T 0986/92 28-09-1994
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Voilure de parachute
Activité inventive (oui après amendement)
Indice : long temps écoulé
I. La requérante est titulaire du brevet européen n 0 225 247 délivré le 30 mai 1990 (numéro de dépôt : 86. 402 546.5).
II. L'intimée a fait opposition et demandé la révocation complète du brevet européen.
Pour en contester la brevetabilité, elle a notamment opposé les documents suivants :
- D2 : US-A-1 194 691
- D3 : US-A-3 469 805
- D6 : "Recovery Systems Design Guide", 1978, Irvin Industries Inc., Gardena, California, pages v, vi, 14, 57. 58, 90, 109, 110, 249 et 250.
III. Par décision remise à la poste le 6 août 1992, la Division d'opposition a estimé que l'objet de la revendication 1 telle que modifiée n'était pas brevetable et a, en conséquence, révoqué le brevet européen en cause.
IV. Par télécopie en date du 30 septembre 1992, la requérante (titulaire du brevet) a formé un recours contre cette décision, réglé la taxe correspondante et déposé un mémoire dûment motivé.
V. Une audience à laquelle les deux parties ont participé s'est tenue le 28 septembre 1994.
VI. La requérante sollicite l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet européen sur la base de la description, des revendications et des dessins déposés pendant l'audience.
La revendication 1 se lit comme suit :
"Voilure de parachute à vitesse d'ouverture rapide et à sécurité positive présentant une coupole comportant un ensemble de fuseaux (24, 25), caractérisée en ce que plusieurs fuseaux (25) délimités par des méridiens (9, 10) comportent une fente (6), ladite fente (6) définissant ainsi une première et une deuxième portion de ce même fuseau, ainsi qu'une écope constituée d'une bande de tissu surmontant la fente (6) et rendue solidaire du fuseau (25) sur le bord supérieur de celle-ci, sur toute la largeur du bord et d'un méridien à l'autre, ainsi que desdits méridiens (21, 23) le long de ceux-ci en direction du bord d'attaque de la coupole constituant la voilure (2), de manière à produire une entrée d'air définissant un volume compris entre une région d'entrée (11) et une région de sortie constituée par ladite fente (6), ladite entrée d'air étant située exclusivement dans la partie inférieure de la coupole au voisinage du bord d'attaque de la coupole, la section de la région de sortie (6) étant inférieure à celle de la région d'entrée (11) de façon à faire gonfler l'entrée d'air en freinant le flux d'air qui la traverse."
VII. L'intimée (opposante) sollicite le rejet du recours formé et la révocation complète du brevet européen en cause.
A l'appui de ces demandes, elle expose que l'objet de la revendication 1 modifiée ne présente pas l'activité inventive requise : Le document D2 le plus proche concerne un parachute présentant au voisinage de son bord d'attaque, des écopes ayant une section convergente depuis l'extérieur vers l'intérieur de la voilure. Le problème qui y est résolu et celui qui est spécifié dans le brevet européen en cause sont pour l'essentiel les mêmes, puisqu'il s'agit dans les deux cas de proposer une voilure dont la vitesse d'ouverture est très rapide.
Le document D3 enseigne également de ménager des écopes en tissu dans les fuseaux de la voilure, ces écopes étant, en raison de leur disposition à proximité de l'équateur, nécessairement de section convergente. La fonction de ces écopes est celle des écopes revendiquées, à savoir de créer une force pour écarter le bord d'attaque de la voilure et accroître sa vitesse d'ouverture.
Il est possible que les écopes décrites dans le brevet européen en cause ait une section plus convergente mais la revendication 1 ne définit en aucune façon un quelconque degré de convergence.
Il est également vrai que les écopes du document D3 sont destinées à se fermer, une fois que le ballon d'air chaud est gonflé. Mais, là encore, rien dans la revendication ne dit que la fente des écopes ne puisse pas se fermer, une fois que le parachute est déployé.
Ainsi, s'il existe des différences de structure entre les écopes du document D3 et celles qui font l'objet de la revendication 1 modifiée, elles ne sont qu'accessoires et ne modifient en rien la fonction recherchée qui est celle de créer une force servant à écarter le bord d'attaque de la voilure. Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 résulte à l'évidence de la combinaison des enseignements des documents D2 et D3.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'aux règles 1(1) et 64 CBE ; il est recevable.
2. Admissibilité des modifications
Par rapport à celui de la revendication 1 délivrée, le contenu de la revendication 1 modifiée a été limité aux variantes de réalisation des figures 1 et 2, 7a-7c et 8a- 8d, en excluant de la protection demandée les deux variantes de réalisation des figures 3 et 6a-6c qui ont été supprimées. Au surplus, la revendication 1 modifiée a été complétée par la définition du terme "entrée d'air", laquelle dérive sans ambiguïté de la description d'origine, spécialement des passages de la page 3, lignes 30. à 34, page 4, lignes 2 à 9.
Il est manifeste que ces modifications ne peuvent pas être considérées comme une addition de matière allant au- delà du contenu de la demande telle que déposée à l'origine (article 123(2) CBE).
Il est également manifeste que les modifications ci- dessus ne peuvent pas étendre la protection conférée par le brevet par rapport à la version délivrée (article 123(3) CBE) puisqu'il s'agit là d'ajouts et, par suite, de restrictions de la portée de la revendication 1.
3. Nouveauté
La nouveauté de la revendication 1 telle que modifiée n'ayant pas été contestée, il est inutile de s'y attarder.
4. Activité inventive
4.1. A l'audience du 28 septembre 1994, l'intimée (opposante) a estimé que c'était le document D2 qui constituait l'état de la technique le plus proche à partir duquel devait être défini le problème à résoudre.
Ce document décrit un parachute présentant en dessous de son bord d'attaque, des écopes de section convergente depuis l'extérieur vers l'intérieur du parachute. Il est expressément indiqué que ces écopes ont pour but de forcer l'air à l'intérieur du parachute de manière à l'ouvrir et à le déployer rapidement (colonne 1, lignes 16 à 21). Il y a donc lieu de considérer que la présence de ces écopes a également pour effet de créer une force pour écarter le bord d'attaque du parachute et accroître sa vitesse d'ouverture.
Toutefois, les deux sections d'entrée et de sortie des écopes représentées sont sensiblement perpendiculaires au flux d'air qui les traverse, de sorte que le flux d'air n'y est que très faiblement dévié. De surcroît, ces écopes sont disposées entre les fuseaux, à cheval sur les suspentes et nécessitent, dans leur section d'entrée, des anneaux de rigidification destinés à les maintenir ouvertes. Une corde est en outre nécessaire pour maintenir les écopes en position.
4.2. Par conséquent, si l'on part de cet état de la technique le plus proche - ainsi que l'a d'ailleurs fait l'intimée au cours des débats - le problème posé serait celui, d'une part, d'améliorer l'effort positif d'écartement du bord d'attaque du parachute produit par les dispositifs d'écopes et d'accroître, par suite, la vitesse d'ouverture et, d'autre part, de simplifier les dispositifs d'écopes notamment en supprimant les éléments de rigidification qui étaient nécessaires pour les maintenir ouverts.
Ce problème est résolu, selon les termes de la revendication 1, par des entrées d'air comportant :
a) une région de sortie constituée par une fente ménagée dans un fuseau, la fente définissant une première et une deuxième portion de ce même fuseau situées dans le prolongement l'une de l'autre ;
b) une bande de tissu formant écope qui surmonte la fente et qui est solidaire du bord supérieur de la fente sur toute la largeur du bord et d'un méridien à l'autre.
Ainsi, l'air entrant dans la section d'entrée chemine parallèlement au fuseau jusqu'au fond de la poche que forme la bande de tissu où il est fortement détourné vers l'intérieur de la voilure grâce à la disposition de la fente de sortie ; il en résulte un effet de chicane ou de déviation du flux d'air, ce qui contribue à accroître la force d'écartement du bord d'attaque. Au surplus, la section convergente de la poche conjuguée à l'effet de déviation des flux d'air à l'intérieur de celle-ci induisent une perte de charge notable, créant une surpression locale à l'intérieur de la poche. La mise en surpression de cette poche lui confère la rigidité requise pour se maintenir d'elle même ouverte alors même qu'elle est constituée d'une simple bande de tissu.
4.3. Sur la question de savoir si la solution revendiquée découle à l'évidence de l'état de la technique opposé, il y a lieu de considérer ce qui suit :
4.3.1. Il est vrai que le document D3 a pour objet un ballon de freinage à air chaud et non pas un parachute ; mais, ainsi qu'il ressort du document D6, les ballons de freinage et les parachutes font partie du groupe des dispositifs décélérateurs aérodynamiques de sorte que l'homme du métier du domaine des voilures de parachutes ne pouvait pas ignorer l'autre type de décélérateurs formés par les ballons de freinage.
Les fuseaux du ballon d'air chaud faisant l'objet du document D3 sont divisés en deux segments superposés l'un inférieur et l'autre supérieur, les écopes étant constituées par les parties en recouvrement des deux segments.
Rien, par conséquent, ne suggère dans ce document la structure d'écope revendiquée, à savoir à fente de sortie ménagée dans un fuseau, la fente définissant une première et une deuxième portion de ce même fuseau situées dans le prolongement l'une de l'autre.
4.3.2. L'intimée a tenté de faire valoir que dès lors qu'il était proposé des écopes en tissu, sans élément raidisseur, et ce dans un domaine voisin de celui de l'invention, il était évident pour l'homme du métier d'appliquer une telle mesure au parachute connu, décrit dans le document D2 et d'arriver ainsi à l'invention revendiquée.
Un tel raisonnement ne saurait être suivi : en effet, ainsi qu'il vient d'être exposé, même si l'on combine les enseignements des documents D2 et D3, on ne pourrait pas aboutir à la structure d'écope revendiquée.
4.3.3. Au surplus, il convient dans l'appréciation de l'activité inventive, de rechercher si l'état de la technique ne donnait aucune indication à l'homme du métier pouvant l'inciter à appliquer une mesure connue au cas analysé. Il y a lieu de considérer à cet effet, si la mesure connue résoud le même problème ou est utilisée dans le même but ou dans un but similaire à celui de l'invention revendiquée.
Ainsi qu'il a été exposé plus haut, le but recherché par les écopes revendiquées est double : c'est celui d'accroître l'effet positif d'écartement exercé par les écopes et c'est celui aussi d'assurer "l'auto-maintien" des écopes en position ouverte sans l'adjonction d'éléments raidisseurs. Par contre, dans le document D3, la fonction des écopes est d'introduire une quantité maximale d'air, afin d'assurer un gonflement rapide du ballon (colonne 1, lignes 56) ; cela signifie que les pertes de charge y sont préjudiciables, puisqu'elles réduisent le débit d'air ; elles doivent donc être aussi réduites que possible. Il s'ensuit que l'écoulement d'air à travers les écopes n'est quasiment pas dévié et que la section des écopes est pour l'essentiel constante puisque les écopes sont situées dans la zone équatoriale de la voilure.
Au contraire, on cherche dans l'invention revendiquée non pas à réduire mais à accroître les pertes de charge, d'une part en réduisant progressivement la section des écopes depuis l'extérieur vers l'intérieur de la voilure et en déviant fortement le flux d'air qui chemine parallèlement au fuseau grâce à la fente de sortie ménagée dans ce même fuseau. Il en résulte un emprisonnement de l'air à l'intérieur de l'écope et une surpression permettant d'engendrer une force d'écartement des méridiens.
Le second aspect du problème résolu, à savoir celui du maintien en position ouverte des écopes en tissu sans élément raidisseur ne se retrouve pas davantage dans le document D3. Bien au contraire, lorsque le ballon est gonflé, les écopes sont fermées (figure 4) et le restent par la pression régnant à l'intérieur de l'enveloppe. Il y a lieu de souligner d'ailleurs que ces écopes doivent être maintenues fermées lorsque le ballon est gonflé, faute de quoi l'air chaud injecté dans le ballon, et disponible seulement en quantité limitée, fuirait par lesdites écopes à partir d'un certain état de gonflement du ballon. C'est aussi la raison du choix d'une structure d'écope relativement compliquée à recouvrement de fuseaux pour en obtenir la fermeture progressive. Le but recherché est donc tout à fait opposé à celui de l'invention revendiquée où l'on vise à maintenir ouverte les écopes, sans adjonction d'éléments raidisseurs.
Il s'ensuit que les problèmes résolus dans l'invention revendiquée et dans le document D3 sont rigoureusement opposés, de sorte que le document D3 ne donne aucune indication susceptible d'inciter l'homme du métier à mettre en oeuvre l'enseignement de ce document, pour résoudre le problème qui lui était posé.
4.3.4. Il est vrai, ainsi que le souligne l'intimée, que la section des écopes du document D3 est forcément un peu convergente depuis l'extérieur vers l'intérieur de la voilure. Les méridiens adjacents qui délimitent les écopes convergent certes chacun pour leur part en direction de leur pôle respectif, mais au voisinage de l'équateur, cette convergence n'est que marginale. De plus, ainsi qu'il a déjà été exposé, le but recherché dans le document D3 est d'introduire une quantité maximale d'air, de sorte que toute variation de section est préjudiciable au débit d'air. De toute façon, on ne retrouve nullement l'amélioration de l'écartement exercé par les écopes revendiquées et qui résulte de l'effet de chicane produit par la fente sur le flux d'air.
4.3.5. Le document D6 montre des écopes disposées en-dessous de la région du diamètre maximal du ballute et se présentant sous la forme d'un manche d'alimentation rigide à section constante. Ainsi, l'homme du métier, en appliquant un tel enseignement au parachute connu, décrit dans le document D2, ne pouvait en aucune façon parvenir à l'invention revendiquée.
4.3.6. Il y a lieu d'ailleurs de noter que plus de soixante-dix ans se sont écoulés entre le dépôt du brevet américain n 1 194 691 (document D2) considéré au cours des débats comme constituant l'état de la technique le plus proche et celui du brevet européen en cause sans que cet état de la technique n'ait inspiré à l'homme du métier l'idée de réaliser l'invention revendiquée, ce qui montre bien que l'invention revendiquée ne découlait nullement à l'évidence de l'état de la technique opposé.
Par ces motifs, l'objet de la revendication 1 présente l'activité inventive requise au sens de l'article 56 CBE.
Cette conclusion s'étend également aux revendications 2 à 7. qui concernent des modes de réalisation particuliers du dispositif selon la revendication 1.
5. Force est donc de constater que le motif d'opposition invoqué ne s'oppose pas au maintien du brevet européen tel que modifié.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant l'instance du premier degré afin de maintenir le brevet sur la base de la description, des revendications et des dessins présentés à l'audience.