Stimuler l’action des antibiotiques grâce aux huiles essentielles : Adnane Remmal, finaliste du Prix de l’inventeur européen 2017
- Le biologiste marocain Adnane Remmal est nommé dans la catégorie «Pays non européens» du Prix de l'Office européen des brevets (OEB) pour ses antibiotiques tirés de la nature
- Son procédé à base d'huiles essentielles améliore considérablement l'efficacité des antibiotiques contre les bactéries multi-résistantes
- Utilisant les propriétés antibactériennes de plantes locales, cette méthode ne cause aucun effet secondaire et évite l'apparition de nouvelles résistances
- Benoît Battistelli, Président de l'OEB: «L'invention d'Adnane Remmal est un nouveau moyen de lutter contre la résistance de plus en plus forte des bactéries aux antibiotiques. »
Munich, 26 avril 2017 - Source d'inquiétudes à l'échelle planétaire, la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques est l'une des principales menaces pesant sur la médecine moderne. L'utilisation massive d'antibiotiques mène à l'apparition de bactéries toujours plus résistantes, rendant certaines infections difficiles - voire impossibles - à traiter. Face à cette menace, le biologiste marocain Adnane Remmal a trouvé une parade : un traitement qui allie les propriétés médicinales naturelles de plantes aux vertus bactéricides des antibiotiques classiques pour « booster » l'efficacité des traitements. Une combinaison originale qui s'avère bien plus efficace que l'utilisation seule de l'un ou l'autre de ses composants. Breveté auprès de l'Office européen des brevets (OEB) en 2014, ce procédé est désormais à la base d'un nouveau médicament qui devrait être commercialisé fin 2017.
Pour cette invention remarquable, Adnane Remmal a été nommé parmi les trois finalistes de la catégorie « Pays non membres de l'OEB » du Prix de l'inventeur européen 2017. Les lauréats de la 12e édition de ce prix décerné chaque année par l'OEB seront annoncés lors d'une cérémonie à Venise, le 15 juin prochain.
« L’innovation d’Adnane Remmal offre un nouveau moyen de lutter contre la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques », a déclaré le Président de l’OEB, Benoît Battistelli lors de l’annonce des finalistes du Prix de l’inventeur européen 2017. « Il a montré que les antibiotiques traditionnels et les huiles essentielles naturelles pouvaient être combinés pour décupler leurs effets. Avec son travail, il contribue largement à développer la recherche pharmaceutique dans son pays natal, le Maroc ».
Allier nature et innovation
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de nombreux autres acteurs institutionnels et politiques font aujourd'hui de la lutte contre la résistance bactérienne une priorité. Mais la dimension planétaire du problème rend le combat difficile. On estime que chaque année dans le monde 700 000 décès sont dus à des infections ultrarésistantes aux traitements. Un chiffre qui pourrait même exploser à 10 millions par an en 2050 si une nouvelle génération d'antibiotiques n'est pas développée d'ici là.
Cette réalité témoigne de l'importance du procédé d'Adnane Remmal, dont les recherches ont permis de comprendre comment les plantes combattaient les bactéries à l'aide de leurs huiles essentielles. Constatant que de trop grandes quantités d'huiles étaient nécessaires pour protéger l'homme et qu'elles risquaient même de provoquer des effets secondaires, le biologiste marocain a alors eu l'idée de combiner les qualités inhérentes aux antibiotiques et aux huiles naturelles pour multiplier leur efficacité.
L'action des antibiotiques consiste généralement à cibler les points faibles des bactéries pour les stopper, par exemple, en détruisant leur paroi cellulaire, en les empêchant de réparer leur ADN ou en bloquant leur reproduction. Pour Adnane Remmal, ce processus moléculaire est similaire à celui d'une clef ouvrant une serrure : « Lorsque la clé ouvre la porte, la bactérie meurt. Mais lorsqu'une mutation change très légèrement la forme de la serrure, la clé ne peut plus l'ouvrir et la bactérie devient résistante ». Toutefois, en étant « boostée » avec des huiles essentielles, la clef devient suffisamment solide pour - non pas ouvrir la porte - mais la détruire complétement.
Cette « clé » mise au point par Adnane Remmal combine les propriétés antimicrobiennes de certaines plantes locales avec des antibiotiques standards, tels que la pénicilline, les céphalosporines ou les antibiotiques SARM utilisés contre le staphylocoque doré (qui provoque des infections très difficiles à traiter). L'interaction entre les molécules naturelles des plantes et celles des antibiotiques permet la création de « complexes moléculaires », que les systèmes de résistance des bactéries peinent à reconnaître. Le traitement rend ainsi difficile - voire impossible - le développement d'une résistance bactérienne efficace.
Adnane Remmal a obtenu un brevet pour ce procédé en 2014. Il détient également deux autres brevets européens protégeant respectivement une préparation antifongique et une composition pour traiter les parasites (en particulier le plasmodium falciparum, à l'origine du paludisme). Toutes deux incluent des huiles essentielles qui sont le pivot de son approche.
Mais l'utilisation faite par Adnane Remmal des huiles essentielles ne se limite pas à des usages purement pharmaceutiques. L'action du biologiste marocain comporte également un volet vétérinaire car l'utilisation massive des antibiotiques dans l'élevage animal contribue largement à la résistance des bactéries. Il a donc développé des additifs spéciaux pour remplacer les antibiotiques et autres produits chimiques présents dans l'alimentation animale. Pour permettre l'application vétérinaire de son traitement, il a déposé une demande de brevet auprès de l'OEB qui est actuellement en cours d'examen.
Une solution bon marché à un problème potentiellement très coûteux
Selon un rapport publié en 2016 par la Banque mondiale, l'impact des bactéries résistantes sur les dépenses de santé pourrait coûter entre 283 et 984 milliards d'euros (entre 300 et 1000 milliards de dollars) par an d'ici 2050. Une somme due en grande partie au coût de développement élevé des nouveaux antibiotiques, qui reviendrait pour chacun d'entre eux entre 500 millions et un milliard d'euros. Par ailleurs, ces médicaments de dernière génération n'empêcheraient pas l'apparition de nouvelles résistances et pourraient même avoir des effets secondaires ou une toxicité imprévisible. Le temps et les efforts consacrés à l'élaboration de nouveaux antibiotiques ne garantissent donc pas un retour sur investissement significatif.
Dans ce contexte, les antibiotiques « boostés » d'Adnane Remmal apparaissent donc particulièrement prometteurs. Puisqu'ils utilisent des molécules naturelles déjà testées et approuvées par l'industrie pharmaceutique, ils ouvrent la voie à un médicament à la fois efficace et peu onéreux.
Faire du Maroc un acteur reconnu de la recherche pharmaceutique
Après avoir obtenu un doctorat en pharmacologie moléculaire et suivi une formation post-universitaire en électrophysiologie et pharmacologie cardiovasculaire à l'Université Paris-Sud, Adnane Remmal a décidé de retourner au Maroc malgré des opportunités en France. « Je souhaitais planter la graine de la recherche scientifique au Maroc, qui était alors considéré comme un désert en la matière », explique-t-il. « Aujourd'hui je suis très heureux de constater que cette graine a poussé pour devenir un arbre fleurissant ».
Après l'obtention d'un second doctorat en microbiologie, Adnane Remmal a fondé sa propre start-up, qui a déposé à ce jour quatre brevets portant sur des mélanges d'huiles essentielles. C'est alors qu'il a retenu l'attention d'un grand laboratoire pharmaceutique actif au Maroc et en Afrique de l'Ouest, qui lui a attribué des moyens financiers et technologiques pour commercialiser son procédé. Une fois approuvés, les antibiotiques « boostés » aux huiles essentiels d'Adnane Remmal deviendront le premier médicament entièrement développé et produit par le secteur pharmaceutique marocain. Un grand pas pour cette industrie habituée à produire des génériques et médicaments sous licence pour des laboratoires étrangers. Un enjeu dont Adnane Remmal a pleine conscience. Le biologiste marocain a déjà obtenu le Prix de l'innovation pour l'Afrique en 2015 pour son complément alimentaire naturel à base d'huiles essentielles destiné à l'élevage animal. Son objectif est désormais d'établir au Maroc un centre multidisciplinaire de recherche en bio-pharmacologie et en agriculture, dont la vocation serait de développer des technologies simples mais innovantes, aussi bien à destination des marchés émergents que des marchés plus matures.
Ressources additionnelles
- Vidéos et visuels
- En savoir plus sur l'inventeur
- Accéder au brevet : EP1879655
La nature, une véritable armoire à pharmacie
Aspirine, quinine, digoxine (contre les maladies cardiaques) ou encore pénicilline... la nature nous a déjà offert beaucoup de traitements. En effet, les principes actifs de nombreux médicaments ont été découverts dans des plantes avant d'être synthétisés. Les traitements pour combattre des maladies comme le VIH, Alzheimer, les problèmes cardiaques ou le cancer pourraient également être découverts dans la nature. Difficile à croire ? Le Paclitaxel en est pourtant un bel exemple : médicament utilisé en chimiothérapie et aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs traitements anticancéreux de sa catégorie, il est dérivé de l'if (une espèce de conifère).
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