T 0581/21 22-06-2022
Téléchargement et informations complémentaires:
PROCEDE ET DISPOSITIF DE PREPARATION DE TOLES D'ACIER ALUMINIEES DESTINEES A ETRE SOUDEES PUIS DURCIES SOUS PRESSE ; FLAN SOUDE CORRESPONDANT
ANDRITZ AG
voestalpine Automotive Components Linz GmbH
Décision attaquée - suffisamment motivée (non)
Décision attaquée - vice substantiel de procédure (oui)
Renvoi - vice majeur dans la procédure de première instance (oui)
Remboursement de la taxe de recours - (oui)
I. Les recours ont été formés par les opposantes O1 et O2 (requérantes 1 et 2 respectivement) contre la décision par laquelle la division d'opposition a rejeté les oppositions formées contre le brevet en litige (ci-après le "brevet").
II. La division d'opposition a notamment considéré que :
- le document D39 (Christian Haferkorn, "Vergleichende Betrachtung des konduktiven Hochfrequenzschweißverfahrens und des Laserschweißverfahrens für die Herstellung von Tailored Blanks", Dissertation, TU Clausthal, 2007) produit tardivement, n'étant a priori pas plus pertinent que les autres documents versés au dossier, ne devait pas être admis,
- l'invention selon la revendication 19 était exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'une personne du métier puisse l'exécuter,
- la revendication 22 ne s'étendait pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée,
- l'objet de la revendication 1 était nouveau par rapport à D5 (présentation à la conférence IABC) et D7 (présentation à la conférence "Automotive-Circle"),
- l'objet de la revendication 1 impliquait une activité inventive partant de D1 (WO2013014512 A1) en combinaison avec les connaissances générales de l'homme du métier, D3 (KR20120089975 A), D21 (JPH06246475 A), D25 (KR101346317 B1) ou D30 (WO2013050855 A2) et partant de D7 qui a été considéré moins pertinent que D1,
- l'objet de la revendication 25 était nouveau par rapport à D5 et D12 (CA2242139 A1)
-l'objet de la revendication 25 impliquait une activité inventive partant de D3 en combinaison avec D30 et partant de D5,
- l'objet de la revendication 22 impliquait une activité inventive partant de D1.
III. La procédure orale a eu lieu le 22 juin 2022 devant la Chambre par visioconférence.
IV. Les requérantes (opposantes) ont demandé que la décision attaquée soit annulée et le brevet révoqué ou que le dossier soit renvoyé à la Division d'Opposition afin de poursuivre la procédure en raison de vices majeurs entachant la procédure de première instance.
L'intimée (titulaire du brevet) a demandé que les recours soient rejetés ou, à titre subsidiaire, que le brevet soit maintenu selon l'une des requêtes subsidiaires 1 à 106 soumises devant la division d'opposition ou selon l'une des requêtes subsidiaires 107 à 127 déposées avec la réponse aux mémoires de recours.
V. La revendication indépendante 1 avec la numérotation des caractéristiques utilisée par l'intimée (voir annexe 1 de la réponse aux mémoires de recours) s'énonce comme suit :
1.1 Procédé de préparation de tôles destinées à la fabrication d'un flan soudé d'acier, comprenant les étapes successives selon lesquelles :
1.2 - on approvisionne au moins une première (11) et une seconde (12) tôles d'acier pré-revêtues, constituées d'un substrat en acier de traitement thermique (25,26), apte à subir une trempe martensitique ou bainitique après un traitement d'austénitisation, et
1.3 d'un pré-revêtement (15, 16) constitué d'une couche d'alliage intermétallique (17, 18) en contact avec ledit substrat en acier, surmontée d'une couche métallique d'aluminium ou d'alliage d'aluminium ou à base d'aluminium (19,20),
1.4 ladite au moins une première tôle (11) comprenant une face principale (111), une face principale opposée (112), et au moins une face secondaire (71), ladite au moins une seconde tôle (12) comprenant une face principale (121), une face principale opposée (122), et au moins une face secondaire (72),
1.5 caractérisé en ce que, après l'approvisionnement :
- on accoste lesdites au moins une première (11) et seconde (12) tôles,
1.6 en laissant un jeu (31) compris entre 0,04 et 2 mm entre lesdites au moins une face secondaires (71) et (72) placées en regard, l'accostage desdites au moins une première (11) et seconde tôles (12) définissant un plan médian (51) perpendiculaire aux faces principales desdites au moins une première (11) et seconde tôle (12), puis
1.7 - on enlève par fusion et vaporisation, simultanément sur au moins ladite face principale (111) et ladite face principale (121), ladite couche d'alliage métallique (19) dans une zone périphérique (61) de ladite au moins une tôle (11), et ladite couche d'alliage métallique (20) dans une zone périphérique (62) de ladite au moins une tôle (12),
1.8 lesdites zones périphériques (61) et (62) étant les zones des faces principales (111) et (121) les plus proches par rapport audit plan médian (51) situées de part et d'autre par rapport à celui-ci.
VI. La revendication de produit 22 avec la numérotation des caractéristiques utilisée par l'intimée (voir annexe 1 de la réponse aux mémoires de recours) s'énonce comme suit :
22.1 Flan soudé réalisé par l'assemblage d'au moins une première (11) et une seconde (12) tôle d'acier pré-revêtues,
22.2 constituées d'un substrat en acier de traitement thermique (25,26), apte à subir une trempe martensitique ou bainitique après un traitement d'austénitisation, et d'un prérevêtement (15, 16)
22.3 constitué d'une couche d'alliage intermétallique (17, 18) en contact avec ledit substrat en acier,
surmontée d'une couche métallique d'aluminium, ou d'alliage d'aluminium ou à base d'aluminium (19,20), 22.4 ladite au moins une première tôle (11) comprenant une face principale (111), une face principale opposée (112), ladite au moins une seconde tôle (12) comprenant une face principale (121) et une face principale opposée (122),
22.5 ladite couche d'alliage métallique (19) étant ôtée par fusion et vaporisation dans une zone périphérique (61) de ladite au moins une tôle (11), et ladite couche d'alliage métallique (20) dans une zone périphérique (62) de ladite au moins une tôle (12),
22.6 ledit flan soudé comportant au moins un joint soudé (52) définissant un plan médian (51) perpendiculaire aux faces principales desdites au moins une première (11) et seconde tôle (12), et des sections transversales (52a), (52b), ... (52n) perpendiculaires audit plan médian (51),
22.7 caractérisée en ce que lesdites au moins une première (11) et une seconde (12) tôle d'acier pré-revêtues sont préparées par un procédé selon l'une quelconque des revendications 1 à 19,
22.8 en ce que la somme des largeurs des zones périphériques (61, 62) est supérieure à la largeur du joint soudé (52),
22.9 en ce que la profondeur de pénétration est identique de part et d'autre du plan médian (51) du joint soudé (52),
22.10 en ce que la géométrie du joint soudé (52) est régulière avec une dilution homogène
de l'aluminium dans la soudure pour toute section transversale (52a), (52b), ... (52n) du joint soudé (52), et
22.11 en ce que les caractéristiques morphologiques desdites couches (17 et 18) résultant de la solidification après lesdites fusion et vaporisation dudit pré-revêtement, dans lesdites zones périphériques (61) et (62), sont identiques dans lesdites sections (52a), (52b), ...(52n) de part et d'autre dudit plan médian (51).
VII. La revendication indépendante 25 avec la numérotation des caractéristiques utilisée par l'intimée (voir annexe 1 de la réponse aux mémoires de recours) s'énonce comme suit :
25.1 Dispositif de fabrication de flans soudés comprenant :
25.2 - un dispositif d'approvisionnement (91) d'au moins une première (11) et une seconde (12) tôles d'acier de traitement thermique pré-revêtues d'aluminium, ou d'alliage d'aluminium, ou d'alliage à base d'aluminium,
25.3 - un dispositif d'accostage (92) desdites tôles, de façon à obtenir un plan médian (51) entre lesdites tôles (11) et (12)
25.4 - un dispositif de bridage (98) desdites tôles (11, 12)
25.5 caractérisé en ce qu'il comprend en outre :
- au moins une source permettant d'obtenir un faisceau Laser (80) pour ôter par fusion et vaporisation la couche métallique d'aluminium, ou d'alliage à d'aluminium ou à base d'aluminium, simultanément sur une zone périphérique (61, 62) desdites au moins une première (11) et seconde (12) tôles,
25.6 - au moins un dispositif de guidage (94) permettant de positionner ledit faisceau Laser (80) par rapport audit plan médian (51)
25.7 - au moins une source permettant d'obtenir un faisceau Laser (95) pour le soudage desdites tôles (11) et (12), dans la zone d'enlèvement de la couche métallique d'aluminium (61, 62), de façon à obtenir un joint soudé,
25.8 - au moins un dispositif permettant d'obtenir un déplacement relatif des tôles (11) et (12) par rapport aux faisceaux Laser (80) et (95)
25.9 - ledit dispositif de guidage (94) permettant également de positionner ledit faisceau Laser (95) par rapport au plan médian (51),
25.10 - lesdits faisceaux Laser (80) et (95) étant disposés sur une même ligne par rapport au plan médian (51), et à une distance (64) fixe l'un de l'autre.
VIII. Les documents supplémentaires suivants sont cités dans la présente décision:
D2 : DE 102008006624 (A1), 30.07.2009
D4/E4 : DIN EN ISO 9013-2002, July 2003
D9/E9 : Rooks, Brian, "Tailor-welded blanks bring multiple benefits to car design" assembly Automation, No.4, 2001
D24: DE 102011002023 A1, 2012.10.18
D29: WO 2013/014481 Al, 31.01.2013
D31/E31 : EP 0189806 B2, 03.08.1994
1. Violation du droit d'être entendu - Article 113(1) et Règle 111(2) CBE
Toutes les objections et arguments des opposantes/requérantes n'ont pas été dûment pris en considération par la division d'opposition dans sa décision. Le droit d'être entendu des requérantes a été violé.
Le droit d'être entendu est inscrit à l'article 113 CBE et s'énonce comme suit : "Les décisions de l'office européen des brevets ne peuvent être fondées que sur des motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position". Dans leur jurisprudence sur l'obligation de motivation prévu à la règle 111(2) CBE, les Chambres de recours s'appuient sur ce principe. Le droit d'être entendu prévu par l'article 113(1) CBE implique non seulement la faculté de formuler des observations, mais également le droit à ce que celles-ci soient dûment prises en considération.
Une décision motivée doit traiter tous les éléments importants du litige. Les motifs de la décision ainsi que toutes les observations déterminantes concernant les aspects factuels et juridiques de l'espèce doivent être traités en détail (Jurisprudence des Chambres de recours, neuvième édition 2019 III, K, 3.4.3).
1.1 La requérante 1 (opposante 1) estime que la division d'opposition n'a pas traité dans sa décision, ou seulement de manière incomplète, toutes les objections qu'elle a soumises en opposition. Elle soutient ainsi que :
1.1.1 Le point 5.2.2 de la décision qui traite de l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 au regard de D1 en combinaison avec D3 ne répond pas à l'argument selon lequel un jeu compris entre 0,04 et 2 mm entre lesdites faces placées en regard est implicite. Selon la requérante 1, la découpe de tôles par laser a une précision de +/-0,04 mm à +/- 0,3 mm. Ainsi même si les tôles sont disposées directement l'une à côté de l'autre, l'écart entre les deux tôles sera de facto dans la plage revendiquée.
1.1.2 La décision contestée ne traite pas non plus de l'objection relative au défaut d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 par rapport à D2 en combinaison avec D7, D24 ou D29. Ces objections étayées au point 3.1.3, page 8 et au point 3.1.5, page 9 de la notice d'opposition de l'opposante 1 n'ont jamais été retirées pendant la procédure orale selon la requérante 1.
1.1.3 Le point 4 de la décision ne traite pas de tous les arguments avancés par l'opposante 1 sur l'étendue de l'objet de la revendication 22 au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée. La division d'opposition n'aborde pas l'argument selon lequel l'introduction de la caractéristique 22.9 "la profondeur de pénétration est identique de part et d'autre du plan médian (51) du joint soudé (52)" dans la revendication 22 nécessite selon la demande internationale (publication WO):
a) une ablation au moyen d'un faisceau chevauchant le plan de joint et
b) un soudage au moyen d'un laser.
1.1.4 Le point 5.3.1. de la décision ne traite pas de l'objection relative au défaut de nouveauté de la revendication 25 par rapport à D3 soulevée par l'opposante 1 au point 3.25.1 de sa notice d'opposition.
1.1.5 Le refus des demandes de citation des témoins ci-dessous par la lettre du 27 novembre 2020 (voir pages 4 et 5) n'est pas justifié dans la décision.
- M. Domenico Iacovelli pour témoigner de la mise à disposition au public du document D5 et
- M. Michael Pimminger pour témoigner de la mise à disposition au public du document D7.
1.2 La requérante 2 estime également que son droit d'être entendu a été violé pour les raisons suivantes :
1.2.1 La décision de ne pas admettre le document D39 n'est pas suffisamment motivée puisqu'une discussion sur le fond est absente. Le point 2 de la décision indique seulement que le document "a été produit tardivement par l'opposant 2, et ne parait pas à priori plus pertinent que les documents déjà versés au dossier (Article 114(2) CBE)".
1.2.2 La décision ne traite pas de l'argument relatif à la portée du terme "jeu" et des arguments de l'opposante 2 relatifs à l'exposé insuffisant de l'invention.
1.2.3 L'objection d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 au vu de D1 en combinaison avec D2 n'est pas abordée dans la décision contestée.
1.3 La Chambre considère en effet que la décision contestée ne traite pas de toutes les objections des opposantes/requérantes ou de manière incomplète.
1.3.1 L'argument de l'opposante 1 selon lequel la tolérance des découpes par laser conduit nécessairement à la plage du jeu entre les deux plaques revendiquées n'a pas été considéré dans la décision (voir point 5.2.2). L'opposante 1 avait pourtant soulevé ce point dans sa notice d'opposition au point 3.1.1, dernier paragraphe de la page 6 et deux premiers paragraphes de la page 7 et fait référence aux documents E4, E9 et E31 pour montrer qu'une découpe par laser a une précision limitée.
L'intimée soutient que le manque d'activité inventive au vu de D1 en combinaison avec D3 avait été abordé pendant la procédure orale en opposition et que l'opposante 1 avait été libre de développer ses arguments. La décision traiterait des arguments que les opposantes ont maintenus lors de la procédure orale en opposition. Le droit d'être entendu aurait donc été respecté.
Selon le procès-verbal (point 3.1.2), l'objection relative au défaut d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 au vu de D1 en combinaison avec D3 a été discutée pendant la procédure orale. Même s'il n'est pas apparent au procès-verbal (3.1.2.1) que l'opposante 1 a développé pendant la procédure orale l'argument selon lequel la tolérance des découpes par laser conduit nécessairement à la plage du jeu entre les deux plaques revendiquées, cet argument est essentiel pour l'objection de manque d'activité inventive de D1 en combinaison avec D3 et aurait dû être dûment considéré par la Division d'Opposition. Cet argument ne peut pas être considéré comme abandonné puisque l'opposante 1 ne l'a pas explicitement retiré. De plus il ressort du point 3.1.2.2 du procès-verbal que l'opposante 2 a également abordé ce point : "L'opposant 2, noté OPPO2 par la suite, ajouta que le jeu entre les deux tôles revêtues avant ablation est implicitement présent dans D3".
Sous le point 5.2.2, page 9 premier paragraphe, la décision contestée indique : "Ces documents ne suggèrent pas que l'on accoste lesdites au moins une première et seconde tôles, en laissant un jeu entre lesdites au moins une face secondaires et placées en regard, avant l'étape d'ablation. L'homme du métier n'envisagerait pas d'aménager un tel jeu sans exercer une activité inventive, cette mesure n'étant suggérée dans aucun des documents cités". La décision ne donne aucune indication en quoi le jeu revendiqué ne peut être considéré comme implicite dans le document D3.
1.3.2 Les attaques relatives au manque d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 au vu de D2 en combinaison avec D7, D24 ou D29 ne sont pas traitées dans la décision (voir point 5.2.2 de la décision contestée), or ces objections avaient été soulevées aux points 3.1.3 et 3.1.5 de la notice d'opposition de l'opposante 1.
L'intimée considère que l'opposante 1 a décidé de ne pas maintenir les objections de manque d'activité inventive partant de D2 comme le montre le procès-verbal. Le droit d'être entendu de l'opposante 1 aurait ainsi été respecté et il ne pourrait être reproché à la Division d'Opposition de ne pas avoir traité ces objections dans sa décision.
Selon le procès-verbal, le manque d'activité inventive partant de D2 n'a pas été réitéré durant la procédure orale en opposition mais cela ne signifie pas pour autant que l'objection de manque d'activité inventive partant de D2 a été abandonnée. L'opposante 1 n'a pas exprimé vouloir retirer cette objection. Au contraire, le dernier point du procès-verbal (point 3.5) énonce que: "Les opposants n'ayant pas d'autres objections sur le jeu de revendications tel que délivré qui n'ont pas été évoquées durant la phase écrite de la présente procédure d'opposition, le président interrompit la procédure orale pour délibération sur ces différents points", ce qui indique que les objections soulevées dans les écritures des opposantes ont été maintenues.
1.3.3 Le point 2 de la décision contestée indique : "La division d'opposition a accédé à la requête du titulaire du brevet de ne pas admettre le document D39, pour la raison que ce dernier a été produit tardivement par l'opposant 2, et ne parait pas à priori plus pertinent que les documents déjà versés au dossier (Article 114(2) CBE)". La Division d'Opposition ne justifie pas sur le fond pourquoi le document D39 n'est pas plus pertinent que les autres documents déjà versés au dossier.
En l'absence de motivation sur ce point, la Chambre et les parties ne sont pas en mesure de comprendre si la décision est justifiée.
1.3.4 La décision n'aborde pas la portée du terme "jeu" et les arguments de l'opposante 2 relatifs au défaut de l'exposé de l'invention soulevés au point 5 de la lettre du 8 décembre 2020. Au point 3 de la page 6 de la décision contestée, la Division d'Opposition indique seulement que le terme "jeu" signifie un espacement et non un degré de liberté. La décision ne traite pas de l'argument de l'opposante 2 selon lequel seules les fentes allant jusqu'à 0,1 mm peuvent être soudées avec succès au laser sans matériau supplémentaire.
L'intimée soutient que l'opposante 2 n'avait pas soulevé le motif 100b) CBE dans sa notice d'opposition et n'a jamais soumis d'argument sur ce point en première instance, en particulier lors de la procédure orale comme le confirme le procès-verbal. L'intimée considère donc qu'il ne peut pas être reproché à la Division d'Opposition de ne pas avoir traité un argument qui n'a été soulevé par aucune des opposantes.
La Chambre n'est pas d'accord. L'opposante 2 a objecté au point 5 de sa lettre du 8 décembre 2020 la suffisance de l'exposé de l'invention. La Division d'Opposition aurait dû donc soit décider de ne pas admettre ce motif d'opposition si elle le considérait tardif et prima facie non pertinent, soit étayer en quoi les arguments de l'opposante 2 n'étaient pas convaincants. Le fait que l'opposante 2 n'ait pas réitéré cette objection pendant la procédure orale ne signifie pas qu'elle l'a abandonnée. En effet l'opposante 2 n'a jamais exprimé explicitement retirer l'objection.
1.3.5 L'objection relative à l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 au vu de D1 en combinaison avec D2 n'est pas abordée dans la décision attaquée. Or cette objection a été soulevée par l'opposante 2 au point 4.1 de sa lettre du 8 décembre 2020 puis lors de la procédure orale comme le confirme le point 3.1.2.5 du procès-verbal et le point 5.2.2 de la décision.
1.3.6 Au vu des nombreuses objections non-traitées par la Division d'Opposition dans sa décision et tout particulièrement des objections relatives au défaut d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 partant de D2 en combinaison avec D7, D24 et D29 et en partant de D1 en combinaison avec D2, la Chambre juge que le droit d'être entendu des opposantes/requérantes, qui comprend le droit de voir leurs arguments pris en compte dans la décision écrite, a été violé.
1.4 La Chambre en revanche considère que la décision de la Division d'Opposition est suffisamment motivée en ce qui concerne :
- l'objection de la revendication 22 sous l'article 100(c) CBE
- le manque de nouveauté de l'objet de la revendication 1 par rapport à D3
- le refus de l'audition des témoins.
1.4.1 L'objection sous l'article 100(c) CBE de la revendication 22 a été soulevée par l'opposante 1 aux points 3.22 et 3.22.1 de son mémoire d'opposition et sous le point 4 dans sa lettre du 27 novembre 2020.
Sous le point 4 de la décision contestée, la Division d'Opposition note : "Selon la page 20, la pénétration homogène du joint soudé est obtenue grâce à un enlèvement de la couche d'aluminium dans des zones périphériques de part et d'autre du plan médian. Cette caractéristique est incluse dans la revendication 1, et par conséquent aussi dans la revendication 22, puisque les tôles y sont préparées selon le procédé de la revendication 1. De plus l'utilisation d'un laser est décrit dans la demande d'origine (page 12, ligne 13) comme un mode de réalisation préféré, mais non essentiel".
La Division d'Opposition a ainsi pris position sur l'argument selon lequel la profondeur de pénétration identique nécessite:
a) une ablation au moyen d'un faisceau chevauchant le plan de joint et
b) un soudage au moyen d'un laser.
La Division d'Opposition considère que la revendication 1 à laquelle se rapporte la revendication 22 définit une ablation dans la zone de part et d'autre plan médian, (donc chevauchant le plan de joint) et que l'utilisation du laser est optionnelle et par conséquent ne doit pas être définie dans la revendication 1.
1.4.2 L'objection de manque de nouveauté de la revendication 1 a été soulevée par l'opposante 1 au point 3.25.1 de sa notice d'opposition. La Division d'Opposition a examiné la nouveauté de l'objet de la revendication 25 par rapport à D3 puisque sous le point 5.3.2 de sa décision traitant de l'activité inventive de la revendication 25 partant de D3, la Division d'Opposition liste les différences entre l'objet de la revendication 25 et le document D3.
1.4.3 L'audition des témoins pour déterminer si les documents D5 et D7 ont été mis à disposition du public n'a pas été considérée comme nécessaire au vu du point 5.1 de la décision :
"La division est arrivée à la conclusion qu'il aurait été nécessaire de déterminer si, effectivement, la priorité est valide et les documents D5 et D7 appartiennent à l'état de la technique à la condition que leur contenu remette en cause la validité du brevet. Comme il apparaîtra ci-dessous, le contenu des documents D5 et D7 n'est pas de nature à influencer la décision si les documents étaient pris en considération. La division d'opposition n'a donc pas pris de décision au sujet de la validité de la priorité et de l'accessibilité des documents D5 et D7 au public". De ce passage ressort clairement qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si D5 et D7 font partie de l'art antérieur et donc qu'il est inutile d'auditionner les témoins.
2. Renvoi de l'affaire à la Division d'Opposition - Article 11 RPCR 2020
Dans la présente affaire, la décision de la Division d'Opposition ne traite pas de toutes les objections des opposantes / requérantes ce qui conduit à une violation du droit d'être entendu. La Chambre a donc décidé de renvoyer l'affaire à la Division d'Opposition.
2.1 Conformément à l'article 11 RPCR 2020, la Chambre peut renvoyer l'affaire à l'instance qui a rendu la décision attaquée si des raisons particulières le justifient. En règle générale, la présence de vices majeurs entachant la procédure de cette instance constitue une raison particulière. La violation du droit d'être entendu prévu à l'article 113(1) CBE est considérée comme un vice majeur.
2.2 L'intimée considère que la Chambre est en mesure de juger toutes les objections soulevées par les requérantes dans leurs mémoires de recours sans effort excessif. Elle note en particulier que la requérante 1 n'a pas maintenu les objections relatives au défaut d'activité inventive partant de D2 dans son mémoire de recours. L'intimée invoque le besoin de réduire les va-et-vient entre les Chambres et les Divisions d'Opposition et l'allongement injustifié de l'ensemble de la procédure devant l'OEB qui en résulterait.
2.3 La Chambre estime au contraire que le cumul des objections non traitées ou traitées de manière incomplète requiert un renvoi de l'affaire à la Division d'Opposition afin de permettre aux parties de disposer d'une décision complète et suffisamment motivée et d'exercer, le cas échéant, leur droit au recours sans avoir à émettre d'hypothèses sur les raisons ayant conduit à la décision prise par la Division d'Opposition.
La Chambre note également que, contrairement à ce qu'affirme l'intimée, l'objection relative au défaut d'activité inventive partant du document D2 en combinaison avec les documents D7, D24 et D29 a été réitérée aux points 4.1.2 et 4.1.3 du mémoire de recours de la requérante 1, qui a repris le passage correspondant de sa notice d'opposition. La Chambre relève que, en l'absence de raisonnement dans la décision contestée sur l'activité inventive de la revendication 1 partant de D2, la requérante 1 ne pouvait que reprendre les arguments soumis dans la procédure d'opposition. En outre au point 2 de son mémoire de recours, la requérante 1 a fait référence aux notices d'opposition et observations faites pendant la procédure orale en opposition et a indiqué maintenir toutes les objections au stade du recours.
Dans ces conditions, un renvoi à la Division d'Opposition est justifié.
3. Remboursement de la taxe de recours
En vertu de la règle 103(1)a) CBE, le remboursement de la taxe de recours est soumis à trois conditions :
i) la Chambre fait droit au recours;
ii) la procédure devant la division d'examen/d'opposition était entachée d'un vice substantiel de procédure ;
iii) le remboursement est équitable.
Pour les motifs exposés ci-dessus, la Chambre conclut que la procédure devant la Division d'Opposition était entachée d'un vice substantiel de procédure. Par conséquent, la décision faisant l'objet du recours doit être annulée. Dans ces circonstances, la Chambre considère que le remboursement de la taxe de recours est équitable et ordonne par conséquent le remboursement de la taxe de recours.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de poursuivre la procédure.
3. La taxe de recours est remboursée.