T 0022/82 (Bis-époxyéthers) 22-06-1982
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1. Si la demanderesse s'est fixée comme tâche, en raison d'un besoin existant, de mettre au point un nouveau procédé (global) chimique, avantageux du point de vue économique et technique, pour la préparation de produits finals connus et recherchés (en l'occurrence, des arômes), la solution de ce problème peut être inventive lorsque, malgré le choix des mêmes produits de départ que pour le procédé le plus comparable selon l'état de la technique, le résultat avantageux effectivement atteint (en l'occurrence, quantitativement) est inattendu. Si l'on parvient à ce résultat (en l'occurrence, un rendement global supérieur) au moyen d'un détour par des produits intermédiaires nouveaux obtenus au cours du procédé global, l'"effet dérivant du procédé" supporte aussi l'activité inventive pour les produits intermédiaires eux-mêmes, sans lesquels le procédé global avantageux n'est pas concevable.
2. Si une telle possibilité de comparaison (exacte) fait défaut, des produits chimiques intermédiaires nouveaux satisfont cependant au critère de brevetabilité qu'est l'activité inventive, lorsque leur obtention ouvre une nouvelle voie de préparation chimique conduisant à des produits finals connus et recherchés, qui repose quant à elle sur une activité inventive.
3. L'examen en vue d'apprécier l'activité inventive afférente à un procédé chimique à plusieurs étapes requiert que l'on considère le procédé global comme un tout, du point de vue du problème à résoudre, en se posant la question de savoir si ce procédé global envisagé dans le sens régressif, en partant du résultat pour remonter aux produits de départ, s'offrait à l'évidence.
Produits intermédiaires pour produits finals connus
Activité inventive y afférente
Activité inventive pour un procédé à plusieurs étapes
I. La demande de brevet européen n° 79 102 431.8, déposée le 13 juillet 1979 et publiée le 5 mars 1980 sous le numéro de publication 0 008 358, pour laquelle est revendiquée une priorité du 19 juillet 1978 fondée sur un dépôt antérieur en République fédérale d'Allemagne, a été rejetée par décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 19 juin 1981. Cette décision se fonde sur les revendications initiales 1 à 4.
II. La demande a été rejetée au motif que les composés et le procédé revendiqués ne présentaient, respectivement, aucune propriété ou aucun avantage inattendu et se concevaient à l'évidence pour l'homme du métier. En effet, on aurait pu s'attendre à ce que les composés faisant l'objet de la revendication 1 aient pu être préparés à partir des produits de départ divulgués par le document DE-C-2 105 014 (dénommé ci-après "document 4"), suivant le mode opératoire décrit dans Houben-Weyl, Methoden der Organischen Chemie, 4ème édition, Vol. VI, 3ème partie, 1965, Thieme-Verlag, Stuttgart page 413 (dénommé ci-après "document 1"). Pour une réaction telle que celle qui est réalisée selon la revendication 2, il n'y aurait pas eu lieu de craindre de perturbation due à des réactions de polymérisation concomitantes. du fait que des réactions semblables avec des composés portant deux carbonyles vicinaux se déroulent sans perturbations correspondantes, d'après le document DE-A- 1 768 649 (dénommé ci-après "document 3") et le document 4.
Le procédé selon la revendication 3 doit aussi être considéré comme évident; en effet, la cyclisation directe des diépoxydes n'est absolument pas inattendue, si l'on tient compte de Houben-Weyl, op. cit, page 197 (dénommé ci-après "document 2") et du document 3. La revendication 4 comporte quant à elle simplement une combinaison des étapes de procédé selon les revendications 2 et 3, combinaison qui, eu égard au problème posé, la préparation des dihydrofuranes, est évidente.
III. Contre cette décision du 19 juin 1981, la demanderesse a introduit un recours le 19 août 1981, dont le mémoire en exposant les motifs, du 21 octobre 1981, a la teneur suivante: le mode d'obtention d'une substance ne peut jouer qu'exceptionnellement un rôle lorsqu'il s'agit de déterminer si elle implique une activité inventive. En l'occurrence, les diépoxydes revendiqués présentent en principe déjà, dans ce cas de voisinage étroit des fonctions par rapport aux composés monofonctionnels connus, une singularité qui est leur propriété d'enrichir potentiellement la chimie. Les diépoxydes bifonctionnels ne sont précisément pas une simple modification des composés monofonctionnels, mais ils ouvrent des possibilités de synthèse fondamentalement autres. De plus, il est tout à fait remarquable que la préparation des diépoxydes revendiqués, qui fait l'objet de la revendication 2, puisse somme toute réussir; en effet, d'après le document 4, les dichlorodicétones se transforment en milieu basique aqueux en des composés cycliques à cinq chaînons énergétiquement favorisés.
L'objet de la revendication 3 et celui de la revendication 4 sont déjà brevetables du fait qu'avec les diépoxydes, sans lesquels ces procédés ne seraient pas réalisables, on entre dans un domaine chimique inconnu et que s'ouvre par là une nouvelle possibilité de préparation d'un produit final recherché. Dès lors, il ne s'agit plus de savoir si l'on obtient de quelconques meilleurs effets, par exemple pour ce qui est du rendement, de la pureté et autres.
En outre, la Division d'examen a délibérément omis le fait que le rendement global dans la préparation des composés de 2,5-diméthyldihydrofuranone conformément à la combinaison des exemples 2 et 9 est de 45 8.955979e-4922t nettement supérieur aux 37 % indiqués dans le document 4. De plus, elle n'a pas tenu compte, en se référant au document 2, du fait que les deux restes R et méthoxyle se trouvent sur le même atome de carbone de l'oxirane, ce qui n'est pas le cas dans le présent procédé.
La requérante demande l'annulation de la décision de rejet et la délivrance du brevet sur la base des revendications initiales 1 à 4, compte tenu des modifications demandées en date du 11 décembre 1980 et du 20 octobre 1981.
Les revendications actuelles s'énoncent comme suit:
"1. Bis-époxy-dialcoxy-alcanes de formule générale I
(FORMULA)
dans laquelle R1 à R3 désignent des groupes alkyle ayant 1 à 4 atomes de carbone.
2. Procédé pour la préparation des nouveaux bis-époxy-dialcoxy-alcanes de formule générale I selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'on fait réagir des ALPHA, ALPHA'- dihalogéno-1,2-dicétones de formule générale II
(FORMULA)
dans laquelle R1 et R2 ont la signification indiquée dans la revendication 1 et X désigne Cl ou Br, à des températures de -20 à + 100°C, de préférence de 0 à 25°C, avec un hydroxyde alcalin ou un alcoolate alcalin de formule R3-O-Me, dans laquelle Me désigne K, Ni ou Li, et un alcanol de formule R3-OH.
3. Utilisation des nouveaux bis-époxydialcoxy-alcanes de formule générale I selon la revendication 1 pour la préparation d'arômes de formule générale III
(FORMULA)
dans laquelle R1 et R2 ont la signification indiquée dans la revendication 1, par chauffage avec des acides minéraux forts ou des acides organiques forts à des températures de 60 à 120°C.
4. Procédé pour la préparation d'arômes de formule générale III
(FORMULA)
dans laquelle R1 et R2 désignent des groupes alkyle ayant 1 à 4 atomes de carbone, caractérisé en ce que
A) on fait réagir des alpha, alpha'-dihalogéno-1,2-dicétones de formule générale II
(FORMULA)
dans laquelle R1 et R2 ont la signification indiquée dans la revendication 1 et X désigne Cl ou Br, à des températures de -20 à +100°C, avec un hydroxyde alcalin ou un alcoolate alcalin de formule R3-O-Me, dans laquelle Me désigne K, Na ou Li, et un alcanol de formule R3-OH, et
B) on chauffe les nouveaux bis-époxy-dialcoxy-alcanes obtenus, de formule générale I
(FORMULA)
dans laquelle R1 à R3 désignent des groupes alkyle ayant 1 à 4 atomes de carbone, avec des acides minéraux forts ou des acides organiques forts, à des températures de 60 à 120°C".
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'aux règles 64 et 78(3) de la CBE; il est donc recevable.
2. Les revendications actuelles sont, abstraction faite de la suppression partielle de domaines préférés, celles qui figurent dans la rédaction initiale, les erreurs de transcription manifestes dans la formule II des revendications 2 et 4 ayant été corrigées conformément à la règle 88 de la CBE (cf. également à ce sujet les exemples 1 à 6, 8 et 11 à 14).
3. Comme on peut le déduire de la partie introductive de la description, l'invention visait à trouver de nouvelles voies et de nouveaux composés de départ avec lesquels il serait possible de préparer l'arôme souhaité qu'est la 2,5-diméthyl-4-hydroxy-2,3-dihydrofurane-3-one (ci-après abrégée en "DHF") d'une manière plus économique et techniquement plus simple qu'auparavant (cf. la description page 3, lignes 29 à 33).
4. Ce problème a été résolu par l'obtention des diépoxydes concernés, plus précisément décrits par leur formule et à considérer comme des produits intermédiaires mieux désignés comme étant des bis-époxyéthers (revendication 1), d'un procédé global à deux étapes pour la préparation de l'arôme DHF (revendication 4), ainsi que des deux étapes partielles de ce procédé (revendications 2 et 3).
5. Un tel enseignement technique est nouveau, comme le constate à juste titre la Division d'examen.
Pour ce qui est de l'appréciation de l'activité inventive, la Division d'examen ne s'arrête cependant qu'à des objets partiels de l'invention. sans voir l'étroite relation, tant sous l'aspect technique que de celui du droit des brevets, qui existe entre produit intermédiaire et produit final.
6. Par contre, la Chambre ne peut pas suivre le point de vue de la requérante, selon lequel un produit intermédiaire doit être brevetable en raison du simple enrichissement potentiel de la chimie. Lorsque la requérante invoque les différences entre composés monofonctionnels, d'une part, et composés difonctionnels avec interaction étroite des deux fonctions, d'autre part, elle s'arrête, dans sa manière de voir la distinction à la particularité structurale des nouveaux composés par rapport à ceux de l'état de la technique. Ce faisant, elle omet que, pour l'appréciation de l'activité inventive, une différence structurale caractérisant un composé reste neutre et sans valeur tant qu'elle ne se manifeste pas par une propriété précieuse, au sens le plus large, une activité déterminée ou la potentialisation d'une telle activité.
7. Dans le cas d'espèce, en vue d'apprécier la brevetabilité des produits intermédiaires conduisant à du DHF, selon la revendication 1, la Chambre part de la considération suivante: si la demanderesse s'est fixé comme tâche, en raison d'un besoin existant, de mettre au point un nouveau procédé (global) chimique, avantageux du point de vue économique et technique, pour la préparation de produits finals connus et recherchés, la solution de ce problème peut être inventive lorsque, malgré le choix des mêmes produits de départ que pour le procédé le plus comparable selon l'état de la technique, le résultat avantageux effectivement atteint (en l'occurrence, quantitativement) est inattendu. Si l'on parvient à ce résultat (en l'occurrence, un rendement global supérieur) au moyen d'un détour par des produits intermédiaires nouveaux obtenus au cours du procédé global, l'"effet dérivant du procédé" supporte aussi l'activité inventive pour les produits intermédiaires eux-mêmes, sans lesquels le procédé global avantageux n'est pas concevable.
8. Ces conditions sont remplies dans le cas d'espèce. Le document 4 décrit déjà, outre la proposition de solution particulière qui y est révélée, cinq procédés, présentant des inconvénients, pour la préparation de DHF. Le document DE-A-2 359 891, cité dans le rapport de recherche européenne, décrit, quant à lui, un procédé à nombreuses étapes pour la préparation du même composé, dont la dernière étape ne donne que 30 2437534e DHF (exemple 13). En outre, trois autres procédés de préparation de DHF, présentant des inconvénients, sont décrits dans la partie introductive de la description de la présente demande (cf. partie introductive de la description, page 2, 3ème et 4ème paragraphes, ainsi que page 3, 3ème paragraphe). L'existence d'au moins dix procédés connus de préparation de DHF, dont certains ont fait l'objet de demandes de brevet, devrait démontrer le grand intérêt des spécialistes pour ce composé et attester les efforts déployés pour trouver un mode opératoire économique. Ainsi est-on toujours à la recherche d'un procédé de préparation amélioré.
9. A ce propos, le procédé selon le document 4 devrait être considéré comme constituant l'état de la technique le plus proche, car ses produits de départ et ses produits finals coïncident avec ceux du procédé selon la revendication 4 de la présente demande. La seule différence réside dans le mode opératoire qui, dans le procédé connu de cyclisation alcaline, comporte une seule étape, mais, dans le procédé revendiqué, par contre deux étapes, à savoir que se produit d'abord, en présence d'alcali et d'alcool, une réaction d'époxydation conduisant aux bis-époxyéthers comme produits intermédiaires et ensuite le clivage de ceux-ci et la recyclisation pour former le cycle dihydrofurane.
Les rendements optimaux en DHF sont de 37,6, dans le cas du procédé dans le document cité, d'après les calculs de la Division d'examen qui n'ont pas été contestés, contre 45 % pour le procédé revendiqué (exemple 2, production de bis-époxyéthers: 100, exemple 9, production de DHF: 45). Normalement, le rendement global d'un procédé à plusieurs étapes diminue lorsque le nombre des étapes augmente. En conséquence, le résultat mentionné ci-dessus, obtenu conformément à l'invention, d'où il ressort que le procédé connu à une seule étape, pour la préparation de DHF à partir de la dihalogénodicétone, peut être sensiblement amélioré en rendement lorsqu'il fait place à un procédé nouveau à deux étapes comportant l'obtention des bis-époxyéthers comme produits intermédiaires, n'était pas prévisible pour l'homme du métier. Une homme du métier qui, comme dans le cas d'espèce, s'était fixé la tâche d'améliorer le rendement du procédé connu de préparation de DHF en faisant appel à la dihalogénodicétone correspondante ne serait donc pas parvenu, moyennant ses connaissances des procédés selon les documents 1, 2 et 3, qui ne permettent pas de prévisions sur le rendement, à la solution revendiquée, à moins d'avoir fait preuve d'activité inventive. Cela entraîne la brevetabilité du procédé global selon la revendication 4, dans la mesure où il s'applique à la préparation de DHF, ainsi que des produits intermédiaires selon la revendication 1, préparés pour la première fois de cette manière, sans lesquels le procédé global avantageux n'est pas concevable au sens où l'entend la théorie de la causalité.
10. Sans doute ne peut-on pas déduire cet "effet", tel qu'exposé au point 9 ci-dessus, pour les produits intermédiaires selon la revendication 1 dans lesquels R1 et R2 sont des restes alkyle ayant 1 à 4 atomes de carbone, mais pas simultanément méthyle, et qui conviennent par conséquent seulement pour la préparation des homologues supérieurs du DHF; la raison en est, d'une part, que les rendements correspondants du procédé à deux étapes conforme à la demande sont alors plus faibles (exemples 8 + 10 : 27,4; exemples 11 + 15 : 33,6; exemples 16 + 12 : 31,2; exemples 13 + 17 : 16,2; exemples 18 + 14 : 33,6) et, d'autre part, que le document 4 est limité à la divulgation d'un procédé de préparation du DHF et n'enseigne donc pas la préparation des homologues supérieurs du DHF, si bien qu'une comparaison n'est pas possible.
Par contre, le document DE-A-2 359 891 mentionné plus haut cite le groupe des 4-hydroxy-dihydrofurane-3-ones à activité organoleptique, qui sont substituées en position 2,5 par des groupes alkyle linéaires ou ramifiés avec 1 à 4 atomes de carbone (cf. revendication 1 en liaison avec page 4, formule III et dernier paragraphe) et dont la préparation est aussi revendiquée conformément à la demande (revendications 3 et 4). En outre, on y trouve indiquée leur préparation en trois
étapes (condensation d'ester d'acide acylacétique, décomposition thermique des esters butyliques tertiaires, oxydation avec du peroxyde d'hydrogène; cf. page 3, lignes 2 à 16 et page 5, avant-dernière ligne à page 6, ligne 3). Cependant, un calcul de rendement exact n'est pas possible pour les homologues supérieurs du DHF, car les indications générales sur le rendement pour la première étape de réaction font défaut (alors qu'elles sont données pour les étapes 2 et 3 : rendement respectivement égal à 100 % et 20-40%). Un calcul du rendement du procédé global n'est pas non plus possible pour les exemples 14 à 16.
11. Néanmoins, les produits intermédiaires nouveaux mentionnés au point 10 ci-dessus sont également brevetables, du fait que leur obtention ouvre une nouvelle voie de préparation menant à des produits finals connus et recherchés, qui repose pour sa part sur une activité inventive. La Chambre se laisse ici guider par le principe selon lequel les propriétés inattendues résultant d'un produit chimique, qui se manifestent sous la forme d'une activité déterminée dans un domaine d'application industriel, ne doivent pas être plus appréciées pour l'estimation de l'activité inventive concernant ce produit que celles qui apparaissent lors du traitement chimique ultérieur de celui-ci (équivalence de l'effet classique dérivant d'une activité et de l'effet dérivant du procédé).
Si l'on considère pour cela l'état de la technique dans l'environnement immédiat des 4-hydroxydihydrofurane-3-ones recherchées, il apparaît qu'à côté de propositions isolées qui sont orientées vers l'oxydation d'acides dihydrofurane-3-one-4 carboxyliques (document DE-A-2 359 891) et la cyclisation de 2,5-dihalogénohexane-3,4-dione (document 4) ou de vic-dicéto-diester (cf. description selon la demande, page 3, 3ème paragraphe), la voie de préparation passant par la cyclisation d'hexane-2,5-diol-3,4-dione a été plus souvent empruntée par les spécialistes (cf. la partie introductive de la description de la présente demande, page 2, 3ème et 4ème paragraphes et page 3, 2ème paragraphe). Il aurait donc pu paraître évident que la demanderesse choisisse elle aussi ce composé comme produit intermédiaire.
12. Or, la demanderesse n'a pas emprunté cette voie. Elle a au contraire choisi de passer par les bis-époxyéthers. Contrairement à l'opinion de la Division d'examen, il faut attribuer une valeur inventive à cette étape opératoire, parce que les documents 2 et 3 ne pouvaient pas suggérer ce choix. C'est ainsi que le document 2 décrit l'addition d'eau, catalysée par des traces d'acide, sur des époxyéthers, conduisant à des alpha-hydroxyaldéhydes ou à des alpha-hydroxycétones conformément à l'équation
(FORMULA)
tandis que le document 3 rapporte la cyclisation, également catalysée par un acide, d'hexane-4,5-diol-3,4-dione en DHF. Un homme du métier, doué d'aptitudes moyennes, qui s'est fixé comme tâche la découverte d'une nouvelle voie pour la préparation de produits finals connus et recherchés, ne va pas pour cela inclure dans sa réflexion des composés dont la formation intermédiaire, ici les dioldiones, n'est ni envisagée ni souhaitée, mais est purement hypothétique.
De plus, la structure des époxyéthers du document 2 (R et reste méthoxyle sur le même atome de carbone du cycle oxirane; groupe méthylène non substitué dans ce cycle) est si différente de celle qui correspond à la revendication 1 actuelle (R1 et OR3 non situés sur le même atome de carbone du cycle oxirane; groupe méthylène substitué dans ce cycle; doublement de toutes ces fonctions) que ce document, également pour cette raison, ne saurait convenir pour fournir un exemple de l'étape partielle à considérer.
13. En outre, vu la longue période de neuf années qui s'est écoulée, dans le domaine intensément étudié des arômes considérés dans le cas d'espèce (cf. point 8), entre la proposition d'utiliser l'hexane-2,5-diol-3,4-dione comme produit de départ approprié (cf. les pièces des deux brevets français citées dans le document 4, colonne 2, 2ème et 3ème paragraphes, rendues accessibles au public en septembre 1969) et la présente demande, on peut déduire que le document 2 (de l'année 1965) en liaison avec la connaissance de la cyclisation catalysée par un acide de la dioldione mentionnée plus haut (cf. le document de référence cité dans le document 4) ne pouvait fournir aucune suggestion pour l'étape partielle conforme à la demande selon la sous-revendication 3, faisant intervenir les produits intermédiaires selon la revendication 1.
14. Pour nier alors l'activité inventive afférente au procédé selon la sous-revendication 4, la Division d'examen n'a pas fait appel à moins de trois documents (documents 1, 2 et 3). En même temps, elle a divisé le procédé global en deux étapes réactionnelles séparées, estimé que chacune d'elles était évidente et tiré la conclusion que la combinaision des deux étapes était de même évidente. Ce raisonnement ne résiste pas à un réexamen. Il néglige en effet de voir que, pour l'appréciation de l'activité inventive afférente au procédé à plusieurs étapes, il faut considérer celui-ci dans son ensemble, du point de vue du problème posé, c'est-à-dire la découverte d'un nouveau mode de préparation pour les arômes connus et recherchés. L'important n'est pas de savoir si, connaissant les produits de départ, il était évident de juxtaposer les étapes individuelles du procédé global pour atteindre le produit final, mais si ce procédé, envisagé dans le sens régressif, en partant du résultat pour remonter aux produits de départ, s'offrait à l'évidence.
15. Si l'on applique ce critère d'évaluation pour le procédé selon la revendication 4, on doit, ainsi qu'il est déjà exposé aux points 11 à 13, admettre que la dernière étape partielle du nouveau procédé global à deux étapes est inventive. Puisque la découverte de l'importance des bis-époxyéthers comme produits intermédiaires pour la synthèse des arômes recherchés connus exige déjà une activité inventive, on ne peut pas non plus considérer comme évident le choix des produits de départ et du processus réactionnel pour lesdits produits intermédiaires, à savoir la première étape du procédé global, même s'il devait s'agir là d'un procédé qui ne soit pas chimiquement particulier.
Il y a toutefois lieu d'examiner l'argumentation de la Division d'examen qui, eu égard au document 1, a nié l'activité inventive pour cette première étape partielle.
Cet ouvrage qui fait autorité en chimie rapporte que certaines alpha-halogénocétones réagissent avec des alcoolates selon l'équation suivante:
(FORMULA)
Sont ensuite cités des résultats de travaux originaux, dans lesquels on part, sans exception, de cétones aromatiques-aliphatiques mixtes et dans lesquels on constate, dans quatre cas, l'aboutissement souhaité et, dans un cas, l'échec de la réaction. Cette antériorité ne devrait guère avoir suggéré à l'homme du métier, dans le cadre de son activité habituelle, d'employer ce procédé, étroitement limité, pour la préparation de bis-époxyéthers purement aliphatiques.
16. La revendication 2 porte sur la préparation des produits intermédiaires selon la revendication 1, qui sont reconnus brevetables. Il importe peu de savoir si ce procédé de préparation relève d'une activité inventive propre, aussi longtemps que l'activité inventive est reconnue pour le produit obtenu par ce procédé. Il n'apparaît, en l'état, pas justifié de refuser la protection de l'objet de cette revendication de procédé de préparation. Aussi longtemps qu'un produit chimique est protégé par une revendication précédente, le procédé pour sa préparation par voie chimique représente une caractérisation de ce produit dans la catégorie de brevet du procédé de préparation ("process for product"). Une revendication additionnelle de ce type pour le produit reconnu brevetable peut avoir une importance dans des procédures d'opposition ou des actions en nullité, eu égard à l'article 123(3) de la CBE ou aux dispositions nationales correspondantes, ou encore, dans des actions en contrefaçon, eu égard à l'article 69(1), 1ère phrase de la CBE.
17. Il n'a pas été présenté de demande tendant au remboursement de la taxe de recours en vertu de la règle 67 de la CBE; les faits de la cause ne justifieraient du reste pas une telle mesure.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 19 juin 1981 est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour délivrance d'un brevet européen sur la base des documents initiaux compte tenu des modifications demandées en date du 11 décembre 1980 et du 20 octobre 1981.