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T 0023/95 (Emulsion lipidique/CLINTEC) 26-05-1998
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Emulsion lipidique destinée à la nutrition parentérale ou centrale
Documents pertinents produits tardivement, introduits dans la procédure
Nouveau motif d'opposition - Renvoi à la première instance
Répartition des frais - à évaluer ultérieurement dans la procédure
I. La demande de brevet européen 88 401 810.2 a donné lieu à la délivrance du brevet n 0 302 769 sur la base d'un jeu de 17 revendications.
La revendication 1 a le libellé suivant :
"1. Emulsion lipidique destinée à la nutrition parentérale ou entérale, caractérisée par le fait que la phase lipidique est un mélange d'acides gras à chaîne longue (C > 12) dont 15 à 45 % du total des acides gras sont des acides gras essentiels."
Les autres revendications indépendantes 14 à 17 ont comme objet des compositions pharmaceutiques ou diététiques contenant ou constituées par les émulsions lipidiques revendiquées.
II. La requérante a formé opposition au brevet et a requis sa révocation pour manque d'activité inventive sur la base de 13 documents.
Par décision signifiée par voie postale le 3. novembre 1994, la Division d'opposition a rejeté l'opposition.
III. La requérante a formé un recours contre cette décision.
Dans son mémoire de recours, elle a produit six nouveaux documents et a développé un nouveau motif d'opposition, à savoir le manque de nouveauté.
Les documents cités tardivement sont les suivants :
(14) US-A-2 8199 199
(15) Am. J. Child. Dis. Vol. 134, 1980, 397-407
(16) Clinical Science, Vol. 72, No. 3, marz 1987, 383-385
(17) J. Lipid Research, Vol. 26, 1985, 194-202
(18) Am. J. Clin. Nutr. Vol. 45, 1987, 1165-1175
(19) GB-A-2 067 587
IV. L'intimée (titulaire du brevet) a contesté l'introduction dans la procédure des nouveaux éléments de preuve et a requis le remboursement de l'ensemble des frais de procédure si les nouveaux documents devaient être admis dans la procédure.
En ce qui concerne l'objection de manque de nouveauté, qui n'avait pas été soulevée dans la procédure d'opposition, l'intimée a contesté la prise en considération de ce nouveau motif d'opposition en faisant référence à la décision G 9/91 (JO OEB 1993, 408).
V. Dans une notification la Chambre a reconnu la pertinence, de prime abord, des documents cités tardivement, et plus particulièrement des documents (14) et (15), susceptibles de remettre en cause la décision en appel. Elle a envisagé le renvoi de l'affaire à la première instance pour poursuite de l'examen sur la base de ces nouveaux documents et pour considérer la question relative à la répartition des frais soulevée par l'intimée.
VI. L'intimée, tout en maintenant ses objections à l'introduction dans la procédure des nouveaux documents et du nouveau motif d'opposition, a déposé un nouveau jeu des revendications avec une revendication 1 modifiée pour prendre en compte la divulgation du document (14).
VII. Suite à la notification de la Chambre, les deux parties ont déclaré par écrit ne pas maintenir leurs requêtes en procédure orale devant la Chambre de recours en cas de renvoi de l'affaire à la première instance. L'intimée demande que le nouveau motif d'opposition, à savoir l'absence de nouveauté, soit déclaré irrecevable et, si les nouveaux documents devaient être admis dans la procédure, que la requérante supporte l'ensemble des frais supplémentaires liés à une nouvelle procédure devant la Division d'opposition et à ceux que la titulaire devra exposer éventuellement en cas d'un recours, ceci quelque soit le résultat de la procédure.
VIII. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.
L'intimée demande le maintien du brevet avec les revendications 1 à 17 déposées le 27 février 1998.
1. Le recours est recevable.
2. Article 123(2) et (3) CBE
La première revendication a été modifiée par l'introduction de l'expression - "et qu'elle contient comme agents émulsifiants des phospholipides végétaux, animaux ou de synthèse" à la fin de la phrase.
Cette caractéristique se retrouve à la page 3, lignes 20 et 21 de la description ainsi que dans la revendication 11 de la demande initiale.
Le fait que l'émulsion de la revendication 1 ne soit pas définie en outre par la quantité en pourcentage des agents émulsifiants, quantité citée dans les mêmes passages de la demande initiale, ne soulève pas de questions au titre de l'article 123(2). En effet, la demande initiale décrit, en des nombreux passages, des émulsions lipidiques en général destinées à la même utilisation que les émulsions revendiquées. L'homme du métier comprend sans hésitation de l'expression "émulsion lipidique", qu'il s'agit d'une mélange comprenant nécessairement un agent émulsifiant apte à donner cette émulsion. Donc, la présence d'un agent émulsifiant représente un enseignement technique implicite de la demande initiale, indépendamment de la quantité exacte dudit agent, quantité qui, par ailleurs, est inhérente à la fonction même de l'agent. Les exigences de l'article 123(2) ne s'opposent donc pas à la modification de la revendication 1.
D'autre part, l'introduction de la nouvelle caractéristique dans la revendication 1 n'étend pas la protection conférée par le brevet délivré car, après amendement, l'objet revendiqué se voit défini de façon plus précise et donc plus étroite que dans la forme délivrée. Les exigences de l'article 123(3) ne s'opposent donc pas à la modification de la revendication 1.
3. Avec le mémoire de recours, la requérante a produit des nouveaux moyens de preuve, à savoir les documents (14) à (19), dont l'introduction dans la procédure a été contestée par l'intimée.
3.1. L'OEB a, au titre de l'article 114(1) CBE, le pouvoir de se saisir d'un nouveau moyen de preuve, pour autant que l'introduction de ce nouveau moyen soit soumis à la discussion des parties en respect du caractère contradictoire de la procédure. Les conditions de l'article 113(1) CBE sont satisfaites dès lors que les parties ont eu le temps nécessaire pour prendre effectivement position sur les moyens de preuve introduits dans la procédure.
Dans le cas présent, la requérante a cité pour la première fois les nouveaux documents dans le mémoire de recours. Compte tenu du délai dans lequel une procédure orale aurait raisonnablement pu être attendue, l'intimée a disposé de suffisamment de temps pour s'exprimer, et ceci d'autant plus que ce nouvel état de la technique faisait référence à des formulations apparemment déjà disponibles sur le marché.
3.2. La Chambre considère que l'OEB est tenu vis-à-vis du public de ne pas délivrer ni maintenir des brevets qu'il juge non valables. Dans cet esprit, la Chambre suit ici le principe général énoncé dans la décision T 156/84 (JO OEB 1988, 372) selon lequel l'examen d'office des faits posé à l'article 114(1) CBE prime la possibilité prévue à l'article 114(2) CBE de ne pas tenir compte de faits et de preuves que les parties n'ont pas produits en temps utile. La conséquence du principe évoqué est qu'en l'absence d'abus de procédure, parmi les critères envisageables, la pertinence des éléments de preuve produits tardivement reste le principal pour décider de leur admission dans la procédure. Si les nouveaux faits sont susceptibles d'avoir une influence décisive sur l'issue de l'affaire, il n'est dans l'intérêt ni des parties, ni du public de les négliger.
3.3. Dans le cas présent, un examen préliminaire des documents cités tardivement fait apparaître, dans certains d'entre eux, des émulsions lipidiques destinées à l'utilisation parentérale ou entérale contenant des mélanges d'acides gras dont le pourcentage d'acides gras essentiels est très proche ou même compris dans la fourchette de 15 à 45 % de la revendication 1 du brevet en question. (Voir les exemples 2 et 3 du document (14), le tableau dans la page 404 du document (15), ou le tableau dans la page 3 et l'exemple 13 du document (19)).
Si elles étaient confirmées, après examen détaillé, les informations divulguées par ces documents mettraient en évidence l'existence, avant la date de priorité du brevet, de formulations, même déjà commercialisées, susceptibles de mettre sérieusement en question au moins l'activité inventive de l'objet revendiqué.
Il est à noter que l'intimée, après avoir pris connaissance de ces documents, a déposé un nouveau jeu de revendications avec une revendication 1 amendée.
La Chambre considère donc que la pertinence, à première vue, de l'art antérieur invoqué tardivement est suffisante pour que ces nouveaux moyens de preuve soient pris en considération, puisqu'aucune autre circonstance ne s'y oppose, et introduits dans la procédure.
Compte tenu de ce qu'aucun de ces documents n'a été examiné par la Division d'opposition, la Chambre fait usage du pouvoir qui lui est conféré par l'article 111(1) CBE de renvoyer l'affaire à la première instance pour la poursuite de la procédure.
4. Sur le nouveau motif d'opposition
La requérante a soulevé pour la première fois en phase de recours la question de la nouveauté de l'objet revendiqué, ce qui représente, selon la décision G 07/95 (JO OEB 1996, 626), un nouveau motif d'opposition .
Selon la décision G 09/91 (susmentionnée), il n'entre pas dans la finalité de la procédure de recours inter partes d'examiner des motifs d'opposition sur lesquels la décision de la Division d'opposition ne s'est pas fondée.
Par ailleurs, la décision G 9/91 souligne des différences entre la procédure d'opposition qui a un caractère essentiellement administratif et la procédure de recours, qui étant une procédure du type judiciaire, a un caractère moins inquisitoire.
Compte tenu de la décision de renvoi ici prise, il appartiendra à la Division d'opposition de trancher l'admissibilité du nouveau motif.
5. Répartition des frais
La production tardive de nouveaux éléments de preuve rend nécessaire le renvoi de l'affaire à la première instance avec pour conséquence manifeste un retard dans la procédure et des frais additionnels pour l'intimée. Puisque ces frais n'ayant pas encore été exposés ne pourront être prouvés et circonstanciés qu'à la fin de la procédure d'opposition, la Chambre laisse à la Division d'opposition le soin de décider en la matière.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure.