T 0992/03 (Traitement chirurgical/MEDI-PHYSICS) 20-10-2006
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Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours :
I. Une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic (phase d'investigation au sens de l'avis G 1/04), qui comprend ou englobe une étape consistant en une intervention physique pratiquée sur le corps humain ou animal (en l'espèce l'injection d'un agent de contraste dans le coeur), doit-elle être exclue de la brevetabilité au motif qu'elle constitue une "méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal" conformément à l'article 52(4) CBE, si cette étape ne vise pas en soi à préserver la vie et la santé ?
II. S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, l'exclusion de la brevetabilité pourrait-elle être évitée en modifiant le libellé de la revendication de manière à omettre l'étape en question, à l'exclure au moyen d'un disclaimer ou à faire en sorte que la revendication l'englobe sans être limitée à cette étape ?
III. Une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic (phase d'investigation au sens de l'avis G 1/04) doit-elle être considérée comme une étape constitutive d'un "traitement chirurgical du corps humain ou animal" conformément à l'article 52(4) CBE, si les données obtenues par la méthode permettent immédiatement au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours d'une intervention chirurgicale ?
I. Le requérant (demandeur) a formé un recours, reçu le 3 juin 2003, à l'encontre de la décision de la division d'examen, expédiée le 17 avril 2003, rejetant la demande de brevet européen nº 99918429.4 (numéro de publication 1 066 537). La taxe de recours a été acquittée le 3 juin 2003. Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 15 août 2003.
II. La demande porte sur des méthodes d'imagerie par résonance magnétique du système vasculaire pulmonaire et/ou cardiaque et d'évaluation du débit sanguin au moyen de 129Xe polarisé dissous. Dans la décision contestée, la division d'examen a estimé que les méthodes revendiquées conformément aux requêtes alors au dossier constituaient des méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal et, partant, qu'elles étaient exclues de la protection par brevet en vertu de l'article 52(4) CBE (point 5.1 des motifs, deuxième paragraphe).
La division d'examen a par ailleurs relevé que les méthodes revendiquées comprenaient l'étape consistant à administrer à un sujet du 129Xe polarisé en tant qu'agent d'imagerie, soit par inhalation, soit par injection (point 5.2 des motifs). Elle a donc estimé que, dans la mesure où l'agent d'imagerie était administré par injection, les méthodes revendiquées étaient exclues de la protection par brevet en vertu de l'article 52(4) CBE au motif qu'elles comprenaient une étape chirurgicale (point 5.3 des motifs).
III. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 20 octobre 2006.
IV. Le requérant a demandé que la décision contestée soit annulée et qu'un brevet soit délivré sur la base des documents suivants :
Revendications :
nº 1 - 22 déposées lors de la procédure orale le 20 octobre 2006,
Description :
pages 1 - 3, 8 - 10, 12 - 21, 25, 28, 29, 32, 33, 35 de la demande telle que publiée,
pages 4 - 7, 11, 22 - 24, 26, 27, 30, 31, 34 déposées lors de la procédure orale le 20 octobre 2006,
Dessins :
feuilles 1/4-4/4 de la demande telle que publiée.
V. Les revendications 1, 6, 8, 11, 14, 17, 18 et 22 s'énoncent comme suit :
"1. Méthode d'imagerie par résonance magnétique du système vasculaire pulmonaire et/ou cardiaque au moyen de 129Xe polarisé en phase dissoute, comprenant les étapes qui consistent :
à placer un patient dans un appareil d'IRM auquel est associé un champ magnétique ;
à administrer du gaz 129Xe polarisé dans une région prédéterminée du corps du patient, une phase dissoute permettant l'imagerie étant associée au gaz polarisé ;
à exciter une région prédéterminée du corps du patient, qui contient une partie du gaz polarisé en phase dissoute avec au moins une impulsion d'excitation radiofréquence à grand angle de bascule ;
et à obtenir au moins une image par résonance magnétique associée au gaz polarisé en phase dissoute à l'issue de cette étape d'excitation."
"6. Méthode selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, dans laquelle l'étape d'administration comprend l'inhalation par le patient de gaz 129Xe polarisé pour qu'il pénètre dans les poumons, le 129Xe ayant une résonance en phase gazeuse qui est supérieure à la résonance en phase dissoute, et dans laquelle au moins une partie du gaz 129Xe pénètre dans le système vasculaire pulmonaire en phase dissoute, et dans laquelle au moins une partie du 129Xe en phase dissoute pénètre ensuite dans le courant sanguin avec un taux de perfusion associé."
"8. Méthode selon la revendication 6 ou 7, qui comprend en outre l'étape consistant à administrer par inhalation une quantité de gaz 3He polarisé et dans laquelle on obtient une image différentielle par IRM comprenant des informations qui correspondent au gaz 3He polarisé présent dans les poumons ainsi que des informations qui correspondent au 129Xe polarisé en phase dissoute."
"11. Méthode destinée à obtenir un signal spectroscopique représentatif du volume sanguin ou du débit sanguin d'un patient, comprenant les étapes qui consistent :
à placer un sujet dans un système de spectroscopie par résonance magnétique capable de détecter des signaux spectroscopiques chez un sujet possédant un système vasculaire pulmonaire ;
à administrer au sujet du 129Xe polarisé gazeux ;
à dissoudre une partie du 129Xe polarisé gazeux dans le système vasculaire pulmonaire auquel est associé un circuit sanguin ;
à exciter la partie dissoute du 129Xe avec une impulsion d'excitation radiofréquence pour spectroscopie à résonance magnétique ;
et à obtenir un signal spectroscopique, associé au 129Xe en phase dissoute, représentatif du volume sanguin ou du débit sanguin."
"14. Méthode selon la revendication 13, dans laquelle ladite impulsion à grand angle est supérieure à une impulsion à angle de bascule d'environ 90 degrés et dans laquelle l'étape d'administration est mise en oeuvre en faisant inhaler au sujet une quantité de 129Xe polarisé gazeux."
"17. Méthode d'imagerie cardiaque, comprenant les étapes qui consistent :
à placer un sujet possédant un circuit sanguin cardiaque dans un système d'IRM ;
à administrer du 129Xe polarisé au sujet ;
à dissoudre au moins une partie du 129Xe polarisé dans le circuit sanguin cardiaque du sujet ;
à exciter le 129Xe polarisé dissous dans une zone cible située le long du circuit sanguin avec au moins une impulsion d'excitation radiofréquence à grand angle ;
et à produire une image par résonance magnétique associée au 129Xe polarisé dissous excité."
"18. Méthode selon la revendication 17, dans laquelle l'étape d'administration est mise en oeuvre en faisant inhaler au sujet une quantité de 129Xe gazeux."
"22. Utilisation de 129Xe en vue d'obtenir un agent d'imagerie hyperpolarisé destiné à être utilisé dans des méthodes de traitement ou de diagnostic impliquant la mise en oeuvre de la méthode telle que décrite dans l'une quelconque des revendications 1 à 21."
VI. Dans une notification en date du 29 août 2006, la Chambre a notamment relevé que, selon un mode de réalisation de l'invention, du 129Xe polarisé peut être introduit directement dans une région du coeur "par injection ou un moyen comparable". Or, dans l'avis G 1/04 (JO OEB 2006, 334, point 6.2.1 des motifs), la Grande Chambre de recours a estimé qu'une revendication comprenant la caractéristique "pratique d'une ponction lombaire pour administrer des injections épidurales" devait être considérée comme étant relative à une méthode chirurgicale. Aussi la Chambre s'est-elle demandé si, en l'espèce, les méthodes d'imagerie revendiquées, dans la mesure où elles englobent l'étape d'administration par injection de 129Xe polarisé, pourraient être considérées comme des traitements chirurgicaux exclus de la protection par brevet en vertu de l'article 52(4) CBE. Elle a également attiré l'attention sur certains passages de la description de la présente demande selon lesquels les méthodes d'imagerie en question permettent un retour d'informations en temps réel au cours d'une opération chirurgicale pour vérifier le succès du traitement. Il se pose donc la question de savoir si, dans ces circonstances, les méthodes revendiquées doivent dans leur ensemble être considérées comme un élément constitutif d'un traitement chirurgical.
VII. Dans une réponse à cette notification, en date du 20 septembre 2006, le requérant s'est référé à la décision T 383/03 (JO OEB 2005, 159), dans laquelle la chambre avait estimé que "l'intention du législateur était uniquement d'exclure de la brevetabilité les traitements thérapeutiques ou chirurgicaux qui sont appropriés ou potentiellement appropriés pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique et le bien-être physique d'un être humain ou d'un animal ainsi que pour prévenir les maladies" (point 3.2 des motifs). De l'avis du requérant, cette définition n'est pas incompatible avec celle qui est énoncée dans l'avis G 1/04 (loc. cit.), selon laquelle "les méthodes chirurgicales au sens de l'article 52(4) CBE incluent toute intervention physique sur le corps humain ou animal dans laquelle le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale" (point 6.2.1 des motifs). Dans la présente espèce, les méthodes selon les revendications indépendantes 1, 11 et 17 ne préservent ou ne rétablissent pas la santé ou ne préviennent pas les maladies, mais concernent l'imagerie in vivo. Elles visent à obtenir des résultats intermédiaires qui, selon l'avis G 1/04 (loc. cit.), ne constituent pas une base suffisante pour ne pas accorder une protection par brevet en vertu de l'article 52(4) CBE. En tout état de cause, même si les méthodes revendiquées comportent des étapes occasionnant une intervention physique majeure sur le corps, ces étapes visent uniquement à recueillir des données et ne doivent donc pas être considérées comme des étapes chirurgicales. En outre, bien que les méthodes en question soient susceptibles d'être associées à des méthodes chirurgicales et/ou thérapeutiques, par exemple en tant que méthodes d'imagerie en temps réel au cours d'une opération chirurgicale ou pour contrôler les progrès ou le succès d'une thérapie, elles ne présentent pas en soi un quelconque caractère chirurgical ou thérapeutique. En l'absence d'étapes ultérieures, comme l'utilisation des informations obtenues sous forme d'images pour le diagnostic d'une maladie ou dans un but thérapeutique, les méthodes en question ne sont pas appropriées pour préserver ou rétablir la santé, ou pour prévenir une maladie. Il ressort de l'avis G 1/04 (loc. cit.) que les demandeurs doivent bénéficier d'une protection par brevet étendue dans le domaine du diagnostic. S'agissant de l'imagerie in vivo, il existe des procédures n'exigeant pas l'emploi d'un agent de contraste, comme par exemple la radiographie du squelette, tandis que d'autres procédures, comme par exemple la radiographie du système vasculaire, requièrent l'administration par injection d'un agent de contraste pour pouvoir obtenir une image utile. Il ne semble pas raisonnable qu'une méthode d'imagerie in vivo d'une partie du corps soit brevetable, alors qu'une méthode similaire portant sur une partie différente du corps serait exclue de la protection par brevet.
1. Le recours est recevable.
2. En première instance, la division d'examen a uniquement traité la question de l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE. En conséquence, s'il est fait droit au recours, il conviendra de renvoyer l'affaire à la division d'examen pour suite à donner (article 111(1) CBE, deuxième phrase, deuxième possibilité).
3. Méthode de diagnostic
A la lumière de l'avis G 1/04 (loc. cit.) (points 5 et 6.2.1 des motifs), la Chambre estime que les revendications de méthodes versées au dossier ne portent pas sur des méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal, lesquelles sont exclues de la brevetabilité en vertu de l'article 52(4) CBE. Les méthodes revendiquées permettent de recueillir des données sous la forme d'une image ou d'un signal spectroscopique qui peuvent ensuite être utilisées pour poser un diagnostic. Elles concernent donc la phase d'investigation. En revanche, elles ne comprennent pas les étapes suivantes, qui sont considérées comme constitutives de la pose d'un diagnostic, à savoir la comparaison des données recueillies avec les valeurs normales, la constatation d'un éventuel écart significatif et l'attribution de cet écart à un tableau clinique donné.
4. Méthode de traitement chirurgical
4.1 La présente invention porte sur une méthode d'imagerie par résonance magnétique du système vasculaire pulmonaire et/ou cardiaque d'un sujet (revendication 1), une méthode en vue d'obtenir un signal spectroscopique représentatif du volume sanguin ou du débit sanguin d'un sujet (revendication indépendante 11) et une méthode d'imagerie cardiaque (revendication indépendante 17). Toutes ces méthodes comprennent l'étape consistant à administrer au sujet du 129Xe polarisé, en particulier par inhalation (revendications 6, 8, 14 et 18 ; demande telle que publiée, page 9, lignes 24 à 30 ; page 23, lignes 7 à 25 ; page 27, lignes 7 à 10). S'agissant de la méthode d'imagerie cardiaque, un mode de réalisation relevant du libellé de la revendication 17 prévoit l'administration directe de 129Xe polarisé dans une région du coeur, par exemple par injection ou un moyen comparable dans le ventricule gauche. L'administration directe dans l'atrium ou le ventricule droit est également envisagée. En tout état de cause, l'administration de 129Xe polarisé peut se faire par injection de différentes phases (phase gazeuse, dissoute ou liquide), mais sans s'y limiter (demande telle que publiée, page 26, lignes 8 à 13).
Les méthodes d'imagerie selon la présente invention peuvent précéder une intervention chirurgicale ou une pharmacothérapie visant à traiter des problèmes du système vasculaire pulmonaire ou cardiaque. Lors d'une intervention chirurgicale, elles permettent d'obtenir des informations en temps réel pour vérifier le succès d'une mesure, par exemple sur les variations du débit de la circulation sanguine dues à l'opération. Au cours d'une pharmacothérapie, elles permettent de déterminer les effets du médicament (demande telle que publiée, page 26, ligne 29 à page 27, ligne 3 ; page 31, ligne 27 à page 32, ligne 2 ; page 34, lignes 4 à 31).
4.2 Une injection de 129Xe polarisé dans le coeur, telle que l'envisage la description de la présente demande, représente une intervention physique majeure sur le corps, qui comporte un risque pour la santé et exige la mise en oeuvre de compétences médicales par des professionnels. Une telle injection, qui est comprise dans le texte des revendications 1, 11 et 17 versées au dossier, pourrait être considérée comme une méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal au sens de l'article 52(4) CBE, bien que, dans le contexte des méthodes d'imagerie revendiquées, l'intervention physique sur le corps ne vise pas, en soi, à préserver la vie et la santé, mais constitue une condition préalable au recueil de données au cours de la phase d'investigation d'un diagnostic médical. La question se pose donc de savoir si les méthodes d'imagerie revendiquées qui comprennent ou englobent une telle étape tombent sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité prévue à l'article 52(4) CBE, bien qu'elles n'aient en soi aucun effet curatif.
4.3 Il convient également de prendre en considération le fait que la description de la présente demande se réfère à maintes reprises à l'utilité des méthodes d'imagerie selon l'invention au cours d'une intervention chirurgicale. En fait, les méthodes revendiquées ne portent pas sur la façon dont les données images sont obtenues, mais exigent simplement que de telles données soient générées. Les étapes de surveillance et d'évaluation de la progression d'une intervention chirurgicale ne constituent assurément pas des activités servant à déceler un symptôme et à l'attribuer à un tableau clinique donné, vu que ces étapes impliquent qu'un diagnostic est déjà posé, au sens de la définition donnée dans l'avis G 1/04 (loc. cit.). Toutefois, lorsqu'elles sont mises en oeuvre de la façon décrite, les méthodes revendiquées produisent apparemment des images qui permettent directement au chirurgien, c'est-à-dire en temps réel et sans prendre aucune autre mesure, si ce n'est exercer une activité purement intellectuelle, de décider de la façon de procéder. Il se pose donc la question de savoir si des méthodes qui fournissent des informations de valeur diagnostique doivent être considérées dans leur ensemble comme un élément constitutif ou une étape d'un traitement chirurgical lorsqu'elles sont utilisées au cours d'un tel traitement.
4.4 Définitions du terme chirurgie
Dans la décision T 182/90 (JO OEB 1994, 641), où il était question d'une méthode de mesure du flux sanguin dans un tissu animal spécifique qui comprenait l'étape consistant à sacrifier l'animal, la chambre a analysé de manière exhaustive l'expression "traitement chirurgical", en se fondant sur les définitions du terme "chirurgie" énoncées dans la littérature et les encyclopédies (point 2.3 des motifs). Elle a constaté que la référence à la guérison, dans certaines de ces définitions, semblait incompatible avec le fait que, dans l'usage linguistique médical et juridique actuel, des traitements apparemment non curatifs sont néanmoins considérés comme des traitements chirurgicaux, comme par exemple les traitements esthétiques, l'interruption de grossesse, la castration, la stérilisation, l'insémination artificielle, les transplantations d'embryons, les traitements à des fins expérimentales et de recherche, ainsi que le prélèvement d'organes, de peau ou de moelle osseuse sur un donneur vivant (point 2.2 des motifs). La chambre en a donc conclu que le terme "traitement chirurgical" avait semble-t-il subi un changement de sens, dans la mesure où il peut également recouvrir, à l'heure actuelle, des traitements particuliers ne visant pas le rétablissement ou le maintien de la santé du corps humain ou animal (point 2.4 des motifs). Cependant, le glissement sémantique dans la terminologie évoqué ci-dessus ne pouvait, selon la chambre, s'étendre au point que l'expression "traitement chirurgical" comprenne tout type d'intervention manuelle ou instrumentale réalisée par un être humain sur un autre humain ou sur un animal. En particulier, les méthodes conduisant intentionnellement à la mort de l'animal ne sont pas, de par leur nature, des méthodes de traitement chirurgical, même si certaines de leurs étapes peuvent présenter un caractère chirurgical (sommaire II).
Le raisonnement énoncé dans la décision T 182/90 a été confirmé dans l'affaire T 35/99 (JO OEB 2000, 447), qui portait sur une méthode en vue d'accéder par voie transveineuse à l'espace péricardique. La méthode comprenait les étapes consistant à guider un cathéter en aval à travers la veine cave jusqu'à l'atrium droit, à guider ledit cathéter à travers l'atrium droit dans l'oreillette droite, et à accéder à l'espace péricardique avec ledit cathéter en traversant la paroi de l'oreillette droite. L'introduction sûre et fiable d'un cathéter et/ou d'électrodes dans l'espace péricardique permettait de délivrer de l'électricité au muscle cardiaque et/ou d'administrer des agents pharmaceutiques directement dans l'espace péricardique (point 9 des motifs). La chambre a estimé que toutes les méthodes revendiquées faisaient intervenir le cathétérisme en tant que partie d'un procédé médical, et constituaient donc des méthodes de traitement chirurgical du corps humain ou animal (point 10 des motifs). A l'appui de cette conclusion, la chambre a déclaré qu'il convenait d'établir une distinction entre deux catégories d'interventions physiques réalisées sur le corps humain ou animal. La première catégorie englobe les interventions qui, quel que soit leur but, thérapeutique ou esthétique, visent en priorité à maintenir la vie ou la santé du corps sur lequel elles sont mises en oeuvre. Elles sont "par nature" des méthodes de traitement chirurgical au sens de l'article 52(4) CBE. La deuxième catégorie comprend quant à elle toutes les procédures qui aboutissent à la mort des êtres vivants, comme par exemple les méthodes d'abattage d'animaux ou les méthodes qui conduisent à la mort de l'animal de laboratoire. Dans cette affaire, la chambre a estimé que ces procédures "létales" peuvent appeler des réserves d'ordre éthique (cf. article 53a) CBE) et que leur mise en oeuvre peut se heurter à certaines restrictions d'ordre juridique (par ex. l'application de sanctions pénales pour avoir provoqué la mort) (point 4 des motifs).
La décision T 383/03 (JO OEB 2005, 159) concernait une méthode esthétique visant à éliminer simultanément des poils sur une zone de peau, ladite méthode comprenant l'application d'un rayonnement optique sur ladite zone de peau. L'application d'un rayonnement optique avait pour but de détruire les poils, sans causer de dommages importants aux tissus environnants. Comme il avait déjà été admis dans la décision T 182/90, la chambre a fait observer que dans l'usage linguistique médical actuel, l'expression "traitement chirurgical" comprend également des traitements ne visant pas la santé des êtres humains ou des animaux (point 3.3 des motifs). Cependant, les traitements chirurgicaux qui ne sont manifestement ni appropriés, ni potentiellement appropriés pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique des êtres humains ou des animaux ne tombent pas sous le coup de l'exclusion de la brevetabilité visée à l'article 52(4) CBE (point 3.4 des motifs). Sur la base de cette approche, la chambre a estimé que la méthode esthétique revendiquée, bien qu'impliquant une intervention physique intentionnelle sur le corps, qui devait être considérée comme une opération chirurgicale, n'était pas exclue de la brevetabilité, car elle n'était manifestement pas potentiellement appropriée pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique (point 4.2 des motifs).
Dans le droit fil de cette décision, il a été considéré dans les décisions T 1102/02 (point 3 des motifs, quatrième paragraphe) et T 9/04 (point 6 des motifs, deuxième paragraphe) qu'une méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal au sens de l'article 52(4) CBE doit être appropriée ou au moins potentiellement appropriée pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique d'un être humain ou d'un animal.
Dans l'avis G 1/04 (loc. cit.), la Grande Chambre de recours a estimé, dans un obiter dictum, que les méthodes chirurgicales au sens de l'article 52(4) CBE incluent toute intervention physique sur le corps humain ou animal dans laquelle le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale (point 6.2.1 des motifs, première phrase). Elle s'est en outre référée à la jurisprudence constante des chambres de recours, selon laquelle une revendication de méthode tombe sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 52(4) CBE si elle comprend au moins une caractéristique définissant une activité physique ou un acte qui constitue une étape d'une méthode de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal (point 6.2.1 des motifs, troisième phrase).
4.5 Conséquences des définitions
La jurisprudence citée met en évidence deux aspects dans la définition de la chirurgie, à savoir la nature de l'intervention physique d'une part et son but d'autre part.
Les chambres de recours ont tiré des conclusions divergentes sur l'exclusion prévue à l'article 52(4) CBE selon qu'elles ont mis l'accent sur le premier ou le deuxième aspect.
4.5.1 Nature et but de l'intervention physique
Les Directives relatives à l'examen pratiqué à l'Office européen des brevets (juin 2005) énoncent que "la chirurgie définit non pas tant le but du traitement que sa nature" (C-IV, 4.2.1).
Cette approche correspond à celle qui a été adoptée dans les décisions T 182/90 (loc. cit.) et T 35/99 (loc. cit.). Dans l'affaire T 329/94 (JO OEB 1998, 241), la chambre a estimé, dans la ligne de la décision T 182/90 (loc. cit.), que l'extraction sanguine tomberait sous le coup de l'exclusion visée à l'article 52(4) CBE si elle était considérée, entre autres, "comme une étape d'une méthode de traitement chirurgical, dans laquelle la prise de sang exige l'utilisation d'instruments chirurgicaux et où l'opération est exécutée sur la structure d'un organisme" (point 4 des motifs).
A l'inverse, dans l'affaire T 383/03 (loc. cit.), le fait que la méthode revendiquée ne visait pas à préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique d'une personne ou d'un animal a joué un rôle décisif pour déterminer quelles étaient les inventions qui étaient exclues de la protection par brevet au titre de l'article 52(4) CBE. A cet égard, la nature de l'intervention physique sur le corps, c'est-à-dire l'irradiation optique de la peau, était secondaire.
Il s'ensuit que la jurisprudence des chambres de recours n'est pas uniforme en ce qui concerne l'interprétation de l'expression "méthodes de traitement chirurgical du corps humain ou animal" employée à l'article 52(4) CBE. En effet, une approche est fondée sur l'appréciation de la nature de l'intervention physique réalisée sur le corps, tandis que l'autre approche se concentre sur la question de savoir si l'intervention physique est appropriée pour préserver ou rétablir la santé, l'intégrité physique ou le bien-être physique d'un être humain ou d'un animal. Par ailleurs, la définition énoncée dans l'avis G 1/04 (loc. cit.), selon laquelle "les méthodes chirurgicales au sens de l'article 52(4) CBE incluent toute intervention physique sur le corps humain ou animal dans laquelle le maintien de la vie et de la santé du sujet est d'une importance primordiale", semble mettre l'accent sur le but de l'intervention et non sur sa nature (point 6.2.1 des motifs).
De l'avis de la Chambre, l'approche fondée sur le but peut donner lieu à des jugements opposés en ce qui concerne l'exclusion de la protection par brevet d'une seule et même intervention physique. Par exemple, l'injection d'un médicament pour traiter une maladie serait exclue, alors que l'injection d'une substance réduisant les rides à des fins esthétiques pourrait ne pas être considérée comme un traitement chirurgical au sens de l'article 52(4) CBE, du fait qu'elle n'est pas appropriée pour préserver ou rétablir la santé. Or, dans les deux cas, l'intervention physique sur le corps serait pour l'essentiel identique, à savoir une injection.
4.5.2 Autres approches
On peut concevoir d'autres approches que celles fondées sur la nature ou le but de l'intervention physique.
Il serait ainsi envisageable de se baser sur le risque médical qu'implique l'intervention physique. Ce risque est également lié à la question de savoir si les étapes de la méthode doivent être exécutées par un praticien en médecine humaine ou vétérinaire. Dans ce contexte, il semble que l'approche fondée sur la nature de l'intervention physique soit plus adaptée que celle qui est basée sur son but, au moins pour ce qui est des méthodes qui exigeraient la mise en oeuvre des connaissances médicales d'un professionnel et qui relèveraient donc de la compétence d'un praticien en médecine humaine ou vétérinaire. Dans l'avis G 1/04 (loc. cit.), la Grande Chambre a cependant estimé qu'il était difficile de donner une définition, à un niveau européen, de ce qu'est un praticien en médecine humaine ou vétérinaire et a donc conclu qu'en raison de la sécurité juridique, la délivrance d'un brevet européen ne peut pas être rendue dépendante de la participation de ces praticiens (point 6.1 des motifs). Hormis cette difficulté objective, on peut raisonnablement admettre, dans la présente espèce, qu'une injection dans le coeur doit être réalisée par un praticien en médecine humaine ou vétérinaire.
D'autres approches pourraient être fondées sur des facteurs tels que le caractère invasif ou la complexité opératoire de l'intervention physique. La Chambre est néanmoins consciente qu'il est difficile de définir des critères d'interprétation relatifs à l'exclusion visée à l'article 52(4) CBE sur la base de tels facteurs.
5. Forme que doivent revêtir les revendications pour être recevables
5.1 A supposer qu'une méthode d'imagerie soit effectivement exclue de la protection par brevet en vertu de l'article 52(4) CBE, du fait qu'elle comporte une étape consistant à injecter un agent de contraste, il se pose la question de savoir s'il serait possible d'éviter une telle exclusion en omettant cette étape du texte de la revendication ou en l'excluant au moyen d'un disclaimer, par exemple en précisant clairement que cette étape précède la mise en oeuvre de la méthode d'imagerie revendiquée, mais n'en fait pas partie. On pourrait envisager de recourir à des formulations telles que "agent de contraste préalablement administré".
A cet égard, le requérant s'est référé à la décision G 1/03 (JO OEB 2004, 413) de la Grande Chambre de recours, dans laquelle il a été considéré qu'un disclaimer peut être admis pour exclure un objet qui tombe sous le coup d'une exception à la brevetabilité en vertu des articles 52 à 57 CBE pour des raisons non techniques. La Chambre note cependant que selon l'avis G 1/04 (loc. cit.), si une caractéristique telle que, en l'espèce, l'administration de l'agent de contraste "doit être considérée comme constitutive de la définition de l'invention", elle doit être incluse dans la revendication, en tant que caractéristique essentielle, au titre de l'article 84 CBE (point 6.2.4 des motifs).
5.2 Le requérant s'est en outre référé aux principes énoncés par la Grande Chambre de recours dans la décision G 1/98 (JO OEB 2000, 111). Sur cette base, il a fait valoir qu'il y a lieu d'admettre une revendication d'un niveau d'abstraction supérieur qui englobe un objet exclu de la brevetabilité, sans le revendiquer expressément. Ainsi, une revendication qui comprend l'étape consistant à "administrer un agent de contraste", mais ne précise pas comment, doit être admise, du moins si l'on peut recourir à d'autres méthodes d'administration de l'agent de contraste, par exemple par inhalation ou par voie orale, qui présentent moins de risques, ou si de telles méthodes ont déjà été divulguées.
6. Saisine de la Grande Chambre de recours
Conformément à l'article 112(1)a) CBE, une chambre de recours saisit d'office la Grande Chambre de recours, en cours d'instance, lorsqu'une décision est nécessaire afin d'assurer une application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose.
La jurisprudence des chambres de recours contient des définitions divergentes du terme "chirurgie". Selon que l'on se fonde sur la nature de l'intervention physique ou sur son but, l'approche choisie peut mener à des conclusions différentes sur la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE. D'autres approches ne sont pas à exclure. Pour statuer en l'espèce, il est donc nécessaire d'éclaircir comment il convient d'interpréter l'expression "traitement chirurgical" au sens de l'article 52(4) CBE.
La question de savoir quelle interprétation il y a lieu d'adopter représente une question de droit d'importance fondamentale. Il est communément admis que l'exclusion de la brevetabilité au titre de l'article 52(4) CBE vise à ne pas accorder de protection par brevet à des méthodes à finalité médicale, afin que nul ne puisse être entravé dans l'exercice de la médecine par des titres de brevets. En conséquence, la portée de cette exclusion dépend essentiellement de l'interprétation de l'expression "traitement chirurgical" employée à l'article 52(4) CBE, qui détermine l'étendue d'un domaine d'activités exclu de la protection par brevet.
Dans la présente espèce, il se pose en outre la question de savoir si une méthode d'imagerie fournissant des informations de valeur diagnostique doit être considérée comme une étape d'un traitement chirurgical au sens de l'article 52(4) CBE, bien qu'elle concerne une phase d'investigation au sens de l'avis G 1/04 (loc. cit.), s'il est établi que dans certains cas les résultats immédiats, c'est-à-dire les données images obtenues, permettent à un chirurgien de décider de la façon de procéder au cours d'une intervention chirurgicale en prenant simplement note de ces données,
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Les questions de droit suivantes sont soumises à la Grande Chambre de recours :
1. Une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic (phase d'investigation au sens de l'avis G 1/04), qui comprend ou englobe une étape consistant en une intervention physique pratiquée sur le corps humain ou animal (en l'espèce l'injection d'un agent de contraste dans le coeur), doit-elle être exclue de la brevetabilité au motif qu'elle constitue une "méthode de traitement chirurgical du corps humain ou animal" conformément à l'article 52(4) CBE, si cette étape ne vise pas en soi à préserver la vie et la santé ?
2. S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, l'exclusion de la brevetabilité pourrait-elle être évitée en modifiant le libellé de la revendication de manière à omettre l'étape en question, à l'exclure au moyen d'un disclaimer ou à faire en sorte que la revendication l'englobe sans être limitée à cette étape ?
3. Une méthode d'imagerie revendiquée dans un but de diagnostic (phase d'investigation au sens de l'avis G 1/04) doit-elle être considérée comme une étape constitutive d'un "traitement chirurgical du corps humain ou animal" conformément à l'article 52(4) CBE, si les données obtenues par la méthode permettent immédiatement au chirurgien de décider de la façon de procéder au cours d'une intervention chirurgicale ?