3.2.1 Procédure de recours faisant suite à une opposition
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Voir le chapitre V.A.4.12.13 "Rétablissement de revendications plus larges au cours de la procédure de recours".
Dans la décision T 123/85 (JO 1989, 336), la chambre, se référant aux décisions T 73/84 (JO 1985, 241) et T 186/84 (JO 1986, 79), a estimé que la CBE ne comportait aucune disposition permettant au titulaire du brevet de déclarer, au cours de la procédure d'opposition, qu'il renonce à son brevet ou à une partie de son brevet pour en limiter le contenu. Ainsi une requête retirée au cours de la procédure d'opposition peut néanmoins être examinée à l'occasion de toute procédure de recours sur opposition ultérieure. Cet avis a été partagé dans de nombreuses décisions, notamment les décisions T 296/87 (JO 1990, 195), T 934/02, T 699/00, T 794/02, T 1276/05 et T 1188/09.
Dans l'affaire T 1018/02, la chambre a déclaré que toute modification d'un brevet européen devait être conforme à la règle 57bis CBE 1973, selon laquelle il n'est possible de modifier un brevet que pour répondre à des motifs d'opposition. Cependant, cela n'a pas pour effet d'empêcher un titulaire de brevet ayant décidé de défendre en première instance une requête principale de portée limitée par rapport aux revendications du brevet tel que délivré d'outrepasser les limites de cette requête dans une procédure de recours. Conformément à la décision T 407/02, un titulaire de brevet qui n'a défendu qu'une version limitée de son brevet devant la division d'opposition a en principe le droit, au stade du recours, de revenir à une version plus large du brevet, voire au brevet tel que délivré. Suivant sur ce point la décision rendue dans l'affaire T 407/02, la chambre a souligné dans sa décision T 1188/09 que les opposants doivent par conséquent s'attendre en tout état de cause à ce que le titulaire d'un brevet révoqué par la division d'opposition défende, au stade de la procédure de recours, son brevet tel que délivré. Selon la chambre dans l'affaire T 1188/09, la décision T 1018/02 a suivi expressément le même raisonnement. La décision T 386/04 a confirmé une fois encore ce point de vue, et précisé que les décisions prétendument contraires portaient toutes sur des cas de figure dans lesquels la modification des revendications avait représenté un abus de procédure.
Selon la décision T 386/04, un requérant (titulaire du brevet) dont le brevet a été révoqué peut demander le maintien du brevet tel que délivré même si la requête principale qu'il avait présentée devant la division d'opposition ne visait qu'au maintien du brevet dans une forme plus limitée. Il y a une exception à ce principe lorsque le fait d'autoriser le titulaire du brevet à revenir aux revendications modifiées constitue un abus de procédure. Ce principe de longue date n'est pas contredit par les décisions T 528/93 ou T 840/93 (JO 1996, 335), qui portent sur de nouvelles revendications soulevant de nouveaux problèmes, et n'est pas non plus contraire au point de vue exprimé par la Grande Chambre de recours dans sa décision G 9/91 (JO 1993, 408) concernant le but poursuivi par une procédure de recours. Dans ce contexte, opérer une distinction entre les cas dans lesquels le brevet a été révoqué et ceux dans lesquels le brevet a été maintenu ne témoigne d'aucune logique de procédure.
Dans l'affaire T 28/10, la chambre s'est livrée à une analyse approfondie de la décision T 123/85 et de la jurisprudence ultérieure allant dans le même sens, y compris de la décision T 386/04, même si cette dernière signale que la CBE 1973 ne prévoit pas la possibilité pour le titulaire du brevet de déclarer lors de la procédure d'opposition qu'il renonce à son brevet. Étant donné qu'une telle renonciation ne saurait faire l'objet d'une déclaration valable à l'égard de l'OEB lors de la procédure d'opposition, la décision susmentionnée a rejeté l'argument des opposants selon lequel la limitation des jeux de revendications intervenue au cours de la procédure d'opposition devrait être interprétée comme une déclaration de renonciation. La chambre a estimé que dans le contexte de la décision T 123/85 (JO 1989, 336), cette conclusion devait être comprise comme renvoyant seulement à l'idée qu'en tant que droit subjectif un brevet européen ne saurait faire l'objet d'une modification créant des effets juridiques – notamment une limitation irrévocable – par le biais d'une déclaration unilatérale de renonciation de son titulaire exprimée dans le cadre de la procédure d'opposition (cf. à cet égard les décisions G 1/90, JO 1991, 275 ; T 386/01), de sorte que la modification des jeux de revendications intervenue au cours de la procédure d'opposition ne peut être considérée comme une renonciation. En revanche, on ne saurait déduire de cette conclusion que le titulaire du brevet doit pouvoir revenir à une version plus large des revendications, qu'il n’avait pas initialement défendue lors de la procédure d'opposition, et par là même modifier les moyens invoqués sans aucune restriction d’ordre procédural.
Dans l'affaire T 28/10 le titulaire du brevet souhaitait introduire lors de la procédure de recours des revendications qui n'avaient pas fait l'objet de la discussion devant la division d'opposition. La chambre a estimé que la situation juridique avait changé depuis le prononcé de la décision T 123/85 et que l'art. 12(4) RPCR 2007 constituait désormais la disposition juridique de référence en la matière, plutôt que la jurisprudence basée sur la décision T 123/85. La chambre a signalé que la décision T 123/85 s'appuyait sur la décision T 64/85. Or, il ressort de cette dernière qu'un abus de la possibilité de modifier ultérieurement les moyens invoqués peut être sanctionné sur la base de l'art. 114 (2) CBE 1973 ou de la règle 86 (3) CBE 1973. Selon la décision T 64/85, la portée du principe de concentration figurant à l'art. 114 (2) CBE 1973 ou dans la règle 86 (3) CBE 1973 est donc limitée. Dans la décision T 28/10, la chambre s'est rangée à l'opinion selon laquelle, outre l'interdiction de l'abus de procédure et celle de l'aggravation de la situation juridique (cf. p. ex. T 934/02), le principe de concentration des moyens invoqués par les parties venait également limiter le principe de libre disposition. En ce qui concerne la modification des jeux de revendications au cours de la procédure d'opposition ou de la procédure de recours sur opposition, le principe de concentration est ancré dans la règle 116 (2) CBE ou dans l'art. 12 (4) RPCR, ainsi que dans l'art. 13 RPCR 2007. S'il est vrai que la modification ultérieure des moyens invoqués n'est pas complètement exclue par ces dispositions, qui lui imposent des délais stricts en fonction des moyens soumis, la prise en compte de ces modifications relève du pouvoir d'appréciation de l'instance chargée de statuer.