T 0102/93 16-09-1994
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Semelles de ski, leur procédé de fabrication et skis équipés de ces semelles
Activité inventive
Sélection et utilisation nouvelle
I. Le requérant (demandeur) a formé un recours, reçu le 6. novembre 1992, contre la décision de la division d'examen, remise à la poste le 31 août 1992, relative au rejet de la demande de brevet n° 89400297.1 publiée sous le n° 0328439.
Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 6. novembre 1992 et la taxe de recours a été acquittée le même jour.
La division d'examen était parvenue à la conclusion que la demande ne satisfaisait pas aux conditions prévues par l'article 56 CBE, eu égard au document suivant : (D1) FR-A-2 519 012
II. Dans son mémoire, le requérant a développé les arguments suivants :
Il reconnait que le matériau de la semelle de ski qui fait l'objet de la revendication 1 de la demande est bien décrit dans D1.
Il fait toutefois remarquer que les propriétés essentielles recherchées pour la semelle selon l'invention ne sont pas mentionnées ni même seulement suggérées dans ce document antérieur.
Selon lui l'objet des revendications indépendantes serait donc nouveau et inventif en comparaison de l'état de la technique cité dans le rapport de recherche et l'invention consisterait en une sélection brevetable.
III. Le libellé des revendications 1, 15, 16 et 17 selon la requête unique au moment de la présente décision est le suivant :
"1. Semelle de ski comprenant une feuille ou un film en matière polymère thermoplastique, caractérisée en ce que ladite matière polymère thermoplastique est à base d'un mélange intime d'une ou plusieurs polyoléfines et d'un ou plusieurs polyétheresteramides."
"15. Procédé de fabrication d'une semelle de ski définie dans l'une quelconque des revendications 1 à 14, caractérisée en ce qu'on réalise préalablement un mélange intime des constituants de la semelle ; puis on extrude ledit mélange sous forme d'une feuille ou d'un film."
"16. Ski dont la partie inférieure ou semelle est telle que définie dans l'une quelconque des revendications 1 à 13."
"17. Surface assurant le glissement d'objet servant à glisser sur une surface liquide ou solide constituée d'un film, d'une feuille ayant des caractéristiques identiques à celles de la semelle de ski définie dans l'une quelconque des revendications 1 à 13."
IV. Le requérant a requis l'annulation de la décision attaquée et la délivrance d'un brevet sur la base de la description et des revendications telles que déposées.
1. Recevabilité du recours
Le recours est conforme aux exigences des articles 106 à 108 CBE et à celles de la règle 64 CBE ; il est recevable.
2. Nouveauté
Les documents antérieurs cités dans le rapport de recherche ne décrivent aucune semelle de ski ou surface de glissement à base d'un mélange intime d'au moins une polyoléfine et d'au moins un polyétheresteramide, ni un ski comportant une telle semelle, ni aucun procédé de fabrication d'une semelle identique.
Par conséquent, l'objet des revendications indépendantes de la demande initiale doit être considéré comme nouveau au sens de l'article 54 de la CBE.
3. Etat de la technique le plus proche
3.1. L'état de la technique le plus proche est généralement celui qui se rapporte à une utilisation similaire et qui requiert le minimum de modifications structurelles et fonctionnelles pour s'identifier à l'invention (cf. décision T 606/89 non publiée).
Il doit donc être recherché d'abord dans le domaine sur lequel porte la demande, en l'occurrence celui des semelles de ski et plus généralement celui du matériel des sports de glisse.
Par ailleurs, pour pouvoir apprécier de manière objective l'existence d'une activité inventive par rapport à l'état de la technique le plus proche, il importe qu'il ait été identifié sans équivoque et vérifié (cf. décision T 248/85, JO OEB 1986, 261).
3.2. La division d'examen a pris comme état de la technique le plus proche la composition formée d'un mélange intime de polyoléfines et de polyétheresteramides décrite dans le document D1. Aucune relation n'étant visible dans D1 entre cet état de la technique et le domaine technique considéré dans la demande, le choix du document D1 comme point de départ pour aboutir à une semelle de ski, à un ski ou à une surface assurant le glissement d'objets ne peut résulter selon la Chambre que d'une analyse a posteriori ne permettant pas une approche "problème- solution" objective.
3.3. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre considère que l'état de la technique le plus proche de l'invention est divulgué par le document
D2 : FR-A-2 564 737
cité dans le rapport de recherche et qui décrit une semelle de ski pouvant être constituée entièrement par un mélange de polyéthylène et d'élastomère (cf. D2 : page 2, lignes 8 à 11 ; page 5, lignes 24 à 26 et revendication 9). Par ailleurs, il résulte des explications données dans D2 (cf. page 1, ligne 34 à page 2, ligne 7) que le mélange connu est homogène autrement dit intime au sens de l'invention.
3.4. La semelle de ski telle que décrite dans la revendication 1 de la demande diffère donc de cet état de la technique le plus proche essentiellement en ce que l'un des composants du mélange (polyétheresteramide) n'est pas mentionné parmi les élastomères énumérés dans D2 (cf. p. 6, lignes 5 à 14).
4. Problème et solution
4.1. A partir de la semelle de ski et de son procédé de fabrication connus de D2 et en tenant compte de la différence citée à la section 3.4 ci-dessus, le problème objectif à résoudre apparait résider dans la sélection d'un nouvel élastomère permettant d'améliorer les qualités d'une semelle de ski telles que, comme indiqué dans la demande de brevet européen (cf. colonne 1, lignes 55 à colonne 2, ligne 7), la résistance aux chocs et à l'abrasion, son aptitude au collage, son affinité tinctoriale, sa translucidité et surtout, pour une semelle destinée à des skis de neige, sa faculté à absorber et retenir durablement les farts de glisse ou de retenue .
4.2. Rien a priori ne permet à la Chambre de douter que le mélange préconisé dans la revendication 1 de la demande ne confère pas à la semelle selon l'invention les propriétés recherchées.
5. Activité inventive
5.1. Pour pouvoir apprécier si une modification dans l'optique de l'invention de l'état de la technique le plus proche implique une activité inventive au sens de l'article 56 de la CBE, il convient de rechercher d'une part si, à la date du dépôt de la demande, les moyens pour parvenir à l'invention étaient déjà connus en soi de l'homme du métier et, d'autre part si, en possession de ces moyens parmi une quantité d'autres, l'homme du métier les aurait choisis et utilisés parce qu'il en escomptait un perfectionnement ou un avantage quelconque (cf. décision T 2/83, JO OEB 1984, 265).
En d'autres termes, il ne suffit pas que l'homme du métier ait eu à sa disposition les moyens, et de ce fait la possibilité de réaliser l'invention, encore faut-il qu'il existe une incitation qui le pousse à utiliser lesdits moyens.
5.2. Dans le cas présent, à la date du dépôt de la demande, la matière polymère thermoplastique utilisée pour la réalisation de la semelle selon l'invention était déjà connue en soi de D1.
Par conséquent, parmi les élastomères connus susceptibles d'être mélangés avec succès au polyéthylène figurait déjà les polyétheresteramides décrits notamment dans D3 ("Kautschuk + Gummi- Kunststoff", Vol. 34, n° 12, 1981, pages 1048 à 1050 ; "Polyether-Block-Amide (PEBA) - eine neue Generation thermoplastischer Elastomere) et dans les documents FR-A-2 273 021 et FR-A-2 401 947 cités dans la demande et l'homme du métier avait de ce fait la possibilité de les sélectionner.
5.3. Mais encore fallait-il qu'il eût quelque bonne raison de le faire en vue d'obtenir les propriétés recherchées mentionnées dans la section 4.1 ci-dessus.
Or dans aucun des documents cités dans le rapport de recherche ne figure une telle incitation.
En effet, D1 enseigne que la composition décrite présente des propriétés améliorées de résistance aux chocs, d'antistatisme et d'affinité tinctoriale (cf. D1 : page 1, lignes 18 à 28) qui ne sont pas des propriétés spécifiques aux semelles de ski mais concernent une multitude de produits dans tous les domaines techniques et à titre d'exemples d'utilisation de ces compositions sont cités des coffrets ou capots de postes de radio (cf. page 7, ligne 14 et page 8, ligne 23), objets appartenant à un domaine totalement étranger aux sports de glisse et sans aucune relation avec des propriétés exigées pour le glissement.
D3 décrit l'un des composants (polyetheresteramide) du mélange entrant dans la composition de la semelle selon l'invention et non pas le mélange lui-même et si l'une des utilisations envisagées pour ce produit concerne bien des articles de sport, ce n'est pas pour la fabrication des semelles de ski mais pour celle des chaussures de ski (cf. page 1049, seconde moitié de la colonne de droite), utilisation sans rapport avec la fonction de glisser.
Quant à D4 (DE-A-1 811 071), il décrit une semelle de ski composée essentiellement du second composant (polyoléfine) entrant dans la composition de la semelle revendiquée dans la demande objet du recours et aucune allusion n'est faite à un quelconque mélange avec un élastomère, ni aux avantages obtenus avec la semelle selon l'invention.
Par conséquent, l'homme du métier qui recherche pour la semelle selon D2 une composition améliorée présentant notamment des propriétés spécifiques aux semelles de ski, tel qu'un très faible coefficient de frottement et surtout la faculté d'absorber et de retenir durablement les farts, n'est pas plus guidé vers le mélange décrit dans D1 que vers les différents produits cités en exemple dans D2, dans D3 ou dans D4.
5.4. Compte tenu de ce qui précède, que l'invention soit considérée sous l'aspect d'une sélection d'un élastomère particulier entrant dans la composition du mélange selon D2 ou sous l'aspect d'une utilisation nouvelle du mélange connu de D1, la Chambre arrive dans les deux cas à la même conclusion à savoir que l'objet de la revendication 1 de la demande telle que déposée ne découle pas manifestement et logiquement de ces états de la technique qu'ils soient considérés isolément ou en combinaison et que cet objet implique donc une activité inventive au sens de l'article 56 de la CBE.
La même argumentation que précédemment vaut bien entendu pour le ski revendiqué dans la revendication 16 et également pour la surface de glissement revendiquée dans la revendication 17.
Quant au procédé objet de la revendication 15, il incorpore implicitement le choix et l'utilisation d'un ou plusieurs polyétheresteramides en vue de la fabrication d'une semelle de ski, choix considéré ci-dessus en liaison avec l'objet de la revendication 1 comme inventif.
6. En conséquence, l'objet des revendications 1 à 17 satisfait aux conditions de brevetabilité de la CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
La décision attaquée est annulée.
L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de délivrer un brevet dans la version de la demande telle que déposée.