moins de perfectionner la technologie OCT. Fujimoto a obtenu en 1984 son doctorat (PhD) du MIT en ingénierie électrique et en sciences informatiques, où il continue d'ailleurs d'enseigner. Il est référencé comme inventeur ou co-inventeur de 15 familles de brevets fondamentaux dans le domaine de la technologie OCT. Les travaux de Fujimoto ont été primés au niveau international par des récompenses comme le Carl Zeiss Research Award (2011), l'Antonio Champalimaud Vision Award (2012), le IEEE Photonics Award (2014), la médaille de l'Optical Society's Frederic Ives (2015) et le Prix Russ de la National Academy of Engineering (2017).
Professeur au MIT, Fujimoto est le chercheur principal du Laboratoire de recherche en électronique et du Département d'ingénierie électrique et de sciences de l'informatique de l'établissement. Il soutient de nombreux jeunes scientifiques à haut potentiel dont certains ont même créé des start up spécialisées dans la technologie OCT. Tenant à les encourager, Fujimoto explique que « les jeunes scientifiques professionnels peuvent faire d'incroyables contributions qui bénéficieront pas seulement à la recherche, mais à l'ensemble de la société. »
Swanson a obtenu son master en ingénierie électrique au MIT en 1984. Il est le co-auteur de 81 articles scientifiques, de 142 conférences et de plus de 40 brevets. Il a reçu également de nombreuses récompenses, dont le Prix Rank en optoélectronique (2002), l'Antonio Champalimaud Vision Award (2012) et le Prix Russ de la National Academy of Engineering (2017).
Huber a obtenu son doctorat (PhD) à la faculté de Physique de l'université Ludwig-Maximilian de Munich en 2002 et est en train de développer une version ultra rapide de la OCT via son entreprise, Optores GmbH. Elle utilise la Transformée de Fourier, une technique qui multiplie jusqu'à 100 fois la vitesse de l'imagerie. Huber est l'auteur d'une centaine de publications scientifiques et a été récompensé par le prix Albert Weller de la Société Allemande de Chimie (2003), le Prix Rudolf-Kaiser (2008) et le prix Klung-Wilhelmy-Weberbank (2013).
Ressources additionnelles
- Vidéos et visuels
- En savoir plus sur l'inventeur
- Accéder aux brevets : EP0883793, EP0981733, EP1839375
Améliorer les diagnostics à l'aide d'inventions brevetées.
La tomographie en cohérence optique (OCT) appartient à une classe d'inventions délicates pour ce qui est du droit des brevets. La Convention sur le Brevet européen exclut de façon explicite la possibilité de breveter des méthodes chirurgicales, des thérapies ou des diagnostics lié au corps humain (ou animal). Néanmoins, un appareil médical, un produit ou un dispositif utilisé dans ce but peut très bien être protégé par un brevet. C'est pour cette raison que la OCT a pu être protégée par plusieurs brevets. Elle doit être considérée de la même façon que, par exemple, la technologie de chirurgie de l'œil, brevetée par l'inventeur allemand Josef Bille, lauréat du Prix de l'inventeur européen 2012. Pour en savoir plus sur les brevets de technologies médicales.
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