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T 2725/18 04-01-2023
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PROCÉDÉ ET SYSTÈME D'ACQUISITION ET DE TRAITEMENT D'IMAGES POUR LA DÉTECTION DU MOUVEMENT
I. Le recours a été formé contre la décision de la division d'examen de rejeter la demande de brevet européen numéro 12 766 317.7.
II. Les documents cités dans la décision sont les suivants:
D1:|WO 03/073359 A2 |
D2:|WO 99/06940 A1 |
D3:|US 6,661,918 B1 |
D4:|US 6,771,818 B1 |
D5:|"Camera temps de vol", Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Camera_temps_de_vol, version du 11 mars 2016, XP055257595 |
III. La décision attaquée était fondée sur le motif que l'objet de la revendication 1 de la seule requête alors pendante n'impliquait pas d'activité inventive au sens de l'article 56 CBE au vu de la divulgation du document D1 et des connaissances générales de l'homme du métier.
IV. Avec le mémoire exposant les motifs de recours, la requérante a redéposé les revendications de la requête sur laquelle la décision attaquée était fondée. Elle a soumis des arguments expliquant pourquoi, selon elle, l'objet de la revendication 1 était inventif au sens de l'article 56 CBE.
La requérante a requis l'annulation de la décision attaquée et la délivrance d'un brevet européen sur la base de la requête sur laquelle la décision attaquée se fondait.
V. La chambre a émis une citation à un procédure orale ainsi qu'une notification au titre de l'article 15(1) RPCR 2020 (JO OEB 2019, A63). Dans cette notification, la chambre a indiqué son intention de renvoyer l'affaire à la division d'examen pour suite à donner, en particulier parce que la division d'examen n'avait pas respecté les principes généraux d'interprétation ni pris en compte l'idée de base de l'invention dans son raisonnement relatif au caractère évident de cette invention. La chambre avait invité la requérante à indiquer si elle était d'accord avec un renvoi de l'affaire à la première instance, auquel cas la procédure orale serait annulée.
VI. En réponse à la notification de la chambre, la requérante a donné son accord pour un renvoi de l'affaire à la division d'examen.
VII. La procédure orale a ensuite été annulée.
VIII. Le texte de la revendication 1 de la seule requête pendante est reproduit ci-dessous:
" Procédé d'acquisition et de traitement d'images pour la détection du mouvement d'au moins une cible dans une scène, comprenant les étapes suivantes :
- acquisition de cartographies primaires (CP) de profondeur de la scène à intervalles de temps successifs par la mise en oeuvre des sous-étapes suivantes à chaque intervalle de temps : émission d'un faisceau de lumière infrarouge qui illumine la scène, détection par un capteur infrarouge (21) de la lumière infrarouge réfléchie par la scène, traitement des données issues du capteur infrarouge (21) et conversion de ces données en une cartographie primaire (CP) composée d'une multiplicité de pixels dits de profondeur intégrant chacun une donnée de profondeur de champ ;
- acquisition d'images primaires (IP) de la scène à intervalles de temps successifs au moyen d'une caméra (3), chaque image primaire (IP) étant composée d'une multiplicité de pixels dits de couleur intégrant chacun une donnée de couleur ;
- détermination de cartographies secondaires (CS) de profondeur par suppression d'un fond de référence de la scène sur chaque cartographie primaire (CP) selon un algorithme de soustraction de fond, chaque cartographie secondaire (CS) étant composée d'une multiplicité de pixels ;
- synchronisation temporelle des cartographies secondaires (CS) et des images primaires (IP) ;
ledit procédé étant caractérisé en ce qu'il comporte les étapes supplémentaires suivantes :
- superposition des cartographies secondaires (CS) et des images primaires (IP) synchronisées pour obtenir des images secondaires (IS) comportant des pixels dits de cible intégrant des données de couleur et des données de profondeur de champ pour la ou les cibles présentes dans la scène hors du fond de référence ;
- comparaison des images secondaires (IS) successives pour détecter le mouvement de la ou des cibles présentes dans la scène ;
en ce que l'étape de détermination des cartographies secondaires (CS) comporte une sous-étape d'attribution de l'un des deux états suivants à chacun des pixels :
- un premier état pour les pixels dits de fond correspondants aux pixels supprimés sur les cartographies primaires (CP) par l'algorithme de soustraction de fond; et
- un second état pour les pixels dits de cible correspondants aux pixels non supprimés sur les cartographies primaires (CP) par l'algorithme de soustraction de fond, lesdits pixels de cible intégrant les données correspondantes de profondeur de champ ;
et en ce que l'étape de superposition consiste à :
- supprimer les pixels des images primaires (IP) qui correspondent aux pixels de fond des cartographies secondaires (CS) ; et
- intégrer les données de profondeur de champ aux pixels des images primaires (IP) qui correspondent aux pixels de cible des cartographies secondaires (CS)."
1. Le recours est recevable.
2. L'invention
2.1 L'objet de l'invention se situe dans le domaine de l'acquisition, de l'analyse et du traitement d'images en vue de la détection et de l'étude de mouvements (voir page 1 de la description, lignes 11 à 13). La demande distingue clairement la détection du mouvement d'un objet de la reconnaissance d'un objet et de la détection de la présence, de la position, de la taille, de la vitesse ou de l'accélération d'un objet (voir page 1 de la description, lignes 20 à 24 et page 15, lignes 4 à 20).
2.2 L'invention cherche à pallier les défauts des méthodes de traitement d'images existantes tels que leur sensibilité aux variations de luminosité et leur incapacité à distinguer deux cibles collées l'une à l'autre ou masquées l'une par l'autre (voir page 4 de la description, lignes 19 à 26).
2.3 L'idée de base de l'invention revendiquée est la comparaison d'images spécifiques, dites images secondaires, correspondant à des instants successifs et intégrant à la fois des données de couleur et de profondeur.
2.4 Selon la revendication 1, les images secondaires sont obtenues, entre autre, en acquérant des images de la scène à intervalles de temps successifs, en supprimant les pixels correspondant à l'arrière-plan de la scène et en intégrant des données de profondeur aux pixels ne correspondant pas à l'arrière-plan (pixels dits de cible). Les pixels de l'arrière-plan des images sont détectés en acquérant des images de profondeur de la scène à intervalles de temps successifs, dites cartographies primaires, et en y soustrayant un fond de référence. L'acquisition des images de profondeur se fait par émission de faisceau de lumière infrarouge et détection de la lumière infrarouge réfléchie par la scène.
2.5 La revendication spécifie clairement la fonction de la comparaison des images secondaires, i.e. la détection de mouvement des cibles dans la scène.
2.6 D'après la page 7 de la demande, lignes 10 à 14, l'utilisation de données de profondeur permet de s'affranchir des deux principales contraintes classiquement observées avec les algorithmes classiques d'analyse de mouvement, à savoir la variation de la luminosité ambiante et le manque d'information sur la perspective de la scène.
3. Le document D1
3.1 Le document D1 ne semble pas s'intéresser à la détection et l'étude du mouvement. D1 divulgue un procédé d'acquisition et de traitement d'images pour la reconnaissance d'objets dans une scène (voir page 3, "Summary of the invention", premier paragraphe).
Dans le contexte du document D1, la reconnaissance d'un objet comprend la classification de l'objet dans une catégorie particulière, sa détection parmi d'autres objets dans une région surveillée par des capteurs, la détection d'une portion de cet objet ou son identification (voir page 3, "Summary of the invention", second paragraphe). Les termes "recognize" ou "recognition" signifient la détermination de caractéristiques permettant d'identifier un objet (voir page 6, second paragraphe). La classification d'un objet requiert la détection préalable de cet objet dans la scène (voir page 9, deuxième paragraphe complet). La détection d'un objet peut inclure la détection d'informations additionnelles sur l'objet, telles son orientation, sa position ou sa forme (voir page 15, deuxième et troisième paragraphes complets).
3.2 La figure 2 du document D1 illustre des composants pouvant être utilisés dans un système de reconnaissance d'objets.
3.3 Aux pages 9 à 13 et à la figure 4, D1 divulgue une méthode de classification d'objet.
La page 8 du document D1 (deuxième paragraphe complet) indique que cette méthode peut être utilisée pour déterminer la position de la tête d'un passager dans une automobile avant de déployer l'airbag. La page 9 (avant-dernier paragraphe) indique en outre que le déploiement de l'airbag peut être adapté en fonction de la classification du passager.
Cette méthode ne semble pas impliquer de détection de mouvement de cibles présentes dans une scène. La détection d'un mouvement nécessiterait la comparaison des positions de la tête du passager dans des images correspondant à différents instants, ce qui n'est pas divulgué.
3.4 Aux pages 15 à 19, une méthode de détection de la présence d'un objet d'intérêt (tel qu'un visage) est décrite. Des exemples d'application sont donnés à la page 19 (deuxième paragraphe complet): applications de surveillance dans certains établissements; applications de sécurité, par exemple dans des automobiles, nécessitant la connaissance de la position des passagers; applications de visioconférence nécessitant une compression "basée objet".
Cette méthode ne semble pas nécessairement impliquer de détection de mouvement de cibles présentes dans une scène.
3.5 Les pages 19 à 25 décrivent des méthodes d'identification (des caractéristiques) d'un objet présent dans une scène. L'une d'elle (figure 8) s'appuie à la fois sur des images de profondeur et sur des images d'intensité. Les images de profondeur sont utilisées pour déterminer la pose de l'objet (voir figure 8: 820). La pose ainsi obtenue est utilisée pour améliorer les méthodes traditionnelles se basant sur les images d'intensité (voir page 20, premier paragraphe complet).
Cette méthode ne semble pas impliquer de détection de mouvement de cibles présentes dans une scène.
3.6 Les méthodes illustrées aux figures 4, 7 et 8 peuvent être intégrées dans un même système.
Par exemple, les pages 27 à 29 et la figure 11 décrivent un système contrôlant l'accès à une zone de sécurité. Les méthodes des figures 4, 7 et 8 peuvent être utilisées pour déterminer si un objet est une personne, pour détecter le visage de cette personne et pour déterminer si cette personne est autorisée à rentrer.
3.7 Dans ce contexte, le document D1 indique (page 29, lignes 1 à 4): "Still further, an embodiment provides the ability to track a list of people who enter and exit, regardless of whether they have been granted access or not, to assist ongoing security monitoring activities".
Cette phrase, interprétée dans son contexte, signifie simplement que, dans un mode de réalisation, un système a la capacité d'établir et de mettre à jour une liste de personnes qui entrent et sortent de la zone de sécurité. Ceci n'implique pas de détection de mouvement de cibles présentes dans une scène.
4. Erreurs d'interprétation du document D1 dans la décision attaquée
4.1 Il est de jurisprudence constante que ce qui est divulgué dans un document antérieur doit être considéré dans son intégralité. Chaque partie du document doit être interprétée dans le contexte du document considéré dans son ensemble. Une caractéristique spécifiée dans une revendication ne peut être considérée comme divulguée dans un document de l'état de l'art que si elle peut être déduite directement et sans ambiguïté de ce document (voir Jurisprudence des Chambres de recours de l'Office européen des brevets, dixième édition, juillet 2022, "Jurisprudence", I.C.4.1).
4.2 Au point 12.1.2 de la décision attaquée, la division d'examen a considéré que le document D1 divulguait la comparaison d'images successives pour détecter le mouvement de cibles présentes dans une scène. La division d'examen a donné les raisons suivantes :
D1 divulgue, p. 10 : "a difference image is obtained by comparing the image [...]". Une "difference image" est l'une des techniques de détection de mouvement les plus utilisées.
D1, p. 28-29, divulgue également l'obtention d'une série d'images ("a series of depths images [...] series of frames"), ainsi que le suivi de personnes ("track a list of people") qui necéssite une détection de mouvement.
Au point 13.1 de la décision attaquée, la division d'examen, se référant à nouveau à l'expression "track a list of people" de la page 29 du document D1, a indiqué que "le fait de reconnaître le visage d'une personne dans plusieurs images permet de faire du suivi de mouvement de cette personne". Au même point, elle a également mis en avant que "l'utilisation conjointe des deux images (D1, p. 18, l. 23) et les exemples d'applications donnés (D1, p. 19, l. 10-15), notamment 'which requires knowledge of the location of passengers or drivers' montre bien que D1 détecte le mouvement (le changement de position) au cours du temps".
4.3 La chambre est d'avis que les passages cités par la division d'examen ont été sortis de leur contexte.
Le passage de la page 10 auquel la division d'examen s'est référé correspond à l'étape 440 de l'algorithme de la figure 4, c'est-à-dire à la soustraction de l'image de profondeur de l'arrière-plan de l'image de profondeur de la scène, cette soustraction aboutissant à la segmentation de la cible (voir page 10 de la description, dernière phrase complète). Comme argumenté par la requérante au point 2.2)ii) de son mémoire de recours, cette soustraction n'a pas pour but le suivi de mouvement d'une cible. En outre, elle n'est pas appliquée à des images correspondant à des intervalles de temps successifs.
D'autre part, comme indiqué au point 3.7 ci-dessus, l'expression "track a list of people" sur laquelle la division d'examen s'appuie signifie simplement qu'un système a la capacité "[to keep] track [of] a list of people", c'est-à-dire d'établir et de mettre à jour une liste de personnes qui entrent et sortent de la zone de sécurité. Cette expression n'implique pas de détection de mouvement, qui plus est une détection de mouvement par comparaison d'images correspondant à des intervalles de temps successifs. La détection d'un mouvement nécessiterait la comparaison de l'état de la liste à différents instants, ce qui n'est pas divulgué. En outre, comparer deux versions d'une même liste ne revient pas à comparer des images successives.
Le fait d'utiliser conjointement deux images et le fait de déterminer la position d'un passager dans un véhicule n'implique pas non plus la comparaison d'images successives. En outre, ces modes de réalisation ne semblent pas être divulgués dans le contexte d'une détection de mouvement (voir point 3.4 ci-dessus).
5. Non prise en compte de caractéristiques essentielles
5.1 Au point 12.1.3 de la décision attaquée, la division d'examen a admis que le document D1 ne divulguait pas la comparaison d'images secondaires successives pour détecter le mouvement de cibles présentes dans une scène et a inclus cette caractéristique dans un premier groupe de caractéristiques distinctives. Cependant, au point 12.1.4, elle a indiqué que l'effet technique de la caractéristique (A) était de créer une image contenant à la fois des informations de profondeur et d'intensité. Elle a également indiqué qu'"[u]ne simple superposition pour intégrer les deux informations dans une seule image (caractéristique (A)) n'est qu'une représentation différente des mêmes données. Partant de D1, cela ne semble pas résoudre de problème technique objectif. D'autre part, des images 3D qui contiennent à la fois des informations de profondeur et d'intensité sont généralement bien connues de l'état de la technique. Par conséquent, la caractéristique (A) n'implique pas d'activité inventive".
5.2 Au vu de ces remarques, il semble que la division d'examen, dans son raisonnement relatif au caractère évident de l'invention, n'a pas (correctement) pris en compte le fait que (i) la revendication 1 spécifie la comparaison d'images intégrant à la fois les informations de profondeur et d'intensité et que (ii) la fonction de cette comparaison est la détection d'un mouvement de cibles présentes dans la scène. Il se peut que la division d'examen ait simplement omis ces caractéristiques, qu'elle les ait considérées comme non techniques ou qu'elle ait considéré que D1 divulguait déjà la comparaison à la fois d'images d'intensité successives et d'images de profondeur successives (considérant alors q'"[u]ne simple superposition pour intégrer les deux informations dans une seule image ... n'[était] qu'une représentation différente des mêmes données). La chambre ne peut que spéculer sur les raisons pour lesquelles ces caractéristiques n'ont pas été mentionnées au point 12.1.4 de la décision. Cependant, dans tous les cas la division d'examen ne semble pas avoir pris en compte l'idée de base de l'invention (voir point 2.3 ci-dessus) et les effets techniques qui en découlent selon la demande (voir points 2.2 et 2.6 ci-dessus) et selon la demanderesse dans sa lettre du 2 février 2017 (voir point 3.iii); effets répétés au point 3.3)(i) du mémoire de recours).
6. Renvoi de l'affaire à la première instance
6.1 Pour les raisons données aux sections 4. et 5., la chambre est d'avis que la décision attaquée doit être annulée.
6.2 Selon l'article 111 CBE, la chambre peut soit exercer les compétences de l'instance qui a rendu la décision attaquée, soit renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner.
6.3 Selon l'article 11 RPCR 2020, la chambre ne renvoie l'affaire pour suite à donner à l'instance qui a rendu la décision attaquée que si des raisons particulières le justifient.
6.4 Dans le cas d'espèce, pour les raisons spécifiées aux sections 4. et 5., la chambre est d'avis que la division d'examen n'a pas respecté les principes généraux d'interprétation et n'a pas pris en compte l'idée de base de l'invention dans son raisonnement relatif au caractère évident de cette invention.
6.5 D'autre part, au point 14 de la décision attaquée, la division d'examen a indiqué que les documents D2 à D4 divulguaient des méthodes similaires à celle de D1 et que le document D5 avait été cité seulement comme illustration des caractéristiques implicites d'une caméra temps de vol. Comme il ressort de la section 3. ci-dessus que le document D1 ne s'intéresse pas au problème de la détection du mouvement de cibles dans une scène mais au problème de la reconnaissance d'objets, la chambre ne peut conclure avec certitude que l'idée de base de l'invention a été systématiquement recherchée.
6.6 Étant donné que la procédure de recours a pour objet premier une révision de nature juridictionnelle de la décision attaquée (article 12(2) RPCR 2020), la chambre est d'avis que les raisons données aux deux points précédents sont des raisons particulières au sens de l'article 11 RPCR 2020 justifiant le renvoi de l'affaire à la division d'examen.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'examen pour suite à donner.