T 0936/93 14-10-1994
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Dispositif de paillage pouvant également faire fonction de désilage et de distribution
Activité inventive - oui
Etat de la technique le plus proche de l'invention
Inventive step (yes)
Closest state of the art
I. Le requérant (demandeur) a formé un recours, par télécopie reçue à l'OEB le 25 juin 1993 et confirmée par lettre déposée le 30 juin, contre la décision de la division d'examen, remise à la poste le 21 avril 1993, relative au rejet de la demande de brevet européen n° 89 403 278.8 publiée sous le n° 0 371 869.
La taxe de recours a été acquittée le 25 juin 1993.
Le mémoire exposant les motifs du recours accompagné d'une revendication 1 subsidiaire a été déposé le 24. juillet 1993.
La division d'examen était parvenue à la conclusion que l'objet de la dernière revendication 1 remise avec la lettre du 1er octobre 1992 n'impliquait pas d'activité inventive au sens de l'article 56 CBE eu égard à la combinaison des enseignements des deux documents suivants :
(D2) : FR-A-2 170 813 et
(D6) : GB-A-937 382.
II. La revendication 1 remise à l'OEB avec la lettre du 1er octobre 1992 et rejetée par la première instance fait l'objet de la requête principale du présent recours et s'énonce comme suit :
"1. Dispositif de paillage comportant un caisson (1), une turbine de distribution (13) adjacente au caisson et ayant un orifice d'entrée (15) tourné vers l'intérieur du caisson, une auge (12) extérieure à la turbine s'étendant le long d'une partie au moins d'un côté du caisson et des moyens de déplacement (9, 10) de la matière dans le caisson pour amener la matière à distribuer vers l'auge (12) selon une direction perpendiculaire à l'axe longitudinal de l'auge, caractérisé en ce que l'orifice d'entrée (15) de la turbine débouche à une extrémité de l'auge (12), selon l'axe longitudinal de celle-ci."
III. Dans son mémoire exposant les motifs du recours le requérant a notamment fait valoir que l'invention consistait à utiliser l'auge comme organe de guidage de la matière de telle sorte que celle-ci soit aspirée par l'orifice d'entrée de la turbine et non pas poussée vers ledit orifice comme dans le dispositif décrit dans D6. En outre, selon le requérant, D2 concernerait un dispositif appartenant à un domaine différent de celui de l'invention dans lequel les problèmes d'engorgement de turbine ne seraient pas les mêmes.
Le requérant en tire la conclusion que l'agencement décrit dans la revendication 1 n'est suggéré dans aucun des documents cités dans le rapport de recherche et qu'il doit être considéré comme inventif au sens de l'article 56 CBE.
IV. Il ressort implicitement du mémoire exposant les motifs du recours que le requérant requiert à titre principal la révocation dans son intégralité de la décision attaquée et la délivrance d'un brevet sur la base de la version de la demande présentée en dernier ressort à la première instance avec la lettre du 1er octobre 1992 et rejetée par celle-ci.
A titre subsidiaire, la délivrance est requise dans la version amendée comportant la revendication 1 déposée avec le mémoire de recours.
1. Recevabilité du recours
Le recours est conforme aux exigences des articles 106 à 108 CBE et à celles de la règle 64 CBE ; il est recevable.
2. Modifications (Article 123(2) CBE)
2.1. Par rapport au texte de la demande telle que déposée la nouvelle version présentée comporte quelques précisions supplémentaires sur l'état de la technique décrit dans D6 (cf. la page 1 de description remise avec la lettre du 9. décembre 1991, lignes 22 à 24 et 32, 33). Ces modifications facilitent la compréhension de l'art antérieur et des problèmes qui se posent sans ajouter de matière nouvelle.
2.2. Dans cette nouvelle version (cf la page 2, lignes 22 et 24. à 26 et la page 9, lignes 5 et 9 remises avec la lettre du 1er octobre 1992), il a aussi été ajouté que l'auge est "extérieure à la turbine" et que, dans le caisson, la matière à distribuer est amenée "selon une direction perpendiculaire à l'axe longitudinal de l'auge".
Dans la mesure où il est précisé dans le texte de la demande telle que déposée que l'orifice d'entrée de la turbine du dispositif selon l'invention débouche à une extrémité de l'auge (cf. page 2, lignes 26, 27 et page 4, lignes 31, 32), il est implicite que l'auge ne peut être qu'extérieure à la turbine ce qui est visible sur les figures 2, 3 et 5 de la demande.
Quant au second ajout, il est supporté par ce qui est décrit dans le second paragraphe de la page 4 de la demande telle que déposée où il est indiqué que la matière est déplacée parallèlement à la paroi avant de caisson (cf. ligne 23) et que l'axe de l'auge s'étend perpendiculairement à ladite paroi (cf. lignes 26, 27).
2.3. Par conséquent les modifications apportées à la version de la demande telle que déposée contribuent à clarifier à la fois l'état de la technique et l'invention sans enfreindre les prescriptions de l'article 123(2) CBE. Elles sont donc acceptables.
3. Interprétation de la revendication 1
3.1. A la lumière de la description, et notamment de celle des inconvénients de l'état de la technique, il est clair que l'un des objectifs que l'invention se propose d'atteindre est de fluidifier la circulation de la matière tout au long de son circuit obligé à l'intérieur du caisson et de la turbine.
Par conséquent, tous les moyens destinés à la déplacer apparaissent comme essentiels et, à ce titre, doivent nécessairement figurer dans la revendication 1.
3.2. A contrario, le fait qu'un organe d'entraînement n'y soit pas cité et qu'il n'apparaisse ni dans la description, ni dans les dessins de la demande doit être interprété comme une exclusion implicite dudit organe. C'est en l'occurrence le cas pour l'auge où l'absence à la fois de mention dans les textes et de représentation sur les figures d'un quelconque organe d'entraînement positif de la matière doit être interprétée comme l'enseignement essentiel de l'invention d'exclure à dessein ce type d'organe de l'espace intérieur de l'auge.
4. Nouveauté
Aucun des documents cités dans le rapport de recherche ne décrivant un dispositif de paillage présentant en combinaison toutes les caractéristiques de celui selon l'invention avec notamment une orientation d'embouchure de turbine perpendiculaire au déplacement de la matière dans le caisson, l'objet de la revendication 1 de la demande doit être reconnu comme étant nouveau au sens de l'article 54 de la CBE, ce que la première instance n'a d'ailleurs jamais contesté.
5. Etat de la technique le plus proche
5.1. L'état de la technique le plus proche est par définition celui qui se rapporte à une utilisation identique ou similaire et qui requiert le minimum de modifications structurelles et fonctionnelles pour s'identifier à l'invention (cf. décision T 606/89 non publiée).
5.2. En l'occurrence, c'est avec raison que la première instance et le requérant ont retenu comme état de la technique le plus proche de l'invention le dispositif de distribution de fourrage décrit dans D6 car le domaine technique et les problèmes rencontrés sont les mêmes et, parmi tous les dispositifs divulgués dans les documents cités dans le rapport de recherche, c'est le seul comportant en combinaison une "auge" au sens de l'invention disposée transversalement au déplacement de la matière dans le caisson et une turbine dont l'entrée débouche dans cette auge.
Par contre, il y a lieu de remarquer que parmi les éléments essentiels de ce dispositif cités dans la revendication principale du brevet GB-A-937 382 figure une double vis d'Archimède qui est logée dans l'auge et sert à pousser la matière en direction de l'entrée de la turbine.
5.3. Le dispositif de paillage selon l'invention diffère donc de cet état de la technique le plus pertinent en ce que l'orifice d'entrée de la turbine est disposé en bout de l'auge dans l'axe de celle-ci et il apparait clairement de la description et des dessins de la demande telle que déposée (cf. page 1, lignes 26 à 28 et page 5, dernière ligne à page 6, ligne 2 ainsi que figures 1, 3 et 4) que ladite auge ne comporte aucun organe mécanique d'entraînement et que le déplacement de la matière selon l'axe de l'auge résulte de la seule dépression créée par la turbine (cf. section 3.2 ci-dessus).
6. Problème et solution
6.1. En vue d'une appréciation objective de l'activité inventive selon l'approche problème-solution il y a lieu de comparer l'invention avec l'état de la technique le plus proche et de déduire objectivement le problème à résoudre des différences existantes.
6.2. En l'occurrence, partant du dispositif de paillage décrit dans D6 et compte tenu des différences énoncées ci-dessus à la section 5.3, le problème objectif qui se pose à l'homme du métier apparait consister dans une simplification et une amélioration du système connu de distribution de la matière qui permette de réduire les risques de bourrage à l'entrée de la turbine et de diminuer le porte-à-faux du dispositif de paillage porté à l'arrière du tracteur (cf. de la page 1, ligne 31 à la page 2, ligne 11 de la demande telle que déposée).
6.3. La Chambre est convaincue que la solution préconisée dans la revendication 1 et qui consiste à disposer l'entrée de la turbine en bout d'une auge de guidage de la matière placée le long d'un côté du caisson tout en éliminant la double vis d'Archimède du dispositif selon D6 permet à la fois de rendre l'ensemble compact et de décomprimer la matière présentée à l'embouchure de la turbine et de résoudre ainsi effectivement le problème posé.
7. Activité inventive
7.1. Pour l'appréciation de l'activité inventive au sens de l'article 56 CBE, il y a lieu de considérer tel quel et dans son intégralité l'état de la technique le plus proche et il n'est pas permis d'en ignorer des éléments essentiels après comparaison avec l'invention, ce qui constituerait une approche "ex-post facto".
Il convient ensuite de déterminer si, partant de cet état de la technique le plus pertinent, en l'occurrence le dispositif décrit dans D6, avec l'intention à la fois d'améliorer son fonctionnement tout en le simplifiant, l'homme du métier aurait trouvé dans le même domaine technique ou des domaines avoisinants non seulement les moyens essentiels nécessaires à la réalisation de l'invention mais également des indications qui lui auraient permis d'escompter un perfectionnement ou un avantage quelconque s'il cherchait dans la voie conduisant à l'invention (cf. T 2/83, JO OEB 1984, 265) et qui l'auraient ainsi orienté vers la solution décrite dans la revendication 1.
Il ne suffit donc pas qu'à la date du dépôt de la demande les moyens utilisés pour réaliser l'invention aient été connus en soi de l'état de la technique, autrement dit que l'homme du métier ait eu à sa disposition les éléments essentiels et de ce fait la possibilité de réaliser l'invention en les rassemblant de manière appropriée, encore faut-il qu'existe une incitation qui aurait pu l'amener à les choisir et à les utiliser en combinaison conformément à l'invention.
7.2. Dans D2 ainsi que dans les documents :
D1 : FR-A-2 558 033
D4 : FR-A-2 189 297 et
D9 : FR-A- 2 555 402
retenus au cours de la recherche, l'homme du métier retrouvera la même tendance générale déjà appliquée dans D6 et qui consiste à disposer l'embouchure d'entrée du dispositif de projection face au courant de matière déplacée à l'intérieur du caisson.
En outre D4 et D9 préconisent comme D6 l'utilisation d'une vis sans fin pour concentrer la matière à l'entrée du dispositif de projection.
Les enseignements de ces documents antérieurs ne vont donc pas dans le sens d'une simplification ou même d'une simple modification de l'orientation de la turbine du dispositif selon D6 et ils n'incitent pas l'homme du métier à abandonner ce matériel connu pour s'orienter vers une solution conforme à l'invention qui va à l'encontre de la tendance générale précitée.
7.3. Quant aux documents suivants :
D3 : EP-A-166 653
D5 : DE-A-2 328 455 et
D7 : DE-C-3 007 490
cités dans le rapport de recherche seulement au titre de l'arrière-plan technologique, ils concernent des dispositifs ne comportant aucun appareil rotatif distribuant la matière par projection.
Ces dispositifs sont donc structurellement différents du type de matériel décrit dans D6 et les problèmes rencontrés avec ce dernier (cf section 6.2) ne se posent pas. Ils ne peuvent donc pas a priori intéresser l'homme du métier et encore moins lui fournir un indice susceptible de l'orienter vers l'invention.
7.4. Par conséquent, même en admettant qu'à la date du dépôt de la demande, sans aucune raison particulière, l'homme du métier ait pu consulter l'un quelconque des documents D1 à D5 et D7 et D9, il n'y aurait trouvé de toutes façons aucune information pouvant lui suggérer d'améliorer comme il l'a fait le dispositif de D6 pour parvenir à l'invention.
Pour toutes ces raisons, la Chambre est arrivée à la conclusion que l'objet de la revendication 1 ne découle pas manifestement et logiquement de ces états de la technique qu'ils soient considérés isolément ou en combinaison et que cet objet implique donc une activité inventive au sens de l'article 56 de la CBE.
7.5. La Chambre reconnaît donc la brevetabilité de l'objet de la revendication 1 et des revendications 2 à 10 qui lui sont rattachées.
8. Requête subsidiaire
Compte tenu de l'interprétation qu'il convient de donner à la revendication 1 (cf. section 3.2) et du fait que la requête principale est accordée, la requête subsidiaire devient sans objet.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de délivrer un brevet européen dans la version suivante :
Description :
Pages 1 et 3 remises avec la lettre du 9 décembre 1991.
Page 2 remise avec la lettre du 1er octobre 1992.
Pages 4 à 8 de la demande telle que déposée.
Revendications :
N° 1 à 7 remises avec la lettre du 1er octobre 1992.
N° 8 à 10 remises avec la lettre du 9 décembre 1991.
Dessins :
Figures 1 à 5 de la demande telle que déposée.