T 0530/04 (Transformation de la betterave/BAYER) 10-11-2005
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Transformation génétique et régénération de la betterave sucrière
Validité du droit de priorité - oui
Nouveauté - oui
Activité inventive - oui
I. Un recours a été formé par l'opposante (requérante) contre la décision de la division d'opposition en date du 4 février 2004 qui a rejeté, conformément aux dispositions de l'article 102(2) CBE, l'opposition qu'elle avait formée à l'encontre du brevet européen nº 0 517 833. Ayant pour titre "Transformation génétique et régénération de la betterave sucrière", ce brevet avait été délivré sur la base de la demande de brevet européen nº 91 906 203.4 (publiée sous le numéro WO 91/13159). Il se prévalait de la priorité du dépôt en date du 2 mars 1990 des demandes de brevet français FR 90/02686 et FR 90/02687.
II. Le brevet tel que délivré comportait 42 revendications.
Les revendications 1 et 2 étaient libellées de la manière suivante :
"1. Procédé de transformation de cellules végétales appartenant à l'espèce Beta vulgaris caractérisé en ce qu'il comprend la mise en contact d'une dispersion de cals blancs friables dans un milieu de culture cellulaire végétale liquide contenant 0 à environ 3.0 mgL**(-1)d'une cytokine, ou d'une suspension de cals blancs friables dans un milieu de culture cellulaire végétale liquide contenant environ 0.1 à environ 3.0 mgL**(1)d'une cytokinine, avec Agrobacterium contenant un vecteur portant un gène destiné à être introduit dans les cellules végétales, suivie de coculture des cellules végétales et des bactéries pour donner lieu à des cals friables transformés."
(la portion de phrase en gras a été mise en évidence par la Chambre ; voir la section XI infra, au sujet de la revendication 1 du 10 novembre 2005)
"2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes successives suivantes
I) induction de cals friables à partir d'explant ;
II) dispersion des cals dans un milieu de culture cellulaire végétale liquide contenant 0 à environ 3.0 mgl**(1)d'une cytokinine, ou obtention d'une suspension cellulaire à partir des cals dans un milieu de culture cellulaire végétale liquide contenant environ 0.1 à environ 3.0 mgl**(1)d'une cytokinine ;
III) mise en contact de la dispersion ou de la suspension cellulaire, avec Agrobacterium tumefaciens contenant un vecteur portant un gène destiné à être introduit dans les cellules végétales, suivie de coculture des cellules végétales et des bactéries ;
IV) lavage des cellules végétales pour éliminer les bactéries et sélection des cellules transformées sur un milieu sélectif ;
V) culture des cellules transformées sélectionnées pour obtenir des cals friables transformés."
(les portions de phrase en gras ont été mises en évidence par la Chambre ; voir la section XI infra, au sujet de la revendication 2 du 10 novembre 2005)
Les revendications 3 à 12 étaient en relation de dépendance vis-à-vis de l'une quelconque des revendications 1 et 2 et concernaient des modes de réalisation particuliers de leur objet. La revendication 13 visait un procédé de régénération de bourgeons et/ou d'embryons transgéniques appartenant à l'espèce Beta vulgaris caractérisé notamment en ce qu'il comprenait une étape d'obtention de cals friables transformés selon l'une quelconque des revendications 1 à 12. La revendication 14 était en relation de dépendance vis-à-vis de la revendication 13 et concernait un mode de réalisation particulier de son objet. La revendication 15 concernait un procédé de régénération de plantes transgéniques appartenant à l'espèce Beta vulgaris caractérisé notamment en ce qu'il comprenait une étape de régénération de bourgeons et/ou d'embryons transgéniques selon le procédé de la revendication 13. La revendication 16 visait un procédé de production de graines de plantes transgéniques appartenant à l'espèce Beta vulgaris caractérisé en ce qu'il comprenait notamment une étape de régénération de plantes transgéniques selon le procédé de la revendication 15. La revendication 17 concernait des cals friables transformés appartenant à l'espèce Beta vulgaris et pouvant être produits selon l'une quelconque des revendications 1 à 12. La revendication 18 visait des bourgeons et/ou des embryons transgéniques appartenant à l'espèce Beta vulgaris et pouvant être produits selon l'une des revendications 13 et 14.
La revendication 19 était libellée de la manière suivante :
"19. Plantes transgéniques appartenant à l'espèce Beta vulgaris et pouvant être produits selon le procédé de la revendication 15".
La revendication 20 visait des graines transgéniques appartenant à l'espèce Beta vulgaris et pouvant être produites selon la revendication 16. La revendication 21 concernait une plante transgénique appartenant à l'espèce Beta vulgaris et résistante à l'infection par le virus des nervures jaunes et nécrotiques de la betterave à sucre. Les revendications 22 à 39 étaient en relation de dépendance vis-à-vis de la revendication 21 et concernait des modes de réalisation particuliers de son objet. La revendication 40 visait des graines transgéniques de plantes transgéniques selon l'une quelconque des revendications 21 à 39. La revendication 41 concernait des graines de plantes transgéniques selon l'une quelconque des revendications 19 ou 21 à 39, comprenant des graines transgéniques selon la revendication 40. La revendication 42 visait un procédé de production de plantes transgéniques appartenant à l'espèce Beta vulgaris et résistantes à l'infection par le virus des nervures jaunes et nécrotiques de la betterave à sucre, ledit procédé comprenant la transformation, selon le procédé de l'une quelconque des revendications 1 à 12, de cellules provenant de Beta vulgaris avec un des fragments d'acide nucléique décrits dans l'une quelconque des revendications 21 à 36.
III. L'opposition était fondée sur les motifs de l'article 100(a) CBE, ayant été considéré que l'objet du brevet n'était pas brevetable aux termes des articles 54 CBE, en raison d'un manque de nouveauté, et 56 CBE, en raison d'un manque d'activité inventive.
IV. Dans son mémoire de recours, la requérante contestait la nouveauté de la revendication 1 telle que délivrée et considérait également que l'objet de la revendication 19 telle que délivrée avait été divulgué dans les termes du document D20 (voir section XII infra), cité pour la première fois dans la procédure, lors d'un congrès tenu les 14 et 15 février 1990. Elle contestait également le fait que la revendication 1 puisse impliquer une activité inventive.
V. En réponse au mémoire de recours, le 3 janvier 2005, la titulaire du brevet (l'intimée) déniait la pertinence des arguments présentés par la requérante et demandait que le document D20, nouvellement cité par la requérante, ne soit pas introduit dans la procédure.
VI. Le 21 juillet 2005, la Chambre exposait dans une notification, établie selon l'article 11(1) du règlement de procédure des Chambres de recours, une opinion provisoire.
VII. Dans une lettre du 14 septembre 2005, la requérante mettait en cause la validité de la date de priorité dont se prévalait le brevet et soumettait les nouveaux documents D22, D23 et D24. Elle demandait également que la Chambre, faisant application des dispositions de l'article 117(3)(a) CBE, convoque au moins l'un des auteurs du document D20 pour recueillir son témoignage, de manière à établir le contenu de la divulgation intervenue lors dudit congrès.
VIII. Le 10 octobre 2005, l'intimée demandait que les documents D22 à D24 ne soient pas non plus introduits dans la procédure et que la requête concernant la convocation des auteurs du document D20 soit refusée. Elle soumettait également de nouvelles revendications sous la forme de deux requêtes auxiliaires.
IX. Le 14 octobre 2005, la chambre dans une notification prenait position au sujet de la requête de la requérante demandant la convocation d'au moins l'un des auteurs du document D20.
X. Au cours de la procédure orale qui s'est tenue le 10 novembre 2005, l'intimée a présenté une nouvelle requête, intitulée requête principale, avec 40 revendications, en remplacement de la requête principale alors au dossier (c'est-à-dire les revendications telles que délivrées) et des deux requêtes auxiliaires du 10 octobre 2005.
XI. La nouvelle requête principale avait été dérivée des revendications telles que délivrées par la modification des revendications 1 et 2, la suppression des revendications 5 et 6 ainsi que la renumérotation des revendications 7 à 42.
Les revendications 1 et 2 étaient formulées de la manière suivante :
"1. Procédé de transformation de cellules végétales appartenant à l'espèce Beta vulgaris caractérisé en ce qu'il comprend la mise en contact d'une dispersion de cals blancs friables dans un milieu de culture cellulaire végétale liquide contenant 0 à environ 3.0 mgL**(1)d'une cytokine,, avec Agrobacterium tumefaciens contenant un vecteur portant un gène destiné à être introduit dans les cellules végétales, suivie de coculture des cellules végétales et des bactéries pour donner lieu à des cals friables transformés."
(le mot en gras a été mis en évidence par la Chambre ; il ne figurait pas dans la revendication 1 telle que délivrée ; par contre une portion de phrase de la revendication 1 telle que délivrée a été supprimée - voir la section II supra, où cette portion de phrase apparaît en gras)
"2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes successives suivantes
I) induction de cals friables à partir d'explant ;
II) dispersion des cals dans un milieu de culture cellulaire végétale liquide contenant 0 à environ 3.0 mgl**(1)d'une cytokinine,;
III) mise en contact de la dispersion, avec Agrobacterium tumefaciens contenant un vecteur portant un gène destiné à être introduit dans les cellules végétales, suivie de coculture des cellules végétales et des bactéries ;
IV) lavage des cellules végétales pour éliminer les bactéries et sélection des cellules transformées sur un milieu sélectif ;
V) culture des cellules transformées sélectionnées pour obtenir des cals friables transformés."
(la revendication 2 diffère de la revendication 2 telle que délivrée en ce que deux portions de phrase ont été supprimées - voir la section II supra, où ces portions de phrase apparaissent en gras)
Les revendications 3 et 4 et les revendications 5 à 16 correspondaient respectivement aux revendications 3 et 4 et aux revendications 7 à 18 telles que délivrées.
La revendication 17 qui correspondait à la revendication 19 telle que délivrée était formulée de la manière suivante :
"17. Plantes transgéniques appartenant à l'espèce Beta vulgaris et pouvant être produits selon le procédé de la revendication 13."
Les revendications 18 à 40 correspondaient aux revendications 20 à 42 telles que délivrées.
XII. Les documents suivants sont mentionnés dans la présente décision :
(D3) Lettre en date du 30 juin 1989 adressée par le Cabinet du ministre danois de l'environnement à la firme Danisco A/S, Pages 1 à 20
(D6) J. W. Saunders and W. P. Doley, J. Plant Physiol., Vol. 124, 1986, Pages 473 to 479
(D7) J. Botterman and J. Leemans, 1989 BCPC Mono. No. 42, Amino Acid Biosynthesis Inhibitors, Pages 63 to 68
(D8) Kathleen D'Halluin et al., Bio/Technology, Vol. 10, March 1992, Pages 309 to 314
(D9 M. De Block et al., The EMBO Journal, Vol. 6, No. 9, 1987, Pages 2513 to 2518
(D10) G. A. Ritchie et al., Journal of Experimental Botany, Vol. 40, NO. 211, February 1989, Pages 277 to 283
(D13) F. A. Krens et al., Euphytica, 1988, Pages 185 to 194
(D14) J. Perret et al., Compte-Rendus du 50e Congrès d'Hiver de l'Institut International de Recherches Betteravières, Bruxelles, Palais des Congrès, 11 et 12 février 1987, Pages 165 à 185
(D17) John Newbury et al., Beet Review, Vol. 57, No. 4, 1989, Pages 41 to 45
(D20) P. Perez et al., Compte-Rendus du 53e Congrès d'Hiver de l'Institut International de Recherches Betteravières, Bruxelles, Palais des Congrès, 14 et 15 février 1990, Avant-propos, Table des matières, et Pages 47 à 52
(D22) Jean Kallerhoff et al., Plant Cell Reports, Vol. 9, 1990, Pages 224 à 228
XIII. Les arguments présentés par la requérante tant par écrit qu'au cours de la procédure orale, pour autant qu'ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent être résumés comme suit en ce qui concerne les revendications 1 et 17 de la requête du 10 novembre 2005 :
Revendication 1
Nouveauté
Il n'y avait aucune raison pour ne pas considérer que les cals décrits dans le document D6 n'étaient pas ceux décrits à la page 178 du document D14. Il était vrai qu'il n'était pas dit que les cals du document D6 étaient blancs, mais le brevet suivait l'enseignement du document D6. Comme des cals blancs étaient obtenus dans le brevet, nécessairement les cals décrits dans le document D6 étaient blancs, ce qui paraissait d'autant plus vraisemblable que dans le document D6 les cultures étaient faites à l'obscurité. Le document D6 et le brevet décrivaient les mêmes cals. Le document D10 (voir page 277) confirmait explicitement que les cals du document D6 étaient blancs et friables. Le dernier paragraphe de la page 182 du document D14 décrivait donc des expériences de transformation mettant en oeuvre le procédé de la revendication 1.
Activité inventive
Il était évident que l'homme du métier ayant lu le document D14 aurait été assurément incité à considérer que les cals blancs et friables du document D6 constituaient un matériel de départ approprié pour la transformation.
Partant du document D14 l'homme du métier serait donc arrivé au procédé de l'invention.
Revendication 17
Nouveauté
Le mot "transgéniques" n'impliquait pas que les plantes revendiquées aient une quelconque caractéristique technique qui aurait permis de les différencier de plantes issues du croisement de deux variétés effectué selon les techniques classiques utilisées pour la création des obtentions végétales. Et ce d'autant plus que la transgénèse n'excluait pas le transfert d'un gène déjà présent dans la plante à transformer.
Le document D3 décrivait des betteraves sucrières transgéniques obtenues après transformation par Agrobacterium (voir en page 2 le premier paragraphe du point I et en page 5 le dernier paragraphe de la section du point III intitulée "Inserted genes"). L'homme du métier aurait pu réobtenir ces betteraves. Il se déduisait du document que des betteraves transgéniques avaient été rendues accessibles au public avant la date de priorité.
Le document D7 rapportait que des betteraves transgéniques avaient été obtenues en se conformant à la méthode décrite dans le document D9 pour l'obtention de tabacs, de tomates et de pommes de terre transgéniques.
C'était à l'intimée que la charge de la preuve incombait pour démontrer que la description du document D9 était insuffisante pour permettre l'obtention de betteraves transgéniques.
Le document D17 décrivait en sa page 42, qu'il convenait d'interpréter à l'aide de l'encart de la page 45, une méthode permettant l'obtention de betteraves transgéniques. La figure 4 à la page 44 comportait une photographie d'un plant de betterave transgénique.
L'intimée n'avait pas non plus présenté d'éléments de preuve susceptibles d'établir que la méthode décrite dans la légende de la figure 2a et dans l'encart de la page 45 du document D17 était inopérante pour l'obtention de betteraves transgéniques.
Activité inventive
Le document D8 indiquait que des rapports précédents avaient montré que la régénération de la betterave était difficile à reproduire, imprédictible et très dépendante du génotype. Or les expériences décrites dans le brevet n'avaient concerné qu'une seule variété. Une solution au problème technique sous-jacent à la revendication 17 n'avait donc été apporté que pour cette variété.
Il était très incertain que des betteraves transgéniques autres que celles qui étaient le produit direct de la mise en oeuvre du procédé de la revendication 13 puissent être obtenues par l'homme du métier. Par conséquent, le problème technique sous-jacent à la revendication 17 n'avait pas été résolu pour l'ensemble des modes de réalisation couverts par la revendication 17.
Le document D14 exprimait clairement l'avis que l'on s'attendait à ce que des betteraves transgéniques soient obtenues.
XIV. Les arguments présentés par l'intimée tant par écrit qu'au cours de la procédure orale, pour autant qu'ils sont pertinents pour la présente décision, peuvent être résumés comme suit en ce qui concerne les revendications 1 et 17 de la requête du 10 novembre 2005 :
Revendication 1
Nouveauté
Le document D14 ne décrivait ni cals blancs friables ni dispersions de tels cals ni a fortiori la transformation de tels cals. Le document D14 ne décrivait pas non plus de manière explicite ou implicite la mise en coculture de bactéries de l'espèce Agrobacterium tumefaciens et d'une dispersion de cals blancs et friables. Des cals friables étaient effectivement mentionnés dans le document D14 mais la référence au document D6 n'autorisait pas à conclure qu'il s'agissait de cals blancs.
Activité inventive
Le noyau de l'invention était l'obtention d'une quantité importante de matière transformée. Le problème technique résolu par l'invention pouvait être vu dans la production d'une matière hautement régénérable pour produire des betteraves transgéniques. La solution proposée par la revendication 1 n'était pas évidente, s'agissant tant du choix de cals blancs et friables comme matériel de départ que du choix de les utiliser sous la forme d'une dispersion.
Les cals étant des tissus non différenciés n'ayant pas subi de blessure, il n'était pas évident qu'ils puissent être transformés.
Le brevet ne faisait référence à la méthode de Saunders et Doley décrite dans le document D6 que seulement pour indiquer que l'on partait de disques foliaires et d'un milieu contenant une cytokinine. Les cals blancs et friables du brevet n'étaient pas ceux décrits dans le document D6 car les procédés d'obtention n'étaient pas les mêmes. A l'exemple 9 du brevet, les cals étaient conservés à l'obscurité pendant 30 jours, puis ils étaient mis dans une chambre de culture avec une exposition à un éclairage. Les cals du document D6 n'étaient pas soumis à une telle exposition.
Dans le brevet, il était important d'utiliser des cals blancs et friables. La dispersion de ces cals dans un milieu liquide permettait la dissociation du matériel cellulaire et la cohabitation de cals noduleux avec des cals habitués. Les cellules des cals noduleux, sans qu'il ne soit nécessaire de les séparer des cals habitués, entrant en contact avec des bactéries de l'espèce Agrobacterium tumefaciens, étaient celles qui se développaient le plus rapidement.
Revendication 17
Nouveauté
Une plante transgénique était une plante dont toutes les cellules contenaient un transgène, c'est-à-dire un gène qui lui était étranger et que l'on avait introduit délibérément. Le mot "transgène" excluait l'utilisation d'un gène endogéne de la betterave à sucre.
Le document D3 ne contenait aucune indication qui aurait permis de déterminer si les betteraves transformées avaient été mises à la disposition du public et aucune information quant au procédé ayant permis leur obtention.
Le document D7 faisait bien référence à des betteraves transgéniques mais il était silencieux quant à la manière dont ces betteraves avaient été obtenues. Certes le document D9 était mentionné dans le document D7 mais il ne concernait en aucune manière la betterave.
La méthode décrite à la figure 2a du document D17 ne permettait pas d'obtenir une betterave transgénique. Il était indiqué dans l'encart de la page 45 que le transfert de gène avait lieu sur les bords du disque foliaire, ce qui indiquait qu'il fallait une lésion cellulaire. Pour la betterave, l'intimée avait démontré que c'était exactement le contraire. La transformation se faisait sur des tissus non lésés, comme l'étaient les cals blancs et friables. Une blessure donnait naissance à un cal compact incapable de régénération. Ni dans la légende de la figure 2a ni dans l'encart de la page 45, il n'était fait référence d'une quelconque manière au milieu de culture à mettre en oeuvre. Enfin, la photographie de la figure 4 de la page 44, pour autant qu'elle représentait un plant de betterave transgénique, ne délivrait aucune information qui eut rendu possible sa réobtention par l'homme du métier.
Activité inventive
L'invention avait permis pour la première fois l'obtention de betteraves transgéniques grâce à la mise au point d'un procédé de transformation et de régénération spécifique. Le breveté avait donc droit à une revendication couvrant toute plante transgénique de l'espèce Beta vulgaris qu'elle soit directement obtenue par la mise en oeuvre de ce procédé ou que, bien que susceptible d'être obtenue par ce procédé, elle soit effectivement obtenue par un autre procédé.
XV. La requérante (opposante) demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen nº 0 517 833.
XVI. L'intimée (titulaire du brevet) demande que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu avec les revendications de la requête principale déposées pendant la procédure orale.
Aspects procéduraux
1. Dans une première phase de la procédure orale, l'admissibilité des documents D20 et D22 dans la procédure de recours a été discutée. Mais, comme au cours de la procédure orale, la requérante a finalement renoncé à se référer au document D20 et, la Chambre ayant conclu que la priorité avait été valablement revendiquée (voir points 4 à 8 infra), le document D22 qui avait été publié dans l'intervalle de priorité n'a pas pu être pris en compte, il n'est pas nécessaire aux fins de la présente décision de développer ce point de procédure.
Conformité des revendications avec les conditions de forme des articles 84 (clarté) et 123 CBE
2. Seules les revendications 1 et 2 se différencient d'une manière affectant leur rédaction des revendications délivrées qui leur sont homologues. Une modification n'a concerné que la revendication 1. Elle a consisté en la limitation du genre Agrobacterium à la seule espèce Agrobacterium tumefaciens. Une autre modification a concerné les revendications 1 et 2. Elle a consisté à supprimer l'un des deux modes de réalisation alternatifs que comportaient ces revendications. Seul est à présent revendiqué un procédé se fondant sur la mise en contact avec les bactéries de cals blancs friables sous la forme d'une dispersion. Le mode de réalisation se fondant sur la mise en contact avec les bactéries de cals blancs friables sous la forme d'une suspension n'est plus revendiqué.
3. Par nature, de telles modifications n'ont introduit aucun manque de clarté ni apporté une quelconque matière nouvelle. Parce qu'elles ont conduit à limiter l'objet revendiqué à certains aspects présents dans les revendications telles que délivrées, elles n'ont pas non plus étendu la protection conférée par le brevet tel que délivré. Il est donc satisfait tant à la condition de clarté de l'article 84 CBE qu'aux conditions des paragraphes 2 et 3 de l'article 123 CBE.
Conditions de l'article 87(1) et 89 CBE
4. La requérante a contesté le fait que la revendication 1 puisse bénéficier de la date de priorité revendiquée, soit le 2 mars 1990.
5. En page 5 (à partir de la ligne 30) et en page 6 (de la ligne 1 à la ligne 21) du document de priorité FR 90/02686 est décrit un procédé de transformation de cellules végétales appartenant à l'espèce Beta vulgaris (voir page 5, lignes 32 et 33) caractérisé en ce qu'il comprend notamment la mise en contact d'une dispersion de cals blancs friables dans un milieu de culture cellulaire végétale liquide contenant 0 à environ 3.0 mgl**(1)d'une cytokinine avec Agrobacterium tumefaciens contenant un vecteur portant un gène destiné à être introduit dans les cellules végétales, suivie de coculture des cellules végétales et des bactéries (voir page 6, lignes 3 à 15), le procédé étant conçu pour in fine donner lieu à des cals friables transformés (comme indiqué à la ligne 21 de la page 6). Toutes les caractéristiques ainsi énumérées sont celles du procédé de la revendication 1.
6. Le texte de la page 6 du document de priorité ajoute après la coculture trois étapes, à savoir une étape de lavage des cellules végétales, une étape de sélection des cellules transformées et une étape de culture des cellules transformées sélectionnées. Mais l'homme du métier aurait réalisé qu'il ne s'agit pas là d'étapes indispensables. Au contraire l'homme du métier aurait réalisé immédiatement que la transformation des cellules végétales est effective à la fin de l'étape de coculture. Ce faisant, l'homme du métier peut déduire directement et sans ambiguïté des pages 5 et 6 du document de priorité l'objet de la revendication 1 du brevet.
7. En conséquence, si l'on prend en considération l'objet de la revendication 1 du brevet, c'est bien la même invention qui est revendiquée dans le brevet et divulguée dans le document de priorité FR 90/02686. Il s'en suit que la validité du droit de priorité doit être reconnue (voir article 87(1) CBE) et que, par l'effet du droit de priorité, la date de priorité, soit le 2 mars 1990, doit être considérée comme celle du dépôt de la demande de brevet européen pour l'application de l'article 54, paragraphes 2 et 3 CBE (voir article 89 CBE).
8. De ce fait, les documents publiés dans l'intervalle de priorité, notamment le document D22, n'appartiennent pas à l'état de la technique à prendre en considération pour l'examen de la nouveauté et de l'activité inventive.
Revendication 1
Nouveauté (article 54 CBE)
9. A l'encontre de la nouveauté de la revendication 1, la requérante a cité le document D14.
10. Le document D14 expose les résultats obtenus dans le cadre d'un projet visant l'obtention de betteraves à sucre résistantes à la rhizomanie. Il décrit la préparation de vecteurs de transformation binaire, qui, tel notamment le vecteur pGA492, portent à la fois un gène codant pour la protéine de la capside du virus des nervures jaunes et nécrotiques de la betterave sucrière (BNYVV), le virus responsable de la rhizomanie, et un gène codant pour la néomycine phosphotransférase, une enzyme capable de conférer aux plantes transformées la résistance à la kanamycine. Il est mentionné que ces vecteurs peuvent être introduits par conjugaison, dans des souches d'Agrobacterium, notamment d'Agrobacterium tumefaciens (voir le haut de la page 177). Il est encore constaté, sans que ce constat ne soit accompagné d'une description détaillée du mode opératoire suivi, que l'utilisation de souches d'Agrobacterium tumefaciens et d'Agrobacterium rhizogenes contenant le vecteur pGA492 mentionné ci-dessus a permis l'obtention de tumeurs et de racines résistantes à la kanamycine (voir le premier paragraphe en haut de la page 178), signe d'une transformation réussie. Enfin, dans le dernier paragraphe de la conclusion, les auteurs indiquent qu'ils conduisent des expériences de transformation par Agrobacterium sur du matériel organogène, tel que des disques foliaires et des cellules de cals friables (voir page 182).
11. Les essais de transformation avec des souches d'Agrobacterium tumefaciens relatés dans le haut de la page 178 du document D14 ont été réalisés sur des explants de betterave (feuilles et bourgeons floraux) (voir le bas de la page 177). En ce qui concerne les essais mentionnés dans la conclusion, il n'y a pas lieu d'en tenir compte pour l'examen de la nouveauté de la revendication 1. Il ne s'agit ici en effet que de la vague annonce que des essais sont en cours laissant le lecteur dans l'ignorance de leur issue quant à l'obtention effective de cellules transformées.
12. La requérante a insisté sur la pertinence que revêtirait le paragraphe commençant par la locution adverbiale "Par contre" à la page 178 du document D14. Ce paragraphe ne fait en réalité qu'énoncer, dans le cadre d'une discussion concernant la régénération de bourgeons ou d'embryons non transformés, une certaine satisfaction des auteurs du document au sujet d'une méthode de régénération de bourgeons et d'embryons à partir de cals friables provenant de feuilles isolées.
13. La transformation de cellules végétales appartenant à l'espèce Beta vulgaris comprenant la mise en contact de cals blancs et friables avec Agrobacterium tumefaciens n'est donc pas décrite dans le document D14. En l'absence d'autres documents pertinents à cet égard, la Chambre conclut que l'objet de la revendication 1 est nouveau et satisfait par conséquent aux dispositions de l'article 54 CBE.
Activité inventive (article 56 CBE)
14. Le document D14 représente l'art antérieur le plus proche. Il informe, sans en donner une description détaillée, de l'obtention de tumeurs et de racines transformées à partir d'explants de feuilles et de bourgeons floraux de Beta vulgaris à l'aide de souches d'Agrobacterium tumefaciens (voir le bas de la page 177). Néanmoins, les auteurs constatent que "la transformation ne peut pas être abordée par cette technique" car "il n'a pas en effet été obtenu à ce jour de betteraves sucrières régénérées à partir de tumeurs ou de racines transformées par les Agrobactéries" (voir le haut de la page 178).
15. Le problème technique qui était à résoudre peut être vu dans le choix d'un tissu de Beta vulgaris et la détermination des conditions de la mise en contact de ce tissu avec des bactéries du genre Agrobacterium tumefaciens afin de disposer d'un matériel végétal transformé qui soit susceptible de régénérer une plante entière. La solution à ce problème est proposée par la revendication 1. Elle implique le choix de cals blancs et friables qu'il convient de disperser dans un milieu de culture liquide avant de les mettre au contact des bactéries dans ledit milieu.
16. La question qu'il faut se poser est celle de savoir s'il aurait été évident pour l'homme du métier, à la date de priorité, de faire le choix de cals blancs et friables comme matériel végétal à transformer et d'en préparer une dispersion en milieu liquide.
17. La requérante a soutenu que l'homme du métier aurait trouvé dans le document D14 une incitation à utiliser son propre enseignement en combinaison avec celui du document D6 et aurait ainsi choisi des cals blancs et friables comme matériel végétal à transformer.
18. Le document D6 (qui est la référence bibliographique 19) est cité deux fois dans le document D14, à la page 178 (voir le deuxième paragraphe de la section intitulée "a) culture in vitro et régénération") puis à la page 182 (voir le dernier paragraphe de la conclusion). Les passages concernés se lisent : "Par contre, une méthode de régénération de bourgeons et d'embryons non transformés à partir de cals friables provenant de feuilles isolées (19) nous donne plus de satisfaction (fig. 8)." (voir page 178) et "Pour cela nous conduisons des expériences de transformation par Agrobacterium sur du matériel organogène tels que des disques foliaires (méthode de Saunders (19)) et des cellules de cals friables.". Parce que dans ce second passage la référence 19 n'est pas citée au regard des cals friables mais de disques foliaires, la Chambre n'a pas été convaincue qu'à la lecture de ce passage l'homme du métier aurait conclu que les cals choisis pour mener à bien les expériences de transformation étaient ceux du document D6 tels que cités - dans le cadre de la régénération de plantes non transformées - dans le premier passage. Ceci vaut d'autant plus que rien n'indique dans le document D6 que les cals qui y sont décrits soient friables. Il ne peut donc être conclu, face à une telle incertitude, que l'homme du métier qui est une personne à l'attitude prudente (voir décision T 455/91, JO OEB 1995) aurait combiné les enseignements des documents D14 et D6.
19. La requérante a soutenu que l'homme du métier aurait immédiatement réalisé à la lecture du document D10 (voir la phrase commençant par les mots "A white friable callus" dans la colonne de droite de la page 277 et la première phrase du troisième paragraphe de la colonne gauche de la page 283) que les cals décrits dans le document D6 étaient blancs et friables. Mais, il s'avère que cet argument n'est pas convaincant car le document auquel fait référence le document D10 aux pages 277 et 283 n'est pas le document D6 mais un autre document identifié d'une manière complète au bas de la page 283 (voir le document "SAUNDERS J. W., and DAUB M. E., 1984"). La requérante a également défendu la position que les cals du document D6 en raison d'une incubation réalisée à l'obscurité (voir le bas de la page 474) étaient blancs. Ce point n'a pas été contesté par l'intimée.
20. Par ailleurs, comme l'intimée l'a fait valoir, les cals blancs et friables de l'invention ont été obtenus en suivant une procédure qui diffère de la procédure décrite dans le document D6, notamment en ce qui concerne tant les conditions d'éclairage pendant l'incubation que le milieu nutritif utilisé. Une comparaison de l'exemple 9 (voir pages 16 et 17 du brevet) et du bas de la page 474 du document D6 met en évidence ces différences. Dans l'exemple 9, les cultures, après une phase d'incubation à l'obscurité (dans des conditions voisines de celles décrites au bas de la page 474 du document D6), sont soumises à une exposition à un éclairage selon un cycle "L:D 18:8, 25ºC:20ºC" (18 heures à la lumière et 8 heures à l'obscurité avec une alternance de températures). Par ailleurs, le milieu nutritif utilisé à l'exemple 9 (voir le tableau 3 de la page 17 du brevet) se distingue de celui du document D6 notamment par l'absence de myo-inositol et la présence de panthothénate de calcium et de biotine. Ainsi des cals différents sont obtenus. Ceux du document D6 sont des cals habitués (voir le résumé en page 474) alors que ceux de l'invention présentent deux types cellulaires, le type "noduleux" et le type "habitué" (voir les lignes 17 à 24 en page 6). De ce fait on ne peut pas conclure que les cals du document D6 sont à la fois blancs et friables.
21. La Chambre n'a pas été persuadée qu'il aurait été évident pour l'homme du métier que des cals obtenus selon la méthode décrite dans le document D6 auraient été blancs et friables et qu'il aurait fait le choix d'un tel matériel végétal pour résoudre le problème technique énoncé au point 15 (voir ci-dessus). Par conséquent, le procédé de la revendication 1 implique une activité inventive et satisfait aux conditions de l'article 56 EPC.
Revendication 17
Nouveauté (article 54 CBE)
22. La revendication 17 vise des plantes transgéniques appartenant à l'espèce Beta vulgaris et pouvant être produites selon le procédé de la revendication 13 qui concerne précisément un procédé de régénération de plantes transgéniques à partir de bourgeons et/ou d'embryons ayant été eux-mêmes régénérés selon le procédé de la revendication 11, procédé dont la première étape consiste en l'obtention de cals friables transformés selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, les revendications 2 à 10 étant elles-mêmes sous la dépendance de la revendication 1.
23. La revendication 17 couvre non seulement les plantes transgéniques pouvant être obtenues directement par la mise en oeuvre du procédé de la revendication 13 mais également celles qui, bien qu'ayant pu être obtenues par ce procédé, auraient été obtenues par un autre procédé.
24. Selon une première ligne d'argumentation, la requérante a soutenu lors de la procédure orale qu'une plante transgénique telle que caractérisée à la revendication 17 ne se différencierait pas d'une plante obtenue par les méthodes conventionnelles utilisées pour la création de variétés végétales. Aucun élément de preuve vérifiable n'a été soumis à l'appui de cette assertion.
25. La Chambre est de l'avis qu'une plante transgénique est une plante dont chacune des cellules comporte, inséré par transgénèse dans son génome, un gène exogène, c'est-à-dire qui est étranger à ladite plante considérée en tant qu'espèce. Une telle caractéristique suffit à différencier une plante transgénique d'une plante obtenue par une procédure conventionnelle de croisement entre deux variétés végétales préexistantes. Le requérant n'a pas apporté la preuve qu'une autre définition d'une plante transgénique prévalait à la date de priorité. L'objection de la requérante doit donc être rejetée.
26. Selon une deuxième ligne d'argumentation, la requérante a également soutenu qu'une plante transgénique selon la revendication 17 ne serait pas nouvelle au vu de l'un quelconque des documents D3, D7 et D17.
27. Le document D3 est une lettre en date du 30 juin 1989 adressée par le cabinet du ministre de l'environnement danois à la société Danisco A/S pour lui signifier qu'une autorisation lui a été accordée pour pratiquer des essais au champ de betteraves à sucre dans lesquelles un gène a été inséré, au moyen d'un vecteur désarmé provenant d'Agrobacterium tumefaciens, qui confère aux plantes soit une résistance au glycophosate soit à la rhizomanie (voir en page 2 le premier paragraphe du point I et en page 5 le dernier paragraphe de la section du point III intitulée "Inserted genes"). Les conditions qui devront être respectées pour la réalisation des essais au champ sont décrites en détail.
28. La requérante a soutenu que le document D3 mettait en évidence que des betteraves à sucre transgéniques avaient été produites dès 1989. La Chambre remarque que ni le document D3 ni un quelconque autre élément de preuve n'indiquent que de telles betteraves auraient été rendues accessibles au public par la société Danisco A/S avant la date de priorité du 2 mars 1990. Au contraire, il est souligné à la page 16 de l'autorisation qu'en préalable aux essais au champ la société Danisco A/S était astreinte à réaliser dans le courant de l'année 1989 certains essais sous serre, c'est-à-dire dans une enceinte fermée non accessible au public. L'argument de la requérante n'est donc pas convaincant.
29. La requérante a également soutenu que l'homme du métier aurait été en mesure en lisant le document D3 de préparer des betteraves à sucre transgéniques. Cet argument présuppose la réalisation de deux conditions, à savoir, d'une part la mise à la libre disposition de toute personne du public du document D3 et d'autre part la présence dans le document D3 d'un protocole décrivant l'obtention des betteraves en question.
29.1 Au chapitre VII à la page 20 du document D3, il est indiqué que la décision d'accorder l'autorisation d'effectuer des essais au champ ferait l'objet d'une publication dans deux journaux le 3 juillet 1989. Néanmoins, la preuve qu'une telle publication est effectivement intervenue n'a pas été apportée et le contenu qu'aurait eu cette publication reste aussi inconnu. La requérante a fait valoir que compte tenu du droit de toute personne intéressée de former un recours contre l'autorisation, il irait de soi qu'une telle personne aurait aussi le droit d'inspecter le dossier pour pouvoir correctement motiver son recours. Même si, en principe, cet argument n'est pas dénué d'une certaine plausibilité, il n'en reste pas moins que la requérante n'a ni prouvé l'existence légale d'un droit d'inspection du dossier ni établi quel genre d'information un tel droit d'inspection aurait effectivement compris. Il apparaît peu probable à la Chambre qu'un tel droit d'inspection aurait nécessairement donné accès à tous les détails techniques de l'obtention d'une betterave transgénique permettant ainsi à tout compétiteur de reproduire l'invention.
29.2 En outre, il y a lieu de constater l'absence d'un protocole expérimental dans le document D3 (il est bien indiqué au haut de la page 7 du document D3, qu'un rapport détaillé concernant les vecteurs employés et les gènes insérés a été soumis par Danish Sugar, mais ce rapport n'a pas été soumis à la Chambre). De ce fait, il est impossible à la Chambre de constater qu'une personne ayant lu le document D3 ou inspecté le dossier d'autorisation aurait été en mesure de produire une betterave transgénique. Par conséquent, l'argument de la requérante n'est pas convaincant.
30. Le document D3 ne peut donc pas faire obstacle à la nouveauté des plantes transgéniques qui sont l'objet de la revendication 17.
31. Le document D7 est un article scientifique relatant l'introduction et l'expression du gène bar conférant une résistance au bialaphos, un herbicide, dans une série de végétaux dont la betterave sucrière. Après quelques considérations au sujet du bialaphos et de la phosphinothricine (glufosinate), il est indiqué dans un chapitre intitulé "Expression in transgenic plants" (voir pages 64 et 65) comment ledit gène a été introduit dans le tabac, la tomate et la pomme de terre (trois plantes appartenant à la même famille des solanacées), référence étant faite à une méthodologie décrite dans le document D9. Dans les premières lignes de la page 65, certaines des caractéristiques des plantes transgéniques ainsi obtenues sont décrites. Il est notamment indiqué qu'elles se sont avérées résistantes aux applications de bialaphos. Immédiatement après cette constatation, une phrase indique que des résultats similaires ont été obtenus avec trois autres végétaux transgéniques dont la betterave, apportant ainsi la preuve qu'une résistance complète vis-à-vis de hautes doses de glufosinate était obtenue indépendamment de l'espèce végétale utilisée. Dans le chapitre suivant des essais au champ sont relatés qui ne concernent que le tabac et la pomme de terre. Tout à fait à la fin du chapitre (voir page 66), il est simplement mentionné qu'en 1989 des essais au champ sont planifiés qui vont concerner notamment la betterave. L'article s'achève par une brève conclusion, où il n'est fait référence à aucun végétal en particulier.
32. Cette analyse indique que l'homme du métier ne trouverait dans le document D7 aucune information fiable quant à la manière dont les betteraves transgéniques citées "en passant" à la page 65 ont été effectivement obtenues. Le passage ne citant à la page 64 que les seuls tabac, tomate et pomme de terre ne peut que le laisser dubitatif, d'autant plus que le document D9 rapporte l'obtention de plantes transgéniques uniquement pour ces mêmes trois végétaux taxonomiquement proches en mentionnant brièvement que des plants transgéniques de tabac, de tomate et de pommes de terre exprimant le gène bar ont été obtenus en utilisant des disques foliaires comme matériel végétal pour la transformation (voir le premier paragraphe de la colonne droite de la page 2514 et le paragraphe introduit par le titre "Herbicide-resistant tomato and potato plants" dans la colonne gauche de la page 2516).
33. La requérante a estimé qu'il revenait à l'intimée d'apporter des données expérimentales montrant que la procédure décrite dans le document D9 pour l'obtention de tomates, de pommes de terre et de tabacs transgéniques ayant incorporé le gène bar ne pouvait pas être extrapolée pour l'obtention de betteraves à sucre transgéniques. La Chambre considère qu'une telle exigence pesant sur l'intimée n'a pas lieu d'être, dans la mesure où l'échec de tentatives d'obtention de plants transgéniques de betterave à sucre utilisant des disques foliaires comme matériel de départ pour la transformation a été constaté dans un autre document de l'état de la technique, le document D13 (voir point B du chapitre intitulé "Transformation procedures" à la page 187 et le tableau B à la page 188).
34. La Chambre est par conséquent de l'opinion que l'homme du métier, à la lecture du document D7, n'aurait pas été en mesure de préparer les betteraves transgéniques qui y sont mentionnées. Dans une telle situation, faute d'une description suffisante, il doit être conclu que le document D7 ne peut pas être utilisé pour soutenir une objection de manque de nouveauté des plantes qui sont l'objet de la revendication 17.
35. Le document D17 est une contribution proposant une réflexion sur l'impact que le génie génétique pourrait avoir sur la betterave à sucre. Après un rappel de ce qui caractérise l'application du génie génétique au matériel végétal, de la manière dont on peut introduire des gènes dans les plantes et de ce qui a déjà été fait à cet égard pour les plantes cultivées en matière de résistance aux virus et aux insectes (voir les pages 41 et 43), la résistance aux herbicides est abordée et la constatation est faite, sans qu'aucun détail technique ne soit donné, qu'un gène conférant la résistance au bialaphos initialement isolé chez la bactérie Streptomyces hygroscopicus a été transféré chez un certain nombre de plantes dont la betterave à sucre (voir la moitié haute de la colonne la plus à gauche de la page 44). Dans un dernier chapitre, ce qui pourrait être fait dans le futur pour la betterave à sucre est passé en revue (voir pages 44 et 45), sans qu'aucun début de réalisation concrète ne soit décrit. Il reste à tenir compte aussi des figures (photographies) 2b à 2d présentées à la page 42 à la lumière de la figure 2a (voir la même page) et de l'encart de la page 45, ainsi que de la figure (photographie) 4 (voir page 44).
36. La figure 2a n'est qu'un schéma esquissant à grands traits un mode de transfert d'un gène d'intérêt dans la betterave à sucre par l'intermédiaire de bactéries du genre Agrobacterium. La quasi-absence de détails techniques confère à cette figure un caractère essentiellement prospectif que ne peuvent compenser ni les photographies 2b à 2d, y compris la succincte légende les accompagnant qui est muette en ce qui concerne le milieu de culture à utiliser, ni l'encart de la page 45. Cet encart se limite à un commentaire très théorique sur l'utilisation du plasmide Ti d'Agrobacterium pour le transfert d'un gène d'intérêt dans une plante en général.
37. La photographie 4 à la page 44 est censée représenter deux plants de betteraves à sucre ayant été soumis à une aspersion par l'herbicide bialaphos, un gène conférant la résistance à celui-ci n'ayant été introduit par les techniques du génie génétique que dans celui situé à gauche sur la photographie et seul capable d'un développement normal. La Chambre constate l'absence de données techniques précises qui seules auraient offert à l'homme du métier la possibilité de réobtenir les betteraves transgéniques ainsi que l'absence d'une quelconque indication que le plant transformé représenté sur la photographie ait été rendu librement accessible au public avant la date de priorité.
38. La requérante a considéré que l'intimée aurait dû apporter la preuve expérimentale que la méthode décrite dans la figure 2a de la page 42 (en tenant compte de l'encart de la page 45) du document D17 ne permettait pas l'obtention de plants transgéniques de betterave à sucre. La Chambre est de l'avis qu'il n'y a pas lieu d'exiger de l'intimée la production d'une telle preuve dans la mesure où les expériences du document D17 ne peuvent pas être reproduites en l'absence d'une description détaillée de la procédure à suivre.
39. Par conséquent, le document D17 non plus ne peut pas être utilisé pour soutenir une objection de manque de nouveauté des plantes qui sont l'objet de la revendication 17.
40. En l'absence d'autres documents pertinents pour l'examen de la nouveauté de son objet, il est conclu que les plantes transgéniques qui sont l'objet de la revendication 17 sont nouvelles et qu'il est satisfait par conséquent aux conditions de l'article 54 CBE.
Activité inventive (article 56 CBE)
41. Le document D14 représente l'état de la technique le plus proche. Il montre que l'obtention de betteraves transgéniques était à sa date de publication une réelle aspiration. Le problème technique peut être définie à partir de ce document comme étant la mise à disposition effective de betteraves transgéniques. La solution à ce problème est donnée par la revendication 17.
42. Cette solution passe par la mise à disposition d'un procédé intermédiaire permettant la régénération de bourgeons et/ou d'embryons telle que mentionnée dans la revendication 13 et caractérisé dans la revendication 11 qui implique elle-même la mise à disposition d'un procédé de préparation de cals friables transformés obtenus selon le procédé de la revendication 1.
43. Etant donné qu'il a été reconnu que le procédé de la revendication 1 implique une activité inventive (voir les points 14 à 21 ci-dessus), la préparation de betteraves transgéniques selon le procédé de la revendication 13 implique aussi une activité inventive. L'homme du métier n'aurait pas été en mesure de disposer de betteraves transgéniques sans la mise au point préalable du procédé de la revendication 1.
44. Se fondant sur un passage du document D8 (voir le premier paragraphe de la colonne droite de la page 309), où il est remarqué que des rapports précédents ont montré que la régénération de la betterave est difficile à reproduire, imprédictible et très dépendante du génotype, la requérante a soutenu que la possibilité d'obtenir des betteraves à sucre n'aurait été démontrée que pour la seule variété utilisée dans la partie expérimentale de la description du brevet (voir page 16, lignes 38 et 39). Cette remarque négative repose sur une analyse de tentatives antérieures de régénération de matériels végétaux autres que des cals blancs friables transformés. Il n'y donc aucune raison de considérer qu'elle puisse a priori, sans preuve expérimentale, s'appliquer au procédé de régénération de la présente invention. L'argument présenté par le requérant n'est donc pas convaincant.
45. La requérante a considéré qu'il serait très incertain que des betteraves transgéniques autres que celles qui sont le produit direct de la mise en oeuvre du procédé de la revendication 13 puissent être obtenues par l'homme du métier. Par conséquent, le problème technique sous-jacent ne serait pas résolu pour l'ensemble des modes de réalisation couverts par la revendication 17. A défaut d'avoir été vérifiée expérimentalement par la requérante, une telle assertion n'est pas pertinente.
46. La Chambre conclut que les betteraves transgéniques qui sont l'objet de la revendication 17 impliquent une activité inventive.
Autres revendications
47. L'objet des revendications dépendantes 2 à 10 est nouveau et inventif pour les raisons retenues pour la revendication 1 (voir points 9 à 21 ci-dessus). Les mêmes raisons valent également mutatis mutandis pour les revendications 11 à 15 ainsi que pour la revendication 40.
48. Les raisons qui ont conduit à reconnaître la nouveauté et l'activité inventive de la revendication 17 (voir points 22 à 46 ci-dessus) valent mutatis mutandis pour la revendication 16 qui concerne non pas des plantes transgéniques mais des bourgeons et/ou des embryons transgéniques. Ces mêmes raisons valent aussi pour (i) la revendication 18 qui concerne des graines transgéniques de plantes transgéniques, (ii) les revendications 19 à 37 qui concernent des plantes transgéniques résistantes au virus BNYVV, (iii) la revendication 38 qui vise des graines de plantes transgéniques selon les revendications 19 à 37, et (iv) la revendication 39 qui vise des graines transgéniques selon la revendication 38.
49. L'ensemble des revendications 1 à 40 de la seule requête au dossier satisfait donc aux conditions de nouveauté et d'activité inventive des articles 54 et 56 CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la Division d'Opposition avec l'ordre de maintenir le brevet avec les revendications de la requête principale déposée pendant la procédure orale et une description à adapter.