T 0772/17 (Procédé et dispositif de traitement d'information / TRUSTCORP) 15-04-2021
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PROCÉDÉ ET DISPOSITIF DE TRAITEMENT D'INFORMATION
Activité inventive - garantir la valeur probante des opérations portant sur des documents dématérialisés (non
Activité inventive - pas une innovation technique)
I. Le recours a été formé par la requérante (demanderesse) contre la décision par laquelle la division d'examen a rejeté la demande de brevet en litige (ci-après la "demande").
II. Dans une décision prise en l'état du dossier, la division d'examen a jugé que la revendication 1 selon la requête principale n'impliquait pas d'activité inventive selon l'article 56 CBE et n'était pas conforme à l'article 123(2) CBE. La division a fait référence aux documents XP010549777 (D1), XP004334593 (D2) et EP1515509 (D3) en tant qu'exemples d'un système électronique de gestion de documents électroniques.
III. La requérante demande que la décision attaquée soit annulée et qu'un brevet soit délivré sur la base de la requête principale, déposée avec le mémoire de recours en date du 8 mars 2017, ou l'une des trois requêtes subsidiaires, déposées en même temps.
IV. La Chambre a convoqué la partie à une procédure orale et communiqué son avis préliminaire selon lequel l'objection au titre de l'article 123(2) CBE semblait surmontée par les nouvelles requêtes, par contre l'objection selon l'article 56 CBE ne le serait pas, essentiellement pour les motifs énoncés dans la décision attaquée. Toujours selon la Chambre dans son avis préliminaire il n'y avait pas de vice de procédure.
V. La décision a été prise à l'issue de la procédure orale qui s'est déroulée en l'absence de la requérante qui avait indiqué par lettre du 16 février 2021 qu'elle n'y participerait pas et avait demandé qu'une décision soit prise en l'état pour cette demande de brevet.
VI. La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit :
"1. Système d'échange de documents électroniques à valeur probante comprenant, pour chaque utilisateur enregistré, au moins un bureau de correspondance (130) géré par un tiers de confiance (105), ledit bureau recevant et stockant des compte-rendu d'opérations relatives à un document électronique principal, ledit système étant caractérisé en ce qu'il comprend en outre, pour chaque utilisateur enregistré, au moins un bureau de gestion (120) géré par ledit tiers de confiance dans lequel ledit utilisateur peut appliquer une règle de rattachement au document électronique principal d'au moins un coupon de gestion (122) qui définit au moins une opération à réaliser sur au moins un élément appartenant au groupe comprenant le document électronique principal et au moins un document électronique secondaire relié au document électronique principal par un identifiant commun, le contenu du document électronique secondaire étant généré à partir du contenu du document électronique principal."
VII. Les requêtes subsidiaires :
La revendication 1 de la requête auxiliaire 1 est basée sur la revendication 1 de la requête principale en ajoutant les caractéristiques de la revendication 9 de la requête principale, comme suit "le contenu du document électronique secondaire étant généré à partir du contenu du document électronique principal, ledit système étant caractérisé en ce que la génération du document électronique secondaire à partir du contenu du document électronique principal n'est autorisée que si les habilitations associées audit document électro-nique principal et audit au moins un document électro-nique secondaire sont respectées".
La revendication 1 de la requête auxiliaire 2, basée sur la revendication 1 de la requête principale et en y ajoutant les caractéristiques de la revendication 3 de la requête principale, s'énonce comme suit: "le contenu du document électronique secondaire étant généré à partir du contenu du document électronique principal, ledit système étant caractérisé en ce que la fin de l'exécution de la dite au moins une opération définie par ledit au moins un coupon de gestion est apte à déclencher l'émission d'un message à destination d'une application informatique pour que celle-ci réalise au moins une opération suivante sur au moins un élément appartenant au groupe comprenant le document électro-nique principal et au moins un document électronique secondaire".
La revendication 1 de la requête auxiliaire 3, basée sur la revendication 1 de la requête principale en y ajoutant des caractéristiques tirées de la description, page 9, lignes 25 à 29, s'énonce comme suit: "le contenu du document électronique secondaire étant généré à partir du contenu du document électronique principal, ledit système étant caractérisé en ce ledit tiers de confiance gère un référentiel de gestion des identités de chaque utilisateur enregistré, ledit référentiel de gestion des identités comprenant, pour chaque utilisateur enregistré, une liste de ses droits et un numéro de téléphone mobile (423) permettant d'authentifier lesdits utilisateurs en lui faisant parvenir un mot de passe à usage unique sur un terminal mobile communicant".
1. L'invention
1.1 La présente invention concerne la gestion de documents, en particulier la dématérialisation (faire passer des documents d'un support physique (le plus souvent
papier) à un support numérique) de documents à valeur juridique et/ou probante, page 1. Selon la demande, les systèmes actuels de gestion de documents seraient destinés à être utilisés par une seule entité, par exemple une entreprise, mais ne permettraient pas un traitement complexe d'un document par un ensemble d'intervenants, par exemple, un réseau de tiers de confiance et un ensemble d'opérateurs. L'ensemble des tiers de confiance serait responsable vis-à-vis de l'utilisateur de la bonne fin des opérations qu'il demande et un ensemble d'opérateurs exécuterait les tâches de dématérialisation du document. Le réseau de tiers de confiance fournirait tous les éléments permettant de donner une valeur juridique ou probante à une décision de gestion d'un utilisateur.
1.2 La présente invention revendique de remédier à ces inconvénients par l'introduction d'un document dit "primaire" qui comporterait au moins une définition d'au moins un document dit "secondaire". Le document secondaire dépend du contenu du document primaire, c'est à dire, le document secondaire serait généré sur la base d'un modèle de ce document, voir page 1 de la demande. Ce modèle serait formé par un couple événement type (par exemple, un ordre de paiement, un ordre de fabrication ou un accusé de réception) et un formulaire type (par exemple, des mentions fiscales, commerciales). Chaque couple définit le formulaire respectif pour un document secondaire généré pour ledit événement type et un tel formulaire regrouperait l'ensemble des informations nécessaires pour les traitements à effectuer par les applications affiliées au réseau de tiers de confiance. Le couple événement type et formulaire type définirait le flux d'informations qui circule dans le système informatique, page 7, ligne 8 et suivantes. En effet, ce couple préciserait le traitement à effectuer, le contexte d'utilisation du formulaire (quelle partie du formulaire pour quel événement). Lorsqu'un document type est nécessaire, il est inclus dans le formulaire. La page 7, ligne 16 et suivantes explique que le document type définit la structure du document, et les décisions de gestion (dites coupons) à activer pendant le cycle de vie d'un document, page 5, lignes 8 et suivantes.
2. Article 123(2) CBE
2.1 La revendication 1 de la présente requête principale est une combinaison des revendications 1 et 8 de la requête principale antérieure pour répondre à l'objec-tion de l'article 123(2) CBE. La caractéristique "le contenu du document électronique secondaire étant généré à partir du contenu du document électronique principal" a été ajouté à la fin de la revendication.
2.2 La Chambre est de l'avis que l'objection de l'article 123(2) CBE a ainsi été surmontée.
3. Article 56 CBE
3.1 La division d'examen a considéré que seule la caractéristique "électronique" de la revendication 1 de la requête principale antérieure représentait clairement une caractéristique technique et que les autres caractéristiques définissaient un procédé administratif.
Par ailleurs, la division semble avoir donné aussi à d'autres caractéristiques une interprétation technique : "système d'échange", "bureau de correspondance et "bureau de gestion" qu'elle semble avoir regardé comme des services informatiques, mais qui seraient connues dans l'état technique, par exemple, de D1, D2 ou D3.
La division a conclu que la revendication 1 était une automatisation d'un procédé administratif en utilisant un système électronique de gestion de documents électroniques, généralement connu, et n'impliquant pas d'activité inventive (article 56 CBE).
3.2 La requérante précise en résumé que le découpage de la revendication 1 par la division d'examen en caracté-ristiques techniques et non-techniques serait erroné. Il n'y aurait pas de base dans la CBE pour exclure un système de gestion de documents de la brevetabilité sur la base de l'article 52(2)c) et (3) CBE. Un tel système ne serait ni une activité purement intellectuelle, ni une activité économique, mais représenterait un procédé de traitement administratif dont l'article 52(2)c) CBE ne parle pas.
3.3 La Chambre ne peut suivre l'argumentation de la requé-rante pour les motifs suivants.
Premièrement, la division n'a pas soulevé d'objection sur la base de l'article 52(2)c) et (3) CBE, mais sur la base de l'article 56 CBE. La division a appliqué l'approche problème-solution pour des inventions "mixtes", voir T 641/00 (COMVIK). Selon cette approche seules les caractéristiques contribuant au caractère technique de l'objet revendiqué entrent en ligne de compte pour l'examen de l'activité inventive. Il est donc nécessaire de déterminer quelles caractéristiques ont un effet technique. Et la Chambre note que la division n'a pas seulement regardé la caractéristique "électronique" comme une caractéristique technique, mais elle a aussi donné une interprétation technique aux caractéristiques "système d'échange", "bureau de correspondance" et "bureau de gestion" en tant que services informatiques.
Deuxièmement, l'article 52 CE contient dans son para-graphe 2a) à 2d) une liste d'éléments qui ne sont pas considérés comme des inventions. Cette liste est non-exhaustive. Ces exemples ont en commun de se référer à des activités qui ne visent pas à obtenir directement un effet technique, mais qui ont plutôt un caractère abstrait et intellectuel.
Troisièmement, la présente Chambre, dans une composi-tion différente, avait considéré dans T 1784/06 (COMPTEL) que des brevets ne pouvaient être délivrés que pour des objets techniques (article 52 CBE), il s'ensuit qu'une contribution (non évidente) qui justifie la délivrance d'un brevet doit avoir un caractère technique. La Chambre observait qu'il semble paradoxal de reconnaître une activité inventive sur la base d'une innovation non-technique (telle qu'un algorithme organisationnel, administratif, commercial ou mathématique) n'ayant aucune implication technique autre que le désir (évident) de sa mise en ½uvre sur un ordinateur à usage général. Selon la présente Chambre, ce raisonnement s'applique également à la présente invention.
3.4 En conséquent la Chambre considère que la méthode revendiquée ayant comme objectif de garantir la valeur probante des opérations portant sur des documents dématérialisés n'est pas une innovation technique. De fournir la garantie que les différentes opérations ont été réalisées par des personnes habilitées au bon niveau de confiance, d'assurer leur traçabilité et de conserver des preuves relèvent de la partie non technique de l'innovation.
3.5 La requérante identifie trois effets techniques qui seraient produits par la revendication 1 :
(i) le système d'échange de documents électroniques à valeur probante conférait une valeur probante aux transactions portant sur des documents électroniques échangés sur un réseau;
(ii) fournir pour chaque utilisateur enregistré un bureau de correspondance qui est géré par un tiers de confiance et qui reçoit et stocke des compte-rendus d'opérations relatives à un document électronique principal, permettrait d'assurer la traçabilité de toutes les opérations effectuées et ainsi la validation de la valeur probante.
(iii) fournir pour chaque utilisateur enregistré un bureau de gestion qui est géré par un tiers de confiance et qui permet à l'utilisateur de rattacher au moins un coupon de gestion qui définit au moins une opération à réaliser sur au moins un élément apparte-nant au groupe comprenant le document électronique principal et au moins un document électronique secondaire relié au document électronique principal par un identifiant commun, permettrait d'ordonnancer des opérations portant sur les documents électroniques.
3.6 La Chambre ne peut suivre les arguments de la requéran-te pour les raisons suivantes :
En ce qui concerne (i), la Chambre ne peut identifier comme effet technique rien d'autre que l'échange de documents électroniques, comme la division d'examen l'avait fait. Associer une valeur probante aux documents n'implique pas d'effet technique.
En ce qui concerne (ii), le stockage de comptes-rendus d'opérations, par exemple dans une mémoire, est certes de nature technique, mais est motivé par un objectif non-technique qui est de garantir la traçabilité des opérations effectuées pour la validation de la valeur probante d'un document effectuée par un tiers de confiance. La page 5, ligne 35, et la page 6, ligne 3 de la demande expliquent que l'utilisateur souhaite
que les opérations soient effectuées conformément à
ses instructions, donc il souhaite à cette fin accéder à un historique de ces opérations.
En ce qui concerne (iii), l'ordonnancement des opéra-tions réalisé grâce à un coupon définissant au moins une opération à réaliser est motivé par le souhait de définir préalablement des actes de gestion qu'il est possible d'activer pendant le cycle de vie d'un document, par exemple, un coupon d'acceptation 258, un coupon de bon à payer 259, un coupon d'accusé de réception 260, un coupon d'ordre de paiement 261 ou un coupon d'autorisation de paiement 262. Cette caractéristique n'a pas d'effet technique car la nature du coupon et des actes de gestion dépendent de la nature du document, donc du procédé administratif.
3.7 Selon la Chambre, il en ressort donc que les motifs qui ont conduit au refus par la première instance de la demande sur la base de l'article 56 CBE sont justifiés.
4. La Chambre n'arrive pas à une autre conclusion en prenant, par exemple, D1 comme état technique le plus proche.
4.1 D1 divulgue une méthodologie de traitement et de trans-mission sécurisée des informations électroniques, voir résumé, dernier paragraphe, page 1, à savoir entre autres d'associer une valeur probante ("legally binding character", "notifications") à des documents, voir page 1, colonne de droite, troisième paragraphe. Un document dit primaire ("contracting container", "container structure") comprend au moins une définition d'au moins un document dit secondaire lié audit document primaire, voir section 3 page 5; le document dit secondaire comprend des données structurées pertinentes pour le document principal, ainsi que des données non structu-rées fournies par les utilisateurs, voir section 4.1.1 page 7, décrit la couche logique du document principal, dans laquelle un service de surveillance déclenche des événements en fonction de l'état actuel du document principal et crée un journal ("logs section") qui contient les documents secondaires associés. Le docu-ment dit primaire contient toutes les informations et les données requises pour le processus consistant à établir, signer, notifier et échanger des contrats, voir section 4.1.
4.2 D1 semble donc fournir tous les éléments techniques pour implémenter les caractéristiques non-techniques de la revendication 1 ayant comme objectif de garantir la valeur probante des opérations portant sur des documents dématérialisés. Ces caractéristiques, notamment un bureau de correspondance, un bureau de gestion,
un tiers de confiance, les règles de rattachment, un coupon de gestion, l'opération à réaliser - à leur niveau d'abstraction défini dans la revendication - sont de nature purement administrative et ne peuvent impliquer aucun effet technique requis par l'activité inventive. D'ailleurs, reste ouverte à l'interprétation la question de savoir comment le contenu d'un document secondaire serait généré à partir du contenu du document primaire. La Chambre a déjà constaté que cette caractéristique n'a pas d'effet technique car la nature du coupon et les actes de gestion dépendent de la nature du document, donc du procédé administratif.
4.3 En conséquence, la revendication 1 de la requête principale n'implique pas d'activité inventive selon l'article 56 CBE au regard de D1.
5. Requête auxiliaire 1
5.1 Selon la requérante la revendication 1 complète la phase de vérification en ce que les opérations sont déclenchées par des personnes habilitées.
5.2 Le document D1 décrit en page 5, colonne de gauche, deuxième paragraphe, les éléments de base d'un système de gestion de contrats, comme par exemple, les demandes et les permis de construction. Il est nécessaire de disposer de canaux de communication sûrs et fiables et que l'intégrité des données soit assurée, ainsi que l'authentification et la confidentialité. De plus, la section 4.1.3. de D1 décrit que la couche de communication contient des informations pour que le contrat ou la notification soit protégé contre toute manipulation non autorisée. Voir également la section 4.2 de D1.
5.3 Cette caractéristique est donc connue de D1 et ne peut pas impliquer d'activité inventive.
6. Requête auxiliaire 2
6.1 Selon la requérante la revendication 1 préciserait une partie des fonctions techniques du coupon de gestion afin d'assurer la continuité des opérations d'une application informatique à la suivante.
6.2 Selon la description de la demande, par exemple, page 5, lignes 8 et suivantes, ces coupons représentent des actes de gestion qu'il est possible d'activer pendant le cycle de vie d'un document. Des exemples de coupons sont illustrés dans la Figure 2B, entre autres, bon à payer, ordre de paiement, etc.
6.3 De tels actes de gestion sont de nature purement administrative et ne peuvent donc impliquer aucun effet technique requis par l'activité inventive.
7. Requête auxiliaire 3
7.1 Selon la requérante la revendication 1 préciserait les modalités d'authentification des utilisateurs ce qui permettrait davantage de sécuriser les processus mis en oeuvre par le système d'échanges de documents.
7.2 D1, page 5, colonne de gauche, deuxième paragraphe évoque l'importance de la confidentialité, la sécurité, l'authentification des utilisateurs et l'intégrité des données.
7.3 La technique de protéger l'accès aux données par un mot de passe et l'utilisation des "one-time-passwords" est généralement connue dans le domaine technique des interactions sécurisées. Cette caractéristique est généralement connue et ne peut pas impliquer d'activité inventive.
8. Au vu des considérations précédentes, aucune revendication 1 soumise aussi bien dans la requête principale que dans une des requêtes subsidiaires examinées supra n'implique d'active inventive.
9. Vice substantiel de procédure
9.1 La requérante soutient que la décision contestée serait insuffisamment motivée et donc entachée d'un vice substantiel de procédure. La division d'examen n'aurait pas fait d'examen précis, se contentant d'énoncer l'absence de caractère technique de la plupart des caractéristiques des revendications indépendantes.
9.2 La Chambre n'est pas convaincue par cet argument, car la décision contestée a clairement présenté les faits et le raisonnement conduisant à conclure que la demande n'était pas conforme à l'article 123(2) CBE et aussi pourquoi elle n'était pas conforme à l'article 56 CBE. Pour répondre à l'article 56 CBE ce n'est pas suffisant d'identifier seulement les différences entre les revendications 1 et 12 et l'état technique, comme la requérante l'a fait, mais il faut aussi expliquer pourquoi ces différences révèlent l'existence d'une activité inventive. Par contre, la décision prend bien en compte les arguments de la requérante qui avait - notons-le - sollicité une décision en l'état du dossier.
9.3 D'autre part, l'approche de la division d'examen de distinguer entre des caractéristiques techniques et non-techniques correspond à l'approche généralement appliquée par l'OEB dans de telles situations.
9.4 En conclusion, la décision est suffisamment motivée et il n'y a pas de vice de procédure.
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.