T 0052/00 16-06-2004
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Procédé pour la déformation permanente des matières kératiniques
KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH
Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien
Wella AG
Utilisation antérieure publique - admissible (oui)
Nouveaux éléments de preuves - admissible (non)
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Saisine de la Grande Chambre de Recours (non)
I. La mention de la délivrance du brevet européen n° 689 827 basé sur la demande de brevet européen n° 95 401 268.8 déposée le 31 mai 1995 et revendiquant la priorité de la demande FR 9. 408 068 en date du 30 juin 1994, a été publiée le 31. juillet 1996.
Le libellé de la seule revendication indépendante du brevet (revendication 1) s'énonçait comme suit :
"1. Procédé de traitement pour la déformation permanente des matières kératiniques, caractérisé par le fait qu'il comprend les étapes suivantes :
(i) on applique sur la matière kératinique une composition contenant au moins un acide carboxylique et/ou l'un de ses sels associés (composition acide), le pH de la dite composition étant compris entre 2,5 et 7,
(ii) on rince la matière kératinique ainsi traitée,
(iii) puis on applique sur la matière kératinique ainsi traitée une composition réductrice contenant au moins un thiol, les moyens nécessaires à la mise sous tension mécanique de la matière kératinique étant mis en oeuvre avant, pendant ou après ladite application de la composition réductrice ou avant ladite application de la composition acide,
(iv) puis on rince la matière kératinique ainsi traitée,
(v) on applique sur la matière kératinique ainsi rincée une composition oxydante,
(vi) et enfin on rince à nouveau la matière kératinique ainsi traitée,
la matière kératinique étant séparée des moyens de mise sous tension mentionnés à l'étape (iii) directement avant ou après le rinçage selon l'étape (vi)."
II. Trois oppositions ont été formées en vue d'obtenir la révocation du brevet sur le fondement de l'article 100 a) CBE.
Les opposantes I et II ont invoqué un manque de nouveauté et d'activité inventive au vu, entre autres, des documents suivants:
DI 1 : Attenberger, Fachkunde für Friseure, Kieser Verlag GmbH, première édition 1992, pages 167 à 169, 173 et 174.
DI 2 : D. Hollenberg et al., "Moderne Stylingmittel- Funktion und Eigenschaften von Wellmitteln", Seifen, Öle, Fette, Wachse, 117(3), 1991, pages 81 à 87.
DI 3 : Ullmanns Encyklopädie der technischen Chemie, 4ème édition, volume 12, 1976, page 442.
DI 4 : K. Schrader, Grundlagen und Rezepturen der Kosmetika, 2ème édition, Hüthig Buch Verlag Heidelberg, 1989, pages 717, 720 et 721.
DI 5 : DE-C 3 620 849
DI 7 : DE-A 3 740 926
DII 2 : DE-A 4 117 858
DII 3 : idem DI 5
DII 4 : EP-B 515 768
DII 6 : K. Schrader, Grundlagen und Rezepturen der Kosmetika, 2ème édition, Hüthig Buch Verlag Heidelberg, 1989, pages 677 à 679 et 832.
L'opposante III a invoqué un manque d'activité inventive au vu, entre autres, des documents suivants :
DIII 1 : DE-C 2 347 832
DIII 4 : DE-A 3 301 515
Le 18 décembre 1998, c'est-à-dire après le délai d'opposition, l'opposante III a aussi invoqué un défaut de nouveauté sur la base d'un usage antérieur public étayé, entre autres, par les pièces suivantes :
DIII 7a : copie d'un registre de production d'un shampooing "Lockwell Shampoo" couvrant les périodes du 26 juin 1986 au 8 décembre 1987, 2. janvier 1989 au 8 novembre 1989, du 26. août 1991 au 3 mars 1992 (dernière date lisible) et du 12 novembre 1993 au 12. août 1994
DIII 7b : copie de la formulation N° 7164562020 et données analytiques d'un shampooing "Lockwell Shampoo"
DIII 7c : copie de la formulation N° 7164562040 et données analytiques d'un shampooing "Lockwell Shampoo"
DIII 7d : copie de la formulation N° 7164562070 et données analytiques d'un shampooing "Lockwell Shampoo"
DIII 10 : notice d'utilisation du kit de produits "Lockwell 289 Sauer-Dauerwelle", copie de l'emballage du kit et copie d'une notice publicitaire de divers produits "Lockwell 289"
DIII 11 : copie de flacons de produits "Lockwell 289 Sauer-Dauerwelle"
DIII 12a : copie d'une liste de prix de produits "Wella" valable à partir du 1 février 1987
DIII 12b : copie d'une liste de prix de produits "Wella" valable à partir du 1er février 1989
DIII 13a : copie d'une facture de la société "Wella" à "Fris. -Einkauf Suedwest, Wiesbaden", datée du 26. octobre 1987
DIII 14 : notice d'utilisation d'un kit de produits "Lockwell Sauer-Dauerwelle"
DIII 15 et DIII 16 : copies de notices publicitaires concernant les produits "Lockwell Sauer-Dauerwelle"
DIII 19 : copie d'une facture destinée à "Fris. -Einkauf Suedwest, Stuttgart", datée du 2 décembre 1992
III. Par la décision rendue à l'issue de la procédure orale en date du 5 octobre 1999 et signifiée par voie postale le 16. novembre 1999, la division d'opposition a rejeté les oppositions.
Les motifs de cette décision peuvent se résumer comme suit :
a) Aucun des documents produits par les opposantes ne permettait de mettre en cause la nouveauté du procédé revendiqué.
Il ne pouvait être établi avec certitude sur la base des documents DIII 7 à DIII 19, que l'usage antérieur public invoqué par l'opposante III mettait en oeuvre un shampooing contenant un acide carboxylique.
Le procédé revendiqué était donc nouveau.
b) Le problème que se proposait de résoudre le brevet opposé était de remédier à l'altération progressive de la qualité des cheveux au niveau de la brillance, de la douceur et de la facilité de démêlage lorsque ceux-ci subissaient un traitement de déformation permanente au moyen d'une composition réductrice à base de thiol. Les opposantes n'avaient pas contesté le fait que ce problème était résolu.
DI 2 et DI 7 ne divulguaient pas l'étape de rinçage après l'application de la solution de prétraitement. La solution de prétraitement selon DII 2 était également destinée à rester sur les cheveux. Ainsi l'homme du métier ne pouvait déduire de ces documents qu'il fallait appliquer une composition de prétraitement contenant un acide carboxylique sur les cheveux et effectuer un rinçage avant le traitement avec une solution réductrice, pour résoudre le problème posé dans le brevet en opposition.
DII 3 divulguait un procédé selon lequel les cheveux étaient lavés avec un shampooing puis rincés avant l'application d'une solution réductrice à base de sulfite. Il était douteux que l'homme du métier prenne en compte cet état de la technique basé sur l'utilisation d'un principe actif différent de celui utilisé dans le procédé selon le brevet opposé.
Selon DII 4 la solution de prétraitement contenant de l'acide citrique devait augmenter l'efficacité de la permanente mais n'était pas rincée.
DII 6 ne concernait que des shampooings, sans mentionner une utilisation possible dans le prétraitement des cheveux avant une opération de déformation permanente.
Le procédé selon DIII 1 différait du procédé revendiqué par le fait qu'un sulfite était présent dans la composition de prétraitement au lieu d'un acide carboxylique. En outre, le problème technique que se proposait de résoudre l'invention selon ce document était différent de celui du brevet en opposition puisqu'il s'agissait d'atteindre une déformation durable et d'augmenter l'efficacité du procédé. DIII 4. concernait un procédé de déformation sélective des racines qui impliquait obligatoirement que la solution de prétraitement ne soit pas rincée. L'homme du métier n'aurait donc pas combiné DIII 1 avec DIII 4 pour résoudre le problème posé dans le brevet en opposition.
Le procédé revendiqué impliquait donc une activité inventive.
IV. Le 18 décembre 1999, l'opposante III (requérante) a introduit un recours contre cette décision en acquittant le même jour la taxe prescrite. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 24 mars 2000. Avec ce mémoire la requérante a déposé de nouveaux documents pour étayer le prétendu usage antérieur public rejeté par la division d'opposition, à savoir:
DIII 20a : copie d'un registre de production d'un shampooing "Lockwell Shampoo" couvrant la période du 12 janvier 1988 au 21 décembre 1988
DIII 20b : copie d'un registre de production d'un shampooing "Lockwell Shampoo" couvrant la période du 17 novembre 1989 au 26 octobre 1990
DIII 20c : copie d'un registre de production d'un shampooing "Lockwell Shampoo" couvrant la période du 26 novembre 1990 (première date illisible) au 5 juillet 1991
DIII 20d : copie d'un registre de production d'un shampooing "Lockwell Shampoo" couvrant la période du 9 mars 1992 au 2 décembre 1992
DIII 20e : copie d'un registre de production d'un shampooing "Lockwell Shampoo" couvrant la période du 11 janvier 1993 au 18 octobre 1993
DIII 21 : copie de la formulation N° 7164562030 et données analytiques d'un shampooing "Lockwell Shampoo"
DIII 22 : copie d'une liste de prix de produits "Wella" valable à partir du 1er février 1990 (idem DIII 17)
DIII 23 : copie d'une liste de prix de produits "Wella" valable à partir du 1er février 1991
DIII 24a : copies d'emballages de produits "Lockwell Sauer-Dauerwelle Forte" de référence 4461 et 4451 et de divers produits "Lockwell"
DIII 24b : notice d'utilisation d'un kit de produits "Lockwell Sauer-Dauerwelle"
DIII 25a : copie d'une facture destinée à "Fris.-Einkauf Suedwest, Karlsruhe", datée du 2 novembre 1990
DIII 25b : copie d'une facture destinée à "Egeno-Rhein- Main, Hanau", datée du 31 janvier 1990
DIII 25c : copie d'une facture destinée à "Uschi/Fachversand GmbH, Rothenburg", datée du 11. décembre 1991
DIII 26 : copie d'un extrait d'un catalogue de produits Wella de 1993
DIII 27 : Rapport d'analyse de divers shampooings par D. Joachim Waibel daté du 31 janvier 2000
Par lettre datée du 6 mai 2004 la requérante a déposé une déclaration de M. Hans Hölzel (DIII 29) et une déclaration de M. Karl-Heinz Rose (DIII 30) ainsi que les documents suivants :
DIII 28 : tableau résumant l'usage antérieur public invoqué et les pièces justificatives
DIII 31 : copie d'un extrait d'un catalogue de produits Wella de 1990
DIII 32 : H. Fey, Wörterbuch der Kosmetik, Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft MBH, Stuttgart, 1974, page 264
V. Avec sa réponse au mémoire de recours datée du 14. décembre 2000 la propriétaire (intimée) a déposé des résultats d'essais comparatifs (note technique N° 2).
Par lettre du 14 mai 2004, l'intimée a déposé les résultats de nouveaux essais comparatifs (note technique n° 3) ainsi que les requêtes subsidiaires 1 à 5.
VI. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 16. juin 2004. Au cours de l'audience la requérante a déposé deux nouveaux documents, à savoir :
DIII 33 : copie du registre de production concernant le produit "Lockwell Fixierung 7/1347/46/04/0"
DIII 34 : copie du registre de production concernant le produit "Lockwell N-Strähnen 7/0465/17/00/0",
ainsi que l'énoncé d'une question à la Grande Chambre de recours.
L'intimée a déposé un nouveau jeu de revendications à titre de requête subsidiaire supplémentaire.
VII. La requérante a présenté les arguments suivants :
a) Le fait que la requérante n'avait invoqué un défaut de nouveauté sur la base d'un usage antérieur public qu'après l'écoulement du délai d'opposition ne résultait pas d'un abus de procédure. En effet, les éléments de preuves à l'appui de ce fondement n'étaient pas disponibles à temps. D'autre part, certains documents qui ne semblaient pas être primordiaux avaient été présentés plus tard en réponse aux arguments de l'intimée et de la division d'opposition. Le motif d'absence de nouveauté sur la base de l'usage antérieur public était donc recevable.
b) Le procédé selon le brevet litigieux n'était pas nouveau au vu de l'usage antérieur public illustré par les notices d'utilisation des produits "Lockwell 289 Sauer-Dauerwelle" (DIII 10) et "Lockwell Sauer-Dauerwelle" (DIII 14; DIII 24b).
Ces notices décrivaient les étapes du procédé revendiqué. La fixation de la permanente à l'aide d'une composition oxydante présentait une différence négligeable dont l'homme du métier savait qu'elle ne jouait aucun rôle. La composition des shampooings n'était pas explicitement mentionnée.
Toutefois, les copies des registres de production des shampooings (DIII 7a, DIII 20a-e) et les documents divulguant les différentes formulations (DIII 7b-d, DIII 21) démontraient que les shampooings "Lockwell shampoo" et "Lockwell 289 shampoo" étaient produits selon quatre formulations qui incluaient toujours un acide carboxylique et présentaient un pH acide.
Ces faits étaient confirmés par les déclarations de M. Hans Hölzel (DIII29) et de M. Karl-Heinz Rose (DIII 30).
La copie du contenu du kit "Lockwell Sauer-Dauerwelle Forte" en juin 1991 (DIII 24a), ainsi que la copie de la notice d'utilisation de "Lockwell Sauer- Dauerwelle" en juillet 1991 (DIII 24b) en combinaison avec les factures attestant la livraison de ces produits datées novembre 1990 (DIII 25a), janvier 1990 (DIII 25b) et décembre 1991 (DIII 25c) étaient des preuves supplémentaires d'un usage antérieur public du procédé selon le brevet litigieux.
D'autre part, comme en témoignent les résultats d'analyses (DIII 27), quelques années avant la date de priorité du brevet opposé, les shampooings courants étaient légèrement acides et contenaient un mélange acide citrique/citrate de sodium. Ainsi à cette époque, les procédés d'ondulation permanente qui impliquaient évidemment une étape de lavage suivie d'un rinçage avant l'opération d'ondulation Btaient obligatoirement conformes au procédé revendiqué dans le brevet litigieux.
Le procédé selon le brevet litigieux n'était donc pas nouveau.
c) L'absence d'activité inventive était un motif sur lequel l'intimée avait fait opposition au brevet litigieux. Ce motif a également été invoqué dans le mémoire de recours par une référence à l'argumentation présentée sur ce fondement devant l'instance du premier degré. Ce motif était donc recevable dans la procédure de recours.
d) Si l'usage antérieur public n'était pas préjudiciable à la nouveauté du procédé revendiqué, la notice d'utilisation DIII 10. devait pour le moins représenter l'état de la technique le plus proche pour l'évaluation de l'activité inventive.
Le procédé revendiqué impliquait un traitement de fixation par la composition oxydante en une étape, alors que selon la notice DIII 10 la fixation devait s'effectuer en deux étapes. Cette manière de procéder était néanmoins usuelle dans le domaine de la déformation permanente et n'entraînait aucun effet particulier. Cette différence ne pouvait donc justifier une activité inventive.
D'autre part, s'il ne pouvait être établi avec certitude que les shampooings "Lockwell shampoo" et "Lockwell 289 Shampoo" correspondaient effectivement aux formulations selon les documents DIII 7 b-d et DIII 21, il était néanmoins évident pour l'homme du métier d'utiliser un shampooing acide dans le système de permanente "Lockwell Sauer-Dauerwelle" selon la notice DIII 10, puisque ce système devait respecter le pH naturel des cheveux et du cuir chevelu qui se situait entre 3,7 et 4,1 selon le document DIII 32.
Le procédé revendiqué n'impliquait donc pas d'activité inventive.
Lors de la procédure orale les opposantes I et II se sont pour l'essentiel ralliées à l'argumentation de la requérante.
VIII. Les arguments de l'intimée peuvent se résumer ainsi:
a) La requérante n'avait fondé son opposition que sur le manque d'activité inventive. Le défaut de nouveauté sur la base d'un usage antérieur n'a été invoqué qu'après le délai d'opposition alors qu'il émanait de la propre activité de la requérante. Cette dernière devait donc avoir connaissance des faits allégués sur ce fondement au moment de former l'opposition. Or, l'intimée n'avait produit certains éléments de preuve à l'appui du prétendu usage antérieur que très tardivement et pour certains documents, en particulier les déclarations d'employés de la société de la requérante, que peu de temps avant la procédure orale devant la Chambre de recours. Cette attitude constituait un abus de procédure qui devait entraîner l'irrecevabilité de ce motif d'opposition et de l'ensemble des moyens de preuve s'y rattachant. La Grande Chambre de recours devait être saisie d'une question se rapportant à ce cas d'espèce.
b) L'accessibilité au public du prétendu usage antérieur et des notices d'utilisation DIII 10, DIII 14 et DIII 24b n'était pas établie.
La composition du shampooing "Lockwell 289 Shampoo" mentionné dans la notice DIII 10 n'était pas connue et il n'était pas prouvé que cette composition était la même que celle des shampooings "Lockwell Shampoo" dont les registres de production faisait état. Par conséquent, le défaut de nouveauté basé sur cet usage antérieur n'était pas fondé.
Le terme "Sauer-Dauerwelle" dans les notices d'utilisation DIII 14 et DIII 24b signifiait que la permanente contenait un ester d'acide thioglycolique et non qu'elle impliquait un prétraitement par un acide. Les produits de soin "Lockwell Shampoo" et "Lockwell Beauty-Rinse" recommandés dans la notice publicitaire DIII 16 et dans les kits de produits "Lockwell" (DIII 24a) étaient utilisés pour laver et rincer les cheveux après la permanente.
Les factures DIII 19 et DIII 25c faisaient état d'un shampooing "Lockwell Shampoo Neu" que les copies des registres de production ne mentionnaient pas. La composition du shampooing "Lockwell Shampoo Neu" vendu dans les années 1991 et 1992 était donc inconnue.
Les résultats d'analyses de divers shampooings (DIII 27) étaient datés du 31 janvier 2000 et ne peuvent donc prouver que les shampooings qui se trouvaient sur le marché dans les années 1992 à 1994 avaient les caractéristiques requises par le procédé selon le brevet en opposition. D'autre part, rien n'indiquait que ces shampooings étaient destinés à un lavage des cheveux avant une permanente.
Il n'existait ainsi aucune preuve certaine de l'usage public antérieur invoqué par la requérante. Or, selon la jurisprudence constante des chambres de recours de l'OEB, un brevet ne saurait être révoqué si les motifs ne sont pas prouvés de façon incontestable selon un critère atteignant pratiquement la conviction absolue, autrement dit la certitude allant au-delà de tout doute raisonnable.
Le procédé revendiqué était donc nouveau.
c) La requérante n'avait produit aucune argumentation à l'encontre de l'activité inventive dans son mémoire de recours où elle n'avait fait référence qu'à l'argumentation produite devant la division d'opposition. Le motif de manque d'activité inventive était par conséquent irrecevable dans la procédure de recours.
d) Le problème technique résolu par le procédé revendiqué était de remédier à l'altération progressive de la qualité des fibres kératiniques au niveau de la brillance, de la douceur et du démêlage lorsque les fibres étaient soumises de façon répétée à un traitement de déformation permanente à base de thiol.
Des essais comparatifs entre un procédé de déformation permanente selon l'exemple 1 du brevet litigieux et un procédé de déformation selon l'art antérieur, à savoir DI 2 ou DI 7, utilisant un prétraitement acide avec la même quantité d'acide citrique et le même pH, mais sans rinçage, démontraient la supériorité du procédé revendiqué au niveau de la douceur et de la facilité de démêlage des cheveux traités.
La notice DIII 10 ne mentionnait pas le problème de l'altération des cheveux lors de la déformation permanente et concernait en priorité le traitement des cheveux après la permanente. D'autre part, ce document n'indiquait pas la composition du shampooing qu'il fallait utiliser avant l'opération de déformation permanente. Il ne pouvait donc être déduit de DIII 10 qu'une première étape de traitement par une composition contenant un acide carboxylique, suivie d'un rinçage, permettait l'obtention des effets mentionnés dans le brevet litigieux. Par ailleurs ce traitement ne découlait pas obligatoirement d'une opération usuelle de lavage des cheveux avant permanente, puisque de nombreux shampooings commerciaux ne contenaient pas d'acide carboxylique et avait un pH supérieur à 7.
Le procédé revendiqué selon le brevet litigieux impliquait donc une activité inventive.
IX. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée requiert à titre principal le rejet du recours ou, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 4 déposées par lettre reçue le 14 mai 2004, de la requête subsidiaire 5 déposée au cours de la procédure orale devant la Chambre et la requête subsidiaire 5 déposée par lettre reçue le 14 mai 2004, devenue requête subsidiaire 6.
L'intimée requiert également que la Grande Chambre de recours soit saisie de la question suivante :
"Un opposant qui n'a pas invoqué le motif de défaut de nouveauté dans son acte d'opposition, ce motif ayant été par ailleurs invoqué par les autres opposants, peut-il être autorisé
- à invoquer ce motif sur la base d'un usage antérieur public dû à sa propre activité 20 mois après l'expiration du délai d'opposition,
- à apporter dans le même délai les premiers faits et justifications à l'appui de ce motif,
- à continuer à produire d'autres faits et justifications avec son mémoire de recours 3 ans après l'expiration du délai d'opposition
- et enfin à produire d'autres preuves un mois avant la procédure orale de recours, c'est à dire 7 ans après l'expiration du délai d'opposition?"
1. Le recours est recevable.
2. Questions de procédure
2.1. Recevabilité de l'objection d'usage antérieur public.
L'absence de nouveauté sur la base d'un usage antérieur public n'a été invoquée par la requérante qu'environ 20 mois après l'expiration du délai d'opposition (lettre datée du 15 décembre 1998)
L'absence de nouveauté avait toutefois déjà été soulevée dans le délai d'opposition par les opposantes I et II. L'usage antérieur n'est donc pas invoqué au titre d'un nouveau motif d'opposition mais ne vient que rajouter un moyen supplémentaire à l'appui du défaut de nouveauté.
La question qui se pose est donc celle de la recevabilité d'un élément de preuve tardif, question pour laquelle, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, la pertinence joue un rôle primordial. Dans le cas d'espèce, il n'est pas contesté, qu'a priori, l'usage antérieur public invoqué pourrait s'opposer à la brevetabilité selon le procédé litigieux.
Il y aurait lieu de ne pas prendre en considération ce moyen invoqué tardivement lorsque la partie s'est abstenue sciemment de le soulever à temps alors qu'elle disposait de toutes les preuves nécessaires (T 534/89, JO OEB 1994, 436, point 2.7 des motifs de la décision). Cette attitude constituerait un abus de procédure.
Toutefois dans le cas d'espèce, la Chambre considère qu'il n'est pas possible d'affirmer que la requérante a choisi sciemment de soulever l'objection à un stade tardif et de détourner ainsi la procédure à son avantage. Les faits invoqués, la complexité des éléments de preuves soumis et la variété des activités de la société de la requérante ne permettent pas de conclure que cette dernière aurait dû de toute évidence avoir eu connaissance, avant l'expiration du délai d'opposition, des faits et des pièces à l'appui du prétendu usage antérieur.
Le fait que la requérante se soit fondée sur un usage antérieur après le délai d'opposition n'a pas empêché l'intimée de préparer les moyens de sa défense au stade de la procédure devant la division d'opposition. En effet, les moyens présentés par l'intimée au stade du recours sont, pour l'essentiel, les mêmes que ceux invoqués devant l'instance du premier degré.
Par conséquent, il n'y a pas lieu d'écarter le prétendu usage antérieur public de la procédure de recours.
2.2. Recevabilité des éléments de preuve à l'appui de l'usage antérieur soumis au stade de la procédure de recours.
La requérante a produit au stade du recours de nouvelles pièces afin d'étayer le prétendu usage antérieur. Les documents DIII 20 à DIII 27 ont été directement soumis avec le mémoire de recours en réponse aux doutes qu'a formulés la division d'opposition au sujet de l'usage antérieur dans la décision contestée. Ces documents, à priori pertinents, ne peuvent être écartés de la procédure.
Les deux déclarations DIII 29 et DIII 30, les documents DIII 28 et DIII 31 soumis par la requérante avec la lettre datée du 6 mai 2004 et les documents DIII 33 et DIII 34 soumis par la requérante lors de la procédure orale en date du 16 juin 2004 ne peuvent modifier les conclusions de la Chambre au sujet du prétendu usage antérieur. Par conséquent, au vu de leur tardivité et de leur manque de pertinence, ces documents doivent être écartés de la procédure (article 114 (2) CBE).
2.3. Recevabilité du motif de manque d'activité inventive et des éléments de preuves s'y rapportant.
Il n'a pas été contesté que le manque d'activité inventive est un motif d'opposition qui avait déjà été valablement invoqué devant l'instance du premier degré. Ce motif ne constitue donc pas un nouveau motif d'opposition sur lequel se fonderait la requérante pour la première fois dans la procédure de recours. En outre, bien qu'en ne faisant que référence à l'argumentation présentée à ce sujet devant la division d'opposition, la requérante a mentionné dans son mémoire de recours ce motif à l'encontre du maintien du brevet litigieux.
La simple référence à l'argumentation présentée devant l'instance du premier degré n'a été complétée par la requérante que dans la lettre datée du 6 mai 2004 par le développement d'une ligne d'argumentation à l'appui du manque d'activité inventive. La question qui peut donc se poser est celle de la tardivité des moyens invoqués par la requérante à l'appui de ce motif. Or, en plus des documents déjà cités au stade de la procédure devant l'instance du premier degré, seul le document DIII 32 a été mentionné tardivement par la requérante à l'encontre de l'activité inventive. Toutefois, ce document ne concerne que la valeur du pH isoélectrique de la peau et ne reflète donc que les connaissances générales de l'homme du métier dans le domaine de la cosmétique. Son contenu n'a donc pu surprendre l'intimée, ni l'avoir pris au dépourvu pour construire sa défense.
Dans ces circonstances, le motif de manque d'activité inventive et les moyens invoqués sur ce fondement sont admis dans la procédure.
Requête principale
3. Nouveauté
3.1. Présumé usage antérieur public.
3.1.1. Les notices d'utilisation DIII 10, DIII 14 et DIII 24b sont les premiers éléments sur lesquels se fonde l'usage antérieur invoqué par la requérante. Ces notices divulguent un procédé de déformation permanente des cheveux et selon la requérante sont inclues dans des kits de produits pour la déformation permanente des cheveux. Ces kits contiennent les produits à utiliser pour une déformation permanente des cheveux, à l'exception des shampooings préconisés pour le lavage des cheveux dans la première étape du traitement. Ces shampooings sont identifiés dans les notices par les dénominations commerciales "Lockwell shampoo" et "Lockwell 289 shampoo" et sont vendus séparément.
La requérante n'a donc pas fait valoir une utilisation antérieure impliquant la mise en oeuvre réelle d'un procédé de déformation permanente des cheveux par une personne, à une date et en un lieu précis, mais s'est fondé sur la mise à la disposition du public des produits et des notices d'utilisation, sans toutefois fournir d'éléments de preuve quand à une utilisation concrète de ces derniers. L'usage antérieur invoqué repose donc sur une combinaison de divulgations écrites (les notices d'utilisation, les formulations des shampooings) et d'opérations physiques (mise sur le marché, vente).
3.1.2. Pour l'évaluation de la pertinence du présumé usage antérieur il convient, dans un premier temps, de comparer le procédé selon le brevet litigieux avec celui mentionné dans les notices d'utilisation.
Les notices DIII 14 et DIII 24b divulguent un procédé de déformation permanente des cheveux comportant les étapes suivantes:
- la préparation des cheveux par lavage à l'aide d'un shampooing "Lockwell shampoo" ("Vorbereitung"),
- le rinçage des cheveux ("Vorbereitung"),
- la mise sous tension mécanique des cheveux ("Aufwickeln"),
- l'application d'une composition réductrice à base d'ester d'acide thioglycolique ("Warnhinweise", "Well Lotion") après activation de cette dernière ("Well-Lotion Aktivieren"; "Auftragen der Well-Lotion"),
- le rinçage des cheveux ainsi traités ("Fixieren"),
- l'application des 2/3 d'une composition oxydante de fixation à base de peroxyde d'hydrogène ("Fixierung Aktivieren"),
- après 5 minutes d'attente, la séparation des moyens de mise sous tension ("Fixierung Aktivieren"),
- l'application du reste de la solution oxydante,
- après 5 minutes d'attente ("Fixierung Aktivieren"), le rinçage des cheveux ("Nachbehandlung").
La notice DIII 10 divulgue un procédé similaire selon lequel la composition oxydante de fixation est appliquée également en deux étapes, mais dans des proportions différentes : la moitié de la solution avant d'enlever les moyens de mise sous tension et l'autre moitié après la séparation des moyens de mise sous tension ("Fixieren").
3.1.3. Selon la revendication 1 du brevet litigieux, après différentes opérations dont la mise sous tension mécanique de la matière kératinique, l'application d'une solution réductrice et l'application d'une solution oxydante de fixation, on effectue un rinçage de la matière kératinique (étape iv). La matière kératinique est séparée des moyens de mise sous tension directement avant ou après le rinçage selon l'étape (vi) (deux dernières lignes de la revendication 1). Cette précision implique donc obligatoirement que la composition oxydante de fixation soit appliquée dans sa totalité sur la matière kératinique avant de séparer cette dernière des moyens de mise sous tension. La revendication 1 du brevet litigieux n'englobe donc pas la possibilité d'appliquer une partie de la solution oxydante de fixation après la séparation des moyens de mise sous tension. Or, les notices DIII 10, DIII 14 et DIII 24b ne décrivent qu'une fixation en deux étapes, selon laquelle on applique une partie (un tiers ou la moitié) de la solution oxydante de fixation après avoir séparé la matière kératinique des moyens de mise sous tension.
Le procédé décrit dans les notices servant de support à l'usage antérieur se distingue donc du procédé selon le brevet litigieux par l'agencement des différentes étapes, et ne peut, pour cette raison déjà, être préjudiciable à la nouveauté dudit procédé.
3.1.4. Par ailleurs, l'un des principaux problèmes soulevé dans le cadre de l'évaluation de la pertinence de l'usage antérieur se rapporte à la composition des shampooings préconisés dans les notices d'utilisation. Le procédé selon le brevet litigieux implique que l'on applique sur la matière kératinique une composition contenant au moins un acide carboxylique et/ou l'un de ses sels associés (composition acide), le pH de la dite composition étant compris entre 2,5 et 7 (étape (i), revendication 1). Or, la seule étape qui pourrait correspondre à ce traitement dans les notices d'utilisation DIII 10, DIII 14 et DIII 24b est l'étape préalable de lavage des cheveux à l'aide d'un shampooing de dénomination "Lockwell 289 shampoo" (DIII 10) ou "Lockwell shampoo" (DIII 14 et DIII 24b).
La composition des shampooings n'est toutefois pas mentionnée dans les notices d'utilisation. Afin de prouver que les shampooings préconisés dans les notices contenaient un acide carboxylique et présentaient un pH entre 2,5 et 7, la requérante s'est basée sur les copies d'un registre de production des shampooings pendant des périodes couvrant les dates indiquées sur les notices d'utilisation (DIII 7a, DIII 20 -a, -b, -c, -d et -e) et mentionnant en fonction des dates de production les numéros de formulation ("Rezept-Nr."). La requérante s'est référée ensuite à des documents indiquant pour les différentes formulations, les ingrédients et le pH (DIII 7 -b, -c, -d, DIII 21).
3.1.5. Les notices DIII 14 et DIII 24b font référence à une étape de lavage des cheveux à l'aide d'un shampooing de dénomination "Lockwell shampoo" (Vorbereitung). Selon la requérante, ces notices étaient jointes à des kits de produits de déformation des cheveux "Lockwell Sauer-Dauerwelle" qui ne contenaient pas les shampooings "Lockwell shampoo". Ces shampooings devaient donc être achetés séparément. Ainsi, l'utilisateur d'un kit de produits de déformation permanente "Lockwell Sauer-Dauerwelle" pouvait se procurer les shampooings "Lockwell shampoo" bien avant ou après les kits, ou même utiliser des shampooings d'une autre marque. En outre, un utilisateur ayant acheté un shampooing "Lockwell shampoo" produit à une date donnée pouvait utiliser un shampooing plus ancien, dont il disposait déjà.
Aucune corrélation certaine ne peut donc être établie entre la date figurant sur les notices d'utilisation DIII 14 et DIII 24b et la date de fabrication d'un shampooing "Lockwell shampoo", les deux éléments n'étant pas liés.
3.1.6. Les mêmes considérations s'appliquent au shampooing "Lockwell 289 shampoo" et la notice d'utilisation DIII 10. En effet, ce shampooing n'est pas inclus dans le kit "Lockwell 289 Sauer Dauerwelle" comme l'atteste le contenu du kit illustré sur la partie gauche du document DIII 10.
3.1.7. Par conséquent, aucun des éléments de preuve apportés par la requérante au sujet de la composition des shampooings à certaines dates de la production de ces derniers ne peut être lié de façon certaine aux notices d'utilisations DIII 10, DIII 14. ou DIII 24b incluses dans les kits "Lockwell Sauer- Dauerwelle" et "Lockwell 289 Sauer-Dauerwelle". Ainsi, même en admettant au bénéfice de la requérante que les éléments de preuves soumis montrent qu'à certaines périodes de production les shampooings "Lockwell shampoo" et "Lockwell 289 shampoo" contenaient des acides carboxyliques ou leurs sels, il n'existe aucune certitude quant à la composition des shampooings effectivement utilisés lors d'une application concrète du procédé selon les notices DIII 10, DIII 14 ou DIII 24b.
3.1.8. Ainsi, l'usage antérieur invoqué ne diffère pas seulement dans le déroulement des étapes du procédé (point 3.1.3), mais de surcroît aucune preuve d'une étape préalable de traitement par une composition comportant un acide carboxylique et/ou l'un de ses sels associés, le pH de la dite composition étant compris entre 2,5 et 7, n'a été apporté par la requérante.
Pour ces raisons, l'usage antérieur ne peut détruire la nouveauté du procédé selon le brevet litigieux.
3.2. La requérante, en se basant sur des résultats d'analyses de shampooings commerciaux exposés dans le document DIII 27 a également fait valoir au titre du manque de nouveauté que les procédés de déformation permanente des cheveux impliquaient, avant la date de priorité du brevet litigieux, obligatoirement un lavage préalable à l'aide un shampooing acide. Toutefois, selon ce document tous les shampooings ne comprennent pas un acide carboxylique et/ou l'un de ses sels. D'autre part, comme le montrent par exemple les notices d'utilisation DIII 10, DIII 14 et DIII 24b soumises à l'appui du prétendu usage antérieur, au moins certains procédés connus diffèrent dans la succession des étapes du procédé selon le brevet litigieux (point 3.1.3). Pour ces raisons, cette ligne d'argumentation ne peut remettre en question la nouveauté du procédé selon le brevet litigieux.
3.3. La requérante et les opposantes I et II ne se sont fondés que sur le prétendu usage antérieur à l'encontre de la nouveauté du procédé revendiqué. La Chambre est d'avis qu'aucun des documents cités par les parties ne peut s'opposer à la nouveauté du procédé revendiqué.
3.4. Le procédé revendiqué est donc nouveau.
4. Activité inventive
4.1. Le brevet litigieux concerne un procédé pour la déformation permanente des cheveux.
4.2. Au vu des conclusions concernant l'usage antérieur invoqué par la requérante, en particulier le fait qu'aucun lien ne peut être établi de façon certaine entre la composition des shampooings "Lockwell shampoo" et "Lockwell 289 shampoo" et les notices d'utilisation (points 3.1.7 et 3.1.8), les seules pièces pertinentes invoquées dans ce contexte sont les notices d'utilisation DIII 10, DIII 14 et DIII 24b. Ces notices divulguent également un procédé pour la déformation permanente des cheveux à l'aide d'une composition réductrice à base de thiol et constituent donc un point de départ adéquat pour l'analyse de l'activité inventive. Dans ce contexte, la requérante a plus particulièrement fait référence à la notice DIII 10.
4.3. L'intimée a toutefois fait valoir pour la première fois lors de la procédure orale devant la Chambre qu'il n'était pas Btabli que la notice DIII 10 était accessible au public avant la date de priorité du brevet litigieux.
La notice DIII 10 concerne l'utilisation du kit de produits "Lockwell 289 N" de la société "Wella". Selon la requérante, la notice était jointe aux produits contenus dans l'emballage du kit. Ce kit de produit figure dans les listes de prix des produits "Wella" DIII 12a, DIII 12b, DIII 22 et DIII 23 valables respectivement à partir du 1 février 1987, 1er février 1989, 1er février 1990 et 1er février 1991. En outre, 100 exemplaires du kit ont été facturés à divers clients le 26 octobre 1987 (DIII 13a), 120 exemplaires le 2 novembre 1990 (DIII 25a) et 80 exemplaires le 31 janvier 1990 (DIII 25b). Il apparaît ainsi que le kit de produits "Lockwell 289 N" a été offert à la vente dès février 1987 et a été facturé à un client en octobre 1987, c'est-à-dire bien avant la date de priorité du 30 juin 1994 du brevet litigieux. S'il est vrai, comme l'a fait valoir l'intimée, que ces faits ne constituent pas une preuve irréfutable de la mise à la disposition du public du kit et donc de la notice DIII 10, il apparaît néanmoins plausible de l'ensemble des listes de prix et des factures que le public a eu accès à la notice DIII 10 avant la date de priorité du brevet litigieux.
En outre, par l'évocation tardive de cette objection par l'intimée, la requérante n'a pas pu présenter d'autres éléments de preuve de l'accessibilité au public qui jusqu'à la procédure orale devant la Chambre n'avait pas été mise en doute.
Dans ces circonstances, la Chambre considère que la notice DIII 10 était accessible au public avant la date de priorité du brevet litigieux et qu'elle constitue donc un état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE.
4.4. La notice DIII 10 décrit le mode d'emploi du kit de produits pour la déformation permanente des cheveux "Lockwell 289 Sauer-Dauerwelle N" (point 3.1.2) qui met en jeu une composition réductrice à base d'acide thioglycolique (DIII 11, "Lockwell 289 Aktivator-Lotion N") et une composition oxydante de fixation à base d'eau oxygénée (DIII 11, "Lockwell 289 Fixier-Lotion").
4.5. Le brevet litigieux mentionne que l'application répétée sur les cheveux de techniques de déformation permanente, mettant en jeu des compositions réductrices à base de thiols et des compositions oxydantes à base d'eau oxygénée, induit à la longue une altération progressive de la qualité du cheveux (page 2, lignes 17 à 24).
4.6. Ainsi, comme le mentionne le brevet en litige, le problème technique à résoudre est de proposer un procédé de déformation permanente des matières kératiniques permettant de limiter, voir d'empêcher la dégradation des fibres par les traitements répétés de permanentes, et d'améliorer les propriétés cosmétiques, notamment la douceur et la facilité de démêlage (page 2, lignes 38 à 40).
4.7. Selon les exemples du brevet litigieux les cheveux traités en conformité avec le procédé revendiqué sont assez doux et se démêlent facilement (exemple 1, premier tableau de la page 7, procédé n° 1 ; exemple 4). Les effets positifs sur la douceur et le démêlage des cheveux persistent après plusieurs shampooings (exemple 2).
Les essais comparatifs dans le brevet en litige montrent que le traitement préalable par une composition comprenant un acide carboxylique confère aux cheveux une douceur et des propriétés de démêlage supérieures à celles observées sans application de la lotion acide (exemple 1, premier tableau de la page 7, procédé n° 4). En outre, ces propriétés sont conservées après 6 shampooings (exemple 2, procédé n° 1).
Au vu de ces résultats la Chambre considère que le problème technique tel que défini ci-dessus (point 4.6) a bien été résolu par le procédé objet de la revendication 1 en litige. La requérante n'a pas formulé d'objections à cet égard.
4.8. Par conséquent, la seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux découlait de façon évidente de l'état de la technique disponible.
4.8.1. Le procédé revendiqué se distingue du procédé selon DIII 10. non seulement par l'application en une fois au lieu de deux de la composition de fixation (point 3.1.3), mais également par l'étape préalable d'application sur la matière kératinique d'une composition contenant au moins un acide carboxylique et/ou l'un de ses sels associés, le pH de la dite composition étant compris entre 2,5 et 7 (étape (i)).
4.8.2. DIII 10 décrit une étape de lavage avec un shampooing "Lockwell 289 shampoo" préalable à la mise sous tension mécanique des cheveux. Cette notice décrit également une série de produits de soins pour cheveux ("Systempflege") de la gamme "Lockwell 289 Pflegepräparate". Ces produits sont préconisés pour entretenir une permanente déjà existante, afin de conserver après la permanente, le volume, l'élasticité et la brillance des cheveux (DIII 10, page 3, colonne de gauche). Leur utilisation ne concerne donc pas le problème de la dégradation des cheveux lors d'une opération de déformation permanente. Selon DIII 10, les produits de soins ainsi que le système de permanente conservent le pH naturel des cheveux et du cuir chevelu, qui selon DIII 32 est acide (DIII 10, page 3, colonne de droite). L'homme du métier ne peut cependant déduire de ce passage de DIII 10 que le shampooing utilisé dans l'étape préalable de lavage avant la déformation permanente doit contenir un acide carboxylique et/ou un de ses sels, comme le requiert le procédé litigieux. Or, cette étape est essentielle pour limiter la dégradation de la qualité des cheveux lors de l'opération de déformation permanente (voir point 4.7 ci-dessus).
Par conséquent, l'enseignement du document DIII 10 seul ne peut conduire l'homme du métier de façon évidente au procédé revendiqué.
4.8.3. La combinaison du document DIII 10 avec d'autres documents cités par la requérante ne conduit pas à un autre résultat :
a) Il n'est pas contesté que le lavage des cheveux avant une permanente est une opération usuelle, comme l'attestent par exemple les documents DI 1 (paragraphe 4.5, page 168), DI 3 (paragraphe 4.1.1, colonne de gauche, page 442) ou DI 5 (page 4, lignes 6 et 7). Toutefois, ces documents ne mentionnent pas l'utilisation d'un shampooing contenant un acide carboxylique et n'indiquent aucun avantage sur la conservation des propriétés cosmétiques des cheveux lors de l'opération de déformation permanente lié à une telle étape de lavage préalable.
b) Le document DI 2 décrit un prétraitement à l'aide d'une substance acide dans le but de tamponner l'alcalinité du produit de déformation permanente (page 84, dernier paragraphe). L'obtention de l'effet tampon recherché implique que les cheveux ne soient pas rincés après l'application de la solution acide, alors que le procédé selon le brevet litigieux impose une telle étape (étape (ii)). Or, selon des essais réalisés par la requérante, les résultats obtenus au niveau de la douceur et du démêlage des cheveux sont moins bons lorsque la solution acide n'est pas rincée (note technique N° 2 déposée avec la lettre du 13 décembre 2000, partie I). L'importance de l'étape de rinçage sur l'obtention des propriétés cosmétiques a également été démontrée par des essais comparatifs dont les résultats ont été déposés par la requérante lors de la procédure devant l'instance du premier degré avec la lettre datée du 9 janvier 1998 (note technique). L'utilité de cette étape ne peut être déduite de l'enseignement du document DI 2, qui au contraire conduit plutôt l'homme du métier à éviter un rinçage.
c) Le document DI 7 décrit un procédé de déformation permanente des cheveux selon lequel après avoir lavé et rincé les cheveux on applique une solution de prétraitement, puis directement les moyens de mise sous tension mécanique et le produit réducteur de déformation permanente (page 4, lignes 32 à 37). L'application de la solution de prétraitement a pour but de rendre les cheveux souples et de prévenir leur séchage afin de faciliter l'enroulement des cheveux sur les moyens de mise sous tension mécanique, ainsi que d'éviter la dégradation des cheveux par le produit de déformation (page 2, lignes 29 à 31). La solution de prétraitement a un pH compris entre 5 et 7 (page 4, lignes 15 et 16 ; revendication 7) et peut contenir, afin de stabiliser le pH, un sel d'acide lactique ou acétique (page 3, ligne 67 à page 4, ligne 2).
Alors que selon le brevet litigieux la solution acide est rincée, le procédé selon DI 7 impose, comme le procédé selon DI 2 (point 4.8.3b)), que la solution de prétraitement reste sur les cheveux afin de faciliter leur mise sous tension mécanique.
d) Le document DII 2 décrit une composition utilisée avant l'application des moyens de mise sous tension des cheveux et du produit de déformation permanente comprenant une combinaison d'acide ascorbique et glyoxylique, le pH de cette composition se situant entre 3 et 6,5 (colonne 1, lignes 61 à 65. ; revendication 1). Le mélange d'acides réduit la possibilité d'une déformation exagérée des cheveux et empêche leur oxydation par l'air ainsi que l'oxydation du produit réducteur servant à la déformation permanente (colonne 1, lignes 46 à 60). Le document ne mentionne pas d'effets sur la douceur et le démêlage des cheveux. En outre, selon cet état de la technique également, la solution de prétraitement n'est pas rincée (colonne 2, lignes 25 à 36).
e) Le document DIII 4 décrit dans un procédé de déformation permanente, un prétraitement avec une solution de pH neutre à légèrement acide, pouvant contenir des acides carboxyliques (revendications 1, 17). La solution de prétraitement est conçue de manière à former une couche de séparation avec le produit de déformation permanente ce qui doit permettre la déformation sélective des cheveux qui ont repoussé après une permanente (page 4, lignes 5 à 27). Les cheveux ne peuvent de ce fait être rincés avant l'application du produit de déformation permanente. Le problème résolu par ce prétraitement n'a donc aucun lien avec le problème à la base de l'invention selon le brevet litigieux.
f) Le document DI 4 décrit des recettes de shampooings dont certains seulement comprennent des acides carboxyliques, tel que l'acide citrique, toutefois, sans aucune mention d'une utilisation particulière et notamment sans aucun lien avec un procédé de déformation permanente des cheveux. L'homme du métier n'avait donc aucune incitation à utiliser ces shampooings dans une étape préalable à un procédé de déformation permanente des cheveux tel que décrit dans le document DIII 10.
g) Comme les documents DI 2, DI 7, DII 2, DIII 4 et DI 4 ne mentionnent pas d'effet sur la douceur et le démêlage des cheveux en relation avec le prétraitement par une solution acide, l'homme du métier n'avait aucune raison dans le but d'améliorer les propriétés cosmétiques des cheveux, de combiner l'étape de traitement par une solution acide décrite dans ces documents avec le procédé selon le document DIII 10 tout en incluant une étape de rinçage de la solution acide. Une telle combinaison ne peut être que le résultat d'une analyse ex post facto de l'état de la technique, i. e. faite en connaissance de l'invention selon le brevet litigieux.
4.8.4. La requérante n'a pas mentionné d'autres documents de l'art antérieur à l'encontre de l'activité inventive lors de la procédure de recours. La Chambre n'a pas détecté parmi les documents figurant au dossier, d'autres documents pouvant remettre en cause la présence d'une activité inventive.
4.9. Le procédé revendiqué implique donc une activité inventive (article 56 CBE).
4.10. Dans ces circonstances, il n'est pas utile d'analyser la pertinence pour la question de l'activité inventive de l'autre caractéristique distinctive du procédé revendiqué par rapport au procédé selon DIII 10, i. e. le fait que la composition oxydante de fixation soit appliquée en une seule étape (point 3.1.3).
Saisine de la Grande Chambre de Recours
5. D'après l'article 112(1)a) CBE une Chambre de recours peut, en cours d'instance, soit d'office, soit à la requête d'une des parties, saisir la Grande Chambre de recours si une telle décision est nécessaire ("...required..." dans la version anglaise ; "erforderlich.." dans la version allemande) pour la suite de la procédure. L'article 17(2), deuxième phrase du règlement de procédure des Chambres de recours précise cette condition de saisine en exigeant que la décision de saisine doit aussi indiquer le contexte dans lequel la question s'est posée. Comme l'a soulignée la Grande Chambre de recours dans l'affaire G 3/98 (JO OEB 2001, 69), le but de cette disposition dans le règlement de procédure est de montrer que la question soumise ne revêt pas seulement une importance théorique pour la procédure en cours devant la Chambre de recours, ce qui serait le cas si la Chambre de recours parvenait à la même décision sur la base du dossier et ce, indépendamment de la réponse apportée à la question (voir point 1.2.3 des motifs de la décision G 3/98, supra).
En l'espèce, la Chambre estime que l'usage antérieur invoqué par la requérante ne s'oppose pas à la brevetabilité du procédé revendiqué (voir point 2.1 ci-dessus). Les réponses qui seraient données par la Grande Chambre de recours n'auraient une incidence qu'au niveau des motifs de la décision et non quant au libellé du dispositif de la décision à entreprendre. Quelles que soient les réponses données aux questions de la Grande Chambre de recours aux questions posées, celles-ci ne modifieraient pas l'issue de la procédure en instance.
Par conséquent, la requête en saisine de la Grande Chambre de recours est rejetée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requête en saisine de la Grande Chambre de Recours est rejetée.
2. Le recours est rejeté.