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T 0262/20 19-09-2023
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Contrôle du sur-remplissage d'un système de lubrification d'un moteur d'aéronef
Nouveauté - requête principale (non)
Pouvoir d'appréciation de ne pas admettre les éléments soumis
Pouvoir - exigences de l'article 12(3) RPCR 2020 satisfaites (non)
Modification après signification - circonstances exceptionnelles (non)
I. La requérante (opposante) a formé recours contre la décision de la division d'opposition rejetant l'opposition contre le brevet européen No. 2 573 338 (par la suite "le brevet").
II. La revendication indépendante 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit:
"Unité de contrôle (34) de niveau d'huile d'un système de lubrification (2) d'un moteur, préférentiellement d'un moteur d'aéronef (4), le système de lubrification (2) comprenant un réservoir (6), l'unité (34) comprenant :
une première entrée (36) apte à recevoir un signal de niveau haut d'un capteur de niveau (30) d'huile dans le réservoir (6) ;
une sortie (42) apte à produire un signal d'alarme (40) de sur remplissage en présence d'une première condition comprenant la réception par la première entrée (36) du signal de niveau haut 30 du capteur (30) ;
caractérisé en ce que l'unité de contrôle (34) comprend
au moins une deuxième entrée (38) apte à recevoir un signal que le moteur est en fonctionnement, et est configurée de manière à ce qu'une deuxième condition soit nécessaire pour produire le signal d'alarme (40) de sur remplissage, la deuxième condition comprenant la réception par la deuxième entrée (38) du signal que le moteur (4) est en fonctionnement."
Le brevet comporte également une deuxième revendication indépendante 12. Comme la présente décision ne dépend pas de l'objet de cette revendication, son libellé n'y est pas reproduit.
III. La requérante a invoqué entre autres le document
D3 : US 2008/0154477 Al.
IV. Avec sa réplique au recours, l'intimée (titulaire du brevet) a déposé les requêtes subsidiaires 1 à 4.
V. La Chambre a convoqué les parties à une procédure orale.
VI. Par notification datée du 21 juillet 2023, établie conformément à l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR 2020), la Chambre a informé les parties de son opinion provisoire, indiquant que l'objet de la revendication 1 ne semblait pas être nouveau par rapport à l'unité de contrôle de niveau d'huile divulguée en D3. Quant aux requêtes subsidiaires 1 à 4, la Chambre notait que la réplique accompagnant leur dépôt ne contenait pas de motivation pour les modifications apportées aux revendications de ces requêtes et que leur admission au titre de l'article 12(5) RPCR 2020 serait à discuter.
VII. Par sa lettre datée du 30 août 2023 l'intimée a soumis des commentaires supplémentaires.
VIII. La procédure orale a eu lieu le 19 septembre 2023, au cours de laquelle l'intimée a déposé la requête subsidiaire 5.
IX. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
X. L'intimée a demandé, à titre principal, le rejet du recours, subsidiairement le maintien du brevet suivant l'une des requêtes subsidiaires 1 à 4 soumises avec la réplique au mémoire de recours ou suivant la requête subsidiaire 5 soumise pendant la procédure orale.
XI. Le libellé des revendications modifiées selon les requêtes subsidiaires 1 à 5 n'est pas pertinent pour la décision à prendre et n'est pas reproduit ici.
XII. Les arguments de la requérante peuvent être résumés comme suit.
Requête principale - Nouveauté
Outre les caractéristiques de l'unité de contrôle définies au préambule de la revendication 1 et la caractéristique relative à la présence d'une deuxième entrée de l'unité de contrôle, apte à recevoir un signal que le moteur est en fonctionnement, D3 divulguait aussi à la Figure 6, aux étapes S304 à S310, que l'unité de contrôle est configurée de manière à vérifier si la deuxième condition requise pour la génération du signal de sur remplissage (étape S316) est satisfaite. Lors de l'exécution du programme représenté par le logigramme de la Figure 6, le moteur était en fonctionnement continu.
Admission des requêtes subsidiaires 1 à 5
Les requêtes subsidiaires 1 à 4 ne faisaient pas l'objet de la décision attaquée. L'intimée n'avait pas expliqué dans sa réplique au mémoire de recours de quelle manière ces requêtes subsidiaires étaient aptes à changer la décision. L'intimée n'avait pas non plus indiqué dans sa réponse à l'opinion préliminaire les raisons pour lesquelles la motivation du dépôt des requêtes subsidiaires 1 à 4 était soumise uniquement à ce stade tardif. En l'absence de circonstances exceptionnelles les considérations soumises dans sa lettre datée du 30 août 2023 ne devraient pas non plus être admises dans la procédure.
La discussion au cours de la procédure orale devant la Chambre n'a pas introduit de nouvelles considérations. L'aspect de temporalité était présent tout au long de la procédure écrite. Notamment la signification des intervalles indiqués à la Figure 6 avait été invoquée par l'intimée elle-même dans sa lettre suivant la communication au titre de l'article 15(1) RPCR. Faute de circonstances exceptionnelles, la requête subsidiaire 5 ne devait pas être admise dans la procédure.
XIII. Les arguments de l'intimée peuvent être résumés comme suit.
Requête principale - Nouveauté
L'analyse de la requérante concernant l'identification du bloc S316 du logigramme de la Figure 6 de D3 avec la production d'un signal d'alarme n'était pas correcte en ce que l'étape S316 concernait uniquement le stockage d'un "flag" ou drapeau dans un registre d'état de l'unité de contrôle. De plus, D3 ne divulguait pas la production d'un signal d'alarme en fonction de deux conditions satisfaites simultanément. Même si le logigramme de la Figure 6 impliquait la vérification successive des deux conditions, fonctionnement du moteur et du signal du capteur de niveau haut de l'huile dans le réservoir, un intervalle d'une durée inconnue (Cx, Cy, aux blocs S306 et S310) séparait la vérification de ces conditions. Par conséquent, il n'était pas exclu que le moteur est arrêté depuis un certain temps lorsque le signal niveau haut selon l'étape S310 est vérifié. La caractéristique de la revendication 1 concernant la vérification que les deux conditions étaient simultanément satisfaites ne dérivait pas sans ambiguïté de D3.
Admission des requêtes subsidiaires 1 à 5
La requérante avait soulevé des objections quant à l'admission des requêtes subsidiaires 1 à 4 seulement suite aux remarques de la Chambre dans sa notification au titre de l'article 15(1) RPCR. Ces requêtes subsidiaires étaient identiques à celles présentées pendant la procédure d'opposition. Elles étaient dès lors connues de la requérante. Les modifications avaient été motivées pendant la procédure d'opposition et étaient d'ailleurs immédiatement compréhensibles, étant donné que l'état de la technique invoqué contre l'objet du brevet ne concernait que des applications du domaine automobile, tandis que les revendications modifiées étaient limitées à une application aéronautique.
La requête subsidiaire 5, fondée sur une combinaison exclusive de revendications délivrées, était motivée par les discussions sur la nouveauté au cours de la procédure orale. La nouvelle interprétation par la Chambre de la Figure 6 de D3, notamment l'aspect de temporalité lié à l'existence des intervalles Cx, Cy, aspect invoqué très tardivement, représentait une situation exceptionnelle justifiant l'admission de cette requête subsidiaire.
Requête principale - nouveauté
1. L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau (article 54(1) et (2) CBE) par rapport à l'unité de contrôle de niveau d'huile divulguée en D3.
1.1 Il n'a pas été contesté que D3 divulgue aux figures 1 et 6 une unité de contrôle de niveau d'huile (4, "ECU") d'un système de lubrification d'un moteur (2), le système de lubrification comprenant un réservoir (22), l'unité (4) comprenant une première entrée (implicite) apte à recevoir un signal de niveau haut d'un capteur (38) de niveau d'huile dans le réservoir (22), ainsi qu'une deuxième entrée (implicite) apte à recevoir un signal (NE) que le moteur est en fonctionnement.
1.2 L'unité de contrôle (4) comprend en outre une sortie (implicite) apte à produire un signal d'alarme (46). L'intimée perçoit une différence entre l'attribution de la valeur "ON" au flag ou drapeau "oil-dilution lamp turning-on flag" à l'étape S316 du logigramme représenté à la figure 6 en D3 et la caractéristique définie à la revendication 1 selon laquelle l'unité comprend entre autres "une sortie apte à produire un signal d'alarme". Comme il avait été exposé dans l'opinion préliminaire de la Chambre, le logigramme représenté à la figure 6 est exécuté par l'unité de contrôle (4) illustrée à la figure 1 de D3. Cette unité de contrôle est alors apte à exécuter un programme correspondant au logigramme selon la figure 6, et comprend une sortie pour activer un témoin d'alarme correspondant (46). La revendication 1 du brevet litigieux n'impose aucune limitation concernant la nature du signal d'alarme. De plus, l'intimée a également reconnu que la production propre de l'alarme, suite au changement de valeur du "flag" ou drapeau à l'étape S316 de la routine de la figure 6, est objet de la routine illustrée à la figure 7 de D3. Sur ces faits, la Chambre ne voit pas de différence entre la fonction de la sortie de l'unité revendiquée, apte à produire un signal d'alarme, et la fonction divulguée en D3 suite au changement de la valeur du "flag" à l'étape S316 selon la routine de la figure 6 en D3. Le fait que le bloc S316 à la Figure 6 ne constitue pas une "sortie physique" n'est pas pertinente. L'homme du métier comprend sans équivoque que l'unité de contrôle 4 exécute ce logigramme et que cette unité de contrôle comprend nécessairement une sortie physique correspondante afin de pouvoir illuminer le voyant de contrôle 46 à la figure 1. La Chambre n'a donc aucune raison de dévier de son opinion préliminaire à ce sujet, qui est alors confirmée.
1.3 Concernant la question de savoir si l'unité de contrôle (4) connue de D3 est configurée de manière à ce qu'une deuxième condition soit nécessaire pour produire le signal d'alarme de sur remplissage, la deuxième condition comprenant la réception par la deuxième entrée du signal (NE) que le moteur (2) est en fonctionnement, la Chambre ne peut pas se rallier à la conclusion de la division d'opposition et aux arguments de l'intimée. La Chambre est convaincue que le logigramme représenté à la figure 6 ensemble les alinéas correspondants de la description divulguent, directement et sans équivoque, à l'homme du métier une telle configuration de l'unité de contrôle.
Il ressort directement et sans ambiguïté des paragraphes 44 et 60 que le programme exécuté par l'unité de contrôle (4) selon le logigramme de la figure 6 est exécuté d'une manière récurrente (voir à la fin du paragraphe 60) pendant le fonctionnement du moteur. L'homme du métier comprend aussi que les étapes successives du logigramme illustré à la figure 6, exécuté à la manière d'une interruption par l'unité de contrôle, se suivent sans temporisation entre elles. Au bloc S304 du logigramme il est déterminé si la vitesse du moteur (NE) mesurée à l'instant est dans un intervalle prédéfini (voir au paragraphe 62, "...determined whether the engine speed NE presently detected by the rotation speed sensor 34 is within an oil-level detection reference range (NEx to NEy) (S304)", ce qui veut dire qu'il est déterminé si le moteur est en fonctionnement. Si le moteur est en fonctionnement ("YES" au bloc S304), les étapes suivantes du logigramme mènent au bloc S308 où il est déterminé si la valeur signalée par le capteur de niveau d'huile ("OILH") est "ON", voir aussi paragraphe 64. La requérante avait souligné par référence à ce passage de la description qu'au moment de la vérification au bloc S308 il était assuré que l'huile avait été suffisamment distribuée du réservoir aux composantes respectives du moteur, confirmant alors le fonctionnement du moteur à cet étape (S308). Par la suite, et par conséquent après vérification des deux conditions (fonctionnement du moteur, NE, et réception d'un signal de niveau haut, "OILH=ON"), la valeur "ON" est alors attribuée au flag ou drapeau "oil-dilution lamp turning-on" au bloc 316 du logigramme, ce qui conduit à la production d'un signal d'alarme de sur remplissage (voir point 1.2 ci-dessus). La Chambre conclut que l'unité de contrôle connue de D3 est configurée conformément aux caractéristiques définies à la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet.
1.4 La conclusion contraire de la division d'opposition et les arguments de l'intimée se fondent essentiellement sur une interprétation limitée et non-fondée de l'énoncé dans la partie caractérisante de la revendication 1 concernant la configuration de l'unité de contrôle. En fait, la Chambre ne trouve rien dans ce libellé qui requiert une simultanéité stricte quant à la présence des deux conditions, telle que suggérée par les arguments de l'intimée. La revendication ne demande pas plus que les deux conditions doivent être satisfaites afin de produire le signal d'alarme de sur remplissage. Le libellé ne définit pas que les deux mesures nécessaires à l'établissement des deux conditions doivent être relevées exactement au même moment. Comme il a été expliqué ci-dessus, la Chambre trouve que la vérification des deux conditions et la production du signal d'alarme s'opèrent de la même façon que définie à la revendication 1.
1.5 Même si la Chambre peut accepter que ces deux conditions énoncées à la revendication 1 se rapportent en principe à un intervalle temporel relativement court par rapport à la durée d'un changement d'état d'un moteur entre fonctionnement et arrêt (essentiellement déterminée par l'inertie mécanique) et d'un changement du niveau d'huile dans le réservoir du moteur (essentiellement déterminé par la viscosité de l'huile et la configuration des volumes du moteur accueillant de l'huile pendant son fonctionnement), il n'y a rien en D3, notamment dans le logigramme représenté à la figure 6, qui ferait naître le soupçon que les deux étapes S304 et S308 seraient systématiquement vérifiées à un intervalle temporel où le moteur est en arrêt au moment de la vérification effectuée au niveau du bloc S308. Les durées non-spécifiées Cx et Cy, vérifiées au cours de l'exécution de chaque boucle du programme selon le logigramme à la figure 6, entre les étapes S304 et S316, invoquées par l'intimée au soutien d'une telle hypothèse pour la première fois dans sa réplique à l'opinion préliminaire et au cours de la procédure orale devant la Chambre, ne conduisent pas à une conclusion contraire. Les étapes liées à la vérification des durées Cx et Cy font partie de la boucle du logigramme. Si cette vérification conduit à la valeur "NO", l'exécution de la boucle est terminée et recommence à l'étape S302, passant à nouveau par l'étape S304 (détermination fonctionnement du moteur, NE) et ainsi de suite. Dans le cas contraire ("YES"), l'exécution se poursuit terminant à l'occasion à l'étape S316. Rien dans la figure ou dans les paragraphes correspondants de la description n'indique que ces durées Cx et Cy implémentent une temporisation entre la détection et la vérification du fonctionnement du moteur et du signal du capteur de niveau.
1.6 La Chambre conclut que le motif d'opposition au titre des articles 100 a) et 54 CBE s'oppose au maintien du brevet tel que délivré.
Requêtes subsidiaires 1 à 4 - Admission
2. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation au titre de l'article 12(5) RPCR 2020, la Chambre à décidé de ne pas admettre les requêtes subsidiaires 1 à 4 dans la procédure.
2.1 Selon les dispositions de l'article 12(3) RPCR 2020, la réponse aux motifs de recours doit contenir l'ensemble des moyens invoqués par l'intimée et doit ainsi présenter de façon claire et concise les motifs pour lesquels il est demandé de modifier la décision attaquée, pour le cas où la Chambre ne pourrait pas la confirmer.
2.2 La réponse de l'intimée ne contient pas de motivation pour les modifications apportées aux revendications des requêtes subsidiaires 1 à 4, notamment en ce qui concerne leur fondement dans la demande telle que déposée ainsi que les raisons pour lesquelles ces modifications surmontent les objections soulevées dans le mémoire exposant les motifs du recours.
2.3 Les dispositions de l'article 12(3) et (5) RPCR ne contiennent pas d'exemption générale à l'exigence de motivation des requêtes subsidiaires dans les cas où des requêtes identiques avaient déjà été déposées dans la procédure en première instance. Les modifications ne sont pas non plus évidentes dans la mesure où il n'est pas immédiatement clair pourquoi, par exemple, l'objet résultant de ces modifications satisferait nécessairement aussi aux conditions de l'article 56 CBE. Les explications soumises par l'intimée à ce sujet dans sa lettre du 30 août 2023, en réponse à l'opinion préliminaire de la Chambre, sont tardives et constituent une modification de ses moyens invoqués au sens de l'article 13(1) RPCR 2020. Contrairement aux dispositions de cet article, l'intimée n'a pas non plus motivé le retard de ces explications, comme il a été aussi argué par la requérante pendant la procédure orale. C'est pourquoi la Chambre n'admet pas non plus les requêtes subsidiaires 1 à 4 dans la procédure (article 13(1) RPCR 2020).
Requête subsidiaire 5 - Admission
3. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation au titre de l'article 13(2) RPCR 2020, la Chambre a décidé de ne pas prendre en compte dans la procédure la requête subsidiaire 5, déposée pendant la procédure orale devant la Chambre, faute de circonstances exceptionnelles.
Les discussions au cours de la procédure orale devant la Chambre n'ont pas fait apparaître de nouvelles considérations ou une nouvelle interprétation de la revendication 1. Les questions liées à la temporalité des deux conditions font objet de la décision attaquée ainsi que de toute la procédure écrite devant la Chambre. L'aspect de temporisation lié prétendument aux intervalles Cx et Cy avait notamment été introduit par l'intimée même dans sa lettre du 30 août 2023.
4. En absence d'une requête satisfaisant aux exigences de la Convention, le brevet doit être révoqué (article 101(3)b) CBE).
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.