Invention : Décellularisation pour la médecine régénérative
Grâce au couple britannique, l’immunologue Eileen Ingham et le bioingénieur John Fisher de l’Université de Leeds, la médecine régénérative a élargi son répertoire en matière de remplacement des tissus mous. Offrant une alternative sûre pour les patients en attente de tissu pour la peau, les tendons, et les valves cardiaques, leur procédé breveté prévient les rejets du tissu du donneur par le système immunitaire.
Le corps humain
rejette naturellement les corps étrangers, y compris les implants médicaux. Le
titane s'est révélé un matériau biologiquement tolérable pour les implants
dentaires et les prothèses, puisqu'il ne déclenche aucune réponse du système immunitaire. Mais
remplacer les tissus mous comme la peau ou les tendons est resté un défi de la
médecine régénérative pendant des décennies.
C'est au final l'union entre les champs de la biologie et de la physique, réalisée par le couple de chercheurs, qui a permis de relever de défi. L'expertise en physique issue de la formation en ingénierie de Fisher alliée à l'expertise en biologie d'Ingham ont permis d'aboutir à un procédé de décellularisation qui intègre naturellement le tissu implantaire dans le corps du patient.
Mise sur le marché sous le nom de technologie dCELL® par TISSUE REGENIX, entreprise dérivée de l'Université de Leeds fondée par le couple, l'invention résout le problème du rejet des transplantations de tissus. Développée à l'Université de Leeds sur plus d'une décennie, elle implique de nettoyer le tissu du donateur humain ou animal pour enlever presque tout le matériel ADN ou cellulaire. Le résultat final est un échafaudage biologique, sur lequel le nouveau tissu peut se développer avec exactement les mêmes propriétés que le tissu qu'il va réparer ou remplacer.
Bénéfices pour la société
L'accroissement de l'espérance de vie, combiné avec l'augmentation des maladies chroniques comme le diabète, les maladies cardiaques et l'obésité ont de graves répercussions sur le corps humain, d'où des besoins grandissants en matière de médecine réparatrice. En réponse à ces besoins, la technologie brevetée d'Ingham et Fisher crée une plate-forme élargie pour réparer ou remplacer les tissus mous et les organes abîmés.
À ce jour, la technologie a eu un impact majeur sur le traitement des ulcères diabétiques. D'après les estimations, 415 millions de personnes dans le monde ont le diabète, dont 6% souffrent d'un ulcère au pied ou de blessures susceptibles de mener à une amputation ou même à la mort. La technologie a permis de créer un traitement à base de peau humaine décellularisée pour réparer les blessures associées au diabète. C'est un véritable succès commercial depuis son lancement en 2014 en Europe et aux Etats-Unis.
Les maladies cardiovasculaires sont un autre domaine prometteur du traitement. Des valves cardiaques de remplacement – un des domaines de spécialité de Fisher - sont fabriquées à partir de valves de donneur humain et retirées de leur matériel cellulaire au moyen de la décellularisation technique. Après des essais convaincants au Brésil durant une période de dix ans, la technologie fait actuellement l’objet d’un processus de demande réglementaire en Allemagne pour son utilisation en Europe.
L'invention d'Ingham et de Fisher offre des possibilités fabuleuses. Leur société a mis au point des tendons de remplacement, fabriqués à partir de donneurs porcins (porcs) ou humains, qui sont utilisés pour les traitements orthopédiques de régénération. Des essais cliniques européens sont en cours, et la société espère obtenir le marquage CE et mettre sur le marché européen le premier tendon orthopédique fin 2018.
Avantages économiques
Pour commercialiser leur invention brevetée, Ingham et Fisher ont cofondé Tissue Regenix en 2006. La société a lancé son premier produit en 2014. Le traitement à base de peau humaine décellularisée est disponible aux Etats-Unis sous l’appellation DermaPure® et au Royaume-Uni sous l’appellation derme dCELL®. Sur la base de ces produits, le chiffre d’affaires annuel de la société est monté en flèche, passant de 6700 € en 2014 à 1,6 million d’euros en 2016. D’après les derniers résultats annuels du groupe, le chiffre d’affaire a augmenté de 6 millions d’euros en 2017.
Tissue Regenix opère sur le marché du traitement des plaies, lequel est actuellement estimé à environ 16 milliards d'euros et devrait enregistrer une forte croissance, pour atteindre 19 milliards d'euros d'ici 2022.
Une fois approuvée, la valve cardiaque répondra à des besoins toujours croissants. Le nombre de personnes diagnostiquées en défaillance cardiaque à travers le monde devrait augmenter de 46% d'ici 2030. Selon les estimations, le marché mondial pour les dispositifs de réparation et remplacement des valves cardiaques devrait atteindre 6,5 milliards d'euros d'ici 2021.