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T 1874/12 (Échange de valeurs II/IDEMIA France) 06-05-2021
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Dispositif électronique portable pour l'échange de valeurs et procédé de mise en oeuvre d'un tel dispositif
Activité inventive (non
Activité inventive - ensemble de caractéristiques techniques et non-techniques, solution evidente)
I. Le recours a été formé par la requérante contre la décision par laquelle la division d'examen a rejeté la demande.
II. La division d'examen a estimé que la revendication 1 de la requête principale, ainsi que celle des requêtes subsidiaires 1, 2 et 3 n'impliquaient pas d'activité inventive selon l'article 56 CBE par rapport au document D1 (US 2007/123215) en combinaison avec des connaissances notoires ou générales, connues, entre autre, de D8 (XP031070482), D9 (XP002370657), D10 (XP031009349) ou D11 (FR2806568) pour l'échange de données via NFC, et de D6 (WO 01/95660) ou D7 (WO 2007/102046) pour le transfert de données de façon différée.
Dans un Obiter Dictum la division a fait référence au document D13 (WO 03/077473) sans toutefois le dis-cuter pour des raisons d'efficacité procédurale.
III. La requérante demande que la décision attaquée soit annulée et qu'un brevet soit délivré sur la base de la requête principale présentée par lettre du 10 décembre 2010, ou à titre subsidiaire, sur la base de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 3, déposées avec le mémoire de recours en date du 27 juillet 2012.
IV. La procédure orale devant la chambre s'est tenue le 6 mai 2021 par visioconférence. A la fin de la procédure orale le président de la chambre a prononcé la décision.
V. La revendication 1 de la requête principale est rédigée ainsi :
"Procédé pour la transmission d'un montant en valeurs entre un créditeur et un débiteur, chacun pourvu d'une entité électronique portable personnelle (100) comprenant des moyens de communication sans fil à faible portée (160), ledit montant en valeur étant transféré d'un compte dudit débiteur à un compte dudit créditeur par un système informatique en charge de la gestion des valeurs considérées, ce procédé étant caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes,
- réception (515) par ladite entité électronique portable personnelle dudit débiteur d'au moins une première référence dudit compte à créditer ou dudit créditeur, ladite au moins une référence étant reçue de l'entité électronique portable personnelle dudit créditeur via lesdits moyens de communication sans fil à faible portée ;
- saisie (520) d'au moins une donnée liée audit montant en valeurs sur l'entité électronique portable personnelle dudit débiteur ;
- saisie (525) d'un code confidentiel sur l'entité électronique portable personnelle dudit débiteur ;
- authentification (530) dudit code confidentiel ; et,
- création et transmission (535), via un réseau de téléphonie mobile ou un réseau de communication de données, d'un message de transaction comprenant ladite au moins une donnée, ladite au moins une première référence reçue et au moins une seconde référence dudit compte à débiter ou dudit débiteur, ledit message de transaction étant transmis de façon différée en cas d'absence de connexion audit réseau de téléphonie mobile ou de communication de données."
La revendication 1 de la première requête subsidiaire est basée sur la revendication 1 de la requête principale en ajoutant "conformes à la norme NFC" à la ligne 4 de la revendication 1 pour définir les moyens de communication sans fil à faible porté.
La deuxième requête subsidiaire apporte deux modifications à la revendication 1 de la requête principale. Elle ajoute en ligne 18 de la revendication 1 la caractéristique "si le code confidentiel est correct" pour définir une condition pour la création et transmission d'un message de transaction, et elle ajoute aux lignes 22 à 24 de la revendication la caractéristique "une référence dudit compte à débiter étant mémorisée dans lesdits moyens de communication sans fil à faible portée de ladite entité électronique portable personnelle dudit débiteur".
La revendication 1 de la troisième requête subsidiaire est une combinaison des revendications 1 de la première et deuxième requête subsidiaire.
VI. Les arguments de la requérante peuvent être résumés ainsi :
L'invention propose un procédé simple et sécurisé pour transférer un montant en valeurs entre un débiteur et un créditeur. D13 viserait au contraire à automatiser l'utilisation d'un chèque électronique classique. Pour les arguments détaillés, voir point 2.5 des motifs de la présente décision.
1. L'invention
1.1 L'invention concerne le transfert d'un montant en valeurs, comme, par exemple, des valeurs monétaires, des points de fidélité, des bons d'achat, entre un débiteur et un créditeur, c'est à dire entre un compte du débiteur et un compte du créditeur de façon simple et sécurisée, voir page 1, premier paragraphe de la demande.
1.2 Débiteur et créditeur disposent chacun d'une entité électronique portable personnelle (ci-après parfois désignée simplement par le terme "entité"), soit un téléphone mobile ou une carte à microcircuit, comprenant une CPU (140), des moyens de communication (160) sans fil à faible portée (NFC), et un module mémoire (180) qui enregistre une application (190) permettant l'échange de montants en valeurs. Des moyens d'authentification de l'utilisateur seraient implantés dans les moyens NFC, voir page 14, deuxième paragraphe.
1.3 La communication établie entre les entités est de préférence sécurisée à l'aide d'un module de sécurisation comprenant des moyens cryptographiques (clés de cryptage) connus de l'homme du métier. S'il s'agit d'un téléphone mobile (figures 2a, 2b, et figure 5c en haut de la page 3/3 qui devrait être référencée 5a), l'entité est également pourvue de moyens de communication (110) (type GSM, GPRS ou Wifi) pour transférer une requête de transaction à un serveur d'un établissement bancaire.
1.4 La revendication 1 semble basée sur le mode de réalisa-tion de l'invention qui est illustré dans les figures 5a, 5b et 5c, voir aussi page 21, ligne 25, à page 25, ligne 20, de la demande. Dans ce mode de réalisation un RIB est reçu par l'entité du débiteur de l'entité du créditeur (étape 505); le débiteur saisit le montant en valeur sur son entité (étape 520), ainsi que son code confidentiel (étape 525). Son entité transmet ensuite une requête de transaction (étape 535) au système informatique de l'établissement bancaire, après validation du code personnel (étape 530).
2. Article 56 CBE
2.1 L'article 111(1) CBE prévoit qu'une chambre de recours peut soit exercer les compétences de l'instance qui a rendu la décision attaquée, soit renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner. Dans la présente affaire la chambre décide d'exercer lesdites compétences afin de statuer sur l'affaire. Elle note que la requérante avait renoncé à un double degré de juridiction dans sa lettre du 16 mars 2020. Au titre des compétences tirées de l'article 111(1) CBE, la chambre décide d'introduire le document D13 dans la procédure, en ce qu'il est plus pertinent que le document D1.
2.2 Les chambres de recours se sont penchées sur l'appréciation de l'activité inventive dans les cas où l'invention comporte à la fois des caractéristiques techniques et des caractéristiques non techniques, voir La Jurisprudence des Chambres de recours, 9ième édition, I.D.9.1. L'examen de savoir si l'invention implique une activité inventive ou non se fonde sur l'approche problème-solution ; celle-ci nécessite une analyse de l'invention en termes de solution technique apportée à un problème technique. Pour des inventions "mixtes", l'approche COMVIK (voir T 641/00 (JO 2003, 352) a été développée, voir La Jurisprudence des Chambres de recours, 9ième édition, I.D.9.1.3b). Il s'agit d'une application classique de l'approche problème-solution, qui consiste à déterminer les différences par rapport à l'état de la technique le plus proche et dans laquelle seules celles qui contribuent au caractère technique sont prises en compte pour apprécier l'activité inventive.
2.3 La présente chambre, dans une composition différente, avait considéré dans T 1784/06 (COMPTEL) que des brevets ne pouvaient être délivrés que pour des objets techniques (article 52 CBE), il s'ensuit qu'une contribution (non évidente) qui justifie la délivrance d'un brevet doit avoir un caractère technique. La chambre observait qu'il semble paradoxal de reconnaître une activité inventive sur la base d'une innovation non-technique (telle qu'un algorithme organisationnel, administratif, commercial ou mathématique) n'ayant aucune implication technique autre que le désir (évident) de sa mise en ½uvre sur un ordinateur à usage général. La présente chambre partage cette analyse et juge que ce raisonnement s'applique également à la présente invention qui vise à simplifier le processus de paiement en utilisant une technologie bien connue.
D13 (WO03/077473)
2.4 D13 divulgue une méthode de paiement entre un débiteur et un créditeur grâce à un chèque électronique. Chacun dispose d'une entité électronique portable comprenant une carte SIM. Un chèque électronique de paiement est créé sur la carte SIM de l'entité du débiteur ("cheque issuer") et envoyé à la carte SIM de l'entité du créditeur ("cheque receiver") par SMS via un SMS message proxy qui est intégré dans un central hub. Le paiement du chèque par le créditeur à une banque se fait également via SMS. La création d'un chèque électronique par le débiteur demande de fournir le montant, le numéro de téléphone du créditeur et le compte bancaire du débiteur, voir page 3, dernier paragraphe. La création du chèque est confirmé par le débiteur en entrant son code confidentiel (PIN) sur son entité, page 4, troisième paragraphe, afin d'éviter l'envoi de chèques accidentellement. Le chèque est crypté et signé électroniquement avant d'être envoyé au créditeur. Le paiement est confirmé par le code confidentiel (PIN) du créditeur, voir page 13 à 14.
2.5 La requérante a principalement argumenté dans ses écritures et pendant la procédure orale que D13 vise l'automatisation du paiement par chèque classique et est donc fondamentalement différent de l'invention. A l'encontre de D13, l'invention viserait une méthode de paiement simple et sécurisée. D'abord, on transmet un RIB par communication sans fil à faible portée d'une entité électronique personnelle à l'autre, ensuite on effectue le paiement par réseau de télécommunication.
La revendication 1 se distinguerait de D13 par les caractéristiques suivantes:
(dif1) réception par ladite entité électronique portable personnelle dudit débiteur d'au moins une première référence dudit compte à créditer ou dudit créditeur, ladite référence (au moins une) étant reçue de l'entité électronique portable personnelle dudit créditeur via lesdits moyens de communication sans fil à faible portée,
(dif2) la transmission dudit message de transaction de façon différée en cas d'absence de connexion audit réseau de téléphonie mobile ou de communication de données,
(dif3) la création et transmission, via un réseau de téléphonie mobile ou un réseau de communication de données, d'un message de transaction comprenant ladite donnée (au moins une).
2.6 Au sujet de la différence (dif1), la chambre est de l'avis que l'établissement d'un chèque, voir D13, page 20, "issue cheque", requiert le montant, le compte à débiter et le numéro MSISDN du destinataire. Cette dernière information correspond à la caractéristique "première référence dudit créditeur". Elle est saisie par l'utilisateur (le débiteur), voir aussi page 13, lignes 14 à 18, avec le clavier de l'entité portable personnelle quand le créditeur lui communique, vraisemblablement oralement, cette information. Le MSISDN est ensuite remplacé par le numéro du compte du créditeur, voir page 20, ligne 15 et suivantes, et page 13, dernier paragraphe. Il est à noter que la revendication 1 ne requiert pas que la première référence se réfère à un numéro de compte ou à un RIB.
2.7 La saisie manuelle de données est connue comme étant sensible et source d'erreurs. La personne du métier cherchera à trouver une solution pour réduire ce risque. D13 ouvre déjà la voie pour une solution en proposant que la communication entre les deux entités portables personnelles peut se faire par n'importe quel standard de communication sans fil à courte portée, par exemple, IrDA, Bluetooth, ou WiFi, voir le dernier paragraphe en page 27. Le MSISDN sera donc transmise directement d'une entité à l'autre grâce à la communication sans fil à courte portée, qui n'apparaît pas différent d'une communication sans fil à faible portée.
2.8 Le "recodage" d'un SMS, mentionné en page 13, lignes 21 à 24, de D13, concerne la communication entre les deux entités via un SMS gateway, mais pas nécessairement la communication "peer-to-peer" sans fil à courte portée. Il n'y a pas d'obstacle pour la personne du métier à prévoir un échange de données entre les deux entités grâce à la communication sans fil à courte portée. D13 divulgue, entre autres, aussi la possibilité de transmettre directement des messages SMS entre les deux entités portables personnelles grâce à ces standards, voir page 3, lignes 26 à 28.
2.9 Au sujet de la différence (dif2), la revendication 1 requiert la création et la transmission différée du message de transaction en cas d'absence de communication, mais n'établit pas par qui ce message est créé, ni par qui et ni à qui ce message est transmis.
La chambre est de l'avis qu'il fait partie des connaissances générales de la personne du métier que la qualité de la communication d'un réseau mobile du type GSM dépend de la couverture du réseau. Dans une zone de non-couverture, un message SMS est transmis en différé en cas d'absence de connexion audit réseau de téléphonie mobile. La communication du message de transaction du créditeur à la banque se fait dans D13 via un SMS Gateway/proxy, voir page 9, dernier paragraphe, à page 10, ligne 25, ce qui implique la transmission en différé d'un SMS.
2.10 Au sujet de la différence (dif3), la chambre est de l'avis qu'il n'y a pas de différence technique entre un chèque électronique de D13 et un message de transaction selon la revendication 1. Un chèque sert à transférer un montant entre un débiteur ("cheque issuer") et un créditeur ("cheque receiver") et comprend le montant en valeurs à transférer, au moins une première référence du compte à créditer et au moins une seconde référence dudit compte à débiter, voir page 13, ligne 11, à page 14, ligne 2, et page 20, lignes 15 à 20, de D13. Le chèque qui est envoyé à la banque est illustré en page 20, lignes 15 et suivantes du document D13.
2.11 La chambre n'est pas convaincue par l'argument de la requérante que D13 ne serait pas comparable à l'invention parce que le montant des transactions est potentiellement plus important que dans l'invention et que ceci demanderait la mise en oeuvre de technologies de communication à longue et/ou courte portée.
Premièrement, D13 propose une solution pour le transfert d'un montant sans donner de limites, voir page 2, deuxième et troisième paragraphe.
Deuxièmement, la chambre ne voit aucune raison en quoi ceci impliquerait un choix différent dans la mise en oeuvre des technologies de communication.
2.12 La chambre est également de l'avis que l'échange de messages sécurises est connu de D13, voir, entre autre, page 2, dernier paragraphe, qui divulgue l'utilisation de clés de cryptage, ainsi que la signature électronique des chèques de paiement, voir page 11, troisième et quatrième paragraphe.
2.13 La chambre juge donc que la revendication 1 de la requête principale n'implique pas d'activité inventive par rapport à D13 et aux connaissances générales de la personne du métier.
3. Les requêtes subsidiaires
3.1 La revendication 1 de la première requête subsidiaire n'est pas inventive par rapport à D13 en combinaison avec D10.
D13 discute en page 2, deuxième paragraphe, l'importance de la sécurisation de la communication entre les deux entités pour tout transfert de chèque. L'homme du métier apprend de D10, Section VII, que l'intégration des moyens NFC dans des téléphones mobiles permet l'utilisation de tels téléphones comme des moyens d'identification et d'authentification dans le paiement électronique.
3.2 La revendication 1 de la deuxième requête subsidiaire n'est pas inventive par rapport à D13 en combinaison avec D10.
Un test pour savoir si le code confidentiel est correct n'ajoute pas d'effet technique supplémentaire à l'utilisation d'un code PIN qui est défini dans la revendication 1 des requêtes de rang supérieur. En outre, l'utilisation d'un code PIN pour authentifier une transaction est connu de D13, voir page 13, ligne 30, à page 13, ligne 2, et page 24, lignes 9 à 13. Cette caractéristique est aussi connue de D10, voir Section VII, lignes 14 à 17 et page 412, colonne de gauche, lignes 18 à 27.
En ce qui concerne la mémorisation du compte à débiter dans les moyens de communication sans fil à faible portée de ladite entité électronique portable personnelle dudit débiteur, cette caractéristique n'implique pas d'effet technique particulier hormis de fournir une autre option pour le stockage des données sur l'entité électronique portable.
4. La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 est une combinaison des revendications 1 des requêtes subsidiaires 1 et 2 respectivement et n'implique donc pas d'activité inventive pour les mêmes raisons.
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.