T 0243/96 25-05-1998
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Procédé et dispositif de soudage de deux pièces métalliques hétérogènes
Divulgation constituée par l'abrégé d'un document japonais
Nouveauté et activité inventive (oui, après modifications)
Remboursement de la taxe de recours (non)
I. Par décision du 23 octobre 1995, la Division d'examen a rejeté la demande de brevet européen n 92 402 298.1 (n de publication 0 528 731) au motif selon lequel l'objet de la revendication indépendante 6 de dispositif était dépourvu de nouveauté vis-à-vis de la divulgation contenue dans l'abrégé du document japonais JP-A-57 041 891.
II. La requérante a formé un recours contre la décision de rejet de la première instance et payé la taxe de recours par acte reçu le 22 décembre 1995. Avec son mémoire de recours déposé le 6 février 1996, la requérante a requis l'annulation de la décision contestée et la délivrance d'un brevet sur la base de différents jeux de revendications (une requête principale et deux requêtes auxiliaires). En outre, elle a requis le remboursement de la taxe de recours et, à titre auxiliaire, l'aménagement d'une procédure orale.
III. Par ses notifications datées du 19 novembre et du 17. décembre 1997, la Chambre a introduit dans la procédure le contenu entier du document japonais JP-A-57 041 891, pour lever les doutes qui pesaient sur l'interprétation de l'abrégé. A cet effet, la requérante a été priée de prendre position sur la divulgation contenue dans la traduction anglaise du document japonais, fournie par l'OEB. Par ailleurs, la Chambre a formulé des objections sur la forme de la revendication 6, dans les versions proposées par la requérante.
IV. Dans sa réponse datée du 16 janvier 1998, la requérante a pris position sur la traduction du document japonais et déposé, conjointement, deux revendications 6 modifiées selon une nouvelle requête principale et une nouvelle première requête auxiliaire, pour tenir compte aussi bien de la divulgation contenue dans l'état de la technique que des objections formulées par la Chambre.
V. Dans ses différents courriers, la requérante a soutenu que le document japonais ne divulguait pas le procédé et le dispositif de soudage selon l'invention car, dans ce document, le préchauffage était effectué sur la pièce ayant le point de fusion le plus bas (le cuivre), les deux pièces à souder étant en butée l'une contre l'autre. Selon la requérante, les différences selon l'invention ont été mises en valeur dans les nouvelles versions proposées pour la revendication 6, de manière à ne plus laisser subsister aucun doute sur la brevetabilité de leur objet vis-à-vis de l'état de la technique.
Par ailleurs, la requérante a justifié sa requête en remboursement de la taxe de recours par l'existence de plusieurs vices substantiels de procédure imputables à la première instance :
- décision basée sur un document non fourni au demandeur (seul l'abrégé du document japonais est joint au rapport de recherche) ;
- décision basée sur une appréciation erronée du document ;
- refus de la première instance d'accorder un entretien au demandeur.
VI. Au cours d'un entretien téléphonique du 26 mars 1998, le rapporteur a demandé à la requérante, afin d'éviter tout malentendu, de fournir un jeu complet des revendications au moins selon la requête principale, comprenant la revendication 6 déposée par lettre du 16 janvier 1998, ainsi qu'une introduction de la demande adaptée en conséquence, complétée en outre par une brève présentation du document japonais représentant l'état de la technique le plus proche.
VII. Dans sa réponse datée du 31 mars 1998, la requérante a fourni les pièces demandées et précisé ses dernières requêtes en vigueur. Elle requiert finalement :
- l'annulation de la décision de la première instance et l'octroi d'un brevet sur la base des pièces suivantes de la demande :
- requête principale : . revendications 1 à 10 et description pages 2bis, 3. et 4 déposées par lettre du 31 mars 1998 ; . description pages 1, 2 et 5 à 12 et dessins pages 1/4 à 4/4 de la demande d'origine ;
- première requête auxiliaire : . revendications 1 à 10 déposées par lettre du 31. mars 1998, description et dessins comme ci-dessus ;
- remboursement de la taxe de recours ;
- à titre auxiliaire, aménagement d'une procédure orale.
VIII. La revendication 6 selon la requête principale se lit :
"Dispositif de soudage de deux pièces métalliques (Pa, Pb) ayant des points de fusion différents, pour la mise en oeuvre du procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, comprenant :
- deux supports (10a, 10b) aptes à recevoir chacune desdites pièces, de telle sorte que des zones à souder de ces deux pièces soient situées en vis-à-vis l'une de l'autre ;
- des moyens de préchauffage contrôlé (22) de la zone à souder d'une première des pièces ;
- des moyens de chauffage (24a, 24b) des zones à souder des deux pièces lorsqu'elles sont en contact ; et
- des moyens (30) agissant sur au moins l'un des supports pour appliquer un choc mécanique sur les deux pièces ;
ce dispositif étant caractérisé par le fait qu'il comprend de plus des moyens (16) pour déplacer longitudinalement au moins l'un (10) des supports, de façon à établir une distance prédéterminée entre les pièces, lors de la mise en oeuvre des moyens de préchauffage (22), et de façon à mettre ensuite en contact les zones à souder des deux pièces, avant la mise en oeuvre des moyens de chauffage (24a, 24b), et par le fait que les moyens de préchauffage contrôlé (22) sont aptes à chauffer la zone à souder de la pièce qui a le point de fusion le plus élevé."
La revendication 6 selon la première requête auxiliaire se différencie de la requête principale par des précisions selon lesquelles les moyens de préchauffage sont constitués par un bobinage haute fréquence, les moyens de chauffage agissent par effet Joule pendant une durée prédéterminée et selon une intensité donnée et la distance entre les deux pièces à souder est réglable par des moyens de réglage.
1. Le recours est recevable.
2. Modifications
Les modifications apportées à la revendication 6 selon la requête principale sont claires et n'étendent pas son objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée. Notamment, l'établissement d'une distance prédéterminée entre les pièces, lors de la mise en oeuvre des moyens de préchauffage, est supporté par la demande telle que déposée (cf. page 9, lignes 1-17). Puis la mise en contact des pièces, avant la mise en oeuvre des moyens de chauffage est supportée par le passage de la page 10, lignes 9-30. Le préchauffage de la pièce ayant le point de fusion le plus élevé trouve son fondement à la page 3, lignes 12-20. Par ailleurs, toutes les caractéristiques essentielles de l'invention sont résumées à la page 12, lignes 13-28.
Par conséquent, la revendication 6 selon la requête principale remplit toutes les conditions requises par les articles 84 et 123(2) CBE.
En outre, la délimitation et la teneur de cette revendication ont été modifiées pour tenir compte des exigences de la règle 29(1) et (3) CBE, eu égard à la divulgation contenue dans le document japonais JP-A-57 041 891.
La revendication 6 selon la première requête auxiliaire ne diffère de la principale que par des précisions structurelles et fonctionnelles, également valablement supportées par la demande d'origine. En conséquence, les mêmes conclusions s'appliquent à la requête auxiliaire.
L'introduction de la description a été adaptée à la revendication 6 modifiée et complétée par une présentation de l'état de la technique le plus proche (document japonais), conformément à la règle 27(1) CBE.
3. Nouveauté de la revendication 6 (requête principale)
3.1. L'abrégé du document JP-A-57 041 891, sur la base duquel la demande de brevet en litige a été rejetée, constitue à lui seul un état de la technique à part entière (cf. T 160/92, JO OEB 1995, 35). Mais devant l'insuffisance de cette divulgation et les divergences de vues sur l'interprétation de l'abrégé, la Chambre a décidé d'introduire dans la procédure de recours le document japonais dans son intégralité par le biais de sa traduction anglaise, étant entendu que le document intégral prime sur le contenu de l'abrégé (cf. T 77/87, JO OEB 1990, 280).
3.2. Le document japonais décrit un procédé et un dispositif de soudage en bout de deux pièces métalliques ayant des points de fusion différents, par mise sous pression des pièces préalablement chauffées par des moyens électriques.
Pour compenser la différence de résistivité (résistance électrique) entre les deux matériaux à souder (acier inoxydable et cuivre) et obtenir une fusion quasi-simultanée des deux pièces en regard, le procédé connu consiste à préchauffer le matériau dont la résistance électrique est la plus faible (ici le cuivre) par des moyens de chauffage à haute fréquence, puis à chauffer par effet Joule les deux pièces en contact, jusqu'à la fusion. Après quoi, une pression est exercée sur les extrémités en regard des deux pièces pour les souder.
Comme on le voit sur les figures 1 et 2 du document japonais, la pièce en acier 1 et la pièce en cuivre 2 sont en prise dans leurs supports conducteurs respectifs 3, 4, une bobine Q de préchauffage HF entourant la pièce en cuivre et les supports conducteurs étant reliés à une source de courant, pour le chauffage par conduction. Dans la figure 3, les supports ont été rapprochés l'un de l'autre pour illustrer la pression exercée par les supports sur les extrémités des pièces (cf. traduction, page 4, lignes 11-12 : "and then pressure welding is effected by imposing pressure in the butting direction" et page 5, deuxième paragraphe, lignes 17-18 : "the base material projecting portions are butted together by the chucks").
Comme cela ressort aussi du document japonais (cf. paragraphe entre les pages 3 et 4), le dispositif de soudage fonctionne en quatre étapes successives, avec les moyens décrits précédemment :
1) mise en contact des pièces, bout à bout ;
2) préchauffage contrôlé de la pièce en cuivre par le bobinage haute fréquence ;
3) chauffage des pièces par conduction (effet Joule) ;
4) application de la pression de soudage.
Mais si le cuivre est le matériau qui a la résistance électrique la plus faible, c'est aussi celui qui a le point de fusion le plus bas (point de fusion du cuivre : 1083 C ; point de fusion de l'acier inoxydable : 1400 C).
3.3. Par rapport à la divulgation du document japonais, l'objet de la revendication 6 se différencie donc par toutes les caractéristiques contenues dans sa partie caractérisante, à savoir :
- préchauffage sans contact (établissement d'une distance prédéterminée entre les pièces) ;
- mise en contact des pièces après le préchauffage ("ensuite") et avant le chauffage ;
- préchauffage de la pièce ayant le point de fusion le plus élevé.
Ainsi, après les précisions apportées à la revendication 6 et la levée des doutes sur l'interprétation du document antérieur, l'objet de la revendication 6 est nouveau vis-à-vis de cet état de la technique au sens de l'article 54(1) CBE.
4. Activité inventive de la revendication 6 (requête principale)
4.1. La décision de la première instance ne portait que sur la nouveauté de la revendication 6 de dispositif, les revendications de procédé selon les revendications 1-5 étant considérées comme acceptables (cf. décision, point III de l'exposé des faits et conclusions).
Etant données, d'une part, l'étroite relation existant entre les revendications de procédé et la nouvelle revendication 6 de dispositif telle que modifiée, pour la mise en oeuvre du procédé et, d'autre part, la nature fonctionnelle des caractéristiques ajoutées à la revendication 6, il va de soi que les caractéristiques correspondantes, reconnues inventives par la première instance pour le procédé, le sont aussi pour le dispositif, même si ce dernier se borne à revendiquer de façon générale "des moyens pour".
En d'autres termes, les revendications principales de procédé et de dispositif ayant sensiblement la même portée, elles doivent subir le même sort.
Ainsi, dans le cas présent, la Chambre a jugé opportun de faire usage de son pouvoir conféré par l'article 111(1) CBE pour ne pas renvoyer l'affaire et se substituer à l'instance précédente sur l'appréciation de l'activité inventive de la revendication 6.
4.2. Sur les moyens de déplacement mis en oeuvre dans le document japonais, s'il est vrai que les supports des pièces sont déplaçables pour appliquer sur les pièces en bout une pression de soudage finale (cf. point 3.2 ci-dessus), il n'existe, par contre, aucun moyen pour régler la distance entre les pièces à une valeur prédéterminée, préalablement au préchauffage (cf. fig. 3A de la demande). Compte tenu de la nature très différente de ces deux déplacements (rapide et brutal pour le choc mécanique final ; lent et précis pour le réglage initial), il est exclu que les mêmes moyens de déplacement puissent être utilisés (comparer dans la demande le canon à gaz 30 et le moto-réducteur 46, fig. 1). Par conséquent, des moyens de réglage d'une distance prédéterminée ne sont pas divulgués, ni suggérés par le document japonais. Déjà pour cette seule caractéristique distinctive, la combinaison revendiquée dans la revendication 6 est inventive ; a fortiori pour l'ensemble des caractéristiques distinctives énumérées au point 3.3.
5. Les revendications selon la requête principale étant acceptables, il est inutile de poursuivre l'examen de la requête auxiliaire.
6. Remboursement de la taxe de recours
La Chambre ayant fait droit au recours, un remboursement de la taxe ne peut être ordonné qu'en raison d'un vice substantiel de procédure, conformément à la règle 67 CBE.
Dans la présente affaire, la Chambre ne peut relever aucun vice de procédure pour les raisons suivantes :
Comme il est dit au point 3.1 ci-dessus, la première instance était parfaitement fondée à baser son examen sur le seul abrégé du document japonais JP-A-57 041 891 (cf. T 160/92 supra, point 2). La prise en compte de l'abrégé seul ne constitue donc pas un vice de procédure.
Compte tenu des informations techniques succinctes contenues dans cet abrégé eu égard à l'ancienne formulation de la revendication 6 (version rejetée), la divulgation de l'abrégé pouvait être interprétée de la façon revendiquée, de sorte que la décision de la première instance était correctement motivée. Quoiqu'il en soit, une erreur d'appréciation n'est pas considérée comme un vice de procédure.
Dans sa seconde notification datée du 11 mai 1995, la Division d'examen avait déjà averti la requérante que sa demande risquait d'être rejetée pour les motifs indiqués dans la décision. Dans sa réponse du 23 août 1995, la requérante proposait une revendication 6 modifiée et demandait a être contactée avant toute décision défavorable. La Chambre juge que la requérante a pris position en connaissance de cause et qu'il ne lui appartenait plus de prolonger la procédure à ce stade, conformément à la règle 86(3) CBE. Par ailleurs, un entretien n'est pas considéré comme une requête en procédure orale. En conséquence, la première instance n'a pas commis de faute de procédure en estimant, à bon droit, qu'un entretien n'était plus nécessaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision contestée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première instance afin de délivrer un brevet sur la base des pièces de la demande selon la requête principale (cf. point VII ci-dessus).
3. Le remboursement de la taxe de recours est refusé.