2.6.5 Nouvelles questions soulevées
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Conformément à la jurisprudence constante, les motifs d'un recours peuvent également être considérés comme suffisants lorsqu'il est allégué de nouveaux faits qui privent la décision de sa base juridique (T 252/95, T 760/08), notamment si de nouveaux jeux de revendications sont déposés (T 934/02, T 2226/13). En principe, le requérant a le choix entre deux possibilités pour exposer les motifs de son recours. Ou bien il conteste la décision de la division d'opposition au motif qu'elle est erronée, de telle sorte que la chambre de recours, si elle suit le raisonnement exposé par le requérant, peut et doit annuler la décision dans sa totalité. Cela présuppose de la part du requérant qu'il défende sa cause de manière convaincante, et ce à l'égard de tous les motifs sous-tendant la décision. Ou bien le requérant produit des jeux de revendications modifiés qui sont de nature à remédier, selon lui, aux irrégularités relevées par la division d'opposition dans sa décision.
Pour que le recours soit recevable, il n'est pas impératif que le requérant conteste la décision de la division d'opposition comme étant erronée. Lorsque des revendications modifiées ont été déposées, un recours peut également être recevable si le mémoire exposant les motifs du recours comporte des raisons suffisantes expliquant pourquoi les modifications sont de nature à remédier aux irrégularités relevées par la division d'opposition (T 1668/14).
Un recours formé par le titulaire d'un brevet doit être considéré comme suffisamment motivé aux fins de l'art. 108, troisième phrase CBE, même s'il n'indique pas de motif spécifique pour lequel la décision est contestée, lorsque deux critères sont remplis :
- l'objet de la procédure a changé, en raison du dépôt de revendications modifiées avec le mémoire exposant les motifs du recours
- les motifs de la décision ne sont plus pertinents au vu des revendications modifiées (cf. T 105/87, T 563/91, T 717/01, T 934/02, T 655/03 et T 1708/08).
Dans l'affaire T 934/02, la chambre a ajouté qu'il n'était donc pas nécessaire et qu'il serait même inutile, en vue d'étayer dûment le recours, de produire des motifs à l'appui du texte d'une revendication que le requérant (titulaire du brevet) ne défendait plus dans le cadre de la procédure de recours. Voir également les décisions T 1197/03 et T 642/05. Cependant, si la demande a été rejetée non pas au motif que le jeu de revendications figurant antérieurement dans le dossier ne pouvait pas être admis, à savoir pour absence de clarté, de nouveauté ou d'activité inventive, mais au motif qu'il n'y avait pas de jeu de revendications sur lequel le demandeur et la division d'examen se soient entendus, le dépôt de nouvelles revendications n'est pas une réponse adaptée (T 573/09). Le mémoire exposant les motifs du recours aurait dû préciser pour quelle raison la procédure devait être poursuivie devant la chambre.
Toutefois, il ne suffit pas de déposer un nouveau jeu de revendications sans commentaires. Le requérant doit au contraire indiquer pour quels motifs et dans quelle mesure les considérations factuelles et juridiques sur lesquelles la division d'opposition a fondé sa décision sont prises en compte dans le jeu de revendications modifiées, de telle manière que la décision doit être annulée (T 220/83 ; JO 1986, 249 et T 145/88). Dans l'affaire T 933/09, la chambre a estimé que le requérant avait l'obligation de préciser dans le mémoire exposant les motifs du recours en quoi ces modifications étaient pertinentes pour lever les objections sur lesquelles était fondée la décision contestée. Le recours a été rejeté au motif qu'il était irrecevable (cf. également T 1533/13). Les modifications sont censées répondre aux motifs de la décision attaquée (T 2453/09).
Cependant, le simple fait de déposer des revendications modifiées avec le mémoire exposant les motifs du recours ne suffit pas si elles ne permettent pas de répondre aux motifs du rejet dans l'affaire en cause. Le requérant, dans la décision T 1707/07, ne se rapportaient pas aux motifs indiqués dans la décision en question et, par conséquent, la chambre ne voyait pas en quoi la décision attaquée aurait été incorrecte. Le recours a été rejeté au motif qu'il était irrecevable. Voir également T 502/02 et T 132/03.
Dans l'affaire T 23/03, les faits à la base de la décision contestée n'avaient pas changé et les modifications apportées aux revendications déposées avec le mémoire exposant les motifs du recours n'ajoutaient aucun élément qui puisse clarifier de manière implicite les raisons pour lesquelles le requérant pouvait estimer que la décision attaquée ne s'appliquait plus aux nouvelles revendications dépendantes. Le recours était donc irrecevable.
Dans l'affaire T 295/04, le mémoire exposant les motifs du recours se bornait à renvoyer de manière générale à des écritures produites pendant la procédure en première instance et contenait seulement de nouvelles revendications. Cependant, un tel renvoi général ne pouvait être considéré comme un exposé des motifs pour lesquels il y avait lieu de modifier la décision prise par l'instance du premier degré. Le recours a été rejeté pour irrecevabilité.
Dans l'affaire T 1276/05, le titulaire du brevet (requérant) était revenu à une forme de revendication qui avait été effectivement retirée pendant la procédure d'opposition, à savoir la forme de revendication utilisée dans le brevet tel que délivré, sans expliquer pourquoi la décision contestée était erronée. La chambre a constaté que des explications étaient superflues compte tenu de la situation particulière de l'affaire qu'elle instruisait, dans laquelle, fait inhabituel, les modifications proposées rendaient caducs les motifs de la décision ; le recours était donc recevable.
Dans l'affaire T 2532/11, la question s'est posée de savoir si de nouvelles requêtes pouvaient être considérées comme des motifs de recours implicites. Un mémoire exposant les motifs du recours accompagné de revendications modifiées peut définir, au moins implicitement, dans quelle mesure le requérant souhaite l'annulation de la décision contestée. Dans de nombreuses décisions, une approche tolérante a été adoptée et les recours ont été jugés recevables si la chambre compétente pouvait déduire des circonstances de l'espèce les intentions présumées du requérant et les motifs qui sous-tendaient vraisemblablement ses actions (T 729/90, T 563/91, T 574/91, T 162/97). Des recours ont également été jugés recevables lorsque l'objet de la procédure avait changé en raison du dépôt de nouvelles revendications avec le mémoire exposant les motifs du recours, lequel expliquait en détail pourquoi les motifs d'opposition soulevés ne s'opposaient pas au maintien du brevet sous une forme modifiée selon ces nouvelles revendications (T 717/01, T 934/02 renvoyant à la décision J xx/87 (=J 902/87), JO 1988, 323 et T 105/87). La chambre de recours doit juger du bien-fondé d'un recours dans le cadre des arguments présentés par les requérants, mais elle ne peut pas deviner la teneur de ces arguments ni, à plus forte raison, en présenter à la place des requérants. Un lien direct doit être maintenu entre la décision contestée et le mémoire exposant les motifs du recours.
Dans l'affaire T 223/14, les revendications modifiées ont manifestement été déposées dans l'intention de préciser les caractéristiques déjà existantes en vue d'écarter l'objection ayant motivé l'absence de nouveauté constatée. Il ne s'agissait donc pas en l'espèce d'une situation de fait totalement nouvelle. La chambre a par conséquent estimé qu'il existait un lien direct largement suffisant ("direct link", cf. T 2532/11) entre la décision contestée et le mémoire exposant les motifs du recours.