Invention : Technique de silençage génique
Le procédé révolutionnaire de mise en veille de gènes humains inventé par Thomas Tuschl est devenu un outil indispensable dans le développement de méthodes pour diagnostiquer et traiter des maladies aussi diverses que l'hémophilie et l'hypercholestérolémie. Le biochimiste allemand est parvenu à adapter aux cellules humaines la technique de silençage génétique utilisant l'ARN interférent (ARNi).
Nos cellules fabriquent les protéines indispensables à notre biologie, mais lorsqu'un gène fournit des instructions qui s'écartent du plan directeur, les protéines mal formées sont susceptibles de causer diverses maladies. Certaines de ces maladies peuvent être évitées si l'on parvient à empêcher l'activation des gènes pathologiques.
Les travaux de Thomas Tuschl exploitent les acides ribonucléiques (ARN) qui régissent la quantité de protéines fabriquées par la cellule. Son coup de génie a été d'introduire, dans la cellule, un ARN à double brin d'une longueur bien précise : assez long pour susciter de l'ARNi et réduire le gène cible au silence, mais suffisamment court pour ne pas causer d'effets secondaires en s'attirant les foudres du système immunitaire de la cellule. En plus de jeter les bases à maints traitements prometteurs, cette invention est d'une aide précieuse pour déchiffrer la génétique humaine.
Impact social
Désormais essentiel à la recherche génétique fondamentale, l'ARNi fait partie de la panoplie standard des laboratoires du monde entier. Entre-temps, Alnylam Pharmaceuticals et d'autres entreprises de biotechnologies s'attachent à en tirer de nouvelles méthodes de diagnostic et de traitement. Les premiers essais effectués in vitro sur certaines maladies sont encourageants. Des millions de gens devraient bénéficier à l'avenir des techniques de l'ARNi.
Impact économique
La firme américaine Alnylam Pharmaceuticals, cofondée par Thomas Tuschl en 2002 et pour laquelle il fait toujours office de conseiller scientifique, détient la licence exclusive sur l'utilisation de sa méthode. Les jeunes entreprises biotechnologiques spécialisées dans les techniques de l'ARNi ont reçu des milliards de dollars d'investissements en provenance de sources diverses, dont les majors de l'industrie pharmaceutique. Alnylam intéresse notamment le géant Roche, qui lui a acheté une licence non exclusive en 2007, pour une somme qui avoisinerait les 300 millions de dollars.
Aucun produit ou traitement basé sur l'ARNi n'a été approuvé à ce jour, mais des essais cliniques sont en cours, dont 11 à l'actif d'Alnylam. Le marché mondial de l'ARNi dans les domaines des réactifs de laboratoire, des outils diagnostiques et thérapeutiques, et de l'agriculture, a été évalué à près de 210,2 millions de dollars en 2012. Il devrait atteindre les 290 millions de dollars d'ici 2018.