T 0578/04 23-01-2007
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Cartouche pour produits pâteux munie d'un fond frangible
Usage antérieur démontré - oui
Manque de nouveauté - oui
I. La requérante (opposante) a formé un recours contre la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition contre le brevet Nº 0 732 270.
II. La division d'opposition a considéré que l'usage antérieur allégué par l'opposante n'était pas prouvé, et qu'en l'absence d'autre état de la technique pertinent, les motifs d'opposition ne permettaient pas de s'opposer au maintien du brevet.
III. Une procédure orale a eu lieu devant la chambre de recours à laquelle l'intimée n'était pas représentée comme elle l'avait indiqué à l'avance.
IV. La requérante sollicite l'annulation de la décision de la division d'opposition et la révocation du brevet.
L'intimée n'a déposé aucune requête au cours de la procédure d'appel.
V. Les documents les plus pertinents pour cette décision sont les suivants:
BM1: Bon de livraison Nº 544 destiné à M. Helser daté du 15 juillet 1994 pour trois colis de cartouches à graisse blanc OF avec un poids de 30 Kg.
BM2: Bordereau adressé à M. Helser daté du 20 juillet 1994 pour trois colis avec un poids de 30 Kg.
BM3: Lettre de la Manufacture Bourguignonne de Plastique à M. Helser datée du 18 juillet 1994,
BM9: Cartouche datée 2.1994,
BM11: Bon de livraison adressé à M. Helser daté du 10 février 1995 pour dix colis avec un poids de 50 Kg.
BM14: Lettre datée du 6 février 1995 de la Manufacture Bourguignonne de Plastique adressée à M. Helser,
BM15: Déclaration de M. Helser datée du 9 juillet 2004,
BM16: Cartouche datée 02/95.
VI. La revendication 1 du brevet se lit comme suit :
"1. Cartouche de graisse cylindrique, en matière plastique moulée, pour pistolet distributeur à piston, utilisable dans ledit pistolet comme corps tubulaire (1) pour assurer, en coopération avec ledit piston, le refoulement progressif de la graisse à travers l'une de ses extrémités, normalement obturée avant utilisation, par un bouchon (3), l'autre extrémité du corps tubulaire (1) étant, avant utilisation, fermée par un fond (2) venant directement de moulage en même temps que la partie latérale du corps tubulaire (1), à laquelle il est relié par une zone de liaison (4) à moindre résistance, qui, en coopération avec une seconde zone de liaison (6), à moindre résistance, concentrique de la première, délimite entre elles une bande arrachable circulaire (7) sur le fond (2) dont l'extrémité est reliée à un organe de préhension (5), avantageusement constitué d'un anneau, caractérisé en ce que la zone externe (4) et la zone interne (6) sont reliées à au moins une zone de liaison courbe, radiale or radiale oblique, à moindre résistance (8, 9) dirigée vers le centre du fond (2), en délimitant une bande d'arrachage (10, 10'), de telle manière que le détachement dudit fond (2) du corps tubulaire (1) avant utilisation dans le pistolet distributeur, procure un passage lisse au travers duquel peut être engagé le piston"
VII. La requérante a développé pour l'essentiel l'argumentation suivante concernant le brevet :
(i) L'objet de la revendication 1 manque de nouveauté au vu de plusieurs usages antérieurs. Les cartouches reçues par M. Helser avec les livraisons provenant de l'intimée correspondent à l'exemple de la figure 3 du brevet.
Les cartouches reçues, par exemple, avec la livraison du 10 février 1995 (BM11) ont été reçues à une date où l'intimée avait déjà commencé leur commercialisation comme il est indiqué dans la lettre datée du 6 février 1995 (BM14). Dans ces conditions, il n'y avait pas de raison pour M. Helser de garder secret ces cartouches ou les informations les concernant. Ce point de vue est conforté par le témoignage de M. Helser devant la division d'opposition, ainsi que par sa déclaration du 9 juillet 2004. Il n'y a pas de raison de douter de la sincérité du témoignage et de la déclaration de M. Helser.
L'intimée n'est pas intervenue dans la procédure de recours parce qu'elle reconnait semble-t-il la véracité des déclarations contenues dans le témoignage de M. Helser.
Motifs pour la décision
1. L'usage antérieur
1.1 Il s'agit de deux cartouches à graisse, désignées BM9 et BM16 respectivement, que M. Helser a reçu de l'intimée à divers moments. La requérante considère que la réception des cartouches par M. Helser constituait un usage antérieur public. La requérante considère de plus, que quand bien même la réception de ces cartouches ne constituerait pas en soi un usage antérieur public, leur envoi aux clients ou clients potentiels de M. Helser était une divulgation au public.
Au cours de la procédure orale devant la chambre, la requérante a identifié plusieurs événements qui chacun, à son avis, constituait une divulgation au public d'une de ces cartouches. Il n'est pas nécessaire de considérer chaque événement en particulier parce qu'il suffit qu'un seul événement fût public.
1.2 Concernant le niveau de preuve nécessaire pour prouver l'usage antérieur, la chambre note que, dans le cas présent, l'usage concernait des cartouches envoyées par l'intimée à M. Helser. L'intimée avait donc la possibilité de fournir elle-même des preuves contradictoires et a utilisé cette possibilité au cours de la procédure d'opposition (voir lettre de l'intimée datée du 11 octobre 2001). La chambre considère donc que le niveau élevé de preuve comme exigé, par exemple, dans la décision T 472/92 (JO OEB 1998, 161), c'est-à-dire une preuve quasi incontestable, ne s'applique pas à la présente espèce parce qu'au contraire de la situation visée dans la décision citée où seul l'opposant avait accès à la preuve, la titulaire du brevet en sa qualité d'expéditeur de l'objet litigieux avait, dans le cas présent, également accès à la preuve.
1.3 Dans sa lettre datée du 18 juillet 1994 (BM3) à M. Helser, l'intimée a fourni des tarifs pour des cartouches à graisse O.F. (ouverture facile). Cette lettre constitue un fort indice permettant de soutenir que les cartouches ont été fournies à M. Helser en vue de leur vente. L'intimée a indiqué dans la procédure d'opposition qu'il existait plusieurs types de cartouches O.F. sans pour autant fournir de preuve à l'appui de cette affirmation. L'intimée avait pourtant accès à une telle preuve si elle devait exister. Contre cette affirmation émanant de l'intimée, M. Helser a déclaré qu'il n'y avait qu'un seul type de cartouche (voir BM15, dernier paragraphe).
La cartouche BM16 porte la date "02/05" estampée dans le plastique. La requérante a fourni un bon de livraison (BM11) pour dix cartons provenant de l'intimée. D'après le témoignage de M. Helser (voir page 11, avant dernier paragraphe), la cartouche BM16 faisait partie de cette livraison. Au vu de la date estampée dans la cartouche et du témoignage de M. Helser, la chambre considère qu'il est prouvé que M. Helser a bien reçu ladite cartouche.
La seule question qui demeure à résoudre est celle de savoir si les cartouches ont été reçues par M. Helser sans l'empire de la confidentialité. Dans sa lettre datée le 6 février 1995 (BM14) adressée à M. Helser, l'intimée mentionne une rencontre avec M. Helser le 31 janvier 1995 ainsi que la commercialisation par elle-même, auprès de cinq clients des cartouches à graisse "Ouverture Facile". Dans son témoignage devant la division d'opposition et dans sa déclaration du 9 juillet 2004 (BM15), M. Helser a indiqué qu'il a présenté des cartouches à un grand nombre de clients ou de clients potentiels. Le but de montrer lesdites cartouches était manifestement de les vendre. Ce fait ressort de la lettre datée du 6 février 1995 (BM14) qui concerne la commercialisation, c'est-à-dire la mise à disposition du public de ces cartouches. Il est évident que M. Helser n'a pas reçu cette deuxième importante livraison de cartouches, uniquement pour les garder chez lui. Il est aussi évident que M. Helser devait les distribuer aux clients potentiels afin de les leurs vendre. Il n'y a aucune raison pour croire qu'une telle distribution avait été faite en toute confidentialité, alors surtout que la lettre datée du 6 février 1995 (BM14) indique que la commercialisation auprès de cinq clients avait déjà commencé.
1.4 La chambre est donc convaincue que les cartouches reçues par M. Helser avec la livraison du 10 février 1995 étaient dépourvues de toute obligation de confidentialité.
2. Nouveauté
2.1 Il n'est pas contesté par l'intimée que M. Helser détenait une cartouche à graisse conforme aux enseignements du brevet (voir par exemple sa lettre du 11 octobre 2001, page 2, troisième paragraphe de la "2º) DISCUSSION"). Les cartouches présentées par la requérante au cours de la procédure orale devant la chambre, qui, selon le témoignage de M. Helser, ont été reçues de l'intimée au mois de février 1995, correspondaient à la seconde variante des cartouches divulguées dans le brevet à la figure 3.
Ces cartouches possèdent donc les caractéristiques techniques de la revendication 1 du brevet.
2.2 L'objet de la revendication 1 manque par conséquent de nouveauté au sens de l'article 54 CBE.
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.