T 0651/03 10-05-2007
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Composition de teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant un dérivé de paraphénylènediamine et un dérivé de méta-aminophenol, et procédé de teinture utilisant une telle composition
Bristol-Myers Squibb Company
Wella AG
HENKEL KGaA
KPSS-Kao Professional Salon Services GmbH
Requête principale : recevabilité (non) - tardive - pas clairement admissible - manque de clarté
Requête subsidiaire 1 : recevabilité (non) - tardive - pas clairement admissible - extension de la protection conférée par le brevet
Requête subsidiaire 2 : pas de compétence de la Chambre - prohibition de la reformatio in peius
I. La mention de la délivrance du brevet européen nº 665006 basé sur la demande de brevet européen nº 94402597.2, déposée le 16 novembre 1994 a été publiée le 17 mars 1999.
II. Les opposantes 1 à 4 (respectivement intimées 1 à 4) ont formé chacune une opposition en vue d'obtenir l'entière révocation du brevet pour absence de nouveauté et d'activité inventive (article 100(a) CBE).
III. Par la décision intermédiaire signifiée par voie postale le 31 mars 2003, la division d'opposition a décidé que le brevet amendé sur la base d'un jeu de 7 revendications soumis comme requête subsidiaire 1 lors de la procédure orale devant la division d'opposition le 15 octobre 2002 satisfaisait aux conditions de la CBE. La revendication 1 selon cette requête s'énonce comme suit :
"1. Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, du type comprenant, dans un milieu approprié pour la teinture un seul précurseur de colorant d'oxydation et au moins un coupleur, caractérisée par le fait qu'elle contient, à titre de précurseur de colorant d'oxydation la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine ou l'un de ses sels d'addition avec un acide et le 2-méthyl 5-N-(beta-hydroxyéthylamino) phénol à titre de coupleur ou l'un de ses sels d'addition avec un acide."
IV. La propriétaire du brevet litigieux (requérante) a introduit un recours contre cette décision. Avec une lettre datée du 5 avril 2007 elle a déposé, entre autres, un jeu de revendications à titre de requête subsidiaire 2. Lors de la procédure orale tenue devant la Chambre le 10 mai 2007 la requérante a en outre déposé deux jeux de revendications à titre de requête principale et de requête subsidiaire 1.
La revendication 1 selon la requête principale s'énonce comme suit :
"1. Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, du type comprenant, dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un précurseur de colorant d'oxydation et au moins un coupleur, caractérisée par le fait qu'elle contient, à titre de précurseur de colorant d'oxydation, au moins une paraphénylènediamine de formule (i) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle m est un nombre entier égal à zéro ou 1, et n est un nombre entier compris inclusivement entre 1 et 4, et/ou au moins l'un des sels d'addition de cette paraphénylènediamine de formule (i) avec un acide,
et à titre de coupleur, au moins un méta-aminophénol de formule (II) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R1 désigne un radical alkyle contenant de 1 à 2 atomes de carbone, un radical beta-hydroxyalkyle contenant de 2 à 3 atomes de carbone, et/ou au moins l'un des sels d'addition de ce méta-aminophénol de formule (II) avec un acide,
étant entendu que lorsque dans la formule (i), m désigne zéro, et que dans la formule (II) le radical R1 désigne le radical beta-hydroxyéthyle, alors ladite composition de teinture est exempte d'un précurseur de colorant d'oxydation additionnel qui serait choisi dans le groupe constitué par le 3-méthyl para-aminophénol, le 2-méthyl para-aminophénol et le 2-hydroxyméthyl para-aminophénol,
et caractérisée par le fait qu'elle contient en outre des solvants organiques dans des proportions comprises entre 1 et 40% en poids par rapport au poids total de la composition et la paraphénylènediamine est choisie dans le groupe constitué par la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine et la 2-(beta-hydroxyéthoxy) paraphénylènediamine et leurs sels d'addition avec un acide."
La revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 s'énonce comme suit :
"1. Utilisation pour engendrer des colorations allant du rouge au pourpre d'une composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, comprenant, dans un milieu approprié pour la teinture, à titre de précurseur de colorant d'oxydation, au moins une paraphénylènediamine choisie dans le groupe constitué par la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine et la 2-(beta-hydroxyéthoxy) paraphénylènediamine et leurs sels d'addition avec un acide,
et à titre de coupleur, au moins un méta-aminophénol de formule (II) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R1 désigne un radical alkyle contenant de 1 à 2 atomes de carbone, un radical beta-hydroxyalkyle contenant de 2 à 3 atomes de carbone, et/ou au moins l'un des sels d'addition de ce méta-aminophénol de formule (II) avec un acide,
étant entendu que lorsque la paraphénylènediamine est la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine et que dans la formule (II) le radical R1 désigne le radical beta-hydroxyéthyle, alors ladite composition de teinture est exempte d'un précurseur de colorant d'oxydation additionnel qui serait choisi dans le groupe constitué par le 3-méthyl para-aminophénol, le 2-méthyl para-aminophénol et le 2-hydroxyméthyl para-aminophénol,
et caractérisée par le fait qu'elle contient en outre des solvants organiques dans des proportions comprises entre 1 et 40% en poids par rapport au poids total de la composition."
La requête subsidiaire 2 correspond à la requête subsidiaire 1 sur la base de laquelle la division d'opposition a décidé par la décision intermédiaire contestée que le brevet amendée satisfaisait aux conditions de la CBE (voir le point III dessus).
V. L'intimée 4 qui avait requis avec une lettre datée du 2 avril 2002 que son opposition soit transférée à la société "The Procter and Gamble Company" a expressément renoncé à cette requête lors de la procédure orale tenue devant la Chambre.
VI. La procédure orale s'est tenue devant la Chambre en l'absence de l'intimée 2 qui avait indiqué dans sa lettre datée du 23 avril 2007 qu'elle n'y participerait pas.
VII. Selon la requérante la modification de la revendication 1 selon la requête principale n'entrainait aucun manque de clarté. En effet, l'intitulé de la revendication ne laissait subsister aucun doute quant au fait que la formule (i) avait été réduite à deux composés seulement, à savoir la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine et la 2-(beta-hydroxyéthoxy) paraphénylènediamine et leurs sels d'addition avec un acide. La requête principale devait donc être admise dans la procédure malgré son dépôt tardif. L'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 était déjà protégé par les revendications du brevet tel que délivré puisque ce dernier incluait des revendications de procédé de coloration des fibres kératiniques. Cette revendication était donc en conformité avec les exigences de l'article 123(3) CBE. La requête subsidiaire 1 devait donc également être admise dans la procédure. La requête subsidiaire 2 correspondait à la requête maintenue par la division d'opposition dans la décision contestée.
VIII. Selon les intimées 1, 3 et 4 la modification de la revendication 1 selon la requête principale engendrait une contradiction quant à l'identification des précurseurs de formule (i). Cette revendication n'était pas claire et au vu de son dépôt tardif ne devait donc pas être admise dans la procédure. Le changement de catégorie des revendications selon la requête subsidiaire 1, à savoir la modification des revendications de produit en revendications d'utilisation donnait lieu à plusieurs objections notamment au titre des articles 84, 123 (2) et (3) CBE. Cette requête déposée à un stade tardif de la procédure n'était pas clairement admissible et devait donc être rejetée.
IX. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur le fondement de sa requête principale ou de sa requête subsidiaire 1 l'une et l'autre déposées pendant la procédure orale devant la Chambre, ou encore de sa requête subsidiaire 2 déposée avec la lettre du 10 avril 2007.
Les intimées demandent le rejet du recours.
X. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
1. Le recours est recevable.
Question de procédure
2. La requête principale et la requête subsidiaire 1 n'ont été soumises par la requérante qu'au cours de la procédure orale devant la Chambre et n'avaient jamais été déposées devant l'instance du premier degré. Alors que la revendication 1 selon la requête principale n'a été modifiée que lors de la procédure orale devant la Chambre, celle selon la requête subsidiaire 1 correspond à la revendication 1 d'une requête subsidiaire qui avait été déposée le 10 avril 2007, donc juste un mois avant la tenue de la procédure orale devant la Chambre. Il est donc incontestable que ces deux requêtes n'ont pas été présentées en temps utile et sont par conséquent tardives.
Les intimées 1, 3 et 4 ont émis des objections quant à la recevabilité de ces requêtes au vu de leur dépôt tardif et du fait qu'elles ne rempliraient pas clairement les exigences des articles 84 et 123 (2) et (3) CBE.
Dans ces circonstances il se pose la question de la recevabilité de chacune de ces requêtes.
Dans sa décision G 9/91 (JO OEB 1993, 408, point 18 de l'exposé des motifs), la Grande Chambre de recours a déclaré que la finalité de la procédure de recours inter partes était principalement d'offrir à la partie déboutée la possibilité de contester le bien-fondé de la décision de la division d'opposition. Un titulaire de brevet débouté devant la division d'opposition a donc le droit de demander à la chambre de recours de réexaminer les requêtes qui ont été rejetées ou d'en présenter de nouvelles en temps utile dans la procédure de recours, à savoir notamment avec son mémoire de recours ou avec sa réponse au mémoire de recours.
Si, toutefois, le titulaire du brevet veut que d'autres requêtes soient examinées, leur admission dans la procédure est laissée à la discrétion de la chambre de recours ; il ne s'agit pas là d'un droit absolu de la propriétaire/requérante (voir la décision T 840/93, JO OEB 1996, 335, point 3.1).
Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire laissé à la chambre d'admettre ou non des requêtes qui n'avaient pas été présentées en temps utile, les critères établis par la jurisprudence constante des Chambres de Recours imposent que telles requêtes soient clairement admissibles, que leur dépôt ne constitue pas un abus processuel tactique et que les revendications modifiées selon ces requêtes n'engendrent pas quand à l'appréciation de la brevetabilité, une situation si nouvelle qu'il ne puisse raisonnablement être présumé que l'autre partie l'ait pue prendre en considération sans que la procédure soit rallongée de façon indue (voir décisions T 153/85 JO OEB 1988, 1 ; T 951/91 JO OEB 1995, 202 ; T 427/99, point 3.1 des raisons, non publiée au JO OEB).
Requête principale
3. Recevabilité
3.1 Selon les intimées 1, 3 et 4 la revendication 1 manquait de clarté puisqu'elle contenait une contradiction quand à la définition du précurseur de coloration.
3.2 Bien que le manque de clarté ne constitue pas un motif d'opposition au titre de l'article 100 CBE, l'article 102(3) CBE stipule que le brevet litigieux peut être maintenu si compte tenu des modifications apportées à ce dernier au cours de la procédure d'opposition (de recours) le brevet et l'invention qui ont fait l'objet satisfont aux conditions de la CBE. Ainsi, selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours, la Chambre a le pouvoir d'examiner une objection sur le fondement de l'article 84 CBE, dans la mesure où l'objection porte sur les modifications introduites dans le brevet tel que délivré (voir les décisions G 9/91, JO OEB 1993, 408, point 19 des raisons ; T 301/87, JO OEB 1990, 335, point 3.8 des raisons). Par conséquent, la Chambre doit examiner si les modifications de la revendication 1 remplissent les conditions de clarté énoncées à l'article 84 CBE.
3.3 Selon la revendication 1 de la requête principale, la composition de teinture d'oxydation contient à titre de précurseur de colorant d'oxydation au moins une paraphénylènediamine de formule (i). La revendication a cependant été modifiée en incorporant une autre définition pour la paraphénylène diamine, à savoir que cette dernière est choisie dans le groupe constitué par la 2-(beta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine et la 2-(beta-hydroxyéthoxy) paraphénylènediamine et leurs sels d'addition avec un acide.
Par la modification qui y a été apportée, la revendication 1 contient deux définitions pour le même composant, à savoir une première définition constituée par la formule (i) et une seconde restreinte à deux composés spécifiques et leurs sels d'addition avec un acide. La coexistence de deux définitions distinctes pour un même composant crée un manque de clarté dans la mesure où il ne peut être établi sans ambiguïté si l'une ou l'autre, ou encore les deux définitions à la fois, s'appliquent lorsqu'il s'agit de déterminer si une composition donnée tombe ou non sous l'intitulé de la revendication.
3.4 Par conséquent, la revendication 1 selon la requête principale a été déposée tardivement et n'est pas clairement admissible. La Chambre décide donc en vertu du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose de ne pas admettre cette requête dans la procédure (voir le point 2 dessus).
Requête subsidiaire 1
4. Recevabilité
4.1 La revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 a été modifiée, entre autre, en changeant la catégorie de la revendication, à savoir en transformant la revendication de produit en une revendication d'utilisation. Dès lors il se pose la question de savoir si cette modification n'étend pas la protection conféré par le brevet tel que délivré, ce qui serait contraire aux exigences de l'article 123(3) CBE.
4.2 Il existe deux catégories de revendications d'utilisation à savoir :
(i) l'utilisation d'une entité physique pour atteindre un effet et
(ii) l'utilisation d'une entité physique pour produire une autre entité physique.
Une revendication d'utilisation de la catégorie (ii) équivaut, sur le plan conceptuel, à une revendication relative à un procédé comportant une étape au cours de laquelle est utilisé l'entité physique pour générer un produit. En vertu de l'article 64(2) CBE la protection conférée par une telle revendication de procédé s'étend à tout produit directement obtenu par ce procédé (voir la décision G 2/88, JO OEB 1990, 93, point 5.1 des raisons). Dans le cas d'espèce, la revendication 1 modifiée concerne l'utilisation d'une composition de teinture par oxydation pour fibres kératiniques avec le but d'engendrer des colorations allant du rouge au pourpre. Cette revendication est une revendication d'utilisation de la catégorie (ii) dans la mesure où elle comporte une étape de procédé dans laquelle une entité physique, à savoir une composition de teinture d'oxydation, engendre une autre entité physique, à savoir une coloration allant du rouge au pourpre sur un support qui n'est pas défini par la revendication. Ainsi la revendication 1 tend en vertu de l'article 64(2) CBE à une protection non seulement de l'utilisation de la composition de teinture d'oxydation mais également de tout objet portant coloration allant du rouge au pourpre directement obtenu par l'utilisation de la composition. La requérante a soutenu que l'utilisation ne concernait que la coloration de fibres kératiniques. Cependant, la revendication d'utilisation 1 n'est pas restreinte à une utilisation sur des fibres kératiniques. En effet, l'expression "pour fibres kératiniques" n'est dans la revendication 1 qu'un attribut de la composition de teinture et ne restreint point l'utilisation de cette dernière à la coloration de ce support particulier. Cet argument de la requérante doit donc être rejeté.
4.3 Il se pose ainsi la question de savoir si les revendications du brevet tel que délivré conféraient déjà une protection pour tout objet portant la coloration allant du rouge au pourpre directement obtenu par l'utilisation de la composition de teinture d'oxydation.
Les revendications 1 et 10 du brevet tel que délivré concernent respectivement une composition de teinture d'oxydation per se et un dispositif la comprenant. Un brevet qui revendique un produit en tant que tel confère une protection absolue à ce produit et cela, en toutes circonstances et dans n'importe quel contexte (voir la décision G 2/88, loc. cit., point 5 des raisons). Ces revendications de composition et de dispositif confèrent donc une protection à la composition et au dispositif revendiqués ainsi qu'à toutes leurs utilisations. Elles ne confèrent cependant pas de protection pour tout objet portant la coloration allant du rouge au pourpre, protégé par la revendication 1 modifiée selon la requête subsidiaire 1.
Les revendications 9 et 11 du brevet tel que délivré concernent respectivement un procédé de teinture des fibres kératiniques et l'utilisation d'une composition pour teindre des fibres kératiniques. Ces revendications sont donc restreintes à la coloration d'un support particulier, à savoir des fibres kératiniques. Elles ne confèrent donc nullement une protection à la coloration d'un support quelconque et par tant à tout support coloré.
Ainsi, dans le cas d'espèce le passage de la revendication 1 de produit du brevet tel que délivré à la revendication 1 d'utilisation selon la requête subsidiaire 1 étend la protection conférée par le brevet tel que délivré et par conséquent contrevient aux exigences de l'article 123(3) CBE.
4.4 Par conséquent, cette requête déposée tardivement n'est pas clairement admissible. La Chambre décide donc en vertu du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose de ne pas l'admettre dans la procédure (voir le point 2 dessus).
Requête subsidiaire 2
5. La requête subsidiaire 2 correspond à la requête maintenue par la division d'opposition dans la décision intermédiaire contestée. Dès lors que la propriétaire du brevet litigieux est la seule requérante, ni la Chambre de recours, ni les intimées ne peuvent en contester le texte tel qu'approuvé dans cette décision par l'effet même du principe de la prohibition de la reformatio in peius (voir la décision G 9/92, JO OEB 1994, 875, point 14 des raisons). La Chambre n'a donc pas de compétence pour examiner cette requête.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.