T 0558/22 16-01-2025
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PROCÉDÉ INTÉGRÉ DE FRITTAGE POUR MICROFISSURATION ET TENUE À L'ÉROSION DES BARRIÈRES THERMIQUES
Activité inventive - combinaison évidente de caractéristiques connues
Activité inventive - requête principale (non)
Activité inventive - requête subsidiaire (oui)
Répartition des frais - (non)
Modifications - extension de l'objet de la demande (oui)
Modifications - généralisation intermédiaire
Modifications - extension de l'objet de la demande (non)
I. Le présent recours a été formé par l'opposante (ci-après "la requérante") à l'encontre de la décision de la division d'opposition rejetant l'opposition contre le brevet européen n° 3071722.
II. Par notification au titre de l'article 15(1) RPCR, la chambre a donné son avis provisoire en la matière.
III. La procédure orale s'est tenue le 16 janvier 2025.
A la fin de la procédure orale les requêtes étaient les suivantes :
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet. La requérante a demandé aussi une répartition différente des frais.
L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours (requête principale) et, à titre subsidiaire, le maintien du brevet sous forme modifiée sur la base d'un des jeux de revendications modifiées déposés en tant que requêtes subsidiaires dans l'ordre suivant : 15, 15bis, 15ter, 18bis, 18ter, 19bis, 19ter, 36bis, 36ter, 37, 37bis, 37ter, 38bis, 38ter, 39, 39bis, 39ter, 17, 23, 25, 27, 29, 31, 33, 35, 41 à 48.
IV. Revendication 1 telle que délivrée (requête principale)
La revendication 1 de la requête principale (avec la numérotation des caractéristiques utilisée par la requérante) est libellée comme suit :
1.1|Procédé d'obtention d'une barrière thermique à microfissures transverses, |
1.2|selon lequel une couche de céramique (C) de type YSZ est déposée sur une sous-couche d'accrochage (SCA) par projection thermique au moyen d'une torche à arc plasma,|
1.3|ladite sous-couche d'accrochage (SCA) étant elle-même déposée sur la pièce à protéger, |
1.4|caractérisé par la mise en ½uvre d'un post-traitement de frittage |
1.5|réalisé au moyen d'un balayage de la couche de céramique (C) par le faisceau de la torche à arc plasma, |
1.6|la température au point d'impact du faisceau à la surface de la couche de céramique (C) étant, lors de ce balayage, comprise entre 1300°C et 1700°C. |
V. Revendication 1 de la requête subsidiaire 15
La revendication 1 de la requête subsidiaire 15 est basée sur la revendication 1 de la requête principale, où les caractéristiques 1.2 à 1.5 ont été remplacées par la caractéristique f1 suivante (modifications marquées en gras) :
f1|selon lequel une couche de céramique (C) de type YSZ est déposée au cours d'une étape de dépôt sur une sous-couche d'accrochage (SCA) par projection thermique au moyen d'une torche à arc plasma, ladite sous-couche d'accrochage (SCA) étant elle-même déposée sur la pièce à protéger, caractérisé par le fait que la couche de céramique (C) est déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt, [deleted: la mise en ½uvre d']un post-traitement de frittage étant réalisé au moyen d'un balayage de la couche de céramique (C) par le faisceau de la torche à arc plasma,|
VI. Revendication 1 de la requête subsidiaire 15bis
La revendication 1 de la requête subsidiaire 15bis correspond à la revendication 1 de la requête subsidiaire 15.
VII. Requête subsidiaire 15ter
La revendication 1 de la requête subsidiaire 15ter est basée sur la revendication 1 des requêtes subsidiaires 15 et 15bis, et à laquelle la caractéristique 1.7 suivante a été ajoutée à la fin :
1.7|le post-traitement permettant de parfaire le frittage de la couche de céramique|
VIII. La décision contestée fait référence aux documents suivants, qui sont pertinents pour la présente décision :
D2 : |US 2010/0136258 A1 ; |
D4 : |KR 10-2012-0061634 A ;|
D4b :|Traduction de D4 ; |
D5 : |US 2004/0156724 A1 ; |
D16 : |US 2003/0203224 A1 ;|
D18 : |FR 2 854 166 A1 ; |
D19 : |CN 102994938 A ; |
D19a :|Traduction de D19. |
IX. L'argumentation des parties pertinente pour la présente décision peut être résumée comme suit :
a) La requérante
Requête principale, activité inventive
La seule différence entre l'objet de la revendication 1 et le document D4 est la caractéristique 1.6 (température comprise entre 1300°C et 1700°C), car le post-traitement de la quatrième étape décrite dans D4 est un frittage au sens de la revendication 1 (caractéristiques 1.4 et 1.5).
La personne du métier qui met en pratique le procédé décrit dans D4 doit sélectionner une température de frittage. La température de frittage de la plage de valeurs définie à la caractéristique 1.6 serait évidente à la lumière de D2, qui décrit des températures de frittage dans la plage revendiquée pour un procédé analogue à celui de D4.
Requêtes subsidiaires 15 et 15bis, extension de l'objet du brevet
L'ajout de la caractéristique "la couche de céramique est déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt" (caractéristique f1) entraîne une extension de l'objet du brevet en raison de l'absence de la caractéristique "permettant de parfaire le frittage de la couche de céramique" en combinaison avec laquelle la caractéristique ajoutée a été originalement décrite.
De plus, la revendication 8 du brevet tel que délivré - qui comprenait la caractéristique ajoutée - était dépendante de la revendication 4, qui portait sur une poudre de projection particulière. Cette dernière limitation n'est pas présente dans la revendication 1 des requêtes subsidiaires 15 et 15 bis.
Requête subsidiaire 15ter, extension de l'objet du brevet
La revendication 1 de la requête subsidiaire 15ter n'est pas non plus limitée à l'utilisation d'une poudre particulière, contrairement à ce qui était le cas de la revendication 8 telle que délivrée - sur laquelle les modifications de la caractéristique f1 se basent - en raison de sa dépendance avec la revendication 4.
Requête subsidiaire 15ter, activité inventive
L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 15ter est évident à la lumière de la combinaison de D4 et D2 puisque, d'une part, cette combinaison rend évidente la caractéristique 1.6 - comme décidé dans le contexte de la requête principale - et, d'autre part, la caractéristique ajoutée "couche de céramique déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt" est implicite dans D4. En effet, tous les matériaux céramiques présentent des microfissures après leur dépôt en forme de couche. Le paragraphe [0009] de D4 - qui concerne le dépôt de la couche de céramique, tel que confirmé par l'expression "starting material" - décrit explicitement de telles microfissures, qui sont encadrées dans des ovales à la figure 1.
Alternativement, l'objet de la revendication 1 est également évident par rapport à D2 en combinaison avec les connaissances générales de la personne du métier telles que représentées par D5. Comme dans le cas de D4, il est implicite que pour tout matériau céramique il y s'y trouve des microfissures à la suite de l'étape de dépôt sous forme de couche. Les figures 3 et 5 de D2 n'excluent pas l'existence des microfissures avant le post-traitement de frittage. La caractéristique ajoutée dans f1 est donc décrite dans D2, où l'oxyde de zircone est toujours stabilisé par l'yttrine (Y2O3) dans ce domaine technique, comme le confirme le paragraphe [0004] de D5.
Requête en répartition différente des frais
L'intimée a déposé 13 nouvelles requêtes subsidiaires lors de la procédure d'opposition, dix jours avant la procédure orale, sans indiquer de manière claire et complète la base des modifications, ce qui a requis un effort de préparation particulier, y compris une comparaison avec l'état de la technique. Ceci justifie l'annulation de la décision contestée en ce qui concerne la répartition des frais.
De plus, le dépôt d'un nombre important de requêtes subsidiaires non étayées dans la réponse au mémoire exposant les motifs du recours et sans explication complète des modifications, par exemple par le biais de copies marquées, justifie également une répartition des frais selon l'article 16 RPCR.
b) L'intimée
Requête principale, activité inventive
L'effet technique de la caractéristique distinctive 1.6 par rapport à D4 est de rester dans une gamme de températures permettant le frittage en minimisant l'énergie à employer pour cela (cf. paragraphes [0014] et [0017] du fascicule du brevet).
La personne du métier ne trouverait aucune motivation dans D2 pour adopter une température de frittage selon la plage de valeurs définie dans la caractéristique 1.6. La température de frittage définie à la revendication 14 de D2 (1370°C) n'est pas décrite en combinaison avec le mode de réalisation particulier comprenant un balayage par torche à plasma. Ce mode de réalisation particulier ne décrit que des valeurs supérieures à 1370°C afin d'obtenir un effet technique spécifique (cf. paragraphe [0024]), ce qui est en contradiction avec la revendication 14 du même document. En fait, une température de frittage de 1370°C ou inférieure est déconseillée au paragraphe [0019] de D2.
De plus, la personne du métier n'aurait aucune motivation pour s'arrêter à une température de frittage de 1700°C et pourrait aller au-delà de celle-ci quand elle met en pratique le procédé de D4.
En conclusion, D2 ne contient aucun exemple avec tous les paramètres nécessaires pour suggérer à la personne du métier la plage de valeurs définie à la caractéristique 1.6.
Requêtes subsidiaires 15 et 15bis, extension de l'objet du brevet
La revendication 1 des requêtes subsidiaires 15 et 15bis définit un post-traitement de frittage de la couche de céramique déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt. Ce post-traitement permet donc de parfaire le frittage de cette couche. Il n'est donc pas nécessaire d'ajouter la caractéristique "permettant de parfaire le frittage de la couche de céramique" car cela serait redondant et la caractéristique omise n'est pas indispensable.
La caractéristique ajoutée "couche de céramique qui est déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt" était décrite de manière générale aux lignes 9 et 10 de la page 4 de la description telle que déposée. Aucune limitation concernant le type de poudre de projection n'est mentionnée dans ce contexte dans la demande d'origine, ce qui est confirmé par la revendication 8 du document - comprenant la caractéristique ajoutée -, qui était directement dépendante de la revendication 1 et non de la revendication 4 définissant la poudre de projection particulière. La revendication 4 telle que délivrée ne joue aucun rôle dans la question de savoir si les exigences de l'article 123(2) CBE sont remplies ou non.
Requête subsidiaire 15ter, extension de l'objet du brevet
Les mêmes arguments exposés concernant les requêtes subsidiaires 15 et 15bis s'appliquent ici en ce qui concerne l'objection basée sur l'omission de la poudre de projection définie à la revendication 4 telle que délivrée.
Requête subsidiaire 15ter, activité inventive
Ni D4 ni D2 ne comprennent la caractéristique distinctive ajoutée "couche de céramique déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt". La requérante n'a pas fourni de preuve permettant de confirmer que toutes les couches de céramique présentent des microfissures à la suite de l'étape de dépôt.
D4b décrit au premier paragraphe de la page 3 que le procédé décrit dans ce document comprend quatre étapes, notamment une deuxième étape de dépôt d'une couche de céramique et une quatrième étape de formation de microfissures lors de l'application de chaleur par plasma. Le paragraphe [0009] de D4b décrit ensuite le résultat d'un tel procédé en combinaison avec la figure 1, y compris les microfissures correspondantes qui sont formées lors de la quatrième étape. Ces microfissures n'apparaissent donc pas dans la structure de la couche de céramique à la suite de son dépôt lors de la deuxième étape, comme le prétend la requérante.
Concernant l'objection à partir de D2, D5 est un document brevet qui, par sa nature même, ne peut pas contenir les connaissances générales de la personne du métier. De plus, le paragraphe [0021] de D2 ne laisse aucun doute quant à l'absence de microfissures à la suite du dépôt de la couche de céramique.
Il ne serait donc pas évident pour la personne du métier d'envisager les caractéristiques ajoutées, qui résolvent le problème technique de l'amélioration de la résistance à l'érosion et d'augmentation du nombre de microfissures, tel que décrit au paragraphe [0039] du brevet contesté.
Requête en répartition différente des frais
Tel qu'il a déjà été considéré par la division d'opposition et dans la notification de la chambre, il n'y a aucun motif justifiant une répartition différente des frais.
1. Requête principale, activité inventive, article 56 CBE
1.1 Divulgation non-contestée dans D4
Le document D4 décrit un procédé d'obtention d'une barrière thermique à microfissures transverses (cf. D4b, paragraphe [0001]) (caractéristique 1.1),
selon lequel une couche de céramique de type YSZ (cf. D4b, paragraphe [0031]) est déposée sur une sous-couche d'accrochage (cf. D4b, paragraphe [0029] ; "bond coating layer") par projection thermique au moyen d'une torche à arc plasma (cf. D4b, paragraphe [0031]) (caractéristique 1.2),
ladite sous-couche d'accrochage ("bond coating layer") étant elle-même déposée sur la pièce à protéger (cf. D4b, paragraphe [0029]) (caractéristique 1.3),
où un post-traitement thermique est mis en ½uvre réalisé au moyen d'un balayage de la couche de céramique par le faisceau de la torche à arc plasma (cf. D4b, troisième paragraphe du paragraphe [0003], paragraphe [0033] et revendication 8).
Ceci n'a pas été contesté par l'intimée lors de la procédure écrite.
De plus, pendant la procédure orale, l'intimée n'a plus contesté que les caractéristiques 1.4 (post-traitement de frittage) et 1.5 (frittage réalisé au moyen d'un balayage de la couche de céramique par le faisceau de la torche à arc plasma) sont aussi décrites dans D4 puisque le post-traitement réalisé au moyen d'un balayage de la couche de céramique par le faisceau de la torche à arc plasma dans D4 entraîne un changement de la microstructure de la couche de céramique (densité plus élevée), ce qui provoque une augmentation de la dureté (cf. D4b, paragraphes [0022] et [0025]) ; ceci correspondant à un frittage, comme l'indique explicitement le paragraphe [0024], ligne 4 : "...densification proceeds by the sintering phenomenon".
1.2 Caractéristique distinctive 1.6 ("la température au point d'impact du faisceau à la surface de la couche de céramique (C) étant, lors de ce balayage, comprise entre 1300°C et 1700°C")
1.2.1 Effet technique et problème technique objectif
L'intimée a considéré lors de la procédure orale que l'effet technique de la caractéristique distinctive 1.6 est de rester dans une gamme de températures permettant le frittage en minimisant l'énergie à employer pour cela.
La chambre est d'accord avec cette considération, qui pose le problème technique objectif de choisir une température pour le post-traitement de frittage de D4 en optimisant ce paramètre, comme cela a déjà été expliqué dans la communication selon l'article 15(1) RPCR.
La personne du métier chercherait à déterminer une température au point d'impact du faisceau à la surface de la couche de céramique afin de procéder au post-traitement de D4, car ce paramètre n'est pas indiqué dans le document. Cette température doit être suffisamment élevée pour que le durcissement par frittage décrit dans D4 se produise. De plus, la personne de métier chercherait à ne pas employer une température plus haute que nécessaire, afin de minimiser l'énergie nécessaire au traitement (c'est-à-dire minimiser le temps de contact entre la torche et la couche, ainsi que l'énergie consommée par la torche).
1.2.2 Combinaison avec D2
Le document D2 serait consulté par la personne du métier à la recherche d'une solution au problème technique posé, puisqu'il concerne également la production de couches de céramique comprenant des microfissures (cf. paragraphes [0002] et [0006]), les couches de céramique ayant des épaisseurs comparables (cf. paragraphe [0031] de D4 et paragraphe [0025] de D2). D2 décrit l'utilisation d'un dispositif à plasma ("plasma flame heater"; cf. paragraphe [0026]).
La revendication 14 de D2 décrit une température de la couche de céramique lors du post-traitement de 2500°F, à savoir 1370°C. Même si cette température n'est pas décrite en combinaison avec le mode de réalisation particulier décrit aux paragraphes [0021] à [0026], mais avec le mode de réalisation de la revendication 12, cette dernière revendication décrit un procédé pour fabriquer un article comportant une couche céramique qui est d'abord déposée (cf. étape (a) de la revendication 12) et ensuite soumise à un frittage ("sintering") pour obtenir des microfissures (cf. étape (b) de la revendication 12). La personne du métier cherchant une température à appliquer dans le procédé de D4 - qui comporte les mêmes étapes - prendrait cet enseignement en considération de façon évidente en raison de la similitude des procédés.
Le fait que la valeur de 1370°C est exclue dans le mode de réalisation particulier décrit dans D2, paragraphes [0021] à [0026] ne dissuaderait pas la personne du métier de prendre en considération cette valeur décrite à la revendication 14, car elle comprend que l'exemple particulier inclut des caractéristiques spécifiques (par exemple, un gradient thermique de plus de 540°C ; cf. paragraphe [0024]) qui peuvent justifier une telle limitation dans ce cas.
De plus, même la plage de valeurs décrite dans l'exemple particulier - à savoir une température supérieure à 1370°C ; cf. paragraphe [0024] - motiverait la personne du métier à prendre en considération des températures supérieures à 1370°C et jusqu'à 1700°C - tel que défini à la caractéristique 1.6 - en raison du chevauchement des deux plages de valeurs sur presque 330°C et des considérations sur la consommation énergétique qui sont habituelles pour la personne du métier dans n'importe quel contexte et qui la motiveraient à ne pas utiliser une température plus haute que nécessaire.
Du fait que la personne du métier prendrait en considération à la lumière de D2 des valeurs de température comprises dans la plage de valeurs définie dans la caractéristique 1.6, l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive au vu de la combinaison de D4 avec D2. Il convient de rappeler ici qu'une plage de valeurs ne peut pas être considérée comme inventive si la personne du métier considère de façon évidente de travailler dans celle-ci - il n'est pas nécessaire que la définition de la plage de valeurs dans son ensemble telle que définie dans la revendication soit évidente.
2. Requête subsidiaire 15, extension de l'objet du brevet, article 123(2) CBE
2.1 Caractéristique omise "permettant de parfaire le frittage de la couche de céramique"
L'intimée a fait valoir dans ses écritures que la caractéristique "la couche de céramique est déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt" ajoutée à la revendication 1 a sa base "au paragraphe [0024] de la demande telle que déposée" (cf. lettre datée du 10 février 2023, premier point de la page 3), qui correspond en fait aux lignes 9 et 10 de la page 4 de la demande telle que déposée à l'origine comme cela a été clarifié lors de l'audience. Selon l'intimée, l'objet de la revendication 1 implique le parfaire du frittage de la couche de céramique par le post-traitement en raison du frittage de celle-ci.
Ceci n'est pas convaincant.
La demande telle que déposée décrit immédiatement après la caractéristique ajoutée à la revendication 1 que "[l]e post-traitement permet alors de parfaire son frittage" (marquage en gras ajouté). La connexion causale entre cette caractéristique - omise dans la revendication 1 - et la caractéristique f1 est donc explicite, comme cela est également décrit à la page 6, lignes 1, 2, 5 et 6, et défini dans la revendication 8 telle que déposée.
Une simple allégation non étayée de l'intimée ne suffit pas pour montrer que tout frittage doit nécessairement conduire à un post-traitement permettant de parfaire le frittage. La demande telle que déposée est limitée à un tel post-traitement d'une couche de céramique qui est déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt, et ne s'étend pas à d'autres post-traitements qui n'entraîneraient pas cet objectif - indépendamment de la clarté du terme employé, clarté qui n'est pas ouverte à un examen car il s'agit d'une caractéristique comprise dans une revendication telle que délivrée, cf. revendication 8.
Par conséquent, la revendication 1 s'étend au-delà du contenu de la demande telle que déposée à l'origine, car - dans le contexte d'un mode de réalisation où les microfissures sont fournies lors du dépôt de la couche de céramique - cette demande ne divulgue qu'un post-traitement entraînant une modification du frittage qui le définit comme étant destiné à "parfaire".
En revanche, la revendication 1 couvre des modes de réalisation dans lesquels ce résultat ne serait pas atteint.
Au vu de ce qui précède, la revendication 1 contient une généralisation intermédiaire inadmissible, de sorte que la requête subsidiaire 15 enfreint l'article 123(2) CBE.
2.2 Caractéristique omise "poudre de projection"
La requérante fait valoir que la revendication 8 du brevet tel que délivré - qui comprenait la caractéristique ajoutée "couche de céramique déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt" - était dépendante de la revendication 4, qui portait sur une poudre de projection particulière. Selon elle, l'omission de cette limitation dans la revendication 1 entraîne une extension de l'objet du brevet.
Cette objection ne peut pas aboutir, car elle ignore le contenu de la demande d'origine telle que déposée, ce qui est la référence par rapport à laquelle on doit juger si un brevet européen a été "modifié de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée" (cf. Article 123(2) CBE). L'argument avancé par la requérante concernant l'omission de caractéristiques dans des revendications délivrées se rapproche de l'examen d'une modification qui aurait pu étendre la protection conférée par le brevet européen (Article 123(3) CBE), ce qui ne peut pas être le cas en l'espèce, car aucune caractéristique de la revendication 1 telle que délivrée a été supprimée, tandis que des caractéristiques supplémentaires limitantes ont été ajoutées.
La demande telle que déposée ne décrit pas en quoi l'utilisation d'une poudre de projection particulière serait inextricablement liée à la caractéristique ajoutée ("couche de céramique déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt"). Cette caractéristique est décrite de façon générale à la page 4 de la description d'origine telle que déposée, aux lignes 9 et 10. Aucune poudre de projection particulière n'est décrite dans ce mode de réalisation général. La poudre de projection définie à la revendication 4 telle que délivrée est décrite pour la première fois dans le mode de réalisation particulier de la description telle que déposée à l'origine (cf. page 6, lignes 11 à 14), dans le contexte de l'obtention d'un avantage en ce qui concerne une fusion plus homogène ; la caractéristique "poudre de projection" n'est donc pas décrite comme inextricablement liée avec la caractéristique ajoutée à la revendication 1. Ceci est confirmé par les revendications telles que déposées à l'origine, où la caractéristique ajoutée est définie à la revendication 8, laquelle dépend directement de la revendication 1 et non de la revendication 4, qui définit la poudre de projection.
3. Requête subsidiaire 15bis, extension de l'objet du brevet, article 123(2) CBE
La revendication 1 de la requête 15bis correspond à la revendication 1 de la requête 15. Les mêmes considérations expliquées au point précédent en ce qui concerne l'article 123(2) CBE s'appliquent ici.
4. Requête subsidiaire 15ter
4.1 Extension de l'objet du brevet, article 123(2) CBE
Les arguments de la requérante correspondent à ce qui a également été objecté par rapport à la revendication 1 des requêtes subsidiaires 15 et 15bis, à savoir la caractéristique "poudre de projection" omise.
L'ajout de la caractéristique 1.7 (le post-traitement permettant de parfaire le frittage de la couche de céramique) à la revendication 1 n'y change rien à cet égard, car cette caractéristique a été originalement divulguée en combinaison avec la caractéristique "la couche de céramique est déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt" (cf. page 4, lignes 9 à 11, et revendication 8 de la demande originalement déposée).
En conséquence, les considérations expliquées au point 2.2 ci-dessus s'appliquent ici mutatis mutandis. L'objet de la revendication 1 ne s'étend donc pas au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.
4.2 Activité inventive, article 56 CBE
4.2.1 D4 comme état de la technique le plus proche
a) Divulgation prétendument implicite
La requérante a argué que tous les matériaux céramiques présentent des microfissures à la suite de leur dépôt et que, par conséquent, cette caractéristique appartenant à la caractéristique f1 ne pouvait pas établir une différence entre l'objet de la revendication 1 et D4.
Cet argument ne peut pas aboutir car il s'agit d'une simple allégation non étayée. La requérante n'a fourni aucune preuve pour étayer cette allégation, en particulier pour montrer que des microfissures au sens de la revendication 1 - c'est-à-dire, dans le contexte d'une barrière thermique à microfissures transverses comprenant une couche de céramique - seraient inévitablement présentes à la suite du dépôt de toute couche de céramique. Il convient de noter que les microfissures définies dans le contexte de la revendication 1 doivent être aptes à exercer la fonction pour laquelle elles sont connues de la personne du métier, ce qui exige une orientation, une densité de microfissures par unité de surface et une profondeur particulières. Il faudrait prouver que de telles microfissures sont inévitablement présentes dans une couche de céramique lors de son dépôt pour pouvoir considérer que la caractéristique ajoutée est implicitement décrite dans D4, ce qui serait contraire par exemple au paragraphe [0037] du brevet ("des conditions standards ne générant pas de microfissures") ou à D2, paragraphe [0021] ("subsequent to forming the ceramic topcoat, the cracks do not exist").
b) Divulgation prétendue au paragraphe [0009] de D4
Le document D4 concerne un procédé pour former une barrière thermique comprenant une couche de céramique en quatre étapes (cf. première phrase et les dernières neuf lignes du premier paragraphe en haut de la page 3 de D4b). La deuxième étape consiste à déposer une couche de céramique, et seulement la quatrième étape consiste à former des microfissures sur cette couche par application de chaleur en utilisant du plasma.
Le deuxième paragraphe de la page 3 de D4b décrit immédiatement après la description du procédé l'effet fourni par les microfissures ainsi produites.
Le paragraphe suivant - cf. dernier paragraphe à la page 3 de D4b, qui est le début du paragraphe [0009] du document - décrit la figure 1, qui correspond à la microstructure de la couche de revêtement de protection thermique ("1 is a view showing the microstructure of the heat - shielding coating layer..."). La personne du métier comprend donc que la figure 1 montre la microstructure de la barrière thermique obtenue selon les quatre étapes décrites dans les paragraphes immédiatement précédents, même s'il s'agit - d'après le paragraphe [0009] - d'un mode de réalisation particulier comprenant une épaisseur déterminée (600 mym) et une poudre de projection spécifique comme matériau de départ ("...using 204 C - NS powder of METCO as a starting material..."). Les microfissures décrites au paragraphe [0009] et à la figure 1 sont donc celles qui ont été produites lors de la quatrième étape du procédé (post-traitement à plasma) et ne sont pas décrites comme des microfissures apparaissant à la suite de l'étape de dépôt de la couche de céramique (deuxième étape du procédé). Ceci est également confirmé par le paragraphe [0017] de D4b, qui indique que la formation des microfissures transversales de la figure 1 est affectée par les paramètres du plasma à appliquer.
Le même raisonnement s'applique à la description des autres figures de D4 qui montrent des microfissures et qui sont décrites au paragraphe [0009] de D4b.
c) Effet technique et problème technique objectif
Au vu de ce qui précède, la caractéristique ajoutée "la couche de céramique est déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt" est une caractéristique distinctive par rapport à D4.
La requérante a fait valoir, lors de la procédure écrite dans le contexte de la requête subsidiaire 14, que le problème technique lié au fait que la couche de céramique est déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt était l'augmentation du nombre de microfissures.
L'intimée a reconnu lors de la procédure orale que l'augmentation du nombre de microfissures pouvait être considérée comme un effet technique de la caractéristique distinctive et a soutenu que le problème technique objectif associé était donc d'améliorer la résistance à l'érosion de la couche de céramique.
La chambre partage ces considérations de l'intimée.
d) Caractère non-évident de la caractéristique distinctive
La requérante n'a pas expliqué lors de la procédure orale en quoi la personne du métier serait motivée pour modifier le procédé de D4 afin d'utiliser une couche de céramique déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt.
Lors de la procédure écrite, la requérante a fait valoir que la production de microfissures lors du dépôt de la couche de céramique est connue des documents D2 ou D5.
Néanmoins, D2 et D5 décrivent cette possibilité comme désavantageuse (cf. D2, paragraphe [0005] et D5, paragraphe [0008]), ce qui découragerait la personne du métier de l'envisager.
La requérante a également soulevé une objection de manque d'activité inventive dans ses écritures contre la revendication 1 de la requête subsidiaire 14 (qui comprend aussi la caractéristique ajoutée f1) dans laquelle ont été cités les documents D16 (cf. paragraphes [0031] et [0039]), D18 (cf. page 4, lignes 1 à 15) et D19 (cf. D19a page 3, deuxième paragraphe), qui décrivent le dépôt d'une couche de céramique déjà microfissurée à la suite de son étape de dépôt (cf. point 5.d de la lettre du 14 août 2024). Cependant, elle n'a pas expliqué quel était le document de départ de cette objection ni comment la personne du métier serait motivée à modifier ce document indéterminé pour parvenir à l'objet de la revendication 1 à la lumière de l'enseignement d'un de ces documents. Quoi qu'il en soit, pendant la procédure orale la requérante n'a pas mentionné ces objections parmi celles qui devaient être traitées dans la décision.
En conséquence, aucune des objections soulevées n'est convaincante. La personne du métier n'aboutit pas de manière évidente à la caractéristique distinctive en partant de D4.
4.2.2 D2 comme état de la technique le plus proche
Comme dans le cas de l'objection à partir de D4, la requérante a basé son objection sur la divulgation prétendument implicite de microfissures qui seraient déjà présentes à la suite de l'étape de dépôt de la couche de céramique. La requérante a fait valoir que les figures 3 et 5 de D2 n'excluent pas qu'il y avait déjà des microfissures avant le post-traitement de frittage.
Ce raisonnement n'est pas convaincant.
Le paragraphe [0021] de D2 décrit explicitement qu'il n'y a pas de microfissures à la suite de l'étape de dépôt de la couche de céramique (cf. première phrase). Ce paragraphe décrit la barrière thermique objet de l'invention de D2 (cf. paragraphes [0007] et [0008]) et concerne les figures 3 et 4, qui montrent un mode de réalisation particulier de l'invention (cf. paragraphes [0017] et [0020]).
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 diffère de D2 au moins par la même caractéristique distinctive que dans le cas de l'objection à partir de D4, et le même raisonnement concernant le caractère non évident s'applique.
Les questions de savoir si la caractéristique "couche de céramique de type YSZ" serait évidente ou même implicite à la lumière des connaissances générales de la personne du métier, et si D5 représente une preuve valable de ces prétendues connaissances générales, peuvent donc rester sans réponse.
4.3 Description adaptée
La requérante n'a pas soulevé d'objections contre la description adaptée aux revendications de la requête subsidiaire 15ter.
La chambre ne trouve pas non plus de raison de s'opposer à cette description adaptée.
5. Article 101(3)(a) CBE
Compte tenu des modifications apportées par l'intimée, le brevet et l'invention qui en fait l'objet satisfont aux exigences de la CBE, et le brevet peut être maintenu dans sa forme modifiée par la requête subsidiaire 15ter, à condition que les conditions prévues par le règlement d'exécution soient remplies.
6. Requête de la requérante concernant une répartition des frais différente
6.1 Après la réception de la notification de la chambre selon l'article 15(1) RPCR, la requérante n'a fourni aucun nouveau argument sur ce point. La chambre confirme donc les considérations exposées dans cette notification.
6.2 La requérante a fait valoir que l'intimée a déposé 13 nouvelles requêtes subsidiaires lors de la procédure d'opposition, dix jours avant la procédure orale, sans indiquer de manière claire et complète la base des modifications, ce qui a requis un effort de préparation particulier, y compris une comparaison avec l'état de la technique. Ceci justifierait l'annulation de la décision contestée en ce qui concerne la répartition des frais.
Ce raisonnement n'est toutefois pas convaincant, car il est un principe de la procédure d'opposition que chaque partie supporte les frais qu'elle a exposés (article 104(1) CBE). Le non-respect du délai fixé par la règle 116(1) CBE n'est pas rare, et il ne peut pas être exclu que l'intimée ait eu une raison d'agir de cette manière. En revanche, la partie qui ne respecte pas les délais procéduraux court le risque que ses soumissions tardives soient considérées comme non-recevables par la division d'opposition (comme dans le cas des requêtes subsidiaires 1 à 13 déposées dix jours avant la procédure orale). Néanmoins, il faut plus qu'un simple non-respect d'un délai pour prouver qu'une partie a agi de mauvaise foi ou de façon si négligente que cela justifierait une répartition des frais.
6.3 La requérante a également fait valoir que le dépôt d'un nombre important de requêtes subsidiaires non étayées dans la réponse au mémoire exposant les motifs du recours et sans explication complète des modifications, par exemple par le biais de copies marquées, justifie aussi une répartition des frais selon l'article 16 RPCR.
L'application de l'article 16 RPCR, en particulier son paragraphe (1)c), n'est pas justifiée dans ce cas, car l'intimée a indiqué de bonne foi les modifications des requêtes subsidiaires 1 à 48 dans les tables 1 et 2 déposées avec sa réponse au mémoire du recours. Même s'il aurait été préférable de joindre également des copies marquées des requêtes, l'intimée a expliqué le fondement de la modification dans la demande telle que déposée, comme l'exige l'article 12(4), troisième phrase RPCR.
En effet, l'intimée n'a pas étayé les requêtes subsidiaires 2 à 48 en ce qui concerne les objections selon les articles 100a) et 100b) CBE lors de leur dépôt, mais la chambre considère que ce fait - qui pénalise de manière évidente la recevabilité des requêtes subsidiaires - n'a pas eu un si grand impact dans la préparation du cas en raison de leur dépôt dès que possible dans la procédure de recours. En tout état de cause, une comparaison entre l'objet des requêtes et les objections soulevées devait être faite par la requérante, qui ne se serait pas résignée à accepter simplement les arguments de l'intimée concernant l'admissibilité ou le bien-fondé des requêtes.
6.4 Au vu de ce qui précède, la chambre rejette la requête d'une répartition des frais différente.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de maintenir un brevet dans la version suivante :
Revendications :
N : 1 à 9 de la requête subsidiaire 15ter produite avec lettre du 19 novembre 2024
Description :
Pages : 1 à 9 produites avec lettre du 19 décembre 2024
Dessins :
Figures : 1 à 4 du fascicule de brevet.
3. La requête de la requérante en répartition différente des frais est rejetée.