T 0007/88 08-09-1989
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Procédé de formation d'une collerette sur la paroi d'un tube métallique
inventive step (no)
activité inventive (non)
I. Le brevet européen n° 29 380 comprenant deux revendications a été délivré à l'intimée le 29 janvier 1986, sur la base de la demande de brevet européen n° 80 401 568.3 déposée le 3 novembre 1980 sous priorité du 15 novembre 1979.
La revendication 1 délivrée s'énonce comme suit :
"Procédé de formation d'une collerette (11, 11') sur la paroi d'un tube métallique (1, 1'), de préférence de faible épaisseur, ce procédé étant caractérisé en ce que, le tube (1, 1') étant vide de tout remplissage, on forme de façon connue en soi, par une opération de repoussage du métal telle que le moletage, à la périphérie du tube (1, 1') et sur la face opposée à celle où l'on désire obtenir la collerette, une gorge circulaire (6, 6', 17) limitée par deux flancs adjacents (7, 8), et en ce que l'on exerce ensuite sur les extrémités du tube (1, 1') une compression axiale, jusqu'à amener en contact les deux flancs adjacents (7, 8) formés au cours de la première phase."
II. Le 21 octobre 1986, la requérante a formé opposition au brevet délivré et requis sa révocation pour absence de nouveauté ou d'activité inventive de son objet en comparaison avec l'état de la technique.
III. Après que, par décision du 17 novembre 1987, la division d'opposition ait rejeté l'opposition et maintenu le brevet tel que délivré, la requérante a formé un recours et payé simultanément la taxe correspondante le 23 décembre 1987.
Le 16 mars 1988, la requérante a déposé un mémoire dans lequel elle s'appuie sur les divulgations de trois antériorités déjà citées en opposition pour nier la brevetabilité de l'objet du brevet. En réponse, après avoir contesté l'argumentation de la requérante, l'intimée a déclaré qu'elle considérait le recours comme étant abusif.
IV. Par notification du 17 août 1989 destinée à préparer la procédure orale requise par la requérante, la Chambre a attiré l'attention des parties sur l'enseignement qu'un homme du métier pourrait notamment déduire des informations divulguées dans le document GB-A-104 186 cité en procédure d'examen.
V. Au cours de l'audience du 8 septembre 1989, la requérante a soutenu pour la première fois que, dans le brevet, l'exposé de l'invention était insuffisant (Art. 100(b) CBE) et que la revendication 1 était elle-même incomplète du fait que le procédé serait présenté de manière très générale et schématique sans indications pratiques pour sa mise en oeuvre.
En particulier, ni le but de l'invention, ni la manière d'ébaucher la collerette, ni le métal du tube ou son épaisseur, ni sa rotation ou son chauffage et encore moins une éventuelle compression des flancs de l'ébauche de collerette ou le dispositif de mise en oeuvre du procédé ne seraient précisés.
En l'absence de telles précisions, l'objet de la revendication 1 du brevet attaqué ne se distinguerait pas de manière essentielle de l'état de la technique décrit dans GB-A-104 186. En outre, selon la requérante, il conviendrait de remarquer que la seconde phase du procédé serait connue en soi du document FR-A-1 051 547 cité en procédure d'examen (voir en particulier sa fig. 4).
En réponse, l'intimée a fait observer que le but de former une collerette était clairement indiqué dans le brevet ainsi que la manière d'ébaucher celle-ci par moletage. En outre, selon l'intimée, le fait de passer sous silence certaines mesures (chauffage, rotation du tube, utilisation de matrices etc.) devrait être interprété comme signifiant l'absence de celles-ci bien que certains détails, comme par exemple l'immobilité du tube pendant la seconde phase, n'auraient pas à être précisés. C'est justement l'absence de ces mesures qui distinguerait l'invention de l'état de la technique décrit dans la demande de brevet britannique. Toutefois, pour encore mieux la distinguer, l'intimée a proposé, à titre subsidiaire, d'ajouter en fin de revendication 1 la phrase suivante : "... en s'abstenant de toute compression exercée sur les flancs de la gorge circulaire." Selon l'intimée, cette mesure d'exclusion trouverait son support dans la description du brevet col. 2, lignes 14-21 où le procédé selon l'invention est présenté comme limité à la combinaison des deux phases.
VI. A l'issue de l'audience, la requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée, quant à elle, a requis le maintien du brevet tel que délivré ou, subsidiairement, tel que modifié en ce qui concerne la revendication n° 1 en cours de procédure orale. Elle a en outre demandé que la totalité des frais qu'elle a exposés durant la procédure de recours et une partie au moins des frais qu'elle a engagés devant la division d'opposition soient mis à la charge de la requérante.
1. Le recours est recevable.
2. Objection selon l'article 100(b) CBE Au cours de la procédure orale, la requérante a soulevé pour la première fois l'objection d'insuffisance de description de l'invention (Art. 100b) CBE).
Le brevet n'ayant pas été modifié depuis sa délivrance, cette objection aurait dû être formulée plus tôt dans le délai imparti pour former opposition. Elle doit donc être considérée comme tardive au sens de l'art. 114(2). Compte tenu, en outre, de la nature de l'objection, la Chambre a décidé de ne pas la prendre en considération comme elle en a le pouvoir (Cf. Décision T 122/84, "Peinture métallisée/HOECHST" J.O. OEB 1987, 177).
3. Interprétation de l'exposé Toutefois, étant donné que l'exposé de l'invention est déterminant aussi bien pour interpréter l'objet de la revendication principale du brevet que pour apprécier l'étendue de celle-ci, ce qui conditionne à la fois la brevetabilité et la reproductibilité de l'invention revendiquée, la Chambre a considéré devoir se prononcer sur la manière dont il convient d'interpréter certaines omissions de l'exposé.
3.1. Il y a lieu, en effet, de remarquer que le procédé revendiqué n'est décrit dans l'ensemble du brevet que d'une manière très générale, avec des exemples présentés seulement de façon schématique sans indication détaillée comme requis par la règle 27(1) f) CBE.
Si tous les moyens accessoires servant à la mise en oeuvre n'ont pas à être détaillés, il n'en reste pas moins qu'aucun de ceux indispensables à la reproduction de l'une quelconque des réalisations entrant dans le champ de protection de la revendication 1 ne doit être considéré comme implicitement exclus du simple fait qu'il n'est pas explicitement cité.
3.2. Contrairement à ce qu'a prétendu l'intimée, l'absence dans l'exposé d'indications relatives, par exemple, au chauffage du tube, ou à une éventuelle opération de finition de la collerette, ou encore à l'utilisation de dispositifs particuliers ne doit pas être interprétée comme signifiant implicitement que l'invention exclut ces moyens, car, dans ce cas, certaines réalisations protégées risqueraient de ne pas être reproductibles.
Au cours de la procédure orale, l'intimée a montré, notamment par la présentation d'échantillons, que le procédé revendiqué donnait des résultats satisfaisants lorsqu'il était appliqué à la déformation de tubes à paroi mince, de petites dimensions, réalisés en alliage léger d'aluminium. Par contre, elle n'a pas réussi à convaincre la Chambre qu'en l'absence de moyens particuliers, tels que le galetage de la collerette, le procédé tel qu'explicitement décrit et revendiqué dans le brevet, à l'exclusion de tout autre moyen non cité, permette d'obtenir le résultat escompté lorsqu'il est appliqué à des tubes à paroi épaisse, de grandes dimensions et en métal à fort coefficient d'élasticité tel que certains aciers.
3.3. En l'absence de toute indication explicite dans la description, la revendication 1 ne doit donc pas être interprétée comme décrivant de manière exhaustive absolument tous les moyens à mettre en oeuvre pour exécuter le procédé selon l'invention et comme excluant implicitement tous ceux qui ne sont pas mentionnés. Elle doit plutôt être interprétée comme enseignant les grandes lignes de la méthode en laissant à l'homme du métier le soin de déterminer les conditions adéquates et le matériel adapté à la réalisation recherchée pour obtenir des résultats satisfaisants conformes au but de l'invention.
4. Nouveauté :
4.1. Parmi tous les documents cités au cours des différentes procédures, deux seulement, à savoir FR-A-1 051 547 et GB-A-104 186, divulguent un procédé de formation d'une collerette sur un tube métallique dans lequel il est préconisé, dans une phase préliminaire, d'ébaucher un renflement puis, dans une seconde phase, de comprimer axialement le tube.
4.2. Dans le procédé selon l'invention, l'ébauche de la collerette est réalisée par repoussage du métal sans utilisation d'un matériau de remplissage, cette exclusion figurant explicitement dans la revendication 1 du brevet.
Cela différencie sans ambiguïté son objet vis-à-vis du procédé décrit dans le document français qui fait appel à un remplissage du tube dans la phase préliminaire.
Cette caractéristique différencie également l'objet de la revendication 1 du procédé connu du document britannique qui, bien que prévoyant une déformation préliminaire dans le cas de tubes très épais (cf. p.2, lignes 46-48 et fig.3), n'indique pas les moyens employés pour réaliser cette déformation.
4.3. En conséquence, l'objet de la revendication 1 du brevet est nouveau en comparaison de l'état de la technique.
5. Etat de la technique le plus proche :
5.1. Dans la mesure o" le procédé décrit dans le document GB-A-104 186 n'impose pas de moyens particuliers pour ébaucher la collerette et prévoit explicitement, comme dans la revendication 1 du brevet attaqué, que l'effort axial de compression doit s'exercer aux extrémités du tube (cf. p.1, ligne 23 ; page 2, ligne 30 et revendication 1), la Chambre considère cet état de la technique comme le plus proche de l'invention revendiquée.
A l'occasion d'un précédent recours en "ex parte" (Décision T 154/83, du 14 mai 1985), cet état de la technique n'avait pas été retenu comme étant susceptible d'entacher la brevetabilité de l'invention. Mais compte tenu des nouveaux moyens invoqués par les parties, un examen plus approfondi a amené la Chambre à conclure différemment.
5.2. En particulier,l'intimée ayant notamment fait valoir que, dans cet état de la technique, il était prévu de faire pénétrer un mandrin à l'intérieur de la partie du tube à déformer et que, de ce fait, celui-ci n'était plus "vide de tout remplissage" comme explicitement revendiqué, la Chambre fait observer que dans l'état de la technique, cette mesure s'applique à la phase subséquente de compression axiale du tube, seule explicitement décrite et illustrée dans le document britannique, tandis que dans la revendication 1 du brevet attaqué, l'absence de remplissage n'est explicitement prévue que pendant la phase préliminaire d'ébauche de la collerette (voir également la lettre du 13 septembre 1982 de l'intimée). Cette caractéristique ne peut donc servir à distinguer la phase consécutive de compression axiale du procédé selon l'invention.
5.3. Par ailleurs, l'intimée ayant également prétendu que, dans GB-A-104 108, l'effort de compression axial n'était pas exercé aux extrémités du tube mais sur le flancs de la collerette ébauchée, ceci est clairement contredit par le contenu de la ligne 23 de la page 1, de la ligne 30 de la page 2 et de la revendication 1 du document britannique où il est explicitement indiqué que les galets sont en contact avec l'extrémité du tube et exercent leur action contre le bord de celui-ci.
5.4. Enfin,l'objet de la revendication 1 du brevet attaqué n'étant pas limité à la déformation de tubes petits et minces, en alliage léger, du type de ceux présentés en procédure orale, il n'est pas possible comme expliqué ci-dessus au point 3 lorsqu'il s'agit de déformer des tubes épais, de grandes dimensions, en métal résistant et élastique, d'exclure à priori l'emploi de moyens supplémentaires non explicitement prévus dans l'exposé de l'invention.
Par conséquent, le fait que, dans le brevet attaqué, de tels moyens supplémentaires soient passés sous silence alors qu'ils sont décrits dans GB-A-104 108, où il est explicitement prévu pour les tubes épais et de grandes dimensions (cf. p.1, ligne 13 et p.2, ligne 48) de les chauffer et de les déformer en utilisant divers dispositifs mécaniques (plateaux, support, mandrin, vérin et galets de finition), ne peut être invoqué, comme a tenté de le faire l'intimée, pour distinguer vis-à-vis de cet état de la technique le procédé selon l'invention qui pèche par omission.
6. Problème et solution :
Partant de cet état de la technique considéré comme le plus proche, le problème objectif résolu par l'invention apparait consister essentiellement à la fois dans le choix des moyens de la phase préliminaire du procédé décrit dans le document britannique, et dans la généralisation de l'application de sa seconde phase à tous les tubes quelles que soient leurs dimensions.
La solution proposée dans la revendication 1 du brevet interprétée à la lumière de ce qui précède, consiste ainsi tout à la fois à ne retenir que les moyens essentiels de l'état de la technique le plus proche et à le compléter par deux précisions. La première concerne la manière d'ébaucher la collerette ("par repoussage, le tube étant vide de remplissage") et la seconde, le degré de compression axial du tube ("jusqu'à amener en contact les flancs de la gorge"), ces deux précisions n'étant pas explicitement données dans GB-A-104 108.
7. Activité inventive Les conditions et le matériel adéquats pouvant être déterminés aisément par la méthode usuelle des tâtonnements, il suffit, pour apprécier l'existence d'une activité inventive, d'examiner seulement si les précisions apportées aux phases de réalisation allaient de soi pour l'homme du métier exerçant les compétences normales qu'on est en droit d'attendre de lui, compte-tenu de toutes les connaissances dont il peut disposer notamment à la suite d'essais courants.
7.1. En ce qui concerne la première précision relative à la phase préliminaire, autrement dit la mesure consistant à former une gorge sur tube vide par une opération de repoussage du métal, celle-ci est non seulement connue en soi, comme indiqué dans la revendication 1 du brevet, mais constitue une technique courante, comme le montre l'enseignement de tous les brevet US cités dans le rapport de recherche. Le fait d'adopter cette technique, pour ébaucher la collerette au cours de la phase préliminaire prévue dans le procédé décrit par GB-A-104 108, n'exige donc rien d'autre de l'homme du métier que l'exercice normal de ses compétences.
7.2. Pour ce qui est de la seconde précision, à savoir le degré de compression axiale poussée jusqu'à amener les flancs de la gorge en contact, elle ne peut que venir logiquement à l'esprit de l'homme du métier qui cherche à obtenir des butées franches sur un tube. Celui-ci aura naturellement tendance à rapprocher au maximum les flancs de l'ébauche de collerette au cours de la phase de compression axiale, quitte à parfaire la finition par une compression supplémentaire ou un galetage subséquents des flancs pour bien les presser et aplatir l'un contre l'autre dans le cas notamment où le métal du tube a un fort coefficient d'élasticité. Ce serait un non-sens pour l'homme du métier que d'arrêter la compression avant que les flancs ne viennent en contact et sont encore inclinés, alors qu'il cherche à réaliser des butées franches.
7.3. En conséquence, l'objet de la revendication 1 du brevet délivré n'implique pas d'activité inventive au sens de l'art. 56 de la CBE.
8. Requête subsidiaire
8.1. Selon l'intimée, l'amendement de la revendication 1 proposé à titre subsidiaire au cours de la procédure orale trouverait son support dans la description, col. 2, lignes 14 à 21 où il est explicitement indiqué que le procédé selon l'invention est limité à la combinaison d'une phase préliminaire et d'une phase ultérieure.
8.2. Toutefois, ce paragraphe ne figurait pas dans la demande d'origine et a été ajouté ultérieurement dans le seul but de préciser que la protection était recherchée pour une combinaison des deux phases du procédé et non pour chacune des phases considérées isolément, ce que l'intimée a d'ailleurs confirmé explicitement dans sa lettre du 11 janvier 1985.
La limitation introduite concerne donc la protection recherchée et exclut seulement la possibilité de revendiquer isolément chaque phase du procédé. Elle ne concerne pas le procédé lui-même et il serait abusif de l'interpréter comme limitant celui-ci à une combinaison exhaustive des deux seules phases ainsi que la rédaction ambigue du paragraphe invoqué pourrait éventuellement le laisser supposer.
8.3. En conséquence, l'amendement proposé à titre subsidiaire par l'intimée n'est pas supporté par le contenu de la demande telle que déposée et n'est donc pas admissible en application de l'art. 123(2) CBE.
9. Répartition des frais L'art. 104(1) CBE énonce en substance que chacune des parties à la procédure supporte les frais qu'elle a exposés sauf dans le cas où l'équité exige une répartition différente.
En l'espèce, l'intimée ayant succombé, il ne peut être soutenu que la requérante a introduit un recours abusif, aussi la Chambre ne voit aucun motif de s'écarter de la règle générale énoncée ci-dessus.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la division d'opposition est annulée.
2. La requête subsidiaire de l'intimée présentée au cours de la procédure orale est rejetée.
3. Le brevet n° 29 380 est révoqué.
4. La requête de l'intimée relative aux frais est rejetée.