T 0218/00 21-03-2001
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Brosse de maquillage et procédé de fabrication d'une telle brosse
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
I. La requérante (opposante) a formé un recours (reçu à l'OEB le 12 février 2000) contre la décision de la Division d'opposition (remise à la poste le 3. février 2000) rejetant l'opposition contre le brevet européen n 611 170.
La taxe de recours a été acquittée le même jour et le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 10. juin 2000.
II. L'opposition avait été formée contre le brevet dans son ensemble et motivée par un manque de nouveauté et d'activité inventive de son objet (article 100(a) de la CBE) principalement au vu de l'état de la technique décrit dans les documents suivants :
D1 : DE-C-3 744 868 et
D2 : FR-A-2 679 425.
Au cours de la procédure, la titulaire du brevet a également cité le document suivant :
D4 : US-A-4 600 328
La Division d'opposition a estimé que les motifs invoqués ne s'opposaient pas au maintien du brevet tel que délivré et a rejeté l'opposition.
III. Dans le mémoire exposant les motifs du recours la requérante a notamment fait valoir que le torsadage à gauche des branches de l'âme d'une brosse de maquillage était déjà connu de D1 et qu'un torsadage à gauche de l'âme entraîne nécessairement une torsion à gauche de la masse des poils de la brosse. Elle a également fait valoir que cette caractéristique était dévoilée par D2 et qu'il allait de soi que le fil de l'âme de la brosse divulguée par ce document était replié en épingle à cheveux car l'utilisation de deux fils séparés serait trop dangereuse pour les yeux de l'utilisatrice de la brosse. Selon la requérante, il n'existerait pas de différence technique en ce qui concerne l'efficacité du maquillage obtenu par une brosses torsadée à droite et par une brosse torsadée à gauche et le fait que les brosses actuellement sur le marché soient torsadées à droite résulterait uniquement de ce que les machines utilisées pour fabriquer ce type de brosse tourneraient toutes dans ce sens.
De l'avis de la requérante, l'invention consisterait seulement dans le choix entre deux sens de rotation possibles à savoir le sens habituel, à droite, résultant du sens de rotation des machines existantes et le sens contraire, à gauche, connu de D1 et D2, si bien qu'une activité inventive manquerait à l'évidence.
En réponse, l'intimée (propriétaire du brevet) a fait valoir que D1 et D2 ne donneraient aucune indication explicite sur le sens du torsadage de l'âme de la brosse divulguée, ni aucun enseignement sur la fonction technique attachée à un sens particulier et que les dessins seraient purement schématiques si bien que ni D1, ni D2 n'antérioriserait l'objet de la revendication 1. L'intimée a également insisté sur l'effet technique obtenu par le torsadage à gauche et sur la simplicité de la solution proposée selon l'invention. L'intimée a en outre déposé des requêtes auxiliaires respectivement avec ses lettres du 26. septembre 2000 et du 15 janvier 2001.
IV. Une procédure orale a eu lieu le 21 mars 2001.
La requérante a contesté d'emblée la nouveauté de l'objet de la revendication 1 telle que délivrée vis-à-vis de l'enseignement de D1. Selon la requérante, les figures 5 à 7 de D1 représenteraient clairement un torsadage à gauche et la disposition des nappes de poils revendiquée dans la revendication 1 résulterait nécessairement du sens du torsadage. La requérante a encore fait valoir que D1 n'excluait a priori aucun sens de torsadage et que faire un choix entre une possibilité et son contraire n'impliquerait pas d'activité inventive.
Selon la requérante, dans D2, la configuration en épingle de l'âme de la brosse serait implicite car, pour l'homme du métier, il serait impensable de former l'âme à l'aide de deux fils séparés pour une question de sécurité car des extrémités de fils coupées risqueraient de blesser les yeux de l'utilisatrice de la brosse.
La requérante a également soutenu que D1 n'excluant aucun sens de torsadage, l'homme du métier qui partirait de la brosse divulguée dans ce document aurait le choix entre deux possibilités donc aucune ne serait présentée de manière préférentielle aussi ne serait-il pas inventif de choisir plutôt l'une que l'autre de ces possibilités d'autant plus que, selon la requérante, l'effet prétendument obtenu par l'invention n'existerait pas en réalité. D'après la requérante, un brossier confronté au problème n'aurait qu'a faire un choix entre seulement deux paramètres, le torsadage à gauche n'apportant aucun avantage par rapport au torsadage à droite et vice-versa.
L'intimée a contredit l'ensemble des arguments présentés par la requérante.
V. Requêtes :
En fin de procédure orale , la requérante (opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen EP 0 611 170. L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours (requête principale) ou le maintien du brevet selon l'une des versions auxiliaires déposées par courrier et à l'audience.
VI. La revendication 1 telle que délivrée (requête principale) s'énonce comme suit :
"Brosse de maquillage, en particulier pour appliquer du mascara sur les cils, comportant une âme formée à partir d'un fil métallique recourbé en U et dont les branches sont torsadées pour emprisonner entre elles des poils radiaux, l'âme étant fixée au bout d'une tige, caractérisée par le fait que les branches (4, 5) de l'âme (2) sont torsadées en tournant à gauche, pour former des spires qui, vues suivant l'axe (X) depuis l'extrémité de l'âme fixée dans la tige (6), tournent en sens d'horloge autour de l'axe de l'âme quand on progresse de la tige (6) vers I'extrémité de la brosse, tandis que les poils (3) de la brosse forment des nappes hélicoïdales (S) montant de gauche à droite dans la zone située entre l'âme (2) et un observateur qui tient devant lui la brosse (1) sensiblement verticale avec sa pointe tournée vers le haut."
1. Recevabilité
Le recours est recevable.
2. Requête principale (maintien du brevet tel que délivré)
2.1. Nouveauté (article 54 de la CBE)
2.1.1. Selon une jurisprudence constante des Chambres de recours de l'OEB, il convient d'adopter une approche stricte pour l'appréciation de la nouveauté et, en cas d'ambiguïté ou de doute, d'interpréter le contenu d'une publication antérieure de manière restrictive (cf. décision T 447/92).
Un document de l'état de la technique ne peut donc détruire la nouveauté d'un objet revendiqué que lorsque celui-ci dérive directement et sans aucune équivoque (cf. décision T 511/92) de l'enseignement dudit document qui doit exposer ledit objet de manière claire et non ambiguë (cf. décisions T 450/89 et T 677/91).
2.1.2. Dans le cas présent, D1 n'est pas en mesure d'antérioriser l'objet de la revendication 1 car aucune indication quant au sens du torsadage n'est donnée dans la description de ce brevet antérieur et les dessins censés illustrer la description sont trop schématiques pour que le lecteur puisse se faire une opinion sur le sujet. Par ailleurs, malgré que le torsadage de l'âme de la brosse représentée sur la figure 5 de D1 semble "à gauche", cette brosse est présentée dans la description comme une brosse "classique" (voir D1 : colonne 4, ligne 8) autrement dit des brosses ayant une grande densité de poils relativement souples, et selon les constatations des parties que seulement des torsadages à droite existent sur le marché - normalement torsadée "à droite", ce qui rend la divulgation ambiguë.
En outre, malgré que le torsadage de l'âme des brosses représentées sur les figures 5 à 7 semblent être "à gauche", les nappes hélicoïdales des poils sont représentées descendantes de gauche à droite, ce qui est contradictoire avec un torsadage "à gauche" et rend encore plus confus l'enseignement de D1 sur ce point.
En conséquence, la Chambre considère que l'enseignement du torsadage à gauche de l'âme d'une brosse ne dérive pas "directement et sans aucune équivoque" de l'état de la technique divulgué par D1.
2.1.3. En ce qui concerne D2, il ne peut être nié que, sur les figures 7, 8 et 9 l'âme des brosses est représentée sous la forme d'une torsade à gauche de deux fils et que ladite torsade se termine à son extrémité libre par deux cercles juxtaposés recouverts de hachures croisées.
Selon les conventions de dessin industriel, un hachurage indique une vue "en coupe" et non pas une vue "en bout" de l'extrémité de la torsade qui serait représentée par deux cercles vides, sans hachures. Or, si l'on admet que les extrémités des deux branches de la torsade sont vues "en coupe", cela signifie qu'elles ne se terminent pas par ces sections hachurées mais se prolongent vers l'avant du plan de la figure par une partie non représentée dont la forme ne peut être que supposée et, par conséquent, n'est pas certaine, d'autant plus que dans le domaine concerné l'utilisation de deux fils séparés est connue (EP-A-250 680: page 5, lignes 5 à 9).
En outre, les figures 7, 8 et 9 de D2 représentent des poils de brosse disposés de manière désordonnée qui ne forment pas de "nappes hélicoïdales montant de gauche à droite" comme revendiqué dans la revendication 1 et la Chambre ne peut accepter l'argument de la requérante selon lequel la formation de ces nappes résulterait nécessairement du torsadage de l'âme. En effet, même si, comme suggéré par la requérante, l'aspect désordonné des poils représentés dans D2 peut effectivement provenir de la schématisation qui en est faite, il n'est pas permis pour autant de conclure à une formation nécessaire et automatique des nappes de poils car une telle formation dépend de nombreux facteurs tels que, par exemple, la raideur des poils, la forme de leur section (pleine ou creuse, cylindrique ou en U, etc...) et leur nombre par spire, autant de paramètres que D2 ne décrit pas.
En l'absence d'autres informations, l'objet de la revendication 1 doit donc aussi être considéré comme nouveau vis-à-vis de D2.
2.1.4. Quant au document D4, il divulgue un applicateur de mascara comportant des brosses dont les âmes sont formées de tiges cylindriques (cf. colonne 2, lignes 65-66 et colonne 3, lignes 6 et 7) et non pas de fils torsadés comme selon l'invention.
2.1.5. Aucun des documents cités parmi les plus pertinents ne divulguant en combinaison l'ensemble des caractéristiques décrites dans la revendication 1 du brevet opposé, son objet est nouveau au sens de l'article 54 de la CBE.
2.2. Etat de la technique le plus proche
2.2.1. La Chambre considère que l'état de la technique le plus proche de l'invention est divulgué par D1.
En effet, le problème à résoudre posé dans D1 est similaire à celui posé dans le brevet attaqué à savoir : améliorer la répartition du mascara sur les cils (cf. respectivement D1 : colonne 1, lignes 29 à 36 et colonne 2, lignes 42 à 48 et le fascicule du brevet européen : colonne 1, lignes 13 à 17 et 25 à 28).
En outre, la solution retenue par D1 se concentre exclusivement sur la brosse elle-même, comme dans l'invention, et non pas sur des moyens accessoires tels que des moyens d'essorage (cf. D2).
2.2.2. L'objet de la revendication 1 diffère essentiellement de l'état de la technique révélé dans D1 par le torsadage à gauche des branches de l'âme de la brosse et par la configuration des nappes de poils.
2.3. Problème et solution
Partant d'une brosse telle que divulguée dans D1 et compte tenu des différences énoncées ci-dessus (cf. section 2.2.2), le problème à résoudre apparaît consister à améliorer encore l'aptitude au maquillage de ladite brosse (cf. le brevet opposé : colonne 1, lignes 13 à 18), la solution proposée selon l'invention n'étant plus de jouer, comme dans D1, sur la grosseur des poils utilisés et leur densité par spire (cf. D1 : colonne 2, lignes 54 à 62) mais sur le sens de torsadage et la formation de nappes de poils configurées de manière particulière.
La Chambre est convaincue que la solution selon l'invention permet effectivement de résoudre le problème posé. Il est vrai que l'invention est liée à l'utilisation de la brosse par la main droite de l'utilisatrice, néanmoins il convient d'observer que la plupart des utilisatrices sont droitières et que l'avantage est donc obtenu par la plupart d'entre elles.
2.4. Activité inventive (article 56 de la CBE)
Partant de la brosse selon D1 avec l'intention d'améliorer encore son aptitude au maquillage, l'homme du métier n'a que les enseignements de D2 et de D4 à sa disposition pour arriver à l'invention.
2.4.1. Or, D2 a principalement pour objet non pas une brosse à mascara mais un dispositif d'essorage d'une brosse quelconque à maquillage (cf. D2 : page 1, lignes 1 et 2 et les revendications) représentée seulement schématiquement sur les figures 7 à 9 et décrite brièvement en deux lignes dans la description (cf. page 6, lignes 19 et 20). Les figures 7 à 9 montrent effectivement une brosse dont l'âme est formée de deux fils torsadés à gauche sans qu'il soit toutefois possible de déterminer si la représentation du sens de torsadage a été faite sciemment ou si elle est le fruit du hasard et purement fortuite. En outre, la manière échevelée dont les poils de la brosse sont représentés sur les trois figures précitées montre clairement que le rédacteur de la demande de brevet ne s'est intéressé à la brosse que pour illustrer le fonctionnement de l'essoreur, la brosse elle-même ne présentant pour lui qu'un intérêt tout à fait accessoire et ne faisant pas partie de l'invention décrite dans cette demande.
Par conséquent, l'homme du métier qui cherche à résoudre un problème lié au transfert du mascara de la brosse vers les cils et, par conséquent, essentiellement à la structure de la brosse elle-même, n'aura pas tendance naturellement à s'intéresser à un document tel que D2 qui ignore justement la brosse pour se concentrer sur le transfert du produit du récipient vers la brosse et, par conséquent, sur le dispositif d'essorage équipant le récipient.
En supposant néanmoins que l'homme du métier consulte D2, encore faudrait-il que son attention soit attirée sur le sens de torsadage de l'âme de la brosse, ce qui n'a aucune raison d'être dans la mesure où le sens indiqué dans D2 ne diffère pas du sens montré sur les figures 5 à 7 de D1 (cf. la section 2.1.2. ci-dessus). Et en admettant même que l'homme du métier remarque cette particularité, il n'est pas exclu de penser qu'il la considère comme une erreur de dessin plutôt que comme un enseignement à suivre du fait que, dans D2, aucune explication ne vient justifier une éventuelle inversion du sens habituel et qu'une telle inversion exigerait d'apporter aux machines existantes de coûteuses modifications que l'homme du métier ne pourrait envisager qu'en ayant de sérieuses raisons de le faire lesquelles ne sont pas enseignées par D2.
2.4.2. Quant à l'enseignement de D4, il ne peut que suggérer à l'homme de métier de doubler le nombre de brosses à utiliser pour le maquillage et à "spécialiser" chaque brosse en fonction de l'oeil droit ou gauche à maquiller mais il ne peut en aucun cas guider l'homme de métier en direction de l'invention du fait que les brosses selon D4 ne comportent pas d'âmes torsadées et que les parties de ce document décrivant les brosses et leurs représentations sont à la fois ambiguës et contradictoires. En effet, alors que la figure 2 de D4 montrent deux brosses dont les nappes de poils sont inclinées de manière opposée, les figures 3 et 4, censées représenter respectivement ces mêmes brosses, montrent des nappes inclinées de la même façon. En conséquence, l'homme du métier ne peut tirer de D4 aucun enseignement valable susceptible de l'orienter dans la direction de l'invention.
2.4.3. Il faut aussi tenir compte du fait qu'il s'agit ici d'une construction simple dans un dispositif simple qui assure cependant une amélioration du fonctionnement. Améliorer encore le fonctionnement pour les utilisatrices qui tiennent la brosse de la main droite et cela bien que le nombre d'éléments de la brosse qu'il est possible de modifier soit très limité, peut être considéré comme un indice d'activité inventive.
2.4.4. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre considère que l'objet de la revendication 1 ne découle pas manifestement et logiquement de l'état de la technique et qu'il implique de ce fait une activité inventive au sens de l'article 56 de la CBE.
2.5. Conclusion
L'objet de la revendication 1 est donc brevetable en application de l'article 52 CBE au même titre que l'objet des revendications dépendantes qui lui sont rattachées et le brevet européen n 0 611 170 peut être maintenu tel que délivré.
3. Requêtes auxiliaires
Le brevet pouvant être maintenu conformément à la requête principale de l'intimée, les requêtes subsidiaires n'ont plus de raison d'être et ne seront donc pas prises en considération par la Chambre.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.