T 1275/12 22-07-2016
Téléchargement et informations complémentaires:
PROCEDE ET FOUR DE CARBONITRURATION A BASSE PRESSION
Requête principale non examinée par la division d'opposition - recevable (non)
Activité inventive - première et seconde requêtes subsidiaires (non)
Activité inventive - brevet tel que maintenu (oui)
I. La titulaire du brevet (requérante I) et l'opposante (requérante II) ont toutes deux formé recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition de maintenir le brevet n° 1 885 904 sous forme modifiée.
L'opposition avait été formée contre le brevet dans son ensemble et fondée sur l'article 100 a) CBE (manque de nouveauté et/ou d'activité inventive).
II. Les documents suivants de la procédure d'opposition cités en recours sont pertinents pour la présente décision:
D1: EP-B1-1 080 243;
D3: DE-A1-199 09 694;
D4: DE-A1-103 22 255.
Le document suivant a été cité par la requérante II pour la première fois en recours:
D5: |Thomas Bausch et al., "Innovative Zahnradfertigung", Expert Verlag, Renningen, Allemagne, ISBN-10: 3-8169-1871-9, 3ème Edition, 2006, pages 392-393.|
III. Avec son mémoire exposant les motifs de recours, la requérante I a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base d'une requête principale (brevet tel que délivré), subsidiairement le maintien sur la base d'une première ou deuxième requêtes subsidiaires, toutes deux déposées avec le mémoire exposant les motifs de recours, subsidiairement la tenue d'une procédure orale.
La première requête subsidiaire correspond à la requête principale de la décision contestée.
IV. La requérante II quant à elle a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet en son entier, subsidiairement la tenue d'une procédure orale.
V. En annexe à la convocation à la procédure orale, la Chambre a informé les parties de son opinion provisoire selon laquelle:
- la requête principale semblait irrecevable (article 12(4) RPCR);
- les objets des revendications indépendantes 1 de la première et seconde requêtes subsidiaires semblaient manquer d'activité inventive (article 56 CBE), au contraire de l'objet de la revendication 1 du brevet tel que maintenu; et
- les autres objections à l'encontre de la première et seconde requêtes subsidiaires sur la base d'une extension inadmissible (article 123(2) CBE) et/ou d'un manque de clarté (article 84 CBE) ne semblaient pas convaincantes.
VI. Lors de la procédure orale tenue le 22 juillet 2016 en l'absence de la requérante II comme annoncé avec son courrier du 18 juillet 2016 et conformément à l'article 15(3) RPCR et la règle 115(2) CBE, les points suivants ont été discutés:
- la recevabilité de la requête principale;
- l'activité inventive des objets des revendications 1 de la première et seconde requêtes subsidiaires eu égard aux documents D1 et D4; et
- l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 du brevet tel que maintenu eu égard aux documents D1, D4 et D3 ainsi qu'aux connaissances générales de l'homme du métier, tenant compte entre autres des arguments de la requérante II fournis avec son courrier du 18 juillet 2016.
La présente décision a été annoncée à la fin de la procédure orale.
VII. La revendication indépendante 1 de la requête principale (brevet tel que délivré) s'énonce comme suit:
"Procédé de carbonitruration d'une pièce en acier disposée dans une enceinte (14) maintenue à une pression interne réduite, la pièce étant maintenue à un palier de température, caractérisé en ce qu'il comporte une alternance de premières et de secondes étapes, un gaz de cémentation étant injecté dans l'enceinte seulement pendant les premières étapes et un gaz de nitruration étant injecté dans l'enceinte seulement pendant au moins une partie d'au moins deux secondes étapes."
La revendication indépendante 1 de la première requête subsidiaire s'énonce comme suit (en gras les modifications par rapport à la revendication 1 de la requête principale):
"Procédé de carbonitruration d'une pièce en acier disposée dans une enceinte (14) maintenue à une pression interne réduite, la pièce étant maintenue à un palier de température, caractérisé en ce qu'il comporte une alternance de premières et de secondes étapes, un gaz de cémentation étant injecté dans l'enceinte seulement pendant les premières étapes et un gaz de nitruration étant injecté dans l'enceinte seulement pendant au moins une partie d'au moins deux secondes étapes, le gaz de nitruration étant injecté dans l'enceinte au cours de chacune desdites au moins deux secondes étapes pendant une durée inférieure à la durée de ladite seconde étape."
La revendication indépendante 1 de la deuxième requête subsidiaire s'énonce comme suit (en gras les modifications par rapport à la revendication 1 de la requête principale):
"Procédé de carbonitruration d'une pièce en acier disposée dans une enceinte (14) maintenue à une pression interne réduite, la pièce étant maintenue à un palier de température, caractérisé en ce qu'il comporte une alternance de premières et de secondes étapes, un gaz de cémentation étant injecté dans l'enceinte seulement pendant les premières étapes et un gaz de nitruration étant injecté dans l'enceinte seulement pendant au moins une partie d'au moins deux secondes étapes, le gaz de nitruration est injecté dans l'enceinte (14) au cours d'au moins une seconde étape pendant une durée inférieure à la durée de ladite seconde étape."
La revendication indépendante 1 du brevet tel que maintenu s'énonce comme suit (en gras les modifications par rapport à la revendication 1 de la requête principale):
"Procédé de carbonitruration d'une pièce en acier disposée dans une enceinte (14) maintenue à une pression interne réduite, la pièce étant maintenue à un palier de température, caractérisé en ce qu'il comporte une alternance de premières et de secondes étapes, un gaz de cémentation étant injecté dans l'enceinte seulement pendant les premières étapes et un gaz de nitruration étant injecté dans l'enceinte seulement pendant au moins une partie d'au moins deux secondes étapes, le gaz de nitruration étant injecté dans l'enceinte au cours d'au moins une seconde étape pendant une durée inférieure à la durée de ladite seconde étape, le reste de ladite seconde étape étant réalisé en présence d'un gaz neutre."
VIII. La requérante I a développé les arguments suivants :
Requête principale (brevet tel que délivré)
La requérante I n'a fourni aucun argument relatif à la recevabilité de la requête principale en recours.
Première et seconde requêtes subsidiaires
Les caractéristiques de la revendication 1 de la première requête subsidiaire: "une alternance de premières et secondes étapes" et "le gaz de nitruration étant injecté dans l'enceinte au cours de chacune desdites au moins deux secondes étapes pendant une durée inférieure à la durée de ladite seconde étape"
ne sont pas connues de l'art antérieur le plus proche D1.
D1 dissuaderait même l'homme du métier d'injecter le gaz de cémentation séparément du gaz de nitruration. De plus, il faut réaliser une sélection au sein des nombreuses alternatives possibles divulguées dans D1 pour déterminer le mode de réalisation le plus proche ce qui démontre déjà l'activité inventive de l'objet revendiqué.
Comme aucun des autres documents cités ne divulgue une alternance de premières et secondes étapes dans le but d'améliorer le contrôle des profils de concentration de carbone et d'azote une activité inventive doit être reconnue pour l'objet de la revendication 1 de la première requête subsidiaire.
Comme D1 ne montre pas d'exemple avec injection séparée des gaz de cémentation et de nitruration dans lequel il y aurait une période de diffusion sans injection de gaz de nitruration, il en fournit un enseignement dissuasif à l'homme du métier.
L'injection du gaz de nitruration par impulsion est l'une des deux alternatives divulguées dans D4. L'homme du métier n'a aucune raison au vu de la divulgation de D4 de sélectionner cette alternative plutôt que l'autre qui consiste en l'injection en continu. Pour cette raison, la combinaison de l'enseignement de D4 avec le procédé de D1 ne conduit pas l'homme du métier de manière évidente à l'objet revendiqué.
Les mêmes raisons s'appliquent à l'objet de la revendication 1 de la seconde requête subsidiaire.
Brevet tel que maintenu
Les caractéristiques distinctives de la revendication 1 du brevet tel que maintenu vis-à-vis de l'art antérieur le plus proche D1 sont les suivantes:
i) le gaz de nitruration est injecté dans l'enceinte au cours d'au moins une seconde étape pendant une durée inférieure à la durée de ladite seconde étape;
ii) le reste de ladite seconde étape est réalisé en présence d'un gaz neutre.
Au vu des effets techniques associés qui présentent une synergie le problème à résoudre réside en mieux contrôler les profils de concentration de carbone et d'azote.
Comme aucun des documents cités ne divulgue l'application d'un gaz neutre pendant le reste de la seconde étape et tenant compte que cela ne fait pas partie des connaissances générales de l'homme du métier, une activité inventive pour l'objet de la revendication 1 du brevet tel que maintenu doit être reconnue.
IX. La requérante II a développé les arguments suivants :
Requête principale (brevet tel que délivré)
La requête principale ne doit pas être admise en recours, car elle a été retirée au cours de la procédure d'opposition et n'est pas objet de la décision contestée.
Première et seconde requêtes subsidiaires
Les caractéristiques distinctives des revendications 1 de la première et seconde requêtes subsidiaires vis-à-vis de l'art antérieur le plus proche D1 concernent l'injection du gaz de nitruration dans l'enceinte "pendant une durée inférieure à la durée de la seconde étape". L'homme du métier cherchant à résoudre le problème de contrôler les profils de concentration de carbone et d'azote dans l'acier trouvera la solution dans D4 qui divulgue l'injection par impulsion.
Une activité inventive pour les objets des revendications 1 de la première et seconde requêtes subsidiaires ne peut donc pas être reconnue.
Brevet tel que maintenu
Les caractéristiques distinctives vis-à-vis de D1 et le problème à résoudre qui en découle sont tels que formulés par la requérante I.
Cependant, l'homme du métier appliquant ses connaissances générales penserait immédiatement que de l'azote comme gaz neutre doit être présent pendant le reste de la durée de la seconde étape de D4 afin d'éviter l'effusion de l'azote de l'acier traité entre les impulsions de gaz nitrurant. Soit la divulgation est implicite dans D4, c'est-à-dire que l'homme du métier lirait D4 de cette manière, soit l'homme du métier utiliserait ses connaissances générales telles qu'illustrées par D3 pour modifier et compléter la divulgation de D4.
Par conséquent, la combinaison de l'enseignement de la divulgation de D4 avec le procédé de D1 conduit l'homme du métier à l'objet de la revendication 1 du brevet tel que maintenu de manière évidente.
1. Document D5
Le document D5 déposé par la requérante II pour la première fois lors du recours a été publié en 2006 - une date plus précise n'est pas disponible - et consiste en une version complètement nouvelle, retravaillée et élargie des versions précédentes de 1994 et 1986 ("3., völlig neu bearbeitete und erweiterte Auflage 2006"). Il ne peut donc pas être conclu que les informations qui y sont divulguées étaient déjà présentes dans les éditions antérieures.
Par conséquent, au vu des dates de dépôt du 19 avril 2006 et de priorité du 19 avril 2005 du brevet contesté, la Chambre conclut que D5 ne fait pas partie de l'art antérieur et ne peut pas être pris en compte pour déterminer les connaissances générales de l'homme du métier avant l'une quelconque de ces dates effectives.
Ces arguments ainsi que la conclusion de ne pas tenir compte de D5 étaient déjà présents dans l'opinion provisoire de la Chambre fournie dans l'annexe à la citation en procédure orale (cf. point 3) et n'ont pas été contesté par la requérante II.
Il ne sera donc plus fait référence à D5 dans la suite de la présente décision.
2. Requête principale (brevet tel que délivré)
La requête principale concerne le maintien du brevet tel que délivré. Cette requête n'a pas été traitée dans la décision contestée étant donné qu'elle avait été retirée par la requérante I avec son courrier du 30 janvier 2012 en réaction à l'opinion provisoire de la division d'opposition du 10 octobre 2011, point 7.
A aucun moment du recours, ni par écrit ni lors de la procédure orale, la requérante I n'a fourni de justifications relatives à la réintroduction et la recevabilité de cette requête en recours.
Par conséquent, cette requête principale ayant de toute évidence dû être maintenue en procédure d'opposition pour l'obtention d'une décision à son sujet par la division d'opposition, la Chambre conclut, comme déjà indiqué dans l'annexe à la citation en procédure orale, point 4.1, qu'elle n'est pas recevable conformément à l'article 12(4) RPCR (cf. T 2075/11 point 2 des motifs, T 933/04 point 2 des motifs et T 1067/08 point 8 des motifs, aucune publiée dans le JO OEB).
3. Première requête subsidiaire
3.1 Etant donné que la Chambre conclut à un manque d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 de cette requête (cf. ci-après), il est inutile de discuter dans la présente décision si les exigences des articles 123(2) et/ou 84 CBE relatives aux modifications sont remplies.
3.2 Nouveauté
La Chambre partage l'avis de la requérante I, non contesté par la requérante II, qu'aucun des documents cités D1 à D4 ne divulgue en combinaison l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 de cette requête. Son objet est donc nouveau.
3.3 Activité inventive
La requérante II conteste l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 à partir de D1 comme art antérieur le plus proche en combinaison avec l'enseignement de la divulgation de D4.
3.3.1 La Chambre partage l'avis des requérantes que D1 peut être considéré comme l'art antérieur le plus proche (cf. pages 8-9 des motifs de recours de la requérante I; point IV des motifs de recours de la requérante II). En effet, D1 comme la revendication 1 concerne le domaine technique de la carbonitruration d'une pièce en acier disposée dans une enceinte maintenue à une pression réduite et vise le même but de contrôler les profils de concentrations en carbone et en azote dans la pièce traitée (brevet contesté, paragraphes [1] et [11]; D1, paragraphes [1], [2] et [14] et revendication 1).
3.3.2 Interprétation des caractéristiques
La Chambre partage l'avis de la requérante I que le procédé revendiqué comprend au moins deux premières étapes et au moins deux secondes étapes, du fait de l'alternance de la premières et secondes étapes. Un gaz de cémentation est injecté dans l'enceinte pendant les premières étapes et le gaz de cémentation n'est pas injecté pendant les secondes étapes. De même, un gaz de nitruration est injecté dans l'enceinte pendant au moins une partie d'au moins deux secondes étapes et le gaz de nitruration n'est pas injecté pendant les premières étapes (cf. brevet contesté, paragraphe [21]). Ceci n'a pas été contesté par la requérante II.
3.3.3 Le document D1 divulgue un procédé de carbonitruration d'une pièce en acier disposée dans une enceinte maintenue à une pression interne réduite ("pression réduite", "inférieure à 100 hPa"), la pièce étant maintenue à un palier de température compris entre 750 et 1050°C. D'après l'alternative 6a du paragraphe [26] en combinaison avec la première alternative de l'étape 7 consistant en la réitération de l'étape 6a, le procédé de D1 comporte une alternance de premières et de secondes étapes, un gaz de cémentation, tel qu'un gaz carburant éthylène, étant injecté dans l'enceinte seulement pendant les premières étapes et un gaz de nitruration, tel que de l'ammoniac, étant injecté dans l'enceinte seulement pendant au moins deux secondes étapes (paragraphes [1], [6]-[17] et [26]-[27]; exemples 5 et 6 du tableau 2; revendications).
3.3.4 Les caractéristiques suivantes de la revendication 1:
le gaz de nitruration est injecté dans l'enceinte au cours de chacune desdites au moins deux secondes étapes "pendant une durée inférieure à la durée de ladite seconde étape"
ne sont pas connues de D1.
3.3.5 La requérante I considère que D1 ne divulgue pas non plus, en plus des caractéristiques distinctives mentionnées ci-avant, "une alternance de premières et secondes étapes" telle que revendiquée.
Pour la requérante I, l'homme du métier, faisant face au nombre important d'alternatives possibles aux étapes 6 et 7 du paragraphe [26] de D1, ne pourrait pas en déduire directement et sans ambiguïté une telle alternance. Il devrait en premier lieu effectuer un choix entre les alternatives 6a et 6a' de l'étape 6. En admettant qu'il choisisse 6a, il serait de nouveau face à un choix à l'étape 7, c'est-à-dire soit de revenir à l'étape 6 réalisée précédemment (selon la première alternative mentionnée à l'étape 7, dénommée ci-après 7a), soit de réaliser un traitement de diffusion sous vide (selon la deuxième alternative mentionnée à l'étape 7, dénommée ci-après 7a'). Même dans le cas où il choisirait de réaliser l'étape 7a après avoir effectué l'étape 6a, il se retrouverait de nouveau devant le choix identique à l'initial de réaliser l'étape 6 selon 6a ou 6a'. Une telle absence de divulgation d'alternance de premières et secondes étapes telle que revendiquée serait également confirmée par les exemples de D1. Seulement les exemples 5 et 6 divulguent une séparation de l'injection des gaz de nitruration et de cémentation. Ils restent cependant silencieux quant à une alternance de ces étapes.
3.3.6 La Chambre ne partage pas l'avis de la requérante I. Le document D1 décrit au paragraphe [26] deux alternatives 6a et 6a' à l'étape 6 et aussi deux alternatives 7a et 7a' à l'étape 7. Comme indiqué par la Chambre lors de la procédure orale, il en résulte pour l'homme du métier uniquement quatre combinaisons possibles. En effet, contrairement à l'avis de la requérante I, l'homme du métier interprétera l'étape 7a de D1 comme nécessitant de refaire l'étape 6 de façon analogue ("traitement d'enrichissement analogue à celui de l'étape 6"). C'est-à-dire qu'il ne se retrouve pas devant un choix comme à l'étape initiale mais plutôt devant l'indication sans équivoque de réaliser de nouveau la même étape 6 à l'identique.
De plus, il n'est pas nécessaire lorsqu'une divulgation est en soi explicite, dans le cas présent la combinaison 6a-7a-6a, d'avoir à disposition un exemple correspondant pour conclure qu'elle est effectivement divulguée. Par conséquent, comme indiqué au point 3.3.3 ci-dessus, D1 divulgue bien une alternance de premières et secondes étapes.
La Chambre note que d'après l'enseignement de D1, paragraphe [18], exemples 1, 2 et 7 à 9 et revendication 10, la deuxième alternative 7a' de l'étape 7 du paragraphe [26] de D1 relative à un traitement de diffusion sous vide s'applique uniquement lorsqu'un mélange de gaz de cémentation et de nitruration a été injecté (alternative 6a' de l'étape 6). Ceci restreint donc d'autant les différentes combinaisons possibles que l'homme du métier pourrait déduire du paragraphe [26] de D1.
3.3.7 La requérante I considère de plus que D1 dissuaderait l'homme du métier d'injecter le gaz de cémentation séparément du gaz de nitruration ou tout au moins n'enseignerait pas que l'injection séparée pourrait avoir un effet bénéfique.
Cela ressortirait des exemples 1 et 2 et 5 et 6 (paragraphes [33] et [35]) pour lesquels D1 mentionnerait que les résultats obtenus seraient similaires (paragraphe [39]). Or, aux exemples 1 et 2, le gaz de nitruration et le gaz de cémentation sont injectés simultanément, alors qu'aux exemples 5 et 6, le gaz de nitruration et le gaz de cémentation sont injectés séparément.
3.3.8 La Chambre ne peut cependant pas en conclure que la caractéristique d'injection séparée des gaz serait une caractéristique distinctive de la revendication 1 vis-à-vis de D1. En effet, comme indiqué par la requérante I elle-même, D1 divulgue explicitement l'injection séparée et fournit des modes de réalisation correspondants (cf. exemples 5 et 6; tableaux 2 et 5).
3.3.9 La Chambre note que la détermination du mode de réalisation le plus proche au sein d'un art antérieur lui-même sélectionné comme l'état de l'art le plus proche est l'étape initiale usuelle de l'approche problème-solution. Par conséquent, contrairement aux allégations de la requérante I, une telle étape ne peut dans le cas présent pas en soi justifier l'activité inventive de l'objet revendiqué au vu de la discussion explicite de D1 (cf. point 3.3.1 ci-dessus).
3.3.10 La Chambre partage l'avis de la requérante I que les caractéristiques distinctives telles que définies au point 3.3.4 ci-dessus ont pour effet technique de permettre une amélioration du contrôle des profils de concentration de carbone et d'azote obtenus dans les pièces traitées (brevet contesté, paragraphes [11] et [21]). En effet, la présence simultanée de carbone et d'azote dans l'enceinte, qui nuit au contrôle des profils de concentration de carbone et d'azote obtenus dans les pièces traitées, est ainsi réduite. En outre, la durée de l'injection du gaz de nitruration peut être fixée de façon indépendante de la durée de la diffusion du carbone.
3.3.11 Le problème à résoudre peut donc être défini comme étant d'améliorer le contrôle des profils de concentration de carbone et d'azote (cf. également motifs du recours de la requérante II, page 8, premier paragraphe).
3.3.12 La requérante I considère que, comme D1 ne montrerait pas d'exemple avec injection séparée des gaz de cémentation et de nitruration dans lequel il y aurait une période de diffusion sans injection de gaz de nitruration, le document fournirait un enseignement dissuasif à l'homme du métier.
3.3.13 La Chambre ne partage pas cet avis. Les exemples 1, 2 et 7 à 9 selon l'invention de D1 concernent l'injection simultanée des gaz de cémentation et de nitruration. Ils ne permettent pas en eux-mêmes de déduire un enseignement spécifique sur des procédés dans lesquels les gaz de cémentation et de nitruration sont injectés séparément. Ils ne le permettent pas non plus par un raisonnement a contrario, comme le propose la requérante I, en partant de l'hypothèse que, comme D1 ne montrerait pas d'exemple avec injection séparée des gaz de cémentation et de nitruration dans lequel il y aurait une période de diffusion sans injection de gaz de nitruration, le document fournirait un enseignement dissuasif à l'homme du métier. En effet, ceci consiste en une simple allégation basée sur aucun fondement dans D1. Par conséquent, contrairement à l'avis de la requérante I, ces exemples de D1 ne dissuadent pas l'homme du métier de prévoir une partie de l'étape de diffusion du carbone sans injection de gaz de nitruration lorsque les gaz de cémentation et de nitruration sont injectés séparément.
3.3.14 La Chambre est d'avis que l'homme du métier considérerait le document D4, car il se trouve dans le même domaine technique que celui de la revendication 1 et du document D1 de la carbonitruration des aciers sous pression réduite (paragraphe [3]; revendication 1).
3.3.15 Comme indiqué par la requérante II, le document D4 divulgue l'injection du gaz de nitruration, en l'occurrence de l'ammoniac, par impulsion "pendant une durée inférieure à la durée de ladite seconde étape". Le procédé de D4 permet de maintenir voire d'augmenter la teneur en azote en surface de l'acier tout en procurant un enrichissement en carbone (paragraphes [12], [13] et [19]; revendication 1; figure 2). D4 enseigne donc clairement à l'homme du métier que le procédé d'injection par impulsion du gaz de nitruration après la période d'injection du gaz de cémentation permet de contrôler les profils de concentration de carbone et d'azote.
Le procédé de D4 présente de plus l'avantage d'éviter un grossissement de la taille de grains de l'acier traité (paragraphes [7] et [12]; "ohne schädliche Grob- bzw. Mischkornbildung in der Werkstückrandzone"; "keinerlei Grobkornbildung"; figure 4). L'homme du métier sera donc incité à implémenter l'enseignement de D4 dans le procédé de D1. Il n'y verrait pour ce faire aucune difficulté technique. En particulier, les températures de traitement de D1 et celles de D4 se recoupent et sont donc compatibles (cf. revendications 1 de D1 et D4). Il aboutirait ainsi à l'objet revendiqué de façon évidente.
3.3.16 Comme indiqué par la requérante I, l'injection du gaz de nitruration par impulsion est l'une des deux alternatives divulguées dans D4. Elle est néanmoins celle illustrée par l'exemple selon l'invention de D4 (paragraphe [19]; figure 2). Cette alternative représente donc pour l'homme du métier le mode préféré de D4 qu'il envisagerait en premier lieu pour la combinaison avec le procédé de D1.
3.3.17 Par conséquent, au vu des raisons ci-dessus, partant de D1 l'homme du métier considérant l'enseignement de D4 arriverait à l'objet revendiqué sans aucune activité inventive (article 56 CBE).
4. Seconde requête subsidiaire
4.1 Etant donné que la Chambre conclut à un manque d'activité inventive de l'objet de la revendication 1 de la seconde requête subsidiaire (cf. ci-après), il apparaît inutile de discuter dans la présente décision si les exigences des articles 123(2) et/ou 84 CBE relatives aux modifications sont remplies.
4.2 La Chambre partage l'avis de la requérante I, non contesté par la requérante II, qu'aucun des documents cités D1 à D4 ne divulgue en combinaison l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 de la seconde requête subsidiaire. Son objet est donc nouveau.
4.3 Activité inventive
Selon la revendication 1 de la seconde requête subsidiaire c'est uniquement au cours d'au moins une seconde étape que la durée d'injection de gaz de nitruration est inférieure à la durée de la seconde étape, alors que cela est spécifié pour au moins deux secondes étapes à la revendication 1 de la première requête subsidiaire. Par conséquent, comme indiqué par la Chambre lors la procédure orale, l'étendue de la revendication 1 de la seconde requête subsidiaire est plus large que celle de la revendication 1 de la première requête subsidiaire, ce qui n'a pas été contesté par la requérante I.
Les raisons fournies ci-avant pour la revendication 1 de la première requête subsidiaire et la conclusion relative au manque d'activité inventive s'appliquent donc mutatis mutandis à l'objet de la revendication 1 de la deuxième requête subsidiaire (article 56 CBE).
5. Brevet tel que maintenu
5.1 Amendements
La revendication 1 du brevet tel que maintenu résulte de la combinaison des revendications 1 et 5 d'origine (revendications 1 et 5 du brevet contesté). Les exigences des articles 123(2) et (3) CBE sont donc remplies, ce qui n'a pas été contesté par la requérante II (cf décision contestée, points II.4.2 et II.4.3).
5.2 Nouveauté
La Chambre partage l'avis de la requérante I, non contesté par la requérante II, qu'aucun des documents cités D1 à D4 ne divulgue en combinaison l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet tel que maintenu. Son objet est donc nouveau.
5.3 Activité inventive
La requérante II conteste l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 du brevet tel que maintenu à partir de D1 comme art antérieur le plus proche en combinaison avec l'enseignement de la divulgation de D4 au vu des connaissances générales de l'homme du métier telles qu'illustrées par D3.
5.3.1 La Chambre partage l'avis des parties que le document D1 demeure le document antérieur le plus proche pour la revendication 1 du brevet tel que maintenu pour les mêmes raisons que celles fournies au point 3.3.1 ci-avant pour la première requête subsidiaire.
5.3.2 Vis-à-vis de la divulgation de D1 discutée au point 3.3.3 ci-avant, les caractéristiques distinctives de la revendication 1 du brevet tel que maintenu sont les suivantes:
i) le gaz de nitruration est injecté dans l'enceinte au cours d'au moins une seconde étape pendant une durée inférieure à la durée de ladite seconde étape;
ii) le reste de ladite seconde étape est réalisé en présence d'un gaz neutre.
5.3.3 Comme déjà discuté au point 3.3.10 ci-dessus, la caractéristique i) a pour effet technique d'améliorer le contrôle des profils de concentration de carbone et d'azote obtenus dans les pièces traitées (brevet contesté, paragraphes [11] et [21]).
La caractéristique ii) a quant à elle pour effet de pouvoir obtenir une pression constante dans l'enceinte de traitement (brevet contesté, paragraphes [26] et [28]), permettant ainsi un meilleur contrôle des profils de concentration de carbone et d'azote obtenus dans les pièces traitées.
5.3.4 Les caractéristiques i) et ii) ont donc des effets de synergie conduisant au problème à résoudre défini par les parties de mieux contrôler les profils de concentration de carbone et d'azote (cf. décision contestée, point II.4.5; lettre de la requérante I du 28 novembre 2012, page 7, septième paragraphe complet; lettre de la requérante II du 18 juillet 2016, page 2, deuxième paragraphe).
5.3.5 La caractéristique distinctive i) a déjà été traitée lors de la discussion de l'activité inventive des revendications 1 de la première et seconde requêtes subsidiaires. Elle ne peut en elle-même justifier une activité inventive au regard de la divulgation de D4 (cf. point 3.3.15 ci-avant).
Par contre, la Chambre partage l'avis de la requérante I qu'aucun des documents D1, D3 et D4 ne divulgue l'application d'un gaz neutre pendant le reste de la seconde étape et que cela ne fait pas partie des connaissances générales de l'homme du métier.
Par conséquent, la combinaison des enseignements de D3 et/ou D4 en tenant compte des connaissances générales de l'homme du métier avec le procédé connu de D1 ne peut pas conduire de manière évidente à l'objet de la revendication 1 du brevet tel que maintenu.
5.3.6 Selon la requérante II, D4, paragraphe [8], divulgue que l'effusion d'azote de l'acier traité serait évité en réalisant la seconde étape de diffusion de carbone sous une atmosphère d'azote. Une telle atmosphère d'azote ne suffirait cependant pas pour éviter le grossissement des grains. D4 propose alors l'injection par impulsion du gaz nitrurant tel que l'ammoniac. L'homme du métier comprendrait donc immédiatement que le maintien de la teneur d'azote dans l'acier traité, c'est-à-dire l'empêchement de son effusion entre les impulsions de gaz nitrurant, serait obtenu en maintenant une atmosphère d'azote (un gaz neutre) durant la totalité de la seconde étape, c'est-à-dire pendant le reste de la seconde étape comme revendiqué.
Toujours selon la requérante II, D3 se réfère à la loi de Sievert qui fait partie des connaissances générales de l'homme du métier dans le présent domaine technique selon laquelle la solubilité d'un gaz diatomique comme l'azote dans un métal comme l'acier est proportionnelle à la racine carrée de la pression partielle de ce gaz en équilibre thermodynamique (colonne 1, lignes 42-51). Ainsi, lorsque du gaz nitrurant est utilisé, l'activité de l'azote et par là son incorporation dans l'acier peuvent être contrôlées par la composition de l'atmosphère dans l'enceinte de traitement (colonne 2, lignes 55-63).
D3 divulguerait donc l'utilisation d'une atmosphère de traitement comprenant un mélange d'azote moléculaire et de gaz nitrurant. Pour la requérante II ceci implique bien que de l'azote est nécessairement présent entre les impulsions d'injection de gaz nitrurant dans D4.
D3 enseigne aussi l'apparition d'effusion de l'azote de l'acier traité si l'azote moléculaire est absent de l'atmosphère de traitement. Dans le cas où le vide serait fait dans l'enceinte de traitement entre les phases d'impulsion de gaz nitrurant, l'effusion d'azote de l'acier ne pourrait pas être évitée. Il est donc évident qu'il doit y avoir une teneur en azote moléculaire, c'est-à-dire un gaz neutre, dans l'atmosphère de traitement entre les phases d'impulsion de gaz nitrurant dans D4, c'est-à-dire pendant le reste de la seconde étape, comme revendiqué.
La requérante II considère donc que l'homme du métier appliquant ses connaissances générales penserait immédiatement que de l'azote comme gaz neutre doit être présent pendant le reste de la seconde étape de D4 afin d'éviter l'effusion de l'azote de l'acier traité entre les impulsions de gaz nitrurant. Soit la divulgation est implicite dans D4, c'est-à-dire que l'homme du métier lirait D4 de cette manière, soit l'homme du métier utiliserait ses connaissances générales telles qu'illustrées par D3 pour modifier et compléter la divulgation de D4.
La requérante II conclut alors qu'en combinant l'enseignement de la divulgation de D4 tel qu'interprété ci-dessus avec le procédé de D1, tout deux dans le même domaine technique du traitement de carbonitruration des aciers à pression réduite, l'homme du métier arriverait à l'objet de la revendication 1 sans faire preuve d'activité inventive.
5.3.7 La Chambre ne partage pas cet avis.
L'injection de gaz neutre n'est pas divulguée dans D4, ni explicitement, ni implicitement. Le paragraphe [8] de D4 qui mentionne une pression partielle d'azote ne constitue pas l'invention de D4 mais concerne des essais pour montrer que l'objectif visé d'éviter le grossissement des grains n'est pas atteint avec une pression partielle d'azote. Il n'apparaît pas donc clairement pourquoi l'homme du métier penserait à la lecture de D4 à la présence d'un gaz neutre tel que l'azote lors de la seconde étape, c'est-à-dire pendant la phase de diffusion du carbone, étant donné que D4 lui-même montre son inefficacité. Finalement, la Chambre partage l'avis de la requérante I que le traitement dans D4 est réalisé sous vide (paragraphe [19]). Par conséquent, l'affirmation de la requérante II selon laquelle l'homme du métier lirait D4 avec une présence de gaz neutre dans l'atmosphère de traitement entre les phases d'impulsions de gaz nitrurant n'est pas fondée.
Le document D3 divulgue un procédé de cémentation sous basse pression qui se termine par une étape de nitruration, cette dernière étape devant être effectuée sous une atmosphère d'azote active, c'est-à-dire à l'aide d'un gaz nitrurant, et éventuellement à pression plus élevée, permettant ainsi d'éviter l'effusion d'azote de l'acier (colonne 2, lignes 38-64; revendication 1).
L'azote moléculaire n'est pas utilisé dans D3 en tant que gaz neutre mais sous forme active dans le but d'injecter de l'azote dans l'acier ("Stickstoff als Spender"; cf. revendication 1). Comme indiqué par la requérante I à la procédure orale, des paramètres tels que la pression partielle et/ou la température permettent de rendre l'azote moléculaire "actif".
Par conséquent, même si, comme l'affirme la requérante II, D3 divulguait, colonne 2, lignes 38-64, l'utilisation d'un mélange de gaz nitrurants comprenant de l'azote et de l'ammoniac, le document D3 ne fournit aucune base pour une divulgation implicite dans D4 ou pour un support des connaissances générales de l'homme du métier relatifs à la présence d'un gaz neutre dans l'atmosphère de traitement entre les phases d'impulsions de gaz nitrurant.
De plus, la Chambre partage l'avis de la requérante I qu'un mélange de gaz comprenant de l'azote moléculaire - en tant que gaz neutre - et du gaz nitrurant n'est pas divulgué dans D3. Contrairement à l'affirmation de la requérante II, D3 ne fournit aucun fondement pour une telle divulgation.
Par conséquent, l'objection de manque d'activité inventive soulevée par la requérante II à l'encontre de l'objet de la revendication 1 du brevet tel que maintenu n'est pas convaincante.
Par ces motifs, il est statué comme suit
Les recours sont rejetés.