T 0340/96 30-07-1998
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Plaque multicouche à base de polycarbonate protégée contre le rayonnement UV.
I. La demande de brevet européen n 89 402 410.8 déposée le 5. septembre 1989, pour laquelle a été revendiquée la priorité du 7 septembre 1988 fondée sur un dépôt antérieur en France (FR 8 811 703), a donné lieu le 15. juin 1994 (Bulletin 94/24) à la délivrance du brevet européen n 0 359 622 sur la base de 5 revendications, la revendication 1 s'énonçant comme suit :
"Plaque en matière plastique composée d'une couche de coeur en polycarbonate portant sur au moins une de ses faces une couche réservoir à base de polycarbonate de 5 à 50 µm d'épaisseur, contenant entre 5 et 15 % en poids d'un agent volatil d'absorption du rayonnement ultraviolet, elle même recouverte d'une couche externe de 5 à 50 µm d'épaisseur en résine synthétique contenant un agent d'absorption du rayonnement ultraviolet, caractérisée en ce que ledit agent d'absorption du rayonnement ultraviolet de ladite couche externe, différent de celui de ladite couche réservoir, est peu volatil et y est présent à une teneur supérieure à 2 % en poids."
Les revendications 2 à 5 sont des revendications dépendantes portant sur des plaques préférées telles que définies dans la revendication 1.
II. Le 17 février 1995 une opposition a été formée à l'encontre du brevet européen précité au motif que son objet n'impliquait pas d'activité inventive au sens des articles 100(a) et 56 CBE. Cette objection s'appuyait sur les documents suivants :
D1 : EP-B-0 110 238,
D2 : EP-A-0 247 480, et
D3 : EP-A-0 110 221.
III. Par décision signifiée le 5 mars 1996 la Division d'opposition a rejeté l'opposition, estimant que les dispositions de l'article 56 CBE étaient satisfaites. En substance, elle a considéré que le document D1 représentait l'état de la technique le plus proche. Contrairement à la plaque multicouche selon le brevet en cause, la couche externe selon D1 était un matériau qui empêchait la migration de l'agent d'absorption des rayonnements ultraviolets de la couche de coeur vers la surface. La prise en compte de l'enseignement des documents D2 et D3 ne rendait pas évident l'ensemble des caractéristiques de la plaque revendiquée. En effet, au vu des différences de composition des diverses couches selon ces documents, l'homme du métier n'avait aucune raison de considérer des caractéristiques particulières de ces couches afin de modifier la plaque selon D1 dans le sens du brevet en cause.
IV. Le 11 avril 1996 la requérante (opposante) s'est pourvue contre cette décision en acquittant simultanément la taxe de recours prescrite et en exposant les motifs du recours dans un mémoire joint en annexe.
Dans ce mémoire et dans sa lettre du 16 décembre 1996 la requérante a fait valoir successivement les arguments suivants :
i) les éventuelles différences de composition ne concernaient pas la couche extérieure ; sa nature n'était pas précisée dans le brevet en cause et pouvait donc être, tout comme dans D1, une résine de polyméthylméthacrylate ;
ii) l'argument selon lequel la couche extérieure de la plaque multicouche selon D1 était imperméable aux agents volatils d'absorption des rayonnements ultraviolets n'était pas acceptable. Le facteur déterminant était l'épaisseur de la couche, qui était du même ordre de grandeur dans D1 et dans le brevet en cause ; et
iii) le problème technique sous-jacent au brevet en cause se réduisait à la mise à disposition d'une plaque mieux protégée contre les rayonnements ultraviolets. La solution, qui consistait à mettre en oeuvre dans la couche externe un agent absorbant ultraviolet peu volatil dans une concentration supérieure à 2 %, était évidente au vu de D2 et D3, qui décrivaient précisément des agents d'absorption du rayonnement ultraviolet de faible volatilité.
V. Dans ses mémoires de réponse l'intimée (titulaire du brevet) a présenté en riposte les observations suivantes :
i) Une des caractéristiques essentielles de la plaque selon D1 résidait dans le choix du matériau de la couche externe qui devait naturellement résister aux rayonnements ultraviolets et auquel on avait incorporé un additif plutôt volatil à la température à laquelle les plaques étaient extrudées.
ii) L'homme du métier cherchant à améliorer la résistance des plaques sur la base de l'enseignement de D1 serait amené à considérer les options suivantes :
- utilisation d'une matière encore plus résistante aux rayonnements ultraviolets pour la couche externe ;
- quantité d'additif dans la couche externe limitée à 2 % ;
- additif identique dans la couche externe et dans l'âme de la plaque.
Aucune de ces options n'allait dans le sens des choix opérés dans le brevet en cause.
iii) L'enseignement de D2 portait sur la stabilisation de polycarbonate ramifié qui était précisément exclu dans D1 comme matériau pour la couche externe. Il n'y avait donc a priori aucune raison de combiner les enseignements de D1 et D2.
iv) Aucun des documents produits ne suggérait de mettre en oeuvre des agents d'absorption du rayonnement ultraviolet différents dans des couches différentes pour obtenir une protection optimale des plaques à un moindre coût.
v) L'invention offrait, en tant qu'indice déterminant d'activité inventive, l'avantage d'une protection prolongée par rapport à chacune de celles proposées par D1 et D2.
vi) Le raisonnement développé par la requérante était un raisonnement construit a posteriori.
VI. En annexe au mémoire du 3 juillet 1998 l'intimée a déposé à titre de requête subsidiaire la revendication suivante :
"Plaque en matière plastique composée d'une couche de coeur en polycarbonate portant sur au moins une de ses faces une couche réservoir à base de polycarbonate de 5 à 50 µm d'épaisseur, contenant entre 5 et 15 % en poids d'un agent volatil d'absorption du rayonnement ultraviolet, elle même recouverte d'une couche externe de 5 à 50 µm d'épaisseur en résine synthétique contenant un agent d'absorption du rayonnement ultraviolet, caractérisée en ce que ledit agent d'absorption du rayonnement ultraviolet de ladite couche externe, différent de celui de ladite couche réservoir, est peu volatil et y est présent à une teneur comprise entre 2 et 15 % en poids, et en ce que ladite couche externe est à base de polycarbonate ramifié, de polycarbonate linéaire ou de polyarylate."
VII. Au cours de la procédure orale qui s'est tenue le 30. juillet 1998 la Chambre a orienté les débats sur les propriétés des plaques revendiquées, en particulier sur la prétendue amélioration en termes de jaunissement et de microfissures invoquée dans le brevet en litige. Malgré l'absence de données comparatives l'existence d'un effet technique dans ce sens a été admise par la requérante, au moins pour les plaques selon la requête subsidiaire.
L'exploitation faite par les parties des enseignements des documents D1 à D3 n'a par contre apporté aucun éclairage nouveau sur les arguments avancés dans leurs mémoires respectifs.
VIII. La requérante conclut à l'annulation de la décision attaquée et à la révocation du brevet.
L'intimée conclut au rejet du recours à titre de requête principale, alternativement au maintien du brevet sur la base de la revendication déposée le 3 juillet 1998 à titre de requête subsidiaire.
1. Le recours est recevable.
Requête principale
Etat de la technique
2. Les trois documents cités font partie de l'état de la technique discuté dans l'introduction de la description du brevet en cause.
2.1. Le document D1 décrit un procédé de fabrication d'un panneau en résine synthétique alvéolaire multicouche par coextrusion à l'aide d'une filière multicouche comprenant
i) une couche de coeur en polycarbonate alvéolaire portant sur au moins une de ses faces,
ii) une couche d'absorption du rayonnement ultraviolet en résine synthétique contenant 2 à 15. % en poids d'un agent volatil absorbant le rayonnement ultraviolet, elle-même recouverte par
iii) une couche externe contenant moins de 2 % en poids d'un agent volatil absorbant le rayonnement ultraviolet (colonne 1, ligne 54 à colonne 2, ligne 14). En pratique, cette couche externe est constituée d'un matériau à base d'un polymère de méthacrylate de méthyle, soit un homopolymère, soit un copolymère contenant au moins 40 % en poids d'unités dérivées de ce monomère, soit un mélange de tels polymères, ledit mélange contenant au moins 40 % en poids de ces unités (colonne 4, lignes 27 à 41).
2.2. Le document D2 a trait à la fois (a) à la stabilisation de polycarbonate ramifié à l'aide de dimères de dérivés de l'hydroxybenzotriazole correspondant sensiblement aux stabilisants peu volatils envisagés dans le brevet en cause, et (b) à l'utilisation de ces compositions stabilisées dans la fabrication de panneaux multicouche par coextrusion (page 1, ligne 16 à page 2, ligne 20 ; page 4, lignes 8 à 10 ; page 7, lignes 16 à 18 ; page 8, lignes 6 à 14). Lesdits panneaux sont constitués
(i) d'une couche de coeur support, composée de préférence de polycarbonate ramifié, recouverte sur au moins une de ses faces
(ii) d'une couche d'absorption du rayonnement ultraviolet à base du polycarbonate ramifié stabilisé ci-dessus, elle-même facultativement recouverte
(iii) d'une couche de recouvrement de composition indéterminée pratiquement exempte d'agent d'absorption du rayonnement ultraviolet (page 8, lignes 16 à 34).
2.3. Le document D3 concerne un panneau en matière plastique à deux couches comportant
(i) une couche de coeur en polycarbonate susceptible de contenir jusqu'à 0,5 % en poids d'un agent absorbant le rayonnement ultraviolet, aussi bien de bas poids moléculaire que de poids moléculaire élevé, elle-même revêtue sur au moins une de ses faces
(ii) d'une couche de recouvrement en polycarbonate contenant au moins 3 % en poids de stabilisant (page 2, ligne 25 à page 3, ligne 6 ; page 4, lignes 19 à 30 ; page 5, lignes 9 à 24).
Nouveauté
3. Au vu de ces analyses il va de soi qu'aucun document cité ne divulgue une plaque multicouche telle que revendiquée et que l'exigence de nouveauté est par conséquent satisfaite. L'objection de défaut de nouveauté n'ayant pas été soulevée, il n'y a pas lieu d'approfondir cette question.
Problème et solution
4. Le brevet en cause concerne une plaque multicouche à base de polycarbonate protégée contre le rayonnement ultraviolet.
4.1. Une caractéristique essentielle du stabilisant de la couche d'absorption de la plaque selon D1 est son caractère volatil, qui a pour effet une sublimation perceptible à 260 C sous pression normale et une sublimation plus prononcée sous vide, accompagnée du dépôt par condensation de l'agent d'absorption du rayonnement ultraviolet sur les parties plus froides de l'installation (colonne 3, lignes 31 à 37). Selon l'intimée, de tels panneaux, qui, de l'avis des parties et de la Division d'opposition, représentent l'état de la technique le plus proche, ne sont pas satisfaisants, car on observe un vieillissement de la couche externe en polymère de méthacrylate de méthyle se traduisant par un jaunissement et l'apparition de microfissures qui entraînent une baisse des propriétés optiques et mécaniques (fascicule de brevet, page 2, lignes 22 à 24).
4.2. Au vu de ces inconvénients, qui ont d'ailleurs été reconnus par la requérante, le problème technique sous-jacent au brevet en cause peut donc être vu dans la mise à disposition d'une plaque multicouche résistant mieux aux phénomènes de jaunissement et d'apparition de microfissures entraînés par une exposition prolongée au rayonnement ultraviolet.
4.3. Selon la requête principale cette amélioration est obtenue en incorporant dans la couche externe un agent peu volatil d'absorption du rayonnement ultraviolet dans une concentration supérieure à 2 % en poids, comme indiqué dans la revendication 1.
Dans son mémoire de réponse du 31 octobre 1996 (page 1, paragraphe 4) ainsi qu'au cours de la procédure orale l'intimée a tenté de faire valoir une différence supplémentaire entre le brevet en cause et D1, qui résiderait dans la nature du matériau constituant la couche externe et impliquerait un mécanisme de stabilisation particulier. La Chambre ne peut cependant souscrire à un tel argument dans la mesure où la seule condition d'ordre qualitatif imposée dans la revendication 1 à la couche externe est d'être en résine synthétique, critère que remplissent de toute évidence les polymères de méthacrylate de méthyle envisagés dans le document D1.
4.4. L'absence de toute donnée expérimentale aussi bien dans le fascicule de brevet que dans les pièces versées aux dossiers d'examen, d'opposition et de recours soulève la question de la résolution effective du problème technique. En effet, la discussion préliminaire au cours de la procédure orale des effets susceptibles de résulter de l'incorporation d'un agent de stabilisation peu volatil dans la couche externe de la plaque multicouche n'a pas permis d'établir davantage qu'une vraisemblance d'amélioration de la stabilité. Une simple présomption d'effet technique n'est, aux yeux de la Chambre, cependant pas suffisante pour conclure que le problème technique a été effectivement résolu.
Il convient donc de redéfinir le problème technique en termes moins ambitieux, à savoir la mise à disposition d'une plaque multicouche ayant une stabilité comparable à celle des panneaux décrits dans D1. La Chambre est convaincue, et la requérante n'a pas exprimé la moindre réserve à cet égard, que l'addition d'un stabilisant peu volatil dans les conditions requises permet effectivement de résoudre ce problème.
Activité inventive
5. Il convient à présent de décider si pour un homme du métier la mesure préconisée découle de manière évidente des documents cités.
5.1. Le mécanisme de stabilisation expliqué dans D1 ne pourrait qu'inciter l'homme du métier à considérer l'addition d'un agent de stabilisation au rayonnement ultraviolet dans la couche externe.
Ce mécanisme repose sur deux caractéristiques particulières de la couche externe. La première est une exigence de résistance intrinsèque du matériau au rayonnement ultraviolet (colonne 4, lignes 23 à 26), qui a conduit à choisir les polymères de méthacrylate de méthyle (colonne 4, lignes 27 à 41). La deuxième est l'épaisseur de la couche externe, qui est déterminée de manière à permettre une migration partielle de l'agent stabilisant de la couche d'absorption vers la couche externe, sans qu'il y ait accumulation à la surface conduisant à un phénomène d'exsudation (colonne 2, lignes 14 à 21 ; colonne 3, lignes 52 à 59 ; colonne 5, lignes 35 à 40). Que la couche externe contienne elle-même à l'origine une faible quantité de stabilisant ou non (colonne 4, lignes 19 à 23), cette diffusion renforce donc son action stabilisatrice et réduit d'autant l'irradiation à laquelle est soumise la couche d'absorption (colonne 5, lignes 40 à 48).
Ces considérations montrent clairement que l'addition d'un stabilisant dans la couche externe est une mesure qui ne peut avoir qu'un effet bénéfique et qui s'impose donc dans la perspective du problème à résoudre.
5.2. Comme indiqué au point 2.3, le document D3 mentionne l'addition d'un agent absorbant le rayonnement ultraviolet dans la couche externe d'un panneau multicouche. Les stabilisants appropriés comprennent aussi bien des dérivés du type hydroxybenzophénone que hydroxybenzotriazole, c'est-à-dire des composés qualifiés dans le brevet en cause d'agents volatils d'absorption du rayonnement ultraviolet, que des composés de poids moléculaire plus élevé, c'est-à-dire des agents faiblement volatils (page 5, lignes 9 à 19). Bien que la description de D3 ne donne pas d'exemples particuliers de tels agents, ceux-ci sont définis comme étant des composés bien connus et commercialement disponibles.
Ce document démontre donc que la couche externe d'un panneau multicouche peut être stabilisée à l'aide de nombreux agents absorbant le rayonnement ultraviolet et que l'addition d'un tel agent est en soi plus importante que son poids moléculaire ou sa volatilité.
5.3. En l'absence d'effet technique l'incorporation d'agents volatils et d'agents peu volatils dans la couche externe de la plaque multicouche selon D1 s'impose également à l'homme du métier, de sorte que l'option retenue par l'intimée est arbitraire et, à ce titre, n'implique pas d'activité inventive.
Requête subsidiaire
Article 123 CBE
6. Le libellé de l'unique revendication constituant la requête subsidiaire satisfait aux dispositions de l'article 123 CBE.
Cette revendication se distingue de la revendication 1 du brevet tel que délivré par (i) la limitation à 15 % en poids de la quantité de l'agent peu volatil d'absorption du rayonnement ultraviolet dans la couche externe et par (ii) l'indication que la couche externe est à base de polycarbonate ramifié, de polycarbonate linéaire ou de polyarylate. Ces caractéristiques correspondent à l'objet des revendications 2 à 5 du brevet tel que délivré, qui elles-mêmes correspondent aux revendications 2 à 5 de la demande d'origine.
Il va de soi que ces modifications ne peuvent ni étendre l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée (article 123(2) CBE), ni étendre la protection conférée par les revendications du brevet tel que délivré (article 123(3) CBE).
Article 84 CBE
7. L'utilisation des termes "volatils" et "peu volatils" pour distinguer l'agent d'absorption du rayonnement ultraviolet contenu dans la couche réservoir de l'agent d'absorption du rayonnement ultraviolet présent dans la couche externe soulève le problème de la clarté de la revendication.
7.1. Concernant le stabilisant de faible volatilité le fascicule de brevet contient le passage suivant (page 4, lignes 4 à 7) : "La volatilité du produit anti-UV peut être déterminée par une analyse thermogravimétrique effectuée sur l'agent anti-UV pur avec une montée en température de 10 C/minute sous balayage d'argon. Le produit est considéré comme peu volatil si la température correspondant à une perte de poids de 1 % est supérieure à 300 C. De tels produits sont par exemple des benzotriazoles tels que décrits dans le DOS 1670951."
Il y a lieu de noter qu'il est également fait référence dans D2 (page 4, lignes 20/21) à ce document pour de plus amples informations relatives aux dimères des dérivés de l'hydroxybenzotriazole.
La Chambre observe encore que le document D3 utilise également le critère de faible volatilité pour définir les agents d'absorption du rayonnement ultraviolet (page 5, lignes 16 à 19).
Outre ces définitions générales, le fascicule de brevet identifie encore un produit commercial particulièrement approprié pour la stabilisation de la couche externe (page 4, lignes 8 à 34).
Ces considérations démontrent que la description du brevet (article 69(1) CBE) et l'art antérieur permettent de faire correspondre au concept de faible volatilité des agents d'absorption du rayonnement ultraviolet à la fois une définition générale de nature physico-chimique et des exemples spécifiques de stabilisants appropriés.
7.2. Bien que le fascicule de brevet ne contienne pas de définition propre des agents volatils d'absorption du rayonnement ultraviolet, il reprend à son compte dans la discussion de US-A-4 707 393 qui correspond à D1 la définition suivante (page 2, lignes 17 à 21) : "... la plupart des agent d'absorption du rayonnement UV utilisés habituellement sont volatils en ce sens qu'à une teneur de 0,5 % en poids, il se produit une sublimation perceptible à 260 C sous pression normale et une sublimation plus prononcée sous vide, accompagnée du dépôt de l'agent d'absorption des ultraviolets condensé sur les parties plus froides de l'installation". Le passage correspondant dans D1 (colonne 3, lignes 31 à 47), auquel fait suite une liste de composés appropriés, montre clairement que de tels stabilisants sont à la fois bien connus de l'homme du métier et commercialement disponibles.
7.3. Il ressort de ces considérations que les qualificatifs "volatils" et "peu volatils" appliqués aux agents absorbant le rayonnement ultraviolet ne soulèvent pas de difficultés d'interprétation et que la revendication est donc claire. Aucune objection à ce titre n'a d'ailleurs été émise par la requérante.
Problème et solution
8. Les explications avancées par l'intimée relatives au mécanisme de stabilisation de la plaque lorsque la couche est en polycarbonate ramifié, en polycarbonate linéaire ou en polyarylate permettent de conclure qu'il y a effectivement une amélioration de la stabilité à long terme.
Il est donc légitime (i) de définir le problème technique sous-jacent au brevet en cause en termes positifs, c'est-à-dire la mise à disposition d'une plaque multicouche présentant une stabilité améliorée, et (ii) de conclure, même en l'absence de données comparatives, que ce problème est effectivement résolu. Tous ces points ont été admis par la requérante lors de la procédure orale.
Activité inventive
9. Il reste à décider dans quelle mesure l'art antérieur considéré suggère de modifier la plaque multicouche selon D1 (i) en choisissant comme matériau de la couche externe un polycarbonate ramifié, un polycarbonate linéaire ou un polyarylate, et (ii) en ajoutant dans la couche externe un agent peu volatil d'absorption du rayonnement ultraviolet (iii) incorporé à raison de 2 à 15. % en poids.
9.1. L'analyse du document D1 (cf. point 2.1) a mis en évidence l'importance pour la stabilisation de la plaque des trois caractéristiques suivantes de la couche externe :
- choix d'un matériau lui conférant une résistance intrinsèque élevée au rayonnement ultraviolet,
- épaisseur suffisante permettant au plus une migration partielle du stabilisant depuis la couche d'absorption, en aucun cas une accumulation conduisant à des phénomènes de sublimation et/ou d'exsudation, et
- présence d'un agent volatil d'absorption du rayonnement ultraviolet tout au plus en faible quantité.
L'homme du métier à la recherche d'une plaque mieux protégée contre le rayonnement ultraviolet pourrait donc considérer pour la couche externe (i) un matériau intrinsèquement encore plus résistant au rayonnement ultraviolet, (ii) une augmentation de son épaisseur, ou (iii) une addition de stabilisant volatil en quantité plus importante.
Aucune de ces options immédiatement dérivables de l'enseignement de D1 n'a été retenue dans le brevet en cause qui préconise, au contraire, une protection de la plaque dans son intégralité faisant appel à un mécanisme totalement différent. Cette solution globale repose sur l'incorporation dans la couche d'absorption et la couche externe d'agents de stabilisation de volatilité différente et sur la migration de l'agent le plus volatil de la couche intermédiaire vers la couche externe ; dans ce concept dynamique la couche intermédiaire joue donc le rôle de couche réservoir permettant d'assurer le relais de protection pour la couche externe lorsque l'efficacité de celle-ci diminue en raison des phénomènes de sublimation, d'exsudation ou de dégradation de l'agent qu'elle contient.
Cette différence fondamentale montre que le document D1 considéré isolément ne rend pas évidente la combinaison de caractéristiques requises selon la revendication.
9.2. Bien que certaines caractéristiques des panneaux selon D2 offrent des éléments de solution a priori prometteurs dans la perspective du problème à résoudre, leur combinaison avec D1 ne saurait conduire à une plaque multicouche telle que revendiquée.
La première caractéristique est l'agent d'absorption du rayonnement ultraviolet (page 1, ligne 16 à page 2, ligne 20 ; page 2, ligne 30 à page 3, ligne 19 ; page 4, lignes 8 à 10). Même si l'efficacité supérieure des dimères (composés peu volatils) peut apparaître comme une incitation à les utiliser au lieu des monomères correspondants (composés volatils), cet enseignement est à assortir de deux réserves. D'une part, cet effet est strictement limité aux polycarbonates ramifiés et ne s'observe pas avec les polycarbonates linéaires (page 4, lignes 8 à 18) ; d'autre part, cette divulgation concerne uniquement la couche d'absorption et ne peut être étendue à la couche externe qui, lorsque présente, est censée ne pas contenir de stabilisant (page 8, lignes 31 à 34).
La deuxième caractéristique est la couche externe facultative, dont seule l'épaisseur est indiquée, pas la composition (page 8, lignes 31 à 34). Rien n'autorise à admettre qu'elle puisse ou doive être dans le même matériau que la couche de coeur et la couche d'absorption ou même dans un matériau chimiquement similaire.
Ces considérations montrent que la contribution de D2 à la résolution du problème technique ne va pas au-delà du remplacement dans la couche d'absorption de l'agent volatil par un agent non volatil d'absorption du rayonnement ultraviolet, ce qui de toute évidence ne va pas dans le sens des modifications apportées dans le brevet en cause.
9.3. D3 divulgue le principe d'un panneau à deux couches en polycarbonate, dans lequel la couche externe a une teneur en agent stabilisant supérieure à la couche de coeur ; en pratique, cet additif est présent entre 3 et 15. % en poids et il a de préférence une faible volatilité (page 4, lignes 19 à 30 ; page 5, lignes 16 à 19). La présence d'une couche intermédiaire n'est pas envisagée, de sorte que cet enseignement est tout au plus exploitable en vue d'optimiser la résistance au rayonnement ultraviolet d'une couche en polycarbonate.
9.4. Il n'est pas contesté qu'il est possible de reconstituer l'objet revendiqué à partir de D1 et d'une sélection appropriée de caractéristiques mentionnées dans D2 (préférence donnée aux composés faiblement volatils) et D3 (couche externe en polycarbonate avec teneur élevée en stabilisant). Cependant, comme l'a fait observer la Chambre lors de la procédure orale en se référant à la décision T 0002/83 (JO OEB 84, 265), la question de l'activité inventive ne se ramène pas à la question de savoir si l'homme du métier aurait pu concevoir une telle combinaison de caractéristiques, mais s'il l'aurait effectivement envisagée dans la perspective du problème à résoudre.
Les considérations ci-dessus montrent clairement qu'il ne peut être répondu à cette question que par la négative. En effet, au vu des différences fondamentales entre les concepts de stabilisation selon D1 et le brevet en litige, d'une part, et du caractère tout au plus fragmentaire des informations fournies par D2 et D3, d'autre part, il est évident que la reconstitution de la présente invention à partir de ces documents repose nécessairement sur une appréciation rétrospective de l'enseignement de l'art antérieur.
9.5. Pour ces diverses raisons la Chambre conclut que pour un homme du métier l'objet de la revendication ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique et qu'il implique par conséquent une activité inventive.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré avec mission de maintenir le brevet sur la base de la revendication déposée le 3 juillet 1998 à titre de requête subsidiaire, le cas échéant après adaptation de la description.