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T 2131/17 (Optimisation multi-objectif/MBDA France) 07-06-2021
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Procédé et dispositif d'optimisation multi-objectif
Activité inventive - la revendication modifiée requiert de refaire une recherche pour obtenir l'état technique approprié
Décision sur le recours - renvoi à la première instance (oui)
I. Le recours a été formé par la requérante contre la décision par laquelle la division d'examen a rejeté la demande.
II. La division d'examen a estimé dans sa décision que la revendication 1 selon la requête principale, dans sa version initiale, n'impliquait pas d'activité inventive selon l'article 56 CBE.
III. La requérante demande que la décision entreprise soit annulée et qu'un brevet soit délivré sur la base de la requête principale (annexe 1A/1B), déposée avec le mémoire de recours en date du 8 septembre 2017, ou l'une des deux requêtes subsidiaires (annexe 2 et annexe 3A/3B), déposées en même temps.
La tenue d'une procédure orale n'a pas été demandée.
IV. La décision de la Chambre a été prise par écrit sans procédure orale.
V. La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit :
"1. Système de traitement de menaces aériennes dans le domaine militaire, comprenant une allocation de missiles pour traiter les menaces aériennes, ledit système comportant (25) comportant :
- une première unité (26) pour récupérer des informations sur la situation environnante, ladite première unité (26) détectant des menaces aériennes et transmettant des informations de position et de cinématique des menaces aériennes ;
- une deuxième unité (1) pour traiter ces informations pour en déduire une proposition d'engagement, en déterminant tout d'abord des fenêtres de tir des missiles à partir desdites informations, puis en déduisant la proposition d'engagement à partir de ces fenêtres de tir, ladite proposition d'engagement précisant l'allocation des missiles et les instants de tir pour traiter les menaces aériennes ; et
- une troisième unité (27) pour mettre en oeuvre une étape d'approbation de la proposition de l'engagement, l'engagement étant réalisé conformément à une proposition d'engagement approuvée à l'aide de ladite troisième unité (27),
ladite deuxième unité comprenant un dispositif d'optimisation multi-objectif, ledit dispositif (1) comprenant :
des moyens (4) d'entrée de données ;
des premiers moyens (2) pour définir un critère pour chacun des objectifs considérés, à partir de données entrées ;
des deuxièmes moyens (5) pour réaliser automatiquement une optimisation multicritère ; et
des moyens utilisateurs (21),
lesdits deuxièmes moyens (5) comprenant au moins :
- un premier élément (6) pour optimiser individuellement chacun desdits critères, afin d'obtenir un individu optimal (11 à 16) pour chacun de ces critères, un individu optimal comprenant au moins une valeur optimale et faisable pour ledit critère ;
- un deuxième élément (8) pour déterminer, à l'aide d'un algorithme de jeux évolutionnaires, des coefficients de survie desdits individus optimaux (11 à 16) ; et
- un troisième élément (10) pour déterminer une solution optimale par mutation des individus optimaux, à l'aide desdits coefficients de survie et de l'application d'un opérateur de mutation, ladite solution optimale comprenant au moins une valeur optimale finale permettant d'optimiser la réalisation de l'ensemble des objectifs considérés."
VI. La première requête subsidiaire correspond à la requête principale refusée.
Les revendications indépendantes 1 et 10 de la deuxième requête auxiliaire sont chacune une combinaison des revendications 1 et 7 ou des revendications 11 et 12 de la requête principale.
1. L'invention
1.1 L'invention concerne l'optimisation multi-objectif ou la définition d'une solution qui optimise au mieux simultanément plusieurs objectifs différents, par exemple, la meilleure solution pour N menaces, avec P missiles et L lanceurs (de missiles) dans le domaine militaire, voir page 1, dernier paragraphe, de la demande.
1.2 La demande expose en page 2, ligne 12, à page 3, ligne 28, que pour réaliser une optimisation multi-objectif, on utilise généralement deux étapes: on définit un critère pour chacun des objectifs considérés, puis on réalise une optimisation multi-critères. Il y aurait diverses approches pour résoudre une optimisation multi-critères. Une première approche est de transformer par agrégation le problème multi-objectif en problème mono-objectif, mais la solution de cette approche induit des problèmes de sensibilité qui peuvent rendre la solution instable. Une autre approche est celle "de Pareto", qui prévoit de conserver l'en-semble des objectifs et de les traiter indépendamment, mais cette approche se limite à un nombre pas très élevé d'objectifs.
1.3 Les solutions dans l'art antérieur ne sont pas satis-faisantes, selon la demande, voir page 4, lignes 1 à 15, parce que le grand nombre d'objectifs à optimiser simultanément rend la modélisation par agrégation très instable et compliquée et la méthode "de Pareto" demande l'intervention d'un expert pour la décision finale et le traitement indépendant des critères ne prend pas suffisamment en compte les liens qui existent souvent entre ces critères.
1.4 La solution de l'invention, voir Figure 1, est premièrement de définir un critère pour chacun des objectifs (2) et d'optimiser individuellement chacun desdits critères (6) (les deux étapes seraient connues dans l'état de la technique), deuxièmement de déterminer (8) à l'aide d'un algorithme de jeux évolutionnaires, une matrice de scores indiquant la performance de chaque individu optimal avec les autres critères, et troisièmement d'obtenir par mutation (10) des individus optimaux une solution optimale et ensuite de la vérifier (17). Selon la demande, on réalise une optimisation par essaim particulier de type "Particle Swarm Optimisation", voir page 9, lignes 25 et suite.
1.5 La demande expose que dans une application militaire, on détermine à l'aide de l'élément 6 des fenêtres de tir, puis on en déduit la proposition d'engagement, voir page 18, lignes 12 et suite. Cette proposition est ensuite validée par un opérateur humain, voir page 18, lignes 18 et suite, ce qui correspond à l'étape de vérification.
2. La revendication 1 de la requête principale refusée
2.1 La division d'examen a refusé la demande sur la base de l'article 56 CBE parce qu'aucun effet technique supplé-mentaire ("further technical effect") ne résultait de l'objet de la revendication 1 qui aurait comme objet un système s'appliquant à une zone à protéger de menaces aériennes, voir point 1.6 de la décision.
2.2 La division d'examen a jugé qu'il n'y a aucune inter-action entre la méthode destinée à optimiser un plan d'allocation de ressources telle que définie dans la revendication 1 et l'infrastructure informatique définie sous forme de "moyens", voir points 1.4 et 1.5 de la décision.
2.3 Cependant, la division d'examen a considéré un système informatique standard comme état de la technique le plus proche, voir point 1.5 de la décision, sans citer de document. Les documents dans le rapport de recherche ont été tous catégorisés "A", comme arrière-plan tech-nologique.
3. La revendication 1 de la nouvelle requête principale
3.1 En recours, la requérante a soumis une nouvelle requête principale avec de nouvelles revendications indépendan-tes 1 et 11 qui sont basées sur les revendications 1 et 11 de la requête principale antérieure, voir page 2 du mémoire de recours, en clarifiant qu'il s'agit de "menaces aériennes" sur la base de la page 18, ligne 2, de la demande et en remplaçant la caractéristique "armes" par "missiles" sur la base de la page 18 ligne 1 et il a été indiqué qu'il s'agit de fenêtres de tir des missiles.
3.2 Pour la Chambre les nouvelles revendications 1 et 11 satisfont l'article 123(2) CBE.
Les caractéristiques techniques de la revendication 1
3.3 La nouvelle revendication 1 a été modifiée pour clari-fier les caractéristiques du système de traitement de menaces aériennes dans le domaine militaire, comprenant plusieurs unités, dont une première unité pour la dé-tection de menaces aériennes, une deuxième unité pour la proposition d'engagement de missiles et une troi-sième unité pour l'approbation de la proposition d'en-gagement.
La première unité récupère des informations sur la situation aérienne de l'environnement d'une zone à protéger par ledit système, en détectant des menaces aériennes et en transmettant des informations de position et de cinématique des menaces aériennes.
La deuxième unité traite ces informations pour en déduire une proposition d'engagement, en déterminant tout d'abord des fenêtres de tirs des missiles à partir desdites informations, puis en déduisant la proposition d'engagement à partir de ces fenêtres de tirs, ladite proposition d'engagement étant un plan d'allocation optimal des missiles, ladite proposition d'engagement précisant l'allocation des missiles et les instants de tir des missiles pour traiter les menaces aériennes.
La troisième unité met en oeuvre une étape d'ap-probation de la proposition d'engagement, l'engagement étant réalisé conformément à une proposition d'engage-ment approuvée par ladite troisième unité.
3.4 La division d'examen semble avoir basé son analyse, voir point 1.3 de la décision, seulement sur les caractéristiques du dispositif automatique d'optimisa-tion qui est une composante da la deuxième unité, mais a ignoré les autres unités du système.
3.5 La division d'examen a jugé à tort, voir point 1.2 de la décision, que le contenu des données générées par le système de la revendication 1 serait (très) abstrait et de nature non-technique car il se rapporte que de très loin [sic!] à des objets du monde réel. Au contraire, comme c'est indiqué dans la demande, voir par exemple page 17, ligne 26, à page 19, ligne 19, l'invention s'applique au domaine militaire et plus précisément au cas des système de commande et de contrôle, voir page 1, dernier paragraphe, ce que soulignent les nouvelles revendications 1 et 11.
3.6 La Chambre partage donc l'approche de la requérante qui a évoqué - voir points E à G en pages 6 à 9 du mémoire de recours - que l'allocation de missiles se fait sur la base de données physiques, à savoir les positions des menaces et leur cinématique, pour en déduire des paramètres techniques, à savoir l'allocation de missiles et les instants de tir.
L'état de la technique le plus proche
3.7 En prenant un système informatique standard comme art antérieur le plus proche, voir point 1.5 de la déci-sion, la division a placé le choix des moyens appro-priés d'un tel système et leur éventuelle adaptation entre les mains de la personne du métier lors de la mise en ½uvre d'une méthode d'optimisation d'allocation de missiles. Cette approche de la division méconnaît le fait que, entre autres, les données, par exemple, la position et la cinématique des menaces, représentent clairement des paramètres physiques. De plus le système selon la revendication 1 comprend clairement des moyens pour récupérer ces données et pour les traiter spécifi-quement. Ces caractéristiques ne peuvent donc pas faire partie de l'exposé de la méthode d'optimisation.
3.8 Selon la jurisprudence, la personne du métier doit disposer d'un exposé complet, à savoir dans le cas d'espèce un exposé complet de la méthode d'optimisation d'allocation de missiles, sinon elle ne serait pas en mesure de la mettre en ½uvre et elle ne devrait fournir aucune contribution dans le domaine non-technique, voir points 2.7 et 2.8 de T 0144/11 "SATO".
3.9 Selon la jurisprudence, l'approche "COMVIK", voir
T 0641/00, devrait être suivie pour analyser l'activité inventive de revendications dites "mixtes", pour éviter toute évaluation subjective et ex post facto potentiel-le d'une invention. Selon cette approche l'état de la technique doit d'abord être défini; ce faisant, la personne du métier se voit ensuite pourvu de l'exposé de la méthode d'optimisation qu'elle met en ½uvre sur cet état de la technique.
3.10 La division d'examen a donc jugé à tord qu'un système informatique standard représente l'art antérieur le plus proche parce que les caractéristiques techniques de la nouvelle revendication 1 (mais déjà de la reven-dication 1 telle que refusée) vont au delà des moyens d'un système informatique standard.
3.11 Les documents D1 à D3, cités dans le rapport de
recherche - non utilisés par la division - présentent diverses méthodes d'optimisation multi-objectif, aussi dans le domaine militaire. Par exemple, D1, cité dans la demande, explique l'optimisation par essaim particulier de type "Particle Swarm Optimisation", voir page 9, lignes 25 et suite. Cependant aucun document détaille clairement les caractéristiques techniques des systèmes sous-jacents, c'est-à-dire des moyens pour récupérer des données, pour les traiter et pour proposer un engagement des armes.
3.12 Étant donné que toutes les publications de l'état de la technique sont des publications de catégorie "A" et que la division d'examen n'a pas considéré que le contenu des données générées par le système de traitement de menaces comme contribuant au caractère technique en premier lieu, la Chambre ne peut pas établir avec cer-titude que l'objet de la revendication 1 a été recher-ché dans son intégralité dans l'état de la technique.
4. Renvoi à la première instance
4.1 Dans ce contexte, la Chambre n'est pas en mesure de prendre une position définitive sur la question de l'activité inventive.
4.2 L'article 111 (1) CBE dispose que la Chambre statue sur le recours après l'examen au fond. À cette fin, soit elle exerce les compétences de l'organe qui a rendu la décision attaquée, soit elle renvoie l'affaire à cet organe pour suite à donner. Pour les raisons mentionnées ci-dessus, la Chambre fait usage de son pouvoir de renvoyer l'affaire à la première instance pour une décision ultérieure sur la base de la requête principale, déposée avec le mémoire de recours en date du 8 septembre 2017, et des deux requêtes subsidiaires, déposées également le 8 septembre 2017.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision entreprise est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'examen pour continuer l'examen (et faire une recherche) sur la base de la requête principale, déposée avec le mémoire de recours en date du 8 septembre 2017, et des deux requêtes subsidiaires, déposées en même temps.