T 0194/21 10-03-2022
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POULIE
Recevabilité du recours - mémoire de recours
Recevabilité du recours - déposé dans les délais (non)
Répartition des frais - abus de procédure (non)
I. Le recours est dirigé contre la décision de la division d'opposition en date du 12 juin 2020 ayant rejeté l'opposition formée à l'égard du brevet européen EP3016848.
II. La requérante (opposante) a formé un recours le 25 février 2021 et a acquitté la taxe de recours le même jour.
III. Par notification au titre de la règle 100(2) CBE, signifiée aux parties le 14 septembre 2021, la Chambre a fait connaître son avis préliminaire concernant l'irrecevabilité du recours de la requérante (opposante) en raison du dépôt du mémoire exposant les motifs du recours postérieurement à l'expiration du délai de quatre mois à compter de la signification de la décision contestée (Article 108 et règle 101(1) CBE).
La requérante (opposante) a été informée qu'elle devait faire part de ses observations éventuelles dans un délai de deux mois à compter de la signification de la notification.
IV. Aucune réponse n'a été reçue. Les parties ont été convoquées à une procédure orale avec pour objets la question de la recevabilité du recours et la demande de répartition des frais présentée par l'intimée par lettre du 24 novembre 2021.
V. La procédure orale s'est tenue le 10 mars 2022 par visioconférence, en l'absence de la requérante (opposante) qui n'a pas avisé la Chambre de son absence. Il convient de considérer que la requérante (opposante) régulièrement citée se fonde uniquement sur ses écritures (règle 115(2) CBE et article 15(3) RPCR 2020).
La requérante (opposante) a demandé par écrit l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet
L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours pour irrecevabilité et une répartition des frais en sa faveur.
1. Sur la recevabilité du recours.
Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé postérieurement à l'expiration du délai prévu à l'article 108, troisième phrase CBE, en conjonction avec la règle 101(1) CBE.
En l'espèce, la décision contestée a été rendue le 12 juin 2020. Deux tentatives de signification de la décision à l'opposante par un service postal s'étant révélées infructueuses, la décision contestée a été signifiée à l'opposante sous forme de publication à la date du 25 novembre 2020, en application de la règle 129(1) CBE. La décision est donc réputée avoir été signifiée le 25 décembre 2020, de sorte que le mémoire exposant les motifs de recours, déposé le 5 mai 2021, est hors-délai.
Le recours est donc irrecevable.
2. Sur la demande de répartition des frais de procédure en la faveur de l'intimée.
2.1 Au soutien de sa demande en répartition des frais de procédure en sa faveur, l'intimée (titulaire du brevet) fait valoir que les circonstances de la cause démontrent de la part de la requérante (opposante) et de son mandataire d'une volonté de maintenir la procédure d'opposition pendante le plus longtemps possible pour retarder l'issue de procédure en contrefaçon engagée en son encontre devant le Tribunal Judiciaire de Paris, ce qui serait constitutif selon elle d'un abus de procédure. Ainsi, la requérante (opposante) et son mandataire auraient sciemment retardé la procédure d'opposition (1) en obligeant l'OEB à procéder par voie de signification publique de la décision du fait du renoncement du mandataire à son mandat et du non-retrait par la requérante (opposante) de la lettre de signification de la décision, (2) en déposant l'acte de recours au dernier moment, et (3) en déposant hors délai un mémoire de recours peu motivé. L'intimée (titulaire du brevet) ajoute qu'un nouveau délai pourrait survenir si le mandataire renonçait à nouveau à son mandat avant la signification de la décision de la Chambre.
2.2 En application de l'article 104 (1) EPC, chaque partie à la procédure d'opposition doit, en principe, supporter les frais qu'elle a exposés. L'article 16 (1) RPCR 2020 prévoit que la Chambre de recours peut, dans certaines circonstances, ordonner à une partie de rembourser tout ou partie des frais exposés par une autre partie, notamment lorsque ces frais sont occasionnés par tout abus de procédure (Article 16 (1)e) RPCR 2020).
La Chambre considère que les éléments du dossier ne démontrent pas de la part de la requérante (opposante) une volonté délibérée de détourner la procédure de sa finalité à des fins tactiques. Les faits mis en avant par l'intimée (titulaire du brevet), s'ils démontrent une certaine légèreté de la part de la requérante (opposante) dans ses relations avec son mandataire et dans le suivi de la procédure d'opposition, ne sont pas suffisants en effet pour caractériser un abus de procédure.
En premier lieu, l'argument selon lequel le mandataire aurait sciemment renoncé à son mandat au cours de la procédure d'opposition afin de prolonger la procédure ne repose sur aucun élément du dossier. Au contraire, dans son courrier du 4 février 2020, le mandataire a clairement expliqué son retrait par la difficulté d'obtenir des instructions de la part de son client. De plus, une partie ayant son domicile dans un état contractant n'est nullement tenue de se faire représenter par un mandataire agréé dans les procédures devant l'OEB (Article 133 (1) CEB). Le fait que le même mandataire ait par la suite à nouveau été désigné peut s'expliquer par différents facteurs et ne peut à lui seul caractériser l'abus de procédure. Rien ne démontre non plus que la requérante (opposante) ait sciemment omis de retirer les lettres recommandées de signification de la décision pour contraindre l'OEB à procéder par voie de signification publique en application de la règle 129 CBE.
S'agissant de l'exercice du recours par la requérante (opposante), la Chambre rappelle qu'il s'agit d'un droit qui n'est pas susceptible per se de constituer un abus, même lorsque le recours est, comme dans la présente affaire, clairement irrecevable en raison du dépôt hors délai du mémoire de recours. La requérante est de plus parfaitement en droit de faire usage de l'intégralité du délai prévu à l'article 108 CBE.
En outre, une demande de répartition des frais ne peut prospérer que s'il est avéré un lien de cause à effet entre le comportement prétendument fautif et les frais litigieux. En l'espèce, l'intimée (titulaire du brevet) ne précise pas quels frais supplémentaires auraient été occasionnés par la prétendue prolongation tactique de la procédure d'opposition. La Chambre relève en particulier que la signification publique de la décision n'a pas contraint l'intimée à des démarches particulières ni occasionné de frais de sa part. Quant aux frais exposés pour faire valoir sa défense dans le cadre de la procédure de recours, ils sont inhérents à l'exercice par la requérante de son droit au recours et ne justifient donc pas qu'il soit dérogé au principe selon lequel chacune des parties conserve à sa charge les frais qu'elle a exposés.
Enfin, si l'absence d'une partie à la procédure orale sans avoir avisé la Chambre au préalable peut dans certains cas justifier une répartition des frais en faveur de l'autre partie pour des raisons d'équité, la Chambre considère qu'en l'espèce la procédure orale était également nécessaire pour entendre les parties sur la requête de l'intimée (titulaire du brevet) d'une répartition des frais en sa faveur, de sorte que l'absence de la requérante (opposante) ne l'a pas rendue superflue. Les frais exposés par l'intimée (titulaire du brevet) pour être représentée à cette procédure orale ont donc vocation là encore à rester à sa charge.
2.3 Les arguments liés à la nécessité éventuelle de procéder à nouveau par voie de signification publique de la présente décision sont purement hypothétiques et au demeurant sans lien avec d'éventuels frais supplémentaires à la charge de l'intimée (titulaire du brevet).
Pour ces raisons, la demande de l'intimée (titulaire du brevet) en répartition des frais en sa faveur est rejetée.
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté comme irrecevable.
La requête en répartition des frais est rejetée.