T 0654/96 28-08-1997
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Perfectionnements aux profilés en plastomère à section en U, destinés notamment à équiper des rebords saillants de carrosseries d'automobiles ou similaires
Documents produits tardivement en opposition, susceptibles de remettre en cause le maintien du brevet européen (admis dans la procédure de recours)
Renvoi devant la première instance
I. L'intimée est titulaire du brevet européen n° 0 527 074 (n de dépôt : 92 402 091.0).
La revendication 1 du brevet se lit comme suit :
"1. Profilé (1) à section en U, comprenant une armature métallique (2) gainée au moins partiellement d'une matière plastomère du type du polychlorure de vinyle plastifié et destiné à coiffer un rebord saillant, notamment de carrosserie d'automobile, l'une des faces internes du U présentant au moins une lèvre (5) dirigée vers le rebord saillant, cette lèvre étant en un matériau élastomère thermoplastique compatible avec celui gainant l'armature et assurant une liaison par fusion avec celui-ci au cours de leur coextrusion, ce profilé étant caractérisé en ce que le matériau constitutif de la lèvre (5) a un point de ramollissement net, c'est-à-dire un point de ramollissement où le polymère perd sa viscosité élastique pour devenir purement thermoplastique lorsque la température varie au plus de 10 C, compris entre 150 et 200 C et une dureté Shore, à 22 C, comprise entre 75 et 80."
II. La requérante a fait opposition et requis la révocation complète du brevet européen.
Pour en contester la brevetabilité, elle a notamment opposé les documents :
- D1 : FR-A-2 370 206 ;
- D10 : catalogue Draftex Limited, page 57 ;
- D11 : notice technique "Pebax" de janvier 1982 ;
- D12 : cahier de charges Renault et,
- D13 : spécifications techniques de Peugeot-Citroën.
Les documents D10 à D13 ont été produits après l'expiration du délai d'opposition en réplique à la prise de position de l'intimée (titulaire du brevet) sur le mémoire d'opposition.
III. Par décision remise à la poste le 31 mai 1996, la Division d'opposition a rejeté l'opposition et maintenu le brevet européen tel que délivré.
Elle a constaté dans sa décision que les documents D10 à D13 produits tardivement n'étaient pas plus pertinents que ceux introduits dans la procédure d'opposition. Elle a, en conséquence, décidé de ne pas les prendre en considération en vertu de l'article 114(2) CBE.
IV. Par télécopie en date du 12 juillet 1996, la requérante (opposante) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.
Le mémoire dûment motivé a été déposé le 16 août 1996.
V. Dans une notification adressée aux deux parties, la Chambre a, au contraire, estimé que la prise en considération des documents D10 à D13 produits tardivement était susceptible de remettre en cause le maintien du brevet européen.
Elle a, en conséquence, envisagé de renvoyer l'affaire devant la Division d'opposition pour la poursuite de l'examen de l'opposition et notamment de l'appréciation de l'activité inventive par rapport aux documents D10 à D13 qui devraient être pris en considération.
VI. Dans sa réponse à la notification de la Chambre, la requérante (opposante) a exprimé son accord sur le réexamen de l'affaire par la Division d'opposition.
Elle a retiré sa requête subsidiaire en procédure orale devant la Chambre de recours.
Elle demande l'annulation de la décision attaquée et, soit la révocation complète du brevet européen en cause, soit le renvoi de l'affaire devant la Division d'opposition.
VII. En réplique à la notification de la Chambre de recours, l'intimée (titulaire du brevet) a exprimé son accord de principe sur le renvoi du dossier devant la Division d'opposition.
Elle a tenu cependant à souligner que la pertinence des documents D10 à D13 avait été discutée au cours de la procédure orale devant la Division d'opposition et que, ainsi qu'il résulte des énonciations du compte rendu de l'audience, la Division d'opposition avait décidé de ne pas les introduire dans la procédure en raison de leur manque de pertinence.
Elle sollicite le rejet du recours formé et le maintien du brevet européen tel que délivré.
1. Le recours est recevable.
2. Problème - solution
Le brevet européen en cause se rapporte, conformément au préambule de la revendication 1, à un profilé à section en U comprenant une armature métallique gainée au moins partiellement d'une matière plastomère du type polychlorure de vinyle plastifié. Ce profilé est destiné à coiffer un rebord saillant notamment d'une carrosserie d'automobile et, en vue de pincer fermement le rebord saillant et de verrouiller le profilé en position sur ledit rebord, le profilé comporte au moins une lèvre dirigée vers le rebord saillant. Cette lèvre est en un matériau élastomère thermoplastique compatible avec celui gainant l'armature, ces deux matériaux étant coextrudés.
Il n'est pas disputé que le document D1 décrit un profilé du type énoncé dans le préambule de la revendication 1.
Ainsi qu'il est exposé dans le brevet européen en cause, un profilé de ce genre présente l'inconvénient de se déformer à la chaleur et, en été, un tel profilé a tendance à se séparer du rebord saillant qu'il équipe, de sorte que l'on a parfois été amené à le coller contre ce rebord à l'aide d'un ruban adhésif.
2.2. Par conséquent, le problème posé dans le brevet européen en cause est celui de proposer, pour la réalisation des lèvres de maintien du profilé, un matériau qui, tout en facilitant la mise en place du profilé sur son support et ne s'opposant pas à son arrachement de ce support, ne se déforme pas lorsqu'il est exposé au soleil et présente une tenue en température suffisante en plein été, même dans des pays relativement chauds (voir colonne 2, lignes 16 à 24 du brevet européen en cause).
2.3. Pour résoudre ce problème, il est proposé, conformément à la partie caractérisante de la revendication 1, un matériau constitutif des lèvres du profilé ayant les deux caractéristiques suivantes :
i) ce matériau a un point de ramollissement net compris entre 150 et 200 C ;
ii) il a une dureté Shore à 22 C comprise en 75 et 80. .
3. Sur l'admissibilité des documents invoqués tardivement
Dans sa décision, la Division d'opposition a refusé de prendre en considération les documents D10 à D13 produits tardivement au motif qu'ils "n'ont pas été trouvés plus pertinents que ceux introduits dans la procédure d'opposition". Un tel raisonnement ne saurait être suivi dans son ensemble.
En effet, le document D11 est une notice technique concernant le matériau "Pebax" qui, selon le brevet européen en cause, présente les deux caractéristiques i) et ii) énoncées dans la partie caractérisante de la revendication 1. Dans cette notice technique datée de janvier 1982, il est expressément dit que le matériau "Pebax" présente pour principale caractéristique "une faible variation de la souplesse entre -40 C et +80 C". Il est également dit que ce matériau peut trouver une application dans l'industrie automobile pour la fabrication "de soufflets divers, de tubes et tuyaux et de pièces moulées diverses".
En conséquence, la Chambre estime qu'une décision motivée sur la question de l'activité inventive ne saurait être prise sans se référer à ce document.
Au surplus, le document D10, pour autant qu'il fasse partie de l'état de la technique opposable, montre qu'il était connu de réaliser des lèvres de profilé en U en un matériau ayant une dureté Shore élevée (de 78 ). La Division d'opposition a estimé dans sa décision que le brevet européen en cause paraissait aller à l'encontre de la technique antérieure en utilisant, pour réaliser des lèvres de profilé, des matériaux ayant une dureté Shore élevée. Une telle constatation est, semble-t-il, contredite par l'enseignement du document D10.
Les documents D12 et D13 concernent des essais mis au point par deux constructeurs automobiles pour vérifier la tenue en température de profilés en plastomère à section en U destinés à équiper des rebords saillants de carrosserie automobile. Le document D13 précise que le but de l'essai est de vérifier la tenue du profilé "lorsque le véhicule est exposé au soleil". Ces deux documents semblent donc montrer qu'il était évident pour l'homme du métier de sélectionner de nouveaux matériaux pour la réalisation de lèvres de profilé, en les soumettant à des essais visant à déterminer leur tenue à la chaleur.
Il s'ensuit que la prise en considération des documents D10 à D13 est susceptible de remettre en cause le maintien du brevet européen.
La Chambre a en conséquence décidé d'admettre ces documents dans la procédure en vertu de l'article 114(2) CBE.
4. Sur le renvoi de l'affaire devant la Division d'opposition
Pour statuer sur le présent recours, la Chambre peut, en vertu de l'article 111(1) CBE, soit exercer les compétences de la Division d'opposition qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l'affaire devant ladite instance pour suite à donner.
Si, comme c'est le cas en l'espèce, des documents produits tardivement présentent une pertinence telle que leur prise en compte risque de remettre en cause le maintien du brevet européen, il convient alors normalement de renvoyer l'affaire devant la première instance afin de permettre l'examen de ces documents, s'il y a lieu, par les deux instances et d'éviter ainsi au titulaire du brevet de perdre le bénéfice d'une instance (voir notamment décision T 326/87, JO OEB 1992, 522).
Il est vrai que la pertinence de ces documents a fait l'objet "d'une brève discussion" au cours de l'audience devant la Division d'opposition, mais il y a lieu d'observer que la décision contestée n'est nullement fondée sur ces documents, ceux-ci n'ayant pas été introduits dans la procédure ; et la décision de ne pas prendre en considération des documents invoqués tardivement relève du pouvoir d'appréciation de la Division d'opposition et n'a pas en principe à être motivée. Au surplus, la Division d'opposition avait déjà décidé par écrit, avant la procédure orale, de ne pas tenir compte des documents D10 à D13, sans connaître d'ailleurs la position de la titulaire du brevet à ce sujet. Il ne ressort donc pas des pièces du dossier d'opposition que les documents D10 à D13 aient fait l'objet d'un débat contradictoire entre l'opposante et la titulaire du brevet. Il y a lieu par conséquent de faire réexaminer l'affaire par la Division d'opposition afin que les documents en question puissent bénéficier d'un examen contradictoire et faire l'objet d'une décision motivée éventuellement par les deux instances. Une telle solution s'impose d'autant plus que, dans le cas d'espèce, les deux parties sont pour l'essentiel d'accord sur le renvoi de l'affaire devant la première instance.
En conséquence, la Chambre, en suivant en cela la décision T 326/87 précitée, a décidé, en exerçant le pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu par l'article 111(1) CBE, de renvoyer l'affaire devant la Division d'opposition pour la poursuite de l'examen de l'opposition et notamment de l'appréciation de l'activité inventive de l'objet de la revendication 1 en tenant également compte des documents D10 à D13.
Il conviendra bien entendu de prendre en considération les mesures de dureté en fonction de la température que l'intimée (titulaire du brevet) a déposées en réponse au mémoire de recours.
Il y a lieu d'ajouter que, conformément à la demande de l'intimée, ce dossier devrait, dans la mesure du possible, être traité en priorité par la Division d'opposition, afin de ne pas pénaliser la titulaire du brevet par des délais trop importants.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la Division d'opposition pour suite à donner.