T 0962/05 29-03-2007
Téléchargement et informations complémentaires:
Disque et couronne de friction d'embrayage pour embrayage fonctionnant à sec plus particulièrement pour véhicule automobile
Nouveau motif (pas introduit)
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
I. La décision attaquée par l'opposant ("requérant") est la décision intermédiaire de la division d'opposition postée le 17 mai 2005, selon laquelle, compte tenu des modifications apportées par le titulaire au cours de la procédure d'opposition, le brevet EP-B-0917628 et l'invention qui en constitue l'objet satisfont aux conditions énoncées dans la convention sur le brevet européen.
Le recours a été déposé le 18 juillet 2005 et la taxe payée le même jour. Le mémoire de recours a été déposé le 11 août 2005.
II. Le requérant demande l'annulation de la décision et la révocation du brevet.
L'intimée ("titulaire du brevet") requiert le rejet du recours.
III. La revendication 1 actuelle se lit comme suit :
"Couronne de frottement pour disque de friction d'embrayage fonctionnant à sec comportant des rainures ménagées sur une face destinée à venir au contact d'un plateau de réaction ou d'un plateau de pression d'un embrayage, lesdistes rainures comportant une rainure circonférentielle (20) communiquant avec une pluralité de rainures radiales (30) débouchant à la périphérie interne (13) de la couronne de frottement, caractérisée en ce que ladite rainure circonférentielle est isolée de la périphérie externe (12) de la couronne de frottement."
IV. Les documents cités au cours de la procédure de recours sont les suivants :
D1 : JP-A-59 183 119
D3 : US-A-5 176 236
D8 : DE-A-40 10 543
D10 : EP-A-0 751 314
D11 : JP-A-06 129 445
D13 : DE-A-25 51 270
V. Les arguments essentiels du requérant peuvent être résumés comme suit :
La revendication 8 va à l'encontre de l'article 123(2) CBE, cette revendication ne reprenant pas les limitations introduites dans la revendication 1.
La couronne de frottement selon la revendication 1 n'est pas nouvelle par rapport à l'état de la technique selon le document D3.
L'expression "pour disque d'embrayage fonctionnant à sec" n'étant pas limitative pour la nouveauté, il importe peu que D3 décrive un embrayage à bain d'huile. De plus, les constructions usuelles pour embrayages à bain d'huile sont les mêmes que celles pour embrayages à sec. Par ailleurs, le matériau utilisé pour l'embrayage selon D3 est également utilisable pour un embrayage à sec, ce qui est toutefois secondaire, la revendication 1 n'étant pas limitée à un matériau particulier pour la garniture.
La figure 2 montre des rainures non traversantes et qui sont donc ménagées sur une face telle que l'exige la revendication 1 du brevet attaqué.
La caractéristique de la revendication selon laquelle une pluralité de rainures radiales sont présentes ne saurait être comprise comme signifiant que ces rainures ne peuvent être que strictement radiales. En effet, la description du brevet tel que délivré explique en son paragraphe [0029] que ces rainures peuvent aussi être obliques.
Par ailleurs, des rainures radiales sont également divulguées par le document D3 puisque la revendication 1 de D3 mentionne uniquement que les rainures s'étendent avec un angle par rapport au rayon, cet angle pouvant donc être nul. Ceci se trouve confirmé par la revendication 2 du même document qui mentionne que l'angle est un angle aigu, donc très petit. D'autre part, la description de D3 parle de rainures s'étendant généralement radialement, ce qui confirme que l'angle nul n'est pas exclu.
Toutes les caractéristiques de la revendication 1 sont donc divulguées par D3.
La couronne selon la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive par rapport à D1. En effet, bien qu'il n'y ait pas de divulgation directe d'un mode de réalisation comportant des rainures radiales uniquement débouchantes d'un côté et reliées de l'autre côté à une rainure circonférentielle, l'homme du métier comprendra que, pour augmenter la pression dans la rainure circonférentielle du mode de réalisation selon la figure 8 de D1, il lui suffit de ne pas rendre les rainures débouchantes du côté du plus grand diamètre. Ceci lui est d'ailleurs suggéré par la figure 1 ainsi que par la revendication 1 de D1 laquelle prévoit que les rainures puissent n'être débouchantes que d'un côté. Le positionnement radial des rainures étant connu de la figure 1 de D1, l'homme du métier arriverait donc sans activité inventive à l'objet selon la revendication 1.
Le même raisonnement est valable en considérant les documents D8, D10 ou D11 au lieu de la figure 8 de D1.
VI. Les arguments essentiels de l'intimée peuvent être résumés comme suit :
Les embrayages à sec et les embrayages à bain d'huile sont deux types d'embrayage fondamentalement différents. Les embrayages à sec fonctionnant dans l'air et étant sujet à un échauffement et une usure beaucoup plus importants que les embrayages à bain d'huile, ils nécessitent l'utilisation de garniture plus épaisse et les matériaux utilisés pour la fabrication des garnitures sont en général différents.
Ainsi pour les embrayages à bain d'huile se sont essentiellement des matériaux à base de papier qui sont utilisés, comme d'ailleurs mentionné dans D3, qui ne seraient pas utilisable pour des garnitures d'embrayages à sec.
Les problèmes de décollement lors du désaccouplement sont par ailleurs typiques des embrayages à sec.
L'expression "pour disque d'embrayage fonctionnant à sec" est donc une limitation claire pour l'homme du métier.
La figure 1 de D3 montre un produit intermédiaire et non le produit final ; ce n'est donc que par hasard que cette figure divulgue des rainures non débouchantes. Sur la garniture finie les rainures seront débouchantes puisque l'anneau 60 ne sera plus présent.
Concernant les angles, il est important de prendre en considération ce que D3 divulgue effectivement et non ce que D3 pourrait divulguer ; force est de constater que D3 ne divulgue pas de rainures strictement radiales.
Concernant l'interprétation de la revendication 1, il est rappelé que le terme "radiales" est utilisé et non celui d'"obliques". Au paragraphe [0029] du brevet tel que délivré il est différencié entre "rainures radiales" et "rainures obliques". Il ne s'agissait donc pas de donner au terme "radiales" une signification plus large qui aurait inclus la notion d'oblicité. D'autre part, le passage se référant aux rainures obliques n'étant plus présent dans la version de la description selon la requête principale, ce problème ne se pose plus.
L'état de la technique selon D3 ne saurait donc détruire la nouveauté de l'objet selon la revendication 1.
Concernant l'activité inventive, le requérant sélectionne les différentes caractéristiques de l'état de la technique pour tenter d'arriver à l'objet selon la revendication 1, ce qui est typique d'une approche a posteriori, en connaissance de l'invention.
Pour le rédacteur de D1, la figure 1 représente ce qu'il ne veut plus ; il est donc difficile de concevoir que l'homme du métier partant d'un mode de réalisation selon les figures 5 à 8 se tournera vers le mode de réalisation selon la figure 1, alors que cet état de la technique est présenté comme défaillant. La rainure circonférentielle de la figure 8 est par ailleurs présente uniquement pour des garnitures de grande largeur comme cela est mentionné dans le paragraphe correspondant de la description (voir la traduction en anglais de la description). D'autre part, dans un embrayage à sec l'homme du métier aurait plutôt tendance à laisser les rainures débouchantes pour permettre une meilleure évacuation des poussières. Les rainures sont d'ailleurs également débouchantes dans les garnitures selon D8, D10, D11.
L'enseignement selon lequel une rainure circonférentielle isolée reliée à des rainures radiales débouchantes est favorable au décollement ne se trouve dans aucun des documents cités par le requérant et constitue une solution très avantageuse, comme le montre les résultats des essais déposés pendant la procédure d'opposition.
La revendication 1 remplit donc les conditions de brevetabilité et le recours devrait être rejeté.
1. Le recours remplit les exigences des articles 106 à 108 CBE ainsi que de la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. Le requérant a fait valoir dans son mémoire de recours une objection au titre de l'article 123(2) CBE à l'encontre de la revendication 8. Cette revendication correspond à la revendication 13 telle que délivrée.
Le requérant n'ayant pas soulevé ce motif d'opposition dans son mémoire d'opposition, ni au cours de la procédure d'opposition, il n'est pas habilité à le faire sans le consentement de l'intimée ("titulaire du brevet") pendant la procédure de recours (G 10/91 (JO OEB 1993,420)), les caractéristiques attaquées ne correspondant pas à des modifications introduites lors de la procédure d'opposition ou de recours. A défaut de consentement de l'intimée, ce nouveau motif d'opposition n'est pas introduit dans le procédure de recours.
3. La revendication 1 actuelle est une combinaison des revendications 1 et 3 du brevet tel que délivré.
Les sous-revendications 2 à 8 correspondent aux revendications 2, 8-13 telles que délivrées.
Ces modifications n'appellent donc pas d'objections au titre de l'article 123(2) CBE, ni de l'article 123(3) CBE puisqu'il s'agit d'une limitation.
4. Nouveauté
4.1 Le brevet attaqué concerne une couronne de frottement pour disque de friction d'embrayage fonctionnant à sec. Pour faciliter le décollement de la couronne de frottement lors du débrayage, des rainures radiales sont prévues qui rejoignent une rainure circonférentielle permettant de créer ainsi une pression d'air facilitant le décollement respectivement du plateau de pression et du plateau de réaction de l'embrayage.
4.2 Dans la revendication 1, il est clairement mentionnée que la couronne de frottement revendiquée est pour disque de friction d'embrayage fonctionnant à sec. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, une telle mention doit être comprise comme signifiant que la couronne de frottement doit être apte à être utilisée dans un embrayage à sec.
Il se pose donc la question de savoir si la couronne de frottement décrite dans D3 en relation avec un embrayage à bain d'huile, serait apte à être utilisée pour un embrayage fonctionnant à sec.
La chambre considère qu'une telle aptitude n'est pas donnée. En effet, dans D3 il est mentionné que la couronne de frottement est constitué d'un matériau à base de papier, voir col. 1 lignes 13 à 18, col. 2, lignes 46 à 48 or claim 1, ce qui la rend inapte à l'utilisation dans un embrayage à sec en raison de sa faible résistance à l'échauffement.
4.3 La couronne de frottement décrite dans D3 n'ayant pas les caractéristiques qui la rendent apte à être utilisée dans un embrayage à sec, elle ne peut donc détruire la nouveauté de la couronne de frottement selon la revendication 1.
4.4 Selon le requérant le terme "radiale" utilisé dans la revendication doit être compris au regard de la description du brevet tel que délivré qui impliquait selon son paragraphe [0029], que les rainures puissent également être obliques.
Une telle interprétation ne saurait être soutenue par la Chambre. Dans la description selon la requête principale, le paragraphe selon lequel les rainures radiales pourraient être remplacées par des rainures obliques n'est plus présent. Par conséquent, même s'il avait pu exister un doute quant à la portée exacte du terme "radiales" dans la revendication 1 telle que délivrée, ce doute n'existe plus en tenant compte de la version de la description selon la requête principale. La suppression de ce passage dans la description est par ailleurs en accord avec l'article 123(2) et (3) CBE puisqu'en l'espèce cette suppression a un effet restrictif sur la portée de la revendication.
4.5 Le requérant prétend par ailleurs que les rainures montrées dans le document D3 ne seraient pas nécessairement inclinées, mais pourraient être strictement radiales.
Dans le document D3, lorsqu'il est fait mention des rainures de manière générale, celles-ci sont présentées comme d'orientation générale radiale (col. 1, ligne 52, ligne 62, "generally radially extending grooves"). Dans la revendication 1 de D3, il est précisé que les rainures s'étendent avec un angle par rapport au rayon, ce qui apparait également clairement dans les exemples de réalisation décrits, les angles par rapport au rayon des rainures courtes et longues étant respectivement désignés "a" et "b" et dits compris entre 10º et 60º.
Ainsi qu'expliqué aux lignes 30 à 35 de la colonne 3 de D3, cette inclinaison des rainures a pour but de favoriser un effet de pompage de l'huile à travers elles, améliorant ainsi les performances d'évacuation de chaleur du système de rainures.
Rien dans D3 ne donne donc à penser que des rainures radiales telles que revendiquées dans la revendication 1 aient pu être envisagées.
4.6 Le requérant considère que la simple mention de la présence d'un angle par rapport au rayon dans la revendication 1 de D3 divulgue l'angle nul et que la mention d'un angle aigu dans la revendication 2 de D3 divulgue des angles très faibles qui doivent être considérés comme radiaux.
La Chambre ne saurait partager cet avis. Ainsi qu'expliqué plus haut, D3 enseigne à l'homme du métier que, pour obtenir de meilleures performances de refroidissement, il est important d'incliner les rainures par rapport au rayon. Cette inclinaison favorise un effet de pompage permettant une circulation forcée de l'huile dans les rainures et donc un meilleur refroidissement de l'embrayage. L'ordre de grandeur de l'angle donné dans les modes de réalisation est de 10º à 60º, ce qui est conforme à l'expression "d'orientation générale radiale" mentionnée dans la description. Des angles plus petits ou plus grands ne sont donc pas divulgués par ce document.
En l'absence d'indication contraire, la divulgation du général dans les revendications ne saurait emporter la divulgation du particulier. Un angle nul ou très petit n'est donc pas divulgué par D3.
4.7 La caractéristique selon laquelle la rainure circonférentielle est isolée de la périphérie externe de la couronne n'est pas divulguée par D3.
En effet, les rainures 51 débouchent à l'extérieur de la couronne de frottement. La figure 1 de D3 montre une étape intermédiaire de la fabrication de la couronne dans laquelle l'anneau de maintien 60 n'est pas encore éliminé. Cet anneau est nécessaire du fait que les rainures 51 et 52 traversent toute l'épaisseur de la couronne (voir col. 4 lignes 28 à 31). Ce n'est que lorsque la couronne sera collée sur le disque métallique de support que cet anneau pourra être supprimé (voir col. 4, lignes 40 à 48). Les rainures 51 et 52 traversant toute l'épaisseur de la matière, celles-ci ne sont pas ménagées sur une face destinée à venir au contact d'un plateau de réaction ou de pression, comme l'exige le libellé de la revendication attaquée.
5. Activité inventive
5.1 La couronne de frottement selon la revendication 1 étant pour embrayage fonctionnant à sec, l'état de la technique le plus proche doit également être pour un fonctionnement à sec.
Le document D1 décrit une telle couronne. De plus le problème à résoudre qui est de faciliter le décollement ou d'empêcher le collement est également mentionné dans D1.
Dans le mode de réalisation selon la figure 8, la couronne de frottement comporte des rainures 33,37 sur une face destinée à venir au contact d'un plateau de réaction ou de pression. Ces rainures comportent une rainure circonférentielle 37 communiquant avec une pluralité de rainures 33 débouchant à la périphérie interne de la couronne de frottement.
5.2 Les rainures de la couronne telle que revendiquée sont radiales et la rainure circonférentielle est isolée de la périphérie externe de la couronne de frottement.
Ces caractéristiques permettent d'obtenir une augmentation de pression d'air dans les rainures, facilitant ainsi le décollement. Cette augmentation de pression n'est, ici, pas obtenue par la forme courbe des rainures comme dans D1, mais par l'emprisonnement de l'air dans les rainures. De plus, la forme radiale de rainures présente l'avantage de rendre le même type de couronne utilisable sur les deux faces du disque d'embrayage.
5.3 Le problème objectif peut donc être considéré comme étant de trouver une solution alternative à celle présentée dans D1 permettant également un décollement facile et présentant une mise en oeuvre plus simple.
5.4 Aucun des documents cités par le requérant ne suggère l'utilisation de rainures radiales combinées avec une rainure circonférentielle isolée de la périphérie externe de la couronne de frottement pour résoudre ce problème.
5.5 Selon le requérant, l'homme du métier partant de la couronne de frottement selon la figure 8 de D1 comprendrait que, pour augmenter la pression de décollement, il lui suffirait de fermer les rainures débouchantes à leurs extrémités extérieures tel que cela est suggéré par la figure 1 de D1, et que la forme courbe des rainures qui deviendrait ainsi inutile pourrait alors avantageusement être remplacée par une forme radiale.
Ce raisonnement ne saurait convaincre. Dans D1, la figure 1 représente un disque d'embrayage de l'état de la technique qui, lors de l'usage, génère une pression négative trop importante qui nuit au décollement. L'enseignement de D1 est précisément qu'une forme de rainures appropriée telle que celles montrées dans les figures 5 à 8 permet de générer une pression positive qui facilitera le décollement.
La chambre ne voit donc aucune raison pour laquelle l'homme du métier partant du mode de réalisation selon la figure 8 chercherait à reprendre la forme de rainure d'orientation générale radiale et fermée vers l'extérieur telle que montrée dans la figure 1 alors que c'est précisément cet état de la technique qui présente des problèmes de collage résolus avec les modes de réalisation des figures 5 à 8.
La mention dans la revendication de D1 qu' "...au moins une extrémité des rainures est ouverte sur l'extérieur." ne change rien puisque l'homme du métier ne sait pas quelle extrémité fermer et n'a pas de raison de rendre les rainures radiales, à l'encontre de l'enseignement général de D1.
Les documents D8, D10 et D11 succinctement mentionnés par le requérant durant la procédure orale comme autre possible état de la technique de départ au lieu de la figure 8 de D1 ne changent en rien le raisonnement ci-dessus puisqu'ils montrent comme la figure 8 de D1 des rainures ouvertes aux deux extrémités.
D3 et D13 décrivent des embrayages humides dans lesquelles les formes des rainures sont améliorées principalement dans le but d'obtenir un meilleur refroidissement.
La Chambre ne voit pas pourquoi l'homme du métier cherchant une solution alternative, à celle selon D1, au problème de collement qu'il rencontre dans un embrayage à sec irait à la recherche d'une solution à ce problème dans la littérature concernant les embrayages humides, qui plus est, ne mentionnant pas ce problème.
Le raisonnement proposé par le requérant est un raisonnement construit en connaissance de l'invention, mais sans fondement au regard des documents cités.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.