J 0021/85 (Substitution de l'invention) 29-01-1986
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I. Le requérant a déposé le même jour, soit le 3 février 1984, deux premières demandes auprès de l'Office allemand des brevets.
La demande de brevet allemand P 34 03 669.5 a pour objet un conteneur, destiné en particulier à la collecte de boîtes de conserves, caractérisé en ce qu'une chambre de compactage est disposée derrière l'orifice de remplissage. Le mandataire du demandeur a donné à cette demande de brevet la référence "précompactage de boîtes".
La demande de brevet allemand P 34 03 824.8 concerne un conteneur caractérisé en ce qu'il comporte une cloison disposée d'une manière particulière. Cette demande a reçu la référence "cloison".
II. Le 1er février 1985, le mandataire du requérant a déposé la demande de brevet européen n° 85 101 028.0 revendiquant la priorité de la demande allemande P 34 03 824.8. Les pièces de la demande transmises à l'Office étaient identiques à celles de la première demande référencée "cloison".
III. Par lettre du 7 février 1985, parvenue à l'Office le 8 février 1985, le mandataire du requérant a demandé que, dans le cadre d'une rectification en application de la règle 88, les pièces de la première demande "précompactage de boîtes", qui étaient jointes à cette lettre, soient échangées contre celles de la demande "cloison" qui avaient été déposées le 1er février 1985 comme se rapportant à la demande de brevet européen. Etait revendiquée en outre la priorité de la première demande allemande P 34 03 669.5 "précompactage de boîtes". S'appuyant sur plusieurs déclarations sous serment et sur des photocopies de documents internes provenant de son Cabinet, le mandataire a fait valoir que les références respectivement portées sur les chemises contenant les deux premières demandes allemandes avaient été interverties par erreur. En l'absence du mandataire chargé du dossier, c'est une demande portant sur "cloison" qui a été déposée à l'OEB lors que le mandant avait donné l'ordre de solliciter un brevet européen ayant pour objet "précompactage de boîtes".
IV. Par décision en date du 15 juillet 1985, la Section de dépôt de l'Office européen des brevets a rejeté cette requête, essentiellement au motif que la règle 88 CBE ne s'applique pas en l'espèce puisque, pour la demande de brevet européen en cause, la requête en délivrance concorde avec les pièces de la demande. Par conséquent, la rectification demandée ne satisfait pas à la condition selon laquelle il doit apparaître immédiatement qu'aucun texte autre que celui résultant de la rectification n'a pu être envisagé par le demandeur. En outre, l'article 123(2) CBE s'oppose également au remplacement des pièces de la demande.
V. Le 23 août 1985, le mandataire du demandeur a formé un recours contre cette décision et acquitté la taxe correspondante. Le 24 septembre 1985, il a adressé à l'Office un mémoire en exposant les motifs. Dans ce mémoire et lors de la procédure orale qui a eu lieu le 29 janvier 1986, le mandataire a conclu comme suit :
- à titre principal, la rectification envisagée serait celle visée à la première et non à la deuxième phrase de la règle 88. D'après la décision de la Chambre de recours juridique J 08/80 (JO de l'OEB n° 9/1980, p. 293, 296), il y a erreur au sens de la règle 88, dans une pièce transmise à l'OEB, lorsque cette pièce ne reflète pas l'intention véritable de la personne au nom de laquelle elle a été déposée. Dans le cas d'espèce, l'erreur consiste à avoir pris à tort pour base de la demande européenne la première demande référencée "cloison" au lieu de la demande "précompactage de boîtes". Une erreur au sens de la règle 88 première phrase pourrait également consister à présenter une requête en délivrance pour une invention comprenant une description, des revendications et des dessins dont la protection n'est pas souhaitée. La rectification des pièces consisterait alors à corriger cette erreur d'attribution, et donc à remplacer en l'occurrence la description, les revendications et les dessins de la demande "cloison" par ceux de la demande "précompactage de boîtes". Il serait particulièrement significatif à cet égard que, d'après la requête en rectification, les documents devant être pris en considération sont certes les pièces d'une autre demande, mais qui correspond sans aucune modification à une autre première demande. Par conséquent, la rectification ne viserait pas à modifier ou à étendre le contenu des pièces, mais à répondre à la volonté réelle et prouvée du demandeur. Il ne saurait y avoir usage abusif de la rectification prévue par la règle 88, dans la mesure où la volonté du demandeur a été établie sans équivoque possible.
La requête en rectification ne heurterait aucun principe du droit des brevets. Elle a été présentée dans les plus brefs délais, bien avant la publication de la demande de brevet européen, permettant ainsi d'éviter que le public ne soit induit en erreur. Il serait également exclu qu'une quelconque extension de l'invention par rapport au contenu de la première demande allemande "précompactage de boîtes" soit demandée. Par conséquent, l'article 123(2) de la CBE ne s'opposerait pas non plus à une rectification. Il conviendrait également de distinguer la rectification de l'omission involontaire du dépôt d'une demande de brevet car il y a bien, en l'espèce, une demande de brevet en instance à l'OEB ;
- à titre subsidiaire, le requérant demande une rectification en vertu de la règle 88, deuxième phrase de la CBE, qui dispose que la volonté du demandeur doit apparaître immédiatement, en ce sens que son intention réelle et prouvée doit s'imposer à l'évidence. En l'espèce, cette intention était de déposer non pas la demande "cloison" mais la demande "précompactage de boîtes", sans aucune modification par rapport à la première demande antérieurement déposée auprès de l'Office allemand des brevets.
Le requérant prie la Chambre
1) d'annuler la décision attaquée ;
2) de faire droit à la requête en rectification du 7 février 1985.
1. Le recours satisfait aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE ; il est donc recevable.
2. La Chambre est consciente du fait que, si elle était autorisée, la rectification demandée poserait des questions fondamentales en matière de droit des brevets. Elle estime toutefois qu'il n'y a pas lieu de considérer ces questions. Un raisonnement très simple montre en effet que la rectification demandée n'entre pas dans le cadre de la règle 88 de la CBE.
3. Le texte de la règle 88 exclut en soi la rectification. La première phrase de cette règle énonce que "les ... erreurs contenues dans toute pièce" peuvent être rectifiées, la version française étant à cet égard encore plus explicite que les versions allemande et anglaise. Par conséquent, la règle 88 permet - dans des conditions qu'il n'y a pas lieu d'examiner ici - de réparer dans une certaine mesure des erreurs contenues dans les pièces déposées, mais non pas d'attribuer une autre invention - consistant en une description, des revendications et des dessins - à une requête en délivrance de brevet déjà présentée. En effet, la requête en délivrance au sens de l'article 78(1)a) et de la règle 26 CBE ne constitue pas une enveloppe dont on pourrait remplacer le contenu sans annuler la requête proprement dite. Comme l'indique la règle 26(2) CBE, la requête en délivrance correspond en substance à une pétition en vue de la délivrance d'un brevet européen pour une invention déterminée. La substitution de l'ensemble de l'invention décrite équivaut au retrait de la requête en délivrance et au dépôt d'une nouvelle requête en délivrance. En conséquence, la date de dépôt initiale ne peut plus être attribuée à la demande visant à obtenir désormais un brevet européen pour une autre invention.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.