T 0456/01 14-11-2002
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Support de commutateurs pour colonne de direction d'un véhicule automobile
Ajout dans la revendication principale d'une caractéristique isolée divulguée dans les revendications d'origine
Admissibilité de cette modification (oui)
Renvoi devant la première instance pour la poursuite de l'examen de brevetabilité
Requête en remboursement de la taxe de recours pour vice substantiel de procédure (rejetée)
I. La requérante est titulaire du brevet européen n° : 0. 675 023 (n° de dépôt : 95 104 517.8).
II. L'intimée a fait opposition et requis la révocation complète du brevet européen en cause.
En réplique au mémoire d'opposition fondé sur le défaut de brevetabilité, la titulaire du brevet a déposé des observations et une nouvelle revendication 1 modifiée ; cette dernière se distinguait de la revendication 1 telle que délivrée notamment par l'ajout suivant :
ii) L'extrémité du ruban (52) qui est liée à la partie mobile (40) est positionnée latéralement du côté où la cavité est délimitée par la pièce (41) d'orientation axiale.
III. Par lettre en date du 19 avril 2000, l'opposante a fait valoir que la caractéristique ii) introduite dans la revendication 1 n'était pas divulguée dans les pièces d'origine et que, par conséquent, cette modification contrevenait aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
IV. Par décision remise à la poste le 20 février 2001, la Division d'opposition a révoqué le brevet européen en cause.
Elle a estimé que la revendication 1 avait été modifiée de telle manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande initiale (article 123(2) CBE).
V. Par télécopie en date du 20 avril 2001, la requérante (titulaire du brevet) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.
Le mémoire dûment motivé a été déposé le 19 juin 2001.
VI. Une procédure orale s'est tenue dans la Chambre le 14. novembre 2002.
La requérante (titulaire du brevet) demande l'annulation de la décision entreprise et le maintien du brevet européen sur la base des revendications 1 à 6 déposées le 26 février 2002. Elle sollicite également le remboursement de la taxe de recours pour vice substantiel de procédure.
L'intimée (opposante) demande le rejet du recours.
VII. La nouvelle revendication 1 modifiée déposée le 26. février 2002 se lit comme suit :
"1. Support de commutateurs (1) associé à la colonne de direction (4) d'un véhicule automobile du genre comportant une partie centrale (10) pour liaison à ladite colonne direction et montage d'un contacteur tournant (3), ce contacteur (3) comportant deux parties coaxiales (10,40) montées mobiles l'une par rapport à l'autre à l'encontre de moyens souples de liaison électrique (6), à savoir :
a) Une partie fixe (10), constituée par la partie centrale, formant un boîtier annulaire comportant
- un fond (50),
- un rebord périphérique d'orientation axiale, et
- un manchon central (13),
b) Une partie mobile (40), associée au volant de direction du véhicule, comportant une pièce annulaire (41),
le boîtier et la pièce (41) définissant une cavité à l'intérieur de laquelle les moyens souples de liaison électrique (6) sont confinés, caractérisé en ce que la pièce (41) est munie d'une partie d'orientation axiale montée tourillonnante sur le manchon (13) formant moyeu, et en ce que le support comprend un couvercle (17), recouvrant partiellement la pièce (41), fixé sur l'extrémité libre du manchon (13)."
VIII Au soutien de son action la requérante développe pour l'essentiel l'argumentation suivante :
i) Dans la revendication 1 modifiée, le contenu de la revendication 1 du brevet a été complété par celui de la revendication 4 du brevet qui précise que le couvercle vient recouvrir partiellement de la partie mobile.
Il est vrai que cette revendication 4 du brevet se rattache à la revendication 3 précisant que la pièce (41) porte une roue dentée appartenant à un dispositif compteur de tours. Cela ne veut pas pour autant dire que, pour satisfaire à l'article 123(2), il convienne d'introduire dans la revendication 1 le contenu de la revendication 3 du brevet si l'on veut préciser que le couvercle recouvre partiellement la pièce (41). Le fait que la pièce (41) porte une roue dentée d'un dispositif compteur de tours et le fait que cette même pièce soit recouverte par un couvercle constituent deux caractéristiques indépendantes qui peuvent être dissociées l'une de l'autre. Il s'ensuit que la caractéristique relative au couvercle peut-être introduite isolément dans la revendication 1 sans contrevenir à l'article 123(2) CBE.
ii) La Division d'opposition a transmis à la titulaire du brevet la lettre de l'opposante, sans l'inviter à répliquer dans un délai déterminé. Or, dans sa décision, la Division d'opposition a laissé entendre que la portée de la revendication 1 était difficile à interpréter. Elle aurait donc dû inviter expressément la titulaire à clarifier davantage cette question, conformément aux dispositions de l'article 101(2), selon lesquelles la Division d'opposition doit inviter les parties "aussi souvent qu'il est nécessaire" à présenter leurs observations. La décision de la Division d'opposition qui a été prise en violation de ces dispositions est ainsi entachée d'un vice substantiel de procédure justifiant le remboursement de la taxe de recours.
IX. L'intimée (opposante) a contesté l'argumentation de la requérante et exposé de façon détaillée, pourquoi, selon elle, les modifications apportées à la revendication 1 ne satisfont pas aux conditions posées à l'article 123(2) et (3).
En effet, la revendication 4 du brevet qui porte sur le couvercle est subordonnée à la revendication 3 qui précise que la pièce (41) de la partie mobile porte une roue dentée appartenant à un dispositif compteur de tours. Au surplus, il ressort du mode de réalisation du brevet européen en cause décrit en liaison avec les dessins que le couvercle fait partie du dispositif compteur de tours. Selon la jurisprudence des chambres de recours, il n'est normalement pas permis au regard de l'article 123(2) d'extraire une caractéristique isolée d'un ensemble de caractéristiques qui avaient été initialement exposées les unes combinées aux autres. Par conséquent, pour satisfaire à l'article 123(2), il était nécessaire d'introduire non seulement la caractéristique relative au couvercle mais également de préciser que le couvercle en question faisait partie du dispositif compteur de tours.
Au surplus, la revendication 1 modifiée résulte pour partie de la fusion des revendications 1 et 4 telles que délivrées. La revendication 4 étant subordonnée à la revendication 3, le fait de fusionner les revendications 1 et 4 et non pas les revendications 1, 3 et 4 a pour effet d'étendre la protection conférée par les revendications et par suite de contrevenir aux dispositions de l'article 123(3).
1. Le recours est recevable
2. Article 123(2) CBE
Il résulte de la jurisprudence constante des chambres de recours que la Convention n'interdit pas d'introduire dans la revendication principale d'un brevet européen, par voie de modification, des caractéristiques faisant l'objet d'une ou de plusieurs revendications dépendantes initialement déposées. Aux fins de l'article 123(2) CBE, la description mais aussi les revendications et le cas échéant les dessins font en effet partie du "contenu de la demande telle qu'elle a été déposée".
L'ajout relatif au couvercle est clairement supporté par la revendication 7 de la demande initialement déposée qui est libellée comme suit :
"7. Support selon la revendication 5 ou 6, caractérisé en ce qu'un couvercle (17) vient recouvrir partiellement la pièce (41) de la partie mobile (40)".
La revendication 7 d'origine prévoit deux alternatives résultant de son rattachement aux revendications 5 ou 6. ; par le rattachement à la revendication 6, il est prévu un couvercle recouvrant partiellement la pièce (41), ce couvercle étant combiné ou associé à une roue dentée appartenant à un dispositif compteur de tours.
Par contre, par le rattachement de la revendication 7 d'origine à la revendication 5, il est prévu un couvercle qui n'est pas associé ou combiné à une roue dentée d'un dispositif compteur de tours. Autrement dit, l'ajout de la caractéristique isolée portant sur le couvercle, sans préciser que le couvercle en question est lié à une roue dentée, est clairement divulgué par la revendication 7 d'origine dans son rattachement à la revendication 5 d'origine.
Même si, comme c'est le cas en l'espèce, le couvercle et la roue dentée du dispositif compteur de tours sont l'un et l'autre décrits dans le même mode de réalisation de l'invention et même s'il existe un lien structurel ou fonctionnel entre ces deux éléments, cela ne change rien au fait que la caractéristique isolée relative au couvercle est divulguée dans la revendication 7 initialement déposée.
Force est donc de constater que la modification en question n'a pas pour effet d'étendre le brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée (Article 123(2) CBE).
4. Article 123(3) CBE
Dans le cas d'espèce, l'étendue de la protection est déterminée par la revendication 1 modifiée puisque les revendications dépendantes qui s'y rattachent contiennent chacune, toutes les caractéristiques de la revendication principale et précisent une ou plusieurs caractéristiques additionnelles pour lesquelles la protection est recherchée. Les revendications dépendantes ont, par conséquent, une portée plus restreinte que celle de la revendication 1 à laquelle elles se rattachent.
La revendication 1 modifiée résulte pour l'essentiel de la fusion des revendications 1 et 4 telles que délivrées complétée par la caractéristique issue de la colonne 4, lignes 29 à 31 disant que le couvercle est fixé par encliquetage sur l'extrémité libre du manchon.
Mise à part quelques modifications purement rédactionnelles, la revendication 1 modifiée reprend l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 telle que délivrée. A cette revendication 1 telle que délivrée ont donc été ajoutées des caractéristiques qui ont pour effet d'en restreindre la protection. Ces modifications satisfont par conséquent aux dispositions de l'article 123(3) CBE.
5. Sur le renvoi de l'affaire devant la première instance :
La Division d'opposition a pris une décision de révocation fondée sur les dispositions de l'article 123(2) CBE et n'a abordé la question de la brevetabilité qu'au titre d'une remarque additionnelle, le contenu de la revendication 1 faisant l'objet de cette remarque étant d'ailleurs substantiellement différent de celui de la revendication 1 actuelle puisqu'il comprenait la caractéristique (ii) mentionnée au point II supra et qu' il visait à apporter une solution au problème de l'usure du ruban conducteur à l'intérieur de la cavité.
Dans un tel cas, l'affaire est conformément à la jurisprudence des chambres de recours normalement renvoyée devant la première instance, les Chambres de recours n'étant pas en principe tenues d'examiner une question de fond qui n'a pas été tranchée par la première instance. Dans le cas d'espèce, ni la requérante, ni l'intimée ne se sont opposées à son renvoi.
Par conséquent, la Chambre décide en exerçant le pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu par l'article 111(1) CBE de renvoyer l'affaire devant la Division d'opposition pour la poursuite de la procédure et notamment de l'examen de brevetabilité sur la base des revendications déposées le 26 février 2002.
6. Sur la requête en remboursement de la taxe de recours :
6.1. Dans la procédure d'opposition, l'opposante a pris position sur la revendication 1 modifiée et indiqué quelle était, selon elle, la modification litigieuse (caractéristique ii)) et pourquoi cette modification s'étendait au-delà du contenu de la demande initialement déposée. Par conséquent, elle a exposé les motifs de droit et de fait pour lesquels, selon elle, la revendication 1 modifiée n'était pas admissible au titre de l'article 123(2) CBE.
Dans la décision contestée, la Division d'opposition reprend les faits et motifs exposés par l'opposante : selon cette décision la caractéristique ii) en question ne trouve "aucun support dans la demande telle que déposée à l'origine". Sur la figure 3, l'extrémité en question n'est pas positionnée latéralement du côté où la cavité est délimitée par la pièce d'orientation axiale, mais au contraire du côté où la cavité est délimitée par le rebord périphérique du boîtier.
D'autre part, le délai qui s'est écoulé entre la décision de révocation et l'envoi de la brêve notification invitant la titulaire du brevet "à prendre connaissance" de la lettre de l'opposante était d'environ 7 mois de sorte que la titulaire du brevet avait largement le temps d'y répondre.
Il s'ensuit que la décision entreprise est conforme non seulement aux dispositions de l'article 113(1) CBE, mais aussi aux Directives pour l'examen pratiqué à l'OEB (E - X,1.2), où il est dit :
"Si les faits et les motifs déterminants pour la décision ont déjà été exposés par l'une des parties et si la partie dont la demande doit être rejetée a disposé suffisamment de temps pour prendre position, la décision est conforme aux dispositions de l'article 113(1), relatives à son fondement."
6.2. Ainsi qu'il a déjà été exposé, la lettre de l'opposante a été communiquée à la titulaire du brevet par une brève notification l'invitant à "en prendre connaissance".
Selon la jurisprudence des chambres de recours, il est laissé dans ce cas à l'appréciation du destinataire de répondre ou non au courrier qui lui a été adressé par cette notification. Il répond s'il le juge nécessaire. S'il a l'intention de répliquer mais que pour une raison quelconque, il est empêché de le faire dans un délai raisonnable, il doit alors informer la Division d'opposition de ses difficultés (voir notamment décision T 582/95 et la "jurisprudence des Chambres de recours de l'Office Européen des Brevets", 4ème édition 2001, page 508, point 2.3.
6.3. Au surplus, selon la jurisprudence bien établie des chambres de recours, l'article 101(2) ne fait nullement obligation à la Division d'opposition d'établir dans chaque cas au moins une notification avant de prendre une décision, à moins qu'une telle notification ne soit requise en vertu de l'article 113(1) CBE. Or, comme exposé plus haut, le droit d'être entendu n'a pas été violé en l'espèce malgré l'absence de cette notification. Son établissement relevait donc du seul pouvoir d'appréciation de la Division d'opposition. Une éventuelle erreur de jugement commise dans l'exercice de ce pouvoir ne saurait constituer un vice substantiel de procédure.
En conséquence, la Chambre estime que la procédure d'opposition n'est entachée d'aucun vice substantiel de procédure justifiant le remboursement de la taxe de recours (règle 67 CBE).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour la poursuite de la procédure.
3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.