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T 0116/08 22-07-2010
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Compositions antistatiques à base de polyamide
Nouveauté (requête principale): oui, pas de divulgation directe et sans ambiguïté de l'objet revendiqué
Activité inventive (requête principale): oui
I. La demande de brevet nº 98959965.9 déposée le 11 décembre 1998 a donné lieu le 10 août 2005 (Bulletin 2005/32) à la délivrance du brevet européen nº 1 042 394 au nom d'Arkema, maintenant Arkema France, sur la base de 19 revendications.
Les revendications indépendantes 1 et 11 de ce brevet s'énonçaient comme suit:
"1. Tubes et/ou canalisations mono ou multicouches, la couche la plus exposée à l'accumulation des charges électriques étant à base d'une composition de polyamide antistatique, comprenant au moins un polyamide et une quantité suffisante de noir de carbone pour le rendre antistatique, caractérisée par le fait que le noir de carbone est au moins un noir de carbone choisi parmi ceux ayant une surface spécifique BET, mesurée selon la norme ASTM D3037-89, de 5 à 200 m2/g, et une absorption DBP, mesurée selon la norme ASTM D 2414-90, de 50 à 300 ml/100 g.
11. Utilisation comme composition antistatique d'un polyamide comprenant une quantité suffisante de noir de carbone pour le rendre antistatique, dans laquelle le noir de carbone est au moins un noir de carbone choisi parmi ceux ayant une surface spécifique BET, mesurée selon la norme ASTM D3037-89, de 5 à 200 m2/g, et une absorption DBP, mesurée selon la norme ASTM D 2414-90, de 50 à 300 ml/100 g.".
Les revendications 2 à 10 étaient des revendications dépendantes de la revendication 1 et les revendications 12 à 19 des revendications dépendantes de la revendication 11, portant sur des modes de réalisation préférés. La revendication 13, en particulier, s'énonçait comme suit:
"13. Utilisation selon l'une des revendications 11 et 12, dans laquelle l'absorption DBP du ou des noirs de carbone est de 125 à 250 ml/100g.".
II. Une opposition a été formée à l'encontre du brevet précité dans son intégralité par EMS-Chemie AG le 14 octobre 2005, au titre des motifs énoncés à l'Art. 100 (b) CBE et à l'Art. 100 (a) CBE (manque de nouveauté et manque d'activité inventive).
L'opposition était supportée, entre autres, par les documents suivants:
D7: EP-A1-0 512 703
D9: EP-A1-0 470 606
D15: N. Probst, R. Smet et H. Smet, KGK Kautschuk Gummi Kunststoffe, 46**(ème) Année, Nr. 9/93, pages 707-709 D16: N. Probst et H. Smet, KGK Kautschuk Gummi Kunststoffe, 7-8/95, pages 509-511 D17: N. Probst et H. Smet, GAK 11/1996 - 49**(ème) Année, pages 900-905
D18: N. Probst, Conductive carbon blacks, Rubber Technology International '97, quatre pages
L'opposante a cité D7 à l'encontre de la nouveauté de la revendication 11 du brevet opposé et a soulevé des objections de manque d'activité inventive sur la base des enseignements de tous ces documents.
III. Dans sa lettre déposée le 16 avril 2007, l'opposante a de plus étayé son argumentation à l'aide du document
D24: EP-A-0 730 115.
IV. Lors de la procédure orale du 30 octobre 2007 devant la division d'opposition la titulaire a déposé une requête subsidiaire 1 comprenant 18 revendications et une description adaptée en conséquence. Mise à part une correction typographique de la revendication 8, les revendications 1 à 10 étaient identiques aux revendications 1 à 10 du brevet délivré. Les revendications 11 à 18 correspondaient à la combinaison de chacune des revendications 11, 12 et 14 à 19 avec la revendication 13 du brevet délivré. La revendication indépendante 11 de la requête subsidiaire 1 s'énonçait donc ainsi:
"11. Utilisation comme composition antistatique d'un polyamide comprenant une quantité suffisante de noir de carbone pour le rendre antistatique, dans laquelle le noir de carbone est au moins un noir de carbone choisi parmi ceux ayant une surface spécifique BET, mesurée selon la norme ASTM D3037-89, de 5 à 200 m2/g, et une absorption DBP, mesurée selon la norme ASTM D 2414-90, de 125 à 250 ml/100 g.".
Dans sa décision annoncée oralement à la fin de la procédure orale et signifiée le 23 novembre 2007 la division d'opposition a considéré que le brevet pouvait être maintenu sous forme modifiée sur la base de la requête subsidiaire 1 déposée pendant la procédure orale.
La division d'opposition a notamment décidé que les exigences de l'Art. 83 CBE étaient satisfaites et que l'objet des revendications de la requête subsidiaire 1 était nouveau, en particulier vis-à-vis du document D7. Une activité inventive a également été reconnue en considérant D9 comme art antérieur le plus proche pour l'ensemble des revendications 1 à 18.
V. Le 17 janvier 2008, l'opposante a formé un recours à l'encontre de cette décision. La taxe de recours a été acquittée le même jour.
VI. Dans le mémoire de recours reçu le 10 mars 2008 la requérante (opposante) a estimé que la décision de la division d'opposition devait être annulée et que le brevet devait être révoqué au titre des motifs selon l'Art. 100 (a) CBE (nouveauté et activité inventive).
La requérante a notamment considéré que l'objet de la revendication 11 du brevet modifié conformément à la décision contestée était anticipé par le document D7.
La requérante a de plus émis des objections de manque d'activité inventive à l'encontre, entre autres,
- de la revendication indépendante 1, au vu de la combinaison de D9 comme art antérieur le plus proche et de chacun des documents D17 ou D18;
- de la revendication indépendante 11, au vu de la combinaison de D7 comme art antérieur le plus proche et de chacun des documents D15 à D18.
VII. Dans sa réponse du 22 juillet 2008 l'intimée (titulaire) a requis le rejet du recours.
L'intimée a estimé que l'objet de la revendication 11 du brevet modifié était nouveau car D7 ne divulguait pas de composition de polyamide comprenant un noir de carbone présentant la combinaison des valeurs de surface spécifique BET et d'absorption DBP revendiquées.
L'intimée a également argumenté en faveur de l'activité inventive des revendications 1 à 18 du brevet modifié en partant de D9 comme art antérieur le plus proche pour toutes ces revendications. Le document D7 a notamment été considéré comme constituant une divulgation fortuite qui ne saurait en aucun cas représenter l'art antérieur le plus proche, même pour la revendication d'utilisation 11. L'intimée a de plus fait remarquer que la date de publication de D18 était incertaine et que la requérante n'avait en l'état pas démontré que D18 faisait effectivement partie de l'état de la technique.
VIII. Dans sa notification en date du 27 avril 2010 annexée à la citation à la procédure orale fixée au 14 juillet 2010, la chambre a fait part aux parties de son opinion préliminaire, notamment sur les points suivants:
a) L'objet des revendications 1-18 du brevet modifié est nouveau car aucun des documents cités par la requérante ne divulgue de tubes et/ou canalisations selon la revendication indépendante 1, ni de compositions de polyamide comprenant du noir de carbone caractérisé par la combinaison de paramètres de surface spécifique BET et d'absorption DBP selon la revendication 11.
b) Concernant l'activité inventive, D9 représente l'art antérieur le plus proche tant pour la revendication indépendante 1 que pour la revendication indépendante 11 du brevet modifié car ce document est du même domaine technique que le brevet en litige et s'attache à résoudre des problèmes similaires. Sur la base de l'argumentation de l'intimée, le problème objectif effectivement résolu par le brevet mis en cause a été identifié par la chambre comme étant celui de fournir des produits à base de compositions de polyamide ayant des propriétés antistatiques qui sont plus facilement extrudables (meilleure fluidité) et qui présentent, à niveau de résistivité équivalente, une résistance aux chocs à froid améliorée par rapport à l'art antérieur. La solution à ce problème proposée par l'intimée consisterait en l'utilisation dans des couches à base de polyamide de noirs de carbone ayant des valeurs spécifiques de surface spécifique BET et d'absorption DBP selon les revendications indépendantes 1 et 11. La chambre a alors estimé que les documents cités par la requérante ne contenaient pas d'indication permettant de rendre évident l'objet des revendications indépendantes 1 et 11 du brevet modifié. L'objet des revendications 1 à 18 de la requête de l'intimée a donc été considéré comme inventif.
c) Le document D18 ne porte pas de date de publication et la requérante n'a pas démontré que ce document avait été mis à la disposition du public avant la date de priorité du brevet en litige. D18 ne fait donc en l'état pas partie de l'art antérieur.
IX. En réaction à la notification de la chambre l'intimée a requis le report de la date de la procédure orale, ce qui lui fut accordé. La nouvelle date pour la tenue de la procédure orale a alors été fixée au 22 juillet 2010.
X. L'intimée a déposé le 21 juin 2010 deux requêtes subsidiaires, à considérer le cas échéant.
XI. Dans sa lettre déposée le 22 juin 2010 la requérante a maintenu son objection de manque de nouveauté de la revendication indépendante d'utilisation 11 de la requête principale par rapport à D7 et contesté le choix de D9 comme art antérieur le plus proche pour cette même revendication. Les objections de manque d'activité inventive des revendications indépendantes 1 et 11 au vu de D9 en combinaison avec D17 et de D7 en combinaison avec D17 ont été maintenues. La requérante a par ailleurs également objecté un manque d'activité inventive de la revendication 11 de la requête principale en partant de D9 comme art antérieur le plus proche.
XII. La procédure orale devant la chambre a eu lieu le 22 juillet 2010 en présence des deux parties.
Requêtes initiales
La requérante (opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen nº 1 042 394 dans son intégralité pour manque de nouveauté et d'activité inventive.
L'intimée (titulaire) a demandé à titre principal le rejet du recours et le maintien du brevet modifié selon la décision intermédiaire de la division d'opposition, le cas échéant selon la requête subsidiaire 1 ou selon la requête subsidiaire 2 telles que déposées le 21 juin 2010.
XIII. Lors de la procédure orale, les débats ont porté sur les points suivants:
Nouveauté de la revendication 11 de la requête principale
XIV. Comme dans la phase écrite, la requérante a basé son argumentation sur la combinaison de l'exemple 4 et de l'enseignement général de D7, selon lequel les noirs de carbone utilisés pouvaient présenter une valeur d'absorption DBP allant jusqu'à 150 ml/100g.
La requérante a expliqué que les compositions de l'exemple 4 de D7 se différenciaient de l'objet de la revendication 11 uniquement en ce que les noirs de carbone #1 ou #2 utilisés présentaient une absorption DBP de 116 et 120 ml/100g, ce qui était légèrement inférieur à la borne basse de la plage d'absorption DBP revendiquée (de 125 à 250 ml/100g). Ainsi, il suffisait d'augmenter légèrement les valeurs d'absorption DBP des noirs de carbone #1 ou #2 pour obtenir une composition telle que revendiquée. Or le document D7 enseignait clairement à l'homme du métier à la page 2, lignes 47-48 qu'il lui était possible d'utiliser des noirs de carbone ayant une absorption DBP pouvant atteindre 150 ml/100g.
La requérante a de plus affirmé que pour une telle modification des valeurs d'absorption DBP des noirs de carbone #1 ou #2, la surface spécifique BET resterait automatiquement dans le domaine défini dans la revendication 11, vu que les valeurs de surface spécifique BET des noirs de carbone #1 et #2 sont de 140 et 42 m**(2)/g, respectivement, et que la plage définie dans la revendication 1 est beaucoup plus large et va de 5 à 200 m**(2)/g. Enfin, selon la requérante, les compositions de D7 sont toutes conductrices d'électricité et présentent donc automatiquement des propriétés antistatiques. Sur la base de ces constatations, la requérante a donc conclu que la combinaison de l'exemple 4 de D7 avec l'enseignement général de la description concernant des valeurs d'absorption DBP pouvant atteindre 150 ml/100g conduisait à la divulgation d'une composition selon la revendication 11. En conséquence, l'objet de la revendication 11 n'était pas nouveau.
Concernant les paramètres de surface spécifique BET et d'absorption DBP, la requérante a de plus argumenté lors des débats qu'il existait une corrélation entre ces deux paramètres, du moins lorsque l'on considérait un même "type" de noir de carbone présentant une taille de particules similaire. Ceci était montré par exemple dans le Tableau 1 de D17 ou dans le Tableau 2 de D16 pour les noirs de carbone Ensaco 150, 200 et 250: ces trois produits ont été préparés selon un même procédé, dit MMM, et présentent pour une taille de particule similaire, une augmentation quasi linéaire à la fois des paramètres BET et DBP, cette augmentation étant inversement proportionnelle à la taille de particules (BET et DBP augmentent quand la taille des particules diminue). Il existait donc une corrélation directe entre ces deux paramètres. Ainsi, pour un même "type" de noir de carbone, une faible augmentation de l'absorption DBP conduirait à une faible variation de la surface spécifique BET.
XV. L'intimée a expliqué qu'il n'était pas possible d'évaluer la nouveauté en combinant les enseignements de différents documents de l'art antérieur comme le faisait la requérante avec D7 et D17. Ceci était particulièrement vrai car D17 ne représentait pas les connaissances générales de l'homme du métier. En ne s'en tenant qu'au seul contenu de D7, l'intimée a considéré qu'il n'était pas possible d'identifier la combinaison d'un polyamide et d'un noir de carbone présentant simultanément les deux caractéristiques de surface spécifique BET et absorption DBP définies dans la revendication 11. L'intimée a contesté l'existence d'une corrélation entre les valeurs de surface spécifique BET et d'absorption absorption DBP, en se basant en particulier sur les données du Tableau 1 de D7, du Tableau 1 de D15 ou du Tableau 1 de D17. Elle en a conclu que ces deux paramètres étaient effectivement distincts l'un de l'autre. L'intimée a de plus noté que D7 ne divulguait aucune référence commerciale quant aux noirs de carbone utilisés dans les exemples, en particulier dans l'exemple 4. Il n'était donc pas établi que ces noirs de carbone étaient du type Ensaco tels que décrits dans D16 ou D17, de sorte qu'il n'était pas possible de combiner l'exemple 4 de D7 et l'enseignement de D17 relatif à ces produits. L'intimée a de plus porté l'attention de la chambre sur le fait que les valeurs d'absorption DBP de 40 à 150 ml/100g enseignées par D7 étaient inférieures à celles des produits Ensaco 150, 200 et 250 (165, 170 et 190 ml/100g, respectivement) divulguées dans D16 ou D17, de sorte qu'il n'était pas possible d'appliquer aux noirs de carbone selon D7 un enseignement tiré des informations relatives aux noirs de carbone divulguées dans D17.
Enfin, l'intimée a fait remarquer qu'elle ne comprenait pas la notion de "type" de noir de carbone utilisée par la requérante.
XVI. Après délibération, le Président de la chambre a annoncé que la requête principale était nouvelle.
Activité inventive de la requête principale
XVII. Suivant l'approche problème-solution la requérante a identifié D9 comme art antérieur le plus proche. Elle a explicitement reconnu qu'elle partageait l'avis émis par la chambre dans son opinion provisoire selon lequel D9 représentait l'art antérieur le plus proche pour l'ensemble des revendications de la requête principale, en particulier pour les revendications d'utilisation 11 à 18.
La requérante a alors estimé que l'objet revendiqué se distinguait de D9 par le choix d'un noir de carbone particulier, caractérisé par des paramètres spécifiques de surface spécifique BET et d'absorption DBP qui n'étaient pas divulgués dans D9.
La requérante a fait référence aux paragraphes [0013] et [0015] du brevet mis en cause pour identifier le problème à résoudre comme étant celui de trouver un noir de carbone moins "structuré" qui permettait d'améliorer les propriétés rhéologiques (indice de fluidité MFI plus élevé) des compositions de polyamide de D9. En effet, bien que le brevet contesté tende également à améliorer la résistance au choc, ce problème était déjà résolu dans D9 (cf. page 4, ligne 43). De plus, il était établi que l'indice de fluidité et la résistance au choc étaient corrélés, de sorte que les deux problèmes à résoudre présentés dans le brevet n'en constituaient en fait qu'un seul. Ce constat pouvait en particulier se déduire de la dernière phrase du paragraphe [0009] du brevet mis en cause.
Or, D17 et D16 enseignent déjà l'utilisation des noirs de carbone du type Ensaco 250, c'est-à-dire ceux utilisés dans les exemples du brevet, pour améliorer les propriétés rhéologiques de compositions polymériques (D17: Fig. 6; D16: paragraphe 4). Reconnaissant que D16 et D17 ne divulguaient pas spécifiquement de compositions de polyamide, la requérante a cependant fait remarquer que ces documents traitaient de compositions polymériques en général (D16: dernier paragraphe du résumé; D17: résumé, paragraphe 4). Les enseignements de D17, en particulier la Fig. 6, ou de D16, en particulier le paragraphe "4", pouvaient donc être extrapolés à tout type de polymère, y compris les polyamides.
Concernant les propriétés de résistance au choc à froid, qui ont été mesurées à -30ºC dans le brevet mis en cause, la requérante a fait remarquer que cela représentait les conditions de détermination usuelles pour ce paramètre. Il était donc raisonnable de considérer que les paramètres relatifs aux propriétés mécaniques mesurées selon des normes internationales au Tableau 3 de D17 ou au Tableau 1 de D16 avaient également été déterminés dans ces conditions.
Ainsi, la requérante a-t-elle conclu qu'il était évident de résoudre le problème identifié préalablement en utilisant simplement dans les compositions de polyamide enseignées dans D9 un noir de carbone de type Ensaco 250 selon D16 ou D17. La solution proposée par l'intimée représentait en fait une "voie à sens unique": l'homme du métier voulant améliorer les propriétés rhéologiques des compositions de D9 trouverait comme solution dans D16 et D17 d'utiliser un noir de carbone de type Ensaco, et obtiendrait de la sorte automatiquement des compositions présentant une résistance au choc améliorée.
La requérante a ainsi conclu que la requête principale n'était pas inventive.
XVIII. L'intimée a également considéré D9 comme art antérieur le plus proche pour l'ensemble des revendications de la requête principale et a identifié les mêmes caractéristiques distinctives des objets revendiqués par rapport à ce document que la requérante. L'analyse de l'intimée se distinguait toutefois de celle de la requérante au niveau du problème objectif effectivement résolu. L'intimée a indiqué que le choix d'un noir de carbone particulier ne représentait pas le problème à résoudre mais constituait en fait la solution à ce problème, comme indiqué au paragraphe [0015] du brevet attaqué. Le problème à résoudre était en fait celui de fournir des compositions ayant des propriétés antistatiques comparables à celles de D9 mais qui puissent être mises en oeuvre plus facilement (MFI plus élevé) et qui présentent une résistance au choc à froid améliorée.
Les résultats du Tableau 2 montraient que ce problème était effectivement résolu. A cet égard, l'intimée a indiqué que les quantités de noir de carbone utilisées dans l'exemple comparatif 2 et l'exemple 3 illustrant l'invention étaient différentes afin de fournir des propriétés antistatiques comparables.
L'intimée a alors expliqué qu'il était faux de considérer que les paramètres de fluidité/viscosité MFI et de résistance au choc à froid étaient liés entre eux. La requérante n'avait fourni aucune preuve à cet égard. De plus, alors que l'un de ces paramètres est une caractéristique du procédé de mise en oeuvre, l'autre caractérise le produit fini, de sorte qu'il n'y avait à priori pas de raison de penser qu'ils puissent être par nature corrélés. L'intimée a également constaté que D16 et D17 ne divulguaient pas spécifiquement de compositions de polyamide et qu'il était connu que les propriétés rhéologiques et mécaniques de compositions chargées dépendaient aussi bien de la matrice polymérique que de la nature des charges employées. A cet égard, l'intimée a indiqué que D16 précisait dans le paragraphe 4, que les noirs de carbone MMM tendaient "généralement" (usually) a diminué la viscosité Mooney. L'emploi de "usually" montrait bien qu'il n'était pas permis d'extrapoler les conclusions tirées dans les documents D16 et D17 à tout type de matrice, en particulier à des polyamides qui sont par nature différents des polymères et élastomères décrits dans ces deux documents.
L'intimée a de plus contesté l'interprétation faite par la requérante de la dernière phrase du paragraphe [0009] du brevet contesté: cette phrase est un enseignement d'ordre général qui indique que, pour une composition polymérique contenant une charge donnée, la viscosité et la résistance au choc varient en sens opposés en fonction de la teneur de ladite charge. De plus, la requérante a fait référence au paragraphe [0013] du brevet contesté pour rappeler que les résultats du Tableau 2 allaient effectivement à l'encontre de cet enseignement général et montraient qu'il était possible d'améliorer les propriétés rhéologiques et de résistance au choc de compositions de polyamides tout en augmentant la quantité de noirs de carbone mise en oeuvre.
Enfin, l'intimée a fait référence au document D24. Ce document divulgue également des tuyaux pour le transport d'hydrocarbures et comprenant une couche électrostatique à base de polyamide comprenant des charges conductrices. Ce document tend de plus à résoudre les mêmes problèmes que le brevet attaqué, en particulier à améliorer la résistance au choc à froid et la mise en oeuvre, c'est-à-dire les propriétés rhéologiques (cf. points a) à f) identifiés à la page 2 de D24). Selon l'intimée, le fait que D24 distingue clairement les propriétés rhéologiques et la résistance au choc à froid démontre que ces deux paramètres ne sont pas intrinsèquement liés, comme défendu par la requérante. Or, D24 enseigne que ces problèmes sont résolus en utilisant des nanotubes de carbone au lieu des noirs de carbone habituels. L'intimée a donc tiré les conclusions suivantes:
- L'homme du métier partant de D9 et visant à résoudre les problèmes identifiés préalablement ne se tournerait tout d'abord pas vers D16 ou D17 mais vers D24.
- Sur la base des enseignements de D24, l'homme du métier ne trouverait pas d'indication allant dans le sens de la solution proposée par les revendications 1 et 11 du brevet.
- Force est de constater que l'enseignement de D24 va même à l'encontre de la solution du brevet mis en cause et recommande l'utilisation de nanotubes au lieu de noirs de carbone.
L'intimée a donc conclu qu'il n'était pas évident de résoudre les problèmes posés en modifiant l'enseignement de D9 selon les termes des revendications de la requête principale. Une activité inventive devrait donc être reconnue.
Requêtes finales
XIX. La requérante (opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen nº 1 042 394 dans son intégralité.
L'intimée (titulaire) a demandé à titre principal le rejet du recours et le maintien du brevet modifié selon la décision intermédiaire de la division d'opposition, le cas échéant selon la requête subsidiaire 1 ou selon la requête subsidiaire 2 telles que déposées le 21 juin 2010.
XX. La chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
1. Le recours est recevable.
Requête principale
2. Nouveauté
2.1 La seule objection de manque de nouveauté soulevée par la requérante concerne la revendication 11 au vu de D7, et plus particulièrement la combinaison de l'exemple 4 avec un enseignement général de la description ou de la revendication 1 de D7 concernant le paramètre d'absorption DBP.
2.1.1 D7 divulgue des compositions polymériques conductrices présentant un comportement PTC ("positive temperature coefficient"), c'est-à-dire des compositions pour lesquelles la résistance électrique (ou la résistivité) varie brutalement en fonction de la température. Ces compositions comprennent de 20 à 98 % en poids d'une matrice polymérique et de 2 à 80 % en poids d'un mélange de noirs de carbone conducteurs comprenant un premier et un deuxième noir de carbone, chacun de ces noirs de carbone étant utilisé dans une quantité de 1 à 40 % en poids, et chacun de ces noirs de carbone ayant une absorption DBP de 40 à 150 cm**(3)/100g, c'est-à-dire de 40 à 150 ml/100g selon les unités utilisées dans le brevet mis en cause (D7: revendication 1; page 2, lignes 45 à 53). Le polymère mis en oeuvre peut être un polyamide (D7: page 3, ligne 4; exemple 4).
2.1.2 L'exemple 4 est l'unique exemple de D7 effectué avec une composition de polyamide et concerne, comme indiqué aux Tableaux 1 et 2, une composition comprenant:
- 60 % en poids de Polyamide 6,6;
- 20 % en poids d'un noir de carbone #1, ayant une surface spécifique BET de 140 m**(2)/g et une absorption DBP de 116 ml/100g;
- 20 % en poids d'un noir de carbone #2, ayant une surface spécifique BET de 42 m**(2)/g et une absorption DBP de 120 ml/100g.
Les paramètres de surface spécifique BET et d'absorption DBP de D7 sont mesurés selon les mêmes normes que dans le brevet mis en cause, c'est-à-dire ASTM D 3037 et ASTM D 2414, respectivement (voir D7: page 3, lignes 39 et 41; revendications 1 et 11 du brevet modifié). Les valeurs de ces paramètres indiquées dans D7 peuvent donc être directement comparées à celles des domaines définis dans les revendications de la requête principale en instance. Il s'avère ainsi que les valeurs de surface spécifique BET des deux noirs de carbone mis en oeuvre dans l'exemple 4 de D7 sont effectivement comprises dans la plage définie dans la revendication 11. Cependant, force est de constater que les valeurs d'absorption DBP de 116 ml/100g et 120 ml/100g de ces noirs de carbone sont inférieures à celles indiquées dans la revendication 11 de la requête principale (125 à 250 ml/100g). L'exemple 4 de D7 n'anticipe donc pas en lui seul l'objet revendiqué.
2.1.3 La requérante estime que D7 enseigne de façon générale l'emploi de noirs de carbone ayant une absorption DBP pouvant atteindre 150 ml/100 g et qu'il est possible de combiner cet enseignement général avec l'exemple 4 de D7, ce qui conduirait effectivement à détruire la nouveauté de la revendication 11 de la requête principale.
La chambre considère toutefois que s'il est vrai que D7 divulgue l'emploi de noir de carbone ayant une absorption DBP de 40 à 150 ml/100g (cf. revendication 1; page 2, lignes 47-48), D7 ne contient aucun enseignement général concernant le domaine de valeurs de surface spécifique BET de ces noirs de carbone. Les seules informations données sur les valeurs de surface spécifique BET se trouvent dans le tableau 1 et ne concernent donc que les noirs de carbone particuliers utilisés dans ces exemples. En l'absence de toute autre information concernant les valeurs de surface spécifique BET la chambre considère qu'elle n'a à sa disposition aucun élément lui permettant de conclure que des noirs de carbone ayant une DBP de 150 ml/100g tels qu'indiqués dans D7 auraient obligatoirement une surface spécifique BET de 5 à 200 m**(2)/g selon la revendication 11.
2.1.4 La requérante a argumenté que les données du Tableau 2 de D16 et du Tableau 1 de D17 démontraient que les paramètres de surface spécifique BET et d'absorption DBP étaient intrinsèquement liés pour un même "type" de particule et pour une taille de particule donnée. Elle en a ainsi conclu qu'il suffisait d'augmenter légèrement l'absorption DBP des noirs de carbone de l'exemple 4 de D7 pour obtenir une composition antistatique qui anticiperait l'objet de la revendication 11.
Concernant la taille de particules, la chambre note cependant que D7 ne contient pas d'enseignement précis concernant une relation quelconque entre la taille des particules de noir de carbone et le paramètre d'absorption DBP: D7 indique uniquement que l'un des noirs de carbone doit avoir une taille de particules de 15 à 25 nm et l'autre une taille de particules de 35 à 300 nm (voir par exemple la revendication 1 de D7). Le Tableau 1 de D7 montre alors que pour ces domaines de taille de particules, le paramètre de surface spécifique BET peut varier et être (noirs de carbone #1, #2, #3 et #5) ou non (noirs de carbone #4 et #7) dans le domaine défini dans la revendication 11 de la requête principale. Ainsi, l'argumentation de la requérante ne pourrait être concluante que si l'homme du métier aurait envisagé d'augmenter les valeurs d'absorption DBP des noirs de carbone #1 et #2 de D7 mais en prenant garde ce faisant à maintenir le paramètre de surface spécifique BET à une valeur comprise entre 5 et 200 m**(2)/g. D7 ne contient cependant aucune indication en ce sens. Il semble utile de préciser à ce niveau que les paramètres de surface spécifique BET et d'absorption DBP sont connus dans l'art pour quantifier la surface réelle totale et la porosité de particules, respectivement. Les revendications du brevet attaqué définissent donc des noirs de carbone spécifiques ayant une structure et une porosité déterminées. La conclusion tirée précédemment par la chambre revient donc à considérer que D7 ne divulgue pas de façon directe et non équivoque de noirs de carbone présentant la structure particulière définie dans les revendications de la requête principale.
Concernant le "type" de particules, la chambre est arrivée à la conclusion, suite à la discussion ayant eu lieu lors de la procédure orale, que cette expression était employée par la requérante pour classifier des particules de noir de carbone en fonction de caractéristiques communes, principalement de surface, conférées par le procédé de préparation utilisé: ainsi, les particules Ensaco 150, 200 et 250 sont-elles du même "type" car elles sont toutes obtenues par le procédé dit "MMM" (cf. Fig. 1 de D15 et D17; paragraphe 2 de D15). La chambre accepte l'argumentation de la requérante selon laquelle les données des Tableaux 1 de D16 et D17 montre qu'il existe une corrélation entre les valeurs de surface spécifique BET et d'absorption DBP reportées dans ce tableau pour les particules Ensaco; Toutefois la chambre est convaincue que cette corrélation n'est établie que pour les trois noirs de carbone Ensaco 150, 200 et 250 divulgués dans ces documents. Les données des exemples 1 à 5 et 7 du Tableau 1 du brevet mis en cause, qui concernent tous des noirs de carbone de type "furnace" (cf. dernière colonne du Tableau 1 de D7), montrent effectivement que cette corrélation n'existe pas pour ce "type" de noirs de carbone, même en tenant compte des différentes tailles de particules indiquées dans le Tableau 1 de D7: ainsi, alors que les valeurs de surface spécifique BET sont inversement proportionnelles à la taille des particules, il n'en est pas de même pour les valeurs d'absorption DBP (voir en particulier les noirs de carbone #3 et #5 qui présentent les plus faibles absorption DBP pour les plus grandes tailles de particule). La conclusion de la requérante selon laquelle le choix d'un noir de carbone ayant une absorption DBP supérieure à celles des particules #1 ou #2 du Tableau 1 de D7 conduirait automatiquement à des noirs de carbone présentant une surface spécifique BET dans le domaine défini dans les revendications de la requête principale est donc rejeté par la chambre.
Toujours à propos du "type" de particules, il est à noter que la requérante n'a de plus pas été en mesure d'établir de relation entre les noirs de carbone Ensaco divulgués dans D16 ou D17 et ceux utilisés dans les exemples de D7. D7 ne contient en effet aucune information permettant de déterminer avec certitude la nature des noirs de carbone employés dans les exemples. La seule information à cet égard se trouve dans la dernière colonne du Tableau 1 de D7, dans laquelle il est indiqué que les noirs de carbone utilisés dans les exemples 1 à 5 et 7 sont de type "furnace". D'après les informations contenues dans D15 (paragraphes 1 et 2; Fig. 2), les procédés MMM et "furnace" sont bien distincts de sorte que les produits obtenus par ces procédés correspondent à priori à deux "types" de noir de carbone différents. Cela est de plus confirmé par le fait que les valeurs d'absorption DBP des produits Ensaco divulguées dans D15 à D17 sont toutes supérieures aux valeurs divulguées dans D7, tant dans le Tableau 1 que dans son enseignement général (revendication 1; page 2, lignes 45 à 48). Ainsi, la chambre est d'accord avec l'intimée sur le fait qu'il n'est pas possible d'extrapoler des enseignements relatifs aux noirs de carbone tirés des documents D16 ou D17 à ceux utilisés dans D7. Toute combinaison des enseignements tirés des produits Ensaco de D16 ou D17 avec le contenu du document D7, en particulier l'exemple 4, est de fait exclue du fait de l'absence de référence explicite à ces produits dans D7, des différents procédés de préparation utilisés dans l'exemple 4 de D7 et D16 ou D17 et de la limitation de D7 aux noirs de carbone ayant une absorption DBP inférieure ou égale à 150 ml/100g alors que tous les produits Ensaco divulgués dans D16 et D17 présentent des valeurs d'absorption DBP supérieures.
2.1.5 Mis à part l'exemple 4 de D7, la chambre considère que le reste du document D7 ne divulgue pas non plus spécifiquement de compositions de polyamide comprenant un noir de carbone ayant une absorption DBP de 125 à 250 ml/100g selon la revendication 11, et à fortiori de tels noirs de carbone ayant de plus une surface spécifique BET telle que revendiquée. La combinaison polyamide et absorption DBP selon la revendication 11 ne pourrait être obtenue qu'en combinant deux caractéristiques de D7 qui sont divulguées isolément dans ce document: les polyamides sont uniquement divulgués à la page 3, ligne 4 de la description en tant qu'alternative parmi une liste de matrices polymériques adéquates; une absorption DBP comprise entre 125 et 250 ml/100g n'est divulguée que sous la forme de la partie supérieure de l'intervalle de 40 à 150 ml/100g selon la revendication 1 ou la page 2, lignes 47-48 de D7. La combinaison de polyamide et d'un noir de carbone présentant une absorption DBP de, par exemple, 150 ml/100g ne ressort donc pas directement et sans ambiguïté des revendications et/ou de la description de D7.
2.1.6 La chambre estime ainsi que même en prenant en compte l'enseignement général du document dans son intégralité, D7 ne divulgue pas directement et sans ambiguïté de compositions comprenant la combinaison polyamide, surface spécifique BET et absorption DBP telle que définie dans la revendication 11.
2.2 Aucune autre objection de manque de nouveauté n'a été présentée par la requérante. La chambre est également satisfaite qu'aucun des documents cités dans la procédure n'anticipe l'objet de la requête principale de l'intimée.
D9, en particulier, divulgue des canalisations monocouche ou multicouches pour le transport d'essence et dont la couche intérieure a des propriétés antistatiques et est, par exemple, à base d'une composition de polyamide comprenant du noir de carbone conducteur (revendication 9; exemple 4 et exemples comparatifs 2-3). D9 fournit également d'autres compositions antistatiques à base de polyamide comprenant des noirs de carbone en tant qu'agent antistatique (revendication 8; exemples 1 à 3 et 5 à 6). D9 ne fournit cependant aucune information concernant les caractéristiques de surface spécifique BET et d'absorption DBP des noirs de carbone mis en oeuvre. La nature du noir de carbone utilisé dans les exemples n'est en particulier pas indiquée dans D9. L'objet des revendications 1 à 18 est donc nouveau par rapport à D9.
2.3 La chambre considère donc que la requête principale de l'intimée satisfait aux conditions de nouveauté posées par l'Art. 54 CBE.
3. Activité inventive
La question de l'activité inventive est examinée ci-après selon l'approche "problème-solution".
3.1 Art antérieur le plus proche
En commun accord avec les parties (cf. premier paragraphe du point XVII ci-dessus), la chambre considère que D9 représente l'art antérieur le plus proche tant pour la revendication 1 que pour la revendication 11 de la requête principale car
- ce document est du même domaine technique que le brevet en litige, à savoir celui des tubes/canalisations pour le transport et/ou le stockage d'hydrocarbures (cf. paragraphe [0001] du brevet; page 2, lignes 1-2 de D9), obtenu(e)s par exemple à partir de compositions à base de polyamides (cf. revendications du brevet; D9: page 2, ligne 39 à page 3, ligne 3, exemples et revendications 8-9), et
- ce document D9 et le brevet opposé s'attachent tous deux à résoudre des problèmes similaires (cf. paragraphes [0002]-[0003] et les exemples du brevet; D9: page 2: lignes 1-16 et exemples 1 à 6).
3.2 Définition du problème prétendument résolu vis-à-vis de l'art antérieur le plus proche
L'intimée a identifié le problème à résoudre comme étant celui de fournir des couches polymériques ayant des propriétés antistatiques qui sont à base de polyamide et qui peuvent être utilisées dans des tubes/canalisations, ces couches pouvant être mise en oeuvre plus facilement par extrusion (meilleure fluidité) et présentant, à niveau de résistivité équivalente, une résistance au choc à froid améliorée par rapport à l'art antérieur (cf. paragraphes [003], [0013], [0020], [0043], [0054] et le Tableau 2 du brevet opposé).
La chambre tient à signaler qu'elle est d'accord avec l'intimée sur le fait que le choix d'un noir de carbone spécifique ne représente pas le problème posé, comme argumenté par la requérante, mais bien la solution à ce problème, conformément à l'enseignement du paragraphe [0015] du brevet mis en cause. Il est ici rappelé que, selon l'approche problème-solution, il convient de choisir pour l'énoncé du problème technique à résoudre une formulation qui ne préjuge pas de la solution ou qui n'anticipe pas en partie sur la solution (T 229/85, JO OEB 1987, 237; T 99/85, JO OEB 1987, 413).
3.3 Solution
La solution proposée par le brevet est constituée par l'objet des revendications indépendantes 1 et 11 et est caractérisée par l'utilisation dans des couches à base de polyamide de noirs de carbone particuliers caractérisés par des valeurs spécifiques de surface spécifique BET et d'absorption DBP.
3.4 Evaluation du succès de la solution
Les résultats du Tableau 2 du brevet en litige montrent que ce problème est effectivement résolu.
Concernant ledit Tableau 2, il est à noter que la quantité de noir de carbone de l'exemple 3 illustrant l'invention est de 22 % en poids et est ainsi nettement supérieure à celle utilisée dans l'exemple comparatif 2 (8 % en poids). Cependant, le problème à résoudre est celui d'améliorer les propriétés rhéologiques et de résistance au choc à froid tout en maintenant le même niveau de propriétés antistatiques. Il est donc plausible, comme cela a été expliqué par l'intimée durant la procédure orale devant la chambre, qu'il ait été nécessaire de modifier les quantités de noirs de carbone utilisées afin de maintenir un niveau de propriétés antistatiques équivalent dans les exemples 2 et 3. Ces exemples peuvent donc être librement comparés l'un à l'autre.
Le problème objectif résolu est donc effectivement celui identifié par l'intimée et énoncé au point 3.2 ci-dessus.
3.5 Évaluation de l'évidence de la solution au vu de l'enseignement de l'art antérieur
3.5.1 Résistance au choc à froid et propriétés rhéologiques
La chambre a constaté qu'aucun des documents cités par la requérante ne comprend d'enseignement relatif à la résistance au choc à froid de composition de polyamides. Etant donné que le problème objectif effectivement résolu est en partie basé sur l'amélioration de cette propriété, il n'est à priori pas possible que lesdits documents puissent fournir une solution au problème posé.
L'argument de la requérante selon lequel les propriétés mécaniques étudiées dans le Tableau 3 de D17 ou dans le Tableau 1 de D16 se réfèrent à de telles conditions de mesure n'est pas accepté par la chambre. En effet, quand bien même certaines propriétés mécaniques sont effectivement énumérées dans ces tableaux, la requérante n'a pas démontré qu'une de ces propriétés correspondait effectivement à la mesure de la résistance au choc à froid mesurée à -30 ºC selon le brevet attaqué. La simple référence dans ces Tableaux à des normes internationales n'est pas un argument suffisant en soi. De plus, ces tableaux ne se réfèrent pas à des compositions de polyamide mais à des élastomères EPDM ou à des caoutchoucs de styrène-butadiène ("SBR-rubber"). Or, il est acquis que les propriétés tant mécaniques qu'électriques de compositions chargées dépendent non seulement de la charge employée mais également de la matrice polymérique. Ainsi, quand bien même certains effets techniques inattendus pour l'homme du métier pourraient se déduire des données du Tableau 3 de D17 ou du Tableau 1 de D16, il n'y aurait aucune raison d'escompter que ces mêmes propriétés seraient également présentes pour d'autres matrices polymériques, en particulier pour des polyamides selon les revendications de la requête principale, qui sont des polymères par nature complètement différents des élastomères EPDM du Tableau 3 de D17 et des caoutchoucs de styrène-butadiène du Tableau 1 de D16.
La chambre constate par ailleurs qu'elle n'a aucun document à sa disposition qui permette d'établir un lien entre les propriétés rhéologiques et la résistance au choc à froid de compositions de polyamide. L'argument de la requérante selon lequel ces deux propriétés sont intimement liées entre elles a donc été rejeté et la chambre a considéré dans la présente décision que le brevet opposé s'attachait effectivement à résoudre deux problèmes distincts (amélioration tant des propriétés rhéologiques que de la résistance aux chocs) et non un seul, comme argumenté par la requérante. En conséquence, l'argument de la requérante selon lequel la solution proposée par l'intimée était une "voie à sens unique", c'est-à-dire que les compositions présentant des propriétés rhéologiques améliorées enseignées par exemple à la Fig. 6 de D17 présenteraient également automatiquement une résistance au choc à froid améliorée, n'a pas été retenu par la chambre.
Enfin, la chambre partage l'opinion de l'intimée exprimée au paragraphe [0013] du brevet attaqué selon lequel les résultats du Tableau 2 du brevet sont surprenants et vont à l'encontre des enseignements de l'art antérieur. En effet, sur la base de ses connaissances générales, l'homme du métier se serait attendu à ce qu'une augmentation de la teneur pondérale de la charge de noir de carbone dans une matrice polyamide s'accompagne d'une dégradation des propriétés rhéologiques, en particulier d'une augmentation de la viscosité, ainsi que d'une dégradation de la résistance au choc. Or, les résultats obtenus sont contraires à ces attentes: bien qu'une quantité plus importante de charges ait été utilisée dans l'exemple 3 selon l'invention que dans l'exemple comparatif 2, cette augmentation substantielle de la teneur pondérale de la charge (de 8 % à 22 % en poids: cf. Tableau 1 du brevet opposé) conduit cependant à une amélioration non seulement de l'indice de fluidité mais aussi de la résistance au choc des compositions polyamides étudiées (cf. deux dernières colonnes du Tableau 2 du brevet).
La chambre est donc d'avis que les résultats du Tableau 2 ne sont pas évidents au vu de l'enseignement des documents de l'art antérieur cités.
3.5.2 Combinaison de D9 avec D16 ou D17
La chambre considère par ailleurs que la combinaison des enseignements de D9 et de D16 ou D17 telle qu'envisagée par la requérante n'était pas évidente en soi.
En effet, D16 et D17 ne traitent pas spécifiquement de compositions de polyamides ni de tubes et/ou canalisations multicouches telles qu'enseignées dans les revendications 8 à 9 ou dans les exemples 1 à 6 de D9.
D24, par contre, qui est également un art antérieur à la disposition de l'homme du métier à la date de priorité du brevet opposé, concerne précisément des compositions antistatiques qui peuvent être utilisées pour la fabrication de tels objets et qui peuvent être, entre autres, à base de polyamide (D24: revendications 1 et 5; page 2, ligne 47 à page 3, ligne 23; exemples). Ces compositions visent de plus également à résoudre des problèmes similaires à ceux résolus par le brevet opposé (cf. D24: page 2, lignes 10 à 30, en particulier les paragraphes a), d) et f) identifiant la résistance chimique, les propriétés d'extrusion et la résistance au choc à froid). L'homme du métier partant de D9 et cherchant à résoudre le problème technique identifié ci-dessus aurait donc été amené à considérer les enseignements de D24 au moins autant que ceux de D16 ou D17. La chambre partage l'avis de l'intimée selon lequel, au vu du contenu de D9 et du problème à résoudre précédemment identifié, les enseignements de D24 auraient même été jugés plus pertinents que ceux de D16 ou D17. Or D24 enseigne de résoudre ces problèmes en utilisant en tant qu'agent antistatique des nanotubes de carbone et non des noirs de carbone comme dans le brevet opposé. D24 enseigne même que ces nanotubes sont plus efficaces que les noirs de carbone usuellement utilisés (cf. exemples comparatifs A à E du Tableau 1 réalisés en utilisant un noir de carbone Ketjenblack EC 300 J comme indiqué à la page 5, ligne 40 de D24). Ainsi, non seulement D24 propose-t-il une solution différente de celle proposée par le brevet opposé afin de résoudre les problèmes posés mais il va même à l'encontre de la solution du brevet opposé puisqu'il préconise l'utilisation de nanotubes de carbone au lieu des noirs de carbone usuels.
Ainsi, la chambre considère-t-elle que l'homme du métier n'aurait eu aucune incitation à combiner les enseignements de D9 et D16 ou D17 pour résoudre le problème objectif identifié ci-dessus. L'argumentation de la requérante à cet égard est considérée se reposer sur la connaissance de la solution proposée par le brevet opposé ("hindsight"). De plus, les conclusions de D24 vont à l'encontre de la combinaison de D9 et D16 ou D17. De ce fait, quand bien même l'homme du métier aurait été éventuellement en mesure de modifier l'enseignement de D9 selon les revendications du brevet modifié, la chambre estime qu'il n'aurait cependant eu aucune bonne raison de procéder ainsi (approche "could/would").
3.5.3 Modification du noir de carbone
La chambre considère que partant de D9, l'homme du métier n'aurait eu aucune raison de considérer que la modification du noir de carbone pourrait constituer la solution qui lui permettrait de résoudre le problème objectif identifié. En effet, selon l'enseignement de D9 lui-même, il aurait également eu d'autres possibilités envisageables à sa disposition, comme par exemple le changement de la nature de la matrice polymérique ou encore l'utilisation d'autres types de charges (cf. D9: page 2, lignes 9 à 23 et 39 à 45). Ainsi, la modification du noir de carbone ne représente-t-elle pas la seule solution qui aurait pu être envisagée par l'homme du métier. La situation présente n'est donc pas celle d'une "voie à sens unique", comme argumenté par la requérante, dans laquelle l'homme du métier n'aurait eu comme unique possibilité que celle de modifier le noir de carbone. En particulier, aucun des documents cités par la requérante ne révèle une influence de la nature du noir de carbone utilisé comme charge sur la résistance au choc à froid de compositions de polyamides. De ce fait, la chambre estime qu'il n'était pas évident, à la date de priorité du brevet opposé, de chercher à modifier le noir de carbone utilisé dans D9 dans le but de résoudre le problème objectif identifié préalablement. L'argument de la requérante à ce propos est à nouveau basé sur la connaissance du contenu du brevet opposé.
Enfin, quand bien même l'homme du métier en serait venu à vouloir sélectionner un type de noir de carbone spécifique afin de résoudre le problème technique préalablement identifié, il reste néanmoins qu'il n'aurait eu aucun raison particulière de choisir les noirs de carbone tels que les produits Ensaco enseignés par D16 ou D17 parmi la multitude de noirs de carbone disponibles sur le marché (approche could/would).
3.5.4 Pour ces raisons, la chambre considère qu'il n'était pas évident de résoudre le problèmes objectif identifié ci- dessus en utilisant comme charge conductrice dans les compositions antistatiques à base de polyamide selon l'enseignement de D9 des noirs de carbone tels que définis dans les revendications indépendantes 1 et 11 de la requête principale. L'objet des revendications 1 à 18 est donc inventif au vu de D9 comme art antérieur le plus proche.
3.6 Pendant la phase écrite de la procédure de recours, la requérante avait également considéré D7 comme art antérieur le plus proche pour les revendications d'utilisation 11 à 18. La requérante a cependant estimé pendant la procédure orale devant la chambre de recours qu'elle acceptait l'argumentation présentée tant par l'intimée que par la chambre dans son opinion préliminaire et qu'effectivement D9 représentait un meilleur art antérieur le plus proche que D7 pour ces revendications. Ce faisant, la chambre estime que la requérante a implicitement reconnu que si une activité inventive venait à être reconnue partant de D9 comme art antérieur le plus proche, il en serait de même en partant de D7. Compte tenu de la conclusion du paragraphe 3.5 précédent, la chambre considère qu'il n'est pas besoin d'examiner dans cette décision l'activité inventive partant de D7 comme art antérieur le plus proche.
3.7 La chambre constate finalement que le document D18 ne porte pas de date de publication et qu'il n'a pas été démontré que ce document avait été mis à la disposition du public avant la date de priorité du brevet en litige. La requérante n'a donc pas démontré que D18 faisait effectivement partie de l'art antérieur. L'argumentation de manque d'activité inventive présentée par la requérante pendant la phase écrite du recours et faisant intervenir le document D18 n'a donc pas été retenue.
3.8 La chambre en arrive ainsi à la conclusion que l'objet des revendications indépendantes 1 et 11 de la requête principale de l'intimée étant inventif, la requête principale de l'intimée dans son ensemble satisfait aux conditions posées par l'Art. 56 CBE.
4. La requête principale de l'intimée (titulaire) étant nouvelle et inventive, il n'est nullement besoin de considérer les requêtes subsidiaires de l'intimée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.