T 1089/04 14-06-2007
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Acier pour la fabrication d'une pièce pour roulement
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
I. Le brevet européen nº 1 114 199 a été contesté dans sa totalité par l'opposant OVAKO STEEL AB sur la base de l'article 100a) CBE (absence de nouveauté et d'activité inventive).
La division d'opposition a décidé, par décision signifiée par voie postale le 7 juillet 2004, que le brevet pouvait être maintenu tel que délivré et que l'opposition était rejetée (article 102(2) CBE).
Les textes des revendications indépendantes 1, 7, 9, 10 et 12 s'énoncent comme suit :
"1. Acier pour la fabrication d'une pièce pour roulement caractérisé en ce que sa composition chimique comprend, en poids :
0,6 % <= C <= 1,5 %
0,4 % <= Mn <= 1,5 %
0,75 % <= Si <= 2,5 %
0,2 % <= Cr <= 2,0 %
0 % <= Ni <= 0,5 %
0 % <= Mo <= 0,2 %
0 % <= Al <= 0,05 %
S <= 0,04 %
0 < 0,0009 %
le reste étant du fer et des impuretés résultant de l'élaboration, la composition satisfaisant les relations :
Mn <= 0,75 + 0,55 x Si
Mn <= 2,5 - 0,8 x Si
la propreté inclusionnaire de l'acier, mesurée selon la méthode A de la norme ASTM E 45 satisfaisant, en outre, les conditions suivantes :
- inclusions de type A, fines: indice <= 2,5
- inclusions de type A, épaisses : indice <= 1,5
- inclusions de type B, fines: indice <= 1,5
- inclusions de type B, épaisses : indice <= 0,5
- inclusions de type C, fines: indice = 0
- inclusions de type C, épaisses : indice = 0
- inclusions de type D, fines: indice <= 0,5
- inclusions de type D, épaisses : indice <= 0,5
à l'exclusion des aciers contenant de 0,55 à 0,78% de C, de 0,5 à 2% de Cr, de 0,1 à 1,15% de Mn et de 1 à 2% de Si, le reste étant du fer et des impuretés résiduelles;
à l'exclusion des aciers contenant de 0,7 à 0,8% de C, de 0,5 à 1% e Si, de 0,1 à 2% de Mn, de 0,4 à 0,95% de Cr, moins de 0,050% d'Al et moins de 0,0030% de O, le reste étant du fer et des impuretés ;
et à l'exclusion des aciers contenant de 0,8 à 0,95% de C, de 0,5 à 1% de Si, de 0,1 à 2% de Mn de 0,15 à 0,4% de Cr, moins de 0,050% d'Al et moins de 0,0030% d'O, le reste étant du fer et des impuretés."
"7. Procédé pour la fabrication d'une pièce pour roulement caractérisé en ce que :
- on met en forme par déformation plastique à chaud un demi-produit en acier selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, afin d'obtenir une ébauche de produit, et, plus particulièrement, une ébauche de tube sans soudure,
- on effectue sur l'ébauche de produit un traitement de globulisation consistant en un ou plusieurs chauffages à une température comprise entre 750ºC et 850 ºC suivi de refroidissements dont la vitesse maximale est de 10 ºC/heure jusqu'à 650ºC, afin d'obtenir une structure de dureté inférieure à 270 HV et comportant une dispersion homogène de carbures globulaires fins, et, éventuellement, une mise en forme par déformation plastique à froid, par exemple, un laminage à froid ou un étirage à froid ou un tréfilage, de façon à obtenir un produit,
- on découpe dans le produit un tronçon qu'on met en forme par déformation plastique à froid ou à chaud, ou par usinage, afin d'obtenir une ébauche de pièce pour roulement,
- et on effectue sur l'ébauche de pièce un traitement thermique de trempe isotherme ou par refroidissement par exemple à l'huile après austénitisation entre 800 ºC et 950 ºC, et un traitement thermique de revenu entre 100 ºC et 400 ºC et de préférence en dessous de 250 ºC, de façon à obtenir une pièce pour roulement ayant une structure dont la dureté est comprise entre 58 HRC et 67 HRC et qui est constituée d'une répartition homogène de carbures fins, de martensite et de 5 % à 30% d'austénite résiduelle."
"9. Tube sans soudure en acier selon l'une quelconque des revendications 1 à 6."
"10. Pièce pour roulement en acier selon l'une quelconque des revendications 1 à 6 ayant une structure constituée d'une répartition homogène de carbures fins, de martensite et de 5 % à 30 % d'austénite résiduelle."
"12. Roulement, caractérisé en ce qu'il est constitué de pièces selon la revendication 10 ou 11."
II. L'opposant (le requérant) a formé un recours contre cette décision et payé la taxe de recours respectivement le 6 septembre 2004. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé 30 octobre 2004, dans lequel le requérant a fait référence aux documents suivants :
D3: SKF Steel AB Technical Report 3/1986, ISSN 0282-9878, Jan Akesson and Thore Lund: "Oxygen Content, Oxidic Micro Inclusions and Fatigue Properties of Rolling Bearing Steels", pages 2 à 18
D4: Stahlschlüssel, Verlag Stahlschlüssel, Wegst GmbH, Marbach,1986, pages 80, 45
D5: Förteckning över tryckleverans till Kungl. Biblioteket för ar, 1986, une page
III. La Chambre a émis une notification, annexée à la convocation à une procédure orale prévue pour le 17 avril 2007. Dans cette notification, la Chambre a signalé que l'admission des documents D3 et D5, mentionnés pour la première fois à ce stade par le requérant dans la procédure de recours devait être examinée sur la base de la jurisprudence établie.
Selon l'opinion provisoire de la Chambre, l'enseignement du document D3 ne semblait que représenter l'arrière-plan technique déjà considéré à titre de comparaison dans le brevet en litige. Spécifiquement, aux yeux de la Chambre, rien selon D3 n'aurait pu inciter l'homme du métier à élever les teneurs en Si et Mn afin d'augmenter la stabilité à chaud de l'austénite résiduelle et, par conséquent, d'améliorer d'une manière significative la tenue à la fatigue dans des conditions de charge élevées de l'acier connu 100Cr6. Le document D5 n'était fourni que pour prouver la date de mise à la disposition au public du document D3.
IV. Dans une lettre, datée du 27 février 2007, le requérant a déclaré qu'il ne serait pas représenté lors de la procédure orale.
Le requérant a précisé, dans sa lettre datée du 29 mars 2007, que la requête au sens de l'article 116 CBE a été retirée.
V. Le requérant demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen nº 1 114 199.
L'intimé (titulaire du brevet) demande que le recours soit rejeté. Pour le cas où la Chambre envisagerait de prendre une décision différente, il requiert, à titre subsidiaire, qu'une procédure orale soit tenue.
VI. Les arguments du requérant peuvent être résumés comme suit :
Les documents D1 et D2 ayant été jugés irrecevables dans la procédure d'opposition, les documents D3 et D4 ont été introduits dans la procédure de recours. Ceci a eu lieu tardivement car D3 et D4 venaient tout juste d'être trouvés.
D4 décrit, à la page 80, point 119, l'alliage EN 60 SiCr8. Les teneurs en Mn, Si, Cr et S de cet alliage s'inscrivent dans le domaine revendiqué pour l'acier selon le brevet tandis que les teneurs en carbone se recoupent. Les teneurs en Ni, Mo, O et Al se situent dans le domaine habituel pour les impuretés (Ni, Mo) ou représentent des valeurs typiques après désoxydation (Al, O). L'alliage connu, dont la composition n'est pas non plus exclue par les domaines des revendications limités au moyen d'un disclaimer, satisfait également aux relations Mn <= 0,75 + 0,55 x Si et Mn <= 2,5 - 0,8 x Si.
Le document D3 impose, à la propreté inclusionnaire de l'acier à roulements SKF MR, des exigences plus strictes encore que ne le fait la revendication 1 selon la méthode A de la norme ASTM E 45. Les exigences énoncées à la revendication 1 ne peuvent donc pas conférer une activité inventive par rapport à l'état de la technique. Il est vrai que l'acier EN 60SiCr8 de D4 est un acier à ressorts. Sous forme durcie, cet acier a cependant les mêmes propriétés qu'un acier à roulements et peut être fabriqué avec la même propreté inclusionnaire. La société de l'opposant préconise toujours dans ce cas une teneur moyenne en oxygène : 5 ppm, et au maximum 7 ppm. L'objet de la revendication 1 découle donc d'une manière évidente de la combinaison des enseignements de D4 et D3.
Ceci vaut également pour l'objet des revendications 2 à 6 car la teneur différente en Si n'est pas génératrice d'activité inventive puisqu'elle n'a pas non plus d'incidence sur les propriétés de l'acier à roulements.
Le procédé selon la revendication 7 ne décrit que les étapes typiques de fabrication de roulements à billes, lesquelles ne sont pas nouvelles en tant que telles. Comme les composantes des roulements à billes sont souvent fabriquées sous forme de tubes sans soudure, l'objet de la revendication 9 n'implique pas non plus d'activité inventive. Les revendications 10 à 12 ne renferment pas non plus d'éléments susceptibles de servir de base à un brevet. L'objet des revendications 1 à 12 ne satisfait donc pas aux exigences de l'article 56 CBE.
VII. Les arguments de l'intimé peuvent être résumés comme suit :
Les documents D3, D4 et D5 introduits au stade de la procédure de recours doivent être considérés comme ayant été produits tardivement. Si l'on se réfère notamment à la décision T 1002/92, des moyens produits aussi tardivement ne doivent être pris en considération que s'ils se révèlent de prime abord "éminemment pertinents". Ce n'est toutefois pas le cas en l'occurrence.
Ainsi, la composition de l'acier SAE 52100 indiquée au tableau 1 du document D3 fait état de teneurs en Si et Mn qui se trouvent en dehors des domaines revendiqués que le brevet considère comme essentiels à l'invention. L'acier revendiqué diffère également de l'acier selon D3 pour ce qui est de la teneur en oxygène. Au demeurant, l'acier SAE 52100 correspond à l'acier à roulements à billes classique 100Cr6 dont le brevet se sert comme acier de comparaison, et dont les propriétés se révèlent inférieures lorsque les roulements sont soumis à des conditions de chargement élevées. D3 ne donne pas d'indice menant à la composition de l'acier pour la fabrication d'une pièce de roulement selon la revendication 1.
Ceci vaut également pour le document D4, dont l'acier EN 60SiCr8 concerne un acier à ressorts qui est destiné à une tout autre finalité technique qu'un acier pour roulements à billes. Vu les usages différents auxquels les deux matériaux sont destinés, il n'est cependant nullement évident, contrairement à ce que prétend le requérant, de transposer les conditions de pureté des aciers à roulements telles que décrites dans D3 aux aciers à ressorts de D4, dans le but d'améliorer la tenue à la fatigue de l'acier à roulements.
Il existe donc une nouveauté et une activité inventive par rapport à D3 et D4.
1. Le recours est recevable.
2. Nouveauté :
2.1 D3 porte sur l'acier à roulements à billes SAE 52100. L'alliage d'acier revendiqué est différent de l'acier SKF MR indiqué au tableau 1 (compositions chimiques en %) de D3, tant en ce qui concerne le Mn (0,23%), le Si (0,35%) que l'oxygène (11 ppm).
L'acier revendiqué se distingue notamment de l'alliage d'acier à ressorts de D4 par la teneur en oxygène < 9 ppm et la propreté inclusionnaire eu égard aux inclusions de type A, B, C et D, dont D4 ne parle pas.
D5 ne sert qu'à confirmer la date de publication de D3.
2.2 La nouveauté de l'objet de la revendication 1 par rapport à l'enseignement de D3 et D4 est donc incontestable. Du reste, au troisième paragraphe de la page quatre du mémoire exposant les motifs de son recours, le requérant reconnaît explicitement la nouveauté vis-à-vis de l'enseignement de D3 et D4 : il n'est donc plus nécessaire d'examiner cette question plus avant.
3. Activité inventive :
Le requérant estime qu'en combinant les enseignements des documents D3 et D4, l'homme du métier arrive de façon évidente à l'alliage d'acier à roulements revendiqué. Après examen des faits et circonstances, la Chambre est toutefois parvenue à la conclusion que ce n'est pas le cas, comme il est démontré ci-dessous.
3.1 D'après le paragraphe [0003] du fascicule de brevet, le brevet attaqué s'est fixé pour but de proposer un acier à roulements dont la tenue à la fatigue est améliorée par rapport à l'acier 100Cr6 classique, ce qui doit permettre, entre autres, d'utiliser des roulements plus légers à charge égale, ou de faire supporter des charges plus lourdes par un même roulement. Un tel acier est également censé avoir une bonne aptitude à la coulée et se prêter facilement à la déformation et au traitement thermique.
L'alliage d'acier revendiqué résout ce problème (cf. paragraphe [0020] du fascicule de brevet) en se fixant des fourchettes de variation strictement limitées, notamment en ce qui concerne les teneurs en Si et Mn, en restreignant la teneur en oxygène et en améliorant dès lors la propreté inclusionnaire. La plus grande teneur en Si et Mn comparée à l'acier 100Cr6 classique entraîne une augmentation de la stabilité à chaud de l'austénite résiduelle et, après traitement thermique, on obtient une teneur en austénite résiduelle de préférence supérieure à 15% (cf. [0011]). La plus grande teneur en austénite résiduelle est indispensable pour obtenir une bonne résistance à l'indentation et accroître la durée de vie du roulement (cf. [0016] et [0027]).
D3 concerne aussi l'amélioration de la tenue à la fatigue du matériau à roulements classique 100Cr6 (SAE52100) et constitue donc l'état de la technique le plus proche. Grâce aux étapes de procédé particulières de D3, la teneur en oxygène de l'acier est partiellement ramenée à 8,5 ppm, ce qui entraîne une forte diminution des oxydes inclusionnaires non métalliques et améliore nettement la propreté inclusionnaire (cf. D3, figures 2 à 4 et figure 18). Néanmoins, le tableau 1 de D3 donne, pour l'acier SKF MR fabriqué selon des méthodes "modernes", une teneur en oxygène de 11 ppm, c'est-à-dire une teneur qui se situe au-dehors du domaine revendiqué de < 9 ppm. L'homme du métier connaissant l'incidence positive d'une teneur très faible en O et de la propreté inclusionnaire qui en résulte sur la tenue à la fatigue de l'acier à roulements, la limitation de la teneur en oxygène aux valeurs inférieures à 9 ppm n'est pas suffisante, à elle seule, pour permettre de conclure à une activité inventive.
En ce qui concerne les teneurs en Mn (0,23%) et en Si (0,35%), l'acier à roulements SKF MR selon D3 s'en tient strictement aux spécifications techniques de l'acier 100Cr6 (SAE 52100), comme le montre le tableau 1. L'homme du métier ne s'éloignerait pas sans raison manifeste de ces spécifications. Cette raison manifeste ne figure nulle part dans D3 , pas plus qu'un quelconque indice suggérant que l'on peut améliorer nettement la tenue à la fatigue et la durée de vie de l'acier à roulements SAE 52100 (100Cr6) en augmentant jusqu'à 0,75-2,5% la teneur en Si au-delà de la teneur maximale de 0,35% admise pour l'acier SAE 52100 et jusqu'à 0,4-1,5% la teneur en Mn au-delà de la teneur maximale de 0,45%, avec les changements qui en résultent en ce qui concerne l'austénite résiduelle. L'enseignement de D3 n'incite donc nullement l'homme du métier à modifier de la sorte la composition de l'acier SAE 52100 (100Cr6).
3.2 Contrairement au requérant, la Chambre ne voit pas comment la composition de l'acier EN60SiCr8 exposée dans D4 aurait pu amener l'homme du métier à modifier de la sorte la composition bien établie de l'acier SAE 52100 (100Cr6).
Pour commencer, il n'y a pas le moindre recoupement au niveau de la teneur en carbone entre EN 60SiCr8 (0,57 à 0,64% de C) et SKF MR (1,04% de C), ni au niveau de la teneur en Si (EN60SiCr8 : 1,7 à 2,20% ; SKF MR : 0,35%) et en Mn (EN60SiCr8 : 0,70 à 1,00% ; SKF MR : 0,23%).
Par rapport au domaine de teneur en carbone revendiqué, entre 0,6 et 1,5% de C, il n'existe qu'un très léger recoupement : 0,04% de C. Certes, les teneurs en Si et Mn de 60SiCr8 tombent dans la fourchette des teneurs en Si et Mn de l'acier revendiqué, comme le fait correctement remarquer le requérant. Rien, dans D4, ne tend toutefois à indiquer que ces teneurs accrues en Si et Mn puissent améliorer la durée de vie et la tenue à la fatigue de l'acier à roulements.
Par ailleurs, on voit mal pourquoi l'homme du métier, chargé d'améliorer les propriétés d'un acier à roulements à billes qui a fait ses preuves comme l'acier SAE 52100 (100Cr6), jetterait justement son dévolu sur un alliage d'acier conçu pour la fabrication de ressorts à lames, hélicoïdaux, à disques et en spirales, pour en faire un acier à roulements à billes, à cent lieues des spécifications d'alliage de l'acier à roulements SAE 52100 (100Cr6).
3.3 Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 du brevet litigieux n'est pas rendu évident par l'enseignement des documents D3 et D4.
3.4 L'acier à roulements revendiqué étant nouveau en tant que tel et impliquant une activité inventive, la même constatation s'applique au procédé de fabrication, à l'aide de ce matériau, de la pièce pour roulement selon la revendication 7, au produit ("tube sans soudure") selon la revendication 9, à la pièce pour roulement en acier ou du roulement selon les revendications 10 et 12. Ces revendications satisfont également aux exigences des articles 54 et 56 CBE.
4. Étant donné ce qui précède, il est superflu d'examiner plus en détail les autres objections des parties, par exemple la question de la production tardive des documents D3 et D5.
5. La Chambre ayant pu, dans son analyse des faits, se rallier pour l'essentiel aux vues de l'intimé, une décision a pu être prise sans qu'il soit nécessaire de convoquer la procédure orale demandée à titre subsidiaire par ledit intimé, étant donné également que le requérant a retiré sa requête de procédure orale par lettre du 29 mars 2007.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.