T 0359/92 25-03-1993
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Mécanisme d'actionnement de frein à tambour à commande par coin et frein à tambour le comportant
Priority (yes)
Inventive step
Opposition grounds - interpretation of Art. 100 (a)
I. L'intimée est propriétaire du brevet européen n° 0 255 428 déposé le 21 juillet 1987 (numéro de dépôt 87 401 696.7) sous priorité d'une demande de brevet déposé en France le 30 juillet 1986
La revendication 1 est ainsi libellée :
"1. Mécanisme d'actionnement de frein à tambour comprenant un coin (20) placé entre deux extrémités en regard de deux pistons (14, 15) actionnant chacun l'un de deux segments (2, 3) portant des garnitures (4, 5) ce coin (20) étant mobile entre une première position où il presse ces garnitures contre le tambour (1) du frein et une deuxième position où ces garnitures sont écartées du tambour, le coin (20) agissant sur les pistons (14, 15) par l'intermédiaire de rouleaux de commande (23, 24) montés sur une cage à rouleaux (40) placée sur le coin, au moins un rouleau d'appui (32, 33) étant monté sur la cage (40) pour porter sur le corps (16) du mécanisme et sur le coin (20), respectivement, de manière à guider le coin entre ses première et deuxième positions, caractérisé en ce que le coin (20) et la cage (40) sont dissymétriques, la cage portant, du côté d'un seul des deux pistons (14, 15), au moins un rouleau d'appui (32, 33) coopérant avec deux chemins de roulement associés (30, 31, 34, 35) parallèles et formés sur le corps (16) et le coin (20) respectivement, du côté de ce piston."
II. La Requérante a fait opposition et requis la révocation du brevet européen.
Les motifs d'opposition invoqués au soutien de son action étaient :
-l'absence de nouveauté de l'objet de la revendication 1 par rapport à la demande européenne EP-A-201 139 (D1) faisant partie de l'état de la technique selon l'article 54(3), pour les états désignés à la fois dans la demande européenne D1 et dans le brevet européen en cause ;
-le manque d'activité inventive par rapport à l'enseignement du document EP-A-139 445 (D2).
III. Par décision en date du 24 février 1992, la division d'opposition a rejeté l'opposition formée et maintenu le brevet européen tel que délivré.
IV. Par télécopie reçue le 21 avril 1992, la Requérante (Opposante) a formé un recours contre cette décision et payé simultanément la taxe correspondante. Le mémoire dûment motivé a été déposé le 20 juin 1992.
V. Par notification établie conformément à l'article 110(2) CBE en date du 20 novembre 1992, la Chambre a pris position sur la validité de la revendication de priorité et sur la brevetabilité de la revendication 1 au regard des documents D1 et D2.
La requérante n'a pas déposé d'observations en réplique à cette notification.
VI. La requérante sollicite l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet.
A l'appui de sa requête, elle développe pour l'essentiel l'argumentation suivante :
Le brevet européen en cause revendique la priorité de la demande de brevet français n° 86 11 030 déposée le 30 juillet 1986.
La revendication 1 du brevet européen en cause a été limitée à la disposition dissymétrique qui ne faisait pas l'objet de la revendication 1 de la demande prioritaire, une fois que l'intimée a eu connaissance du contenu de la demande européenne D1. La revendication 1 de la demande prioritaire a d'ailleurs une portée sensiblement identique à celle de la revendication 1 de la demande européenne D1.
La demande européenne D1 divulgue l'invention revendiquée dans tous les éléments essentiels qui la constituent. Le fait d'avoir supprimé d'un côté du coin, les moyens d'appui non nécessaires qui étaient destinés à absorber des efforts de freinage négligeables se produisant lorsque le véhicule se déplace en marche arrière, constitue une simple différence qui va de soi et qui n'affecte pas l'invention telle qu'elle se trouve divulguée dans la demande européenne D1.
Tous les éléments essentiels de l'invention hormis cette simple différence se retrouvant dans la demande européenne D1, l'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau.
Dans la procédure ayant donné lieu à la décision T 242/91 - 3.2.1 en date du 22 janvier 1992, l'intimée agissant en tant qu'opposante au brevet européen D1 a admis que la suppression des moyens d'appui d'un côté du coin n'était pas en soi brevetable. L'intimée qui est liée par cette déclaration, ne peut donc pas dans le cas présent soutenir le contraire.
VII. L'intimée (propriétaire du brevet) sollicite le rejet du recours et le maintien du brevet européen tel que délivré.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'aux règles 1(1) et 64 de la CBE ; il est recevable.
2. Sur la validité de la revendication de priorité
2.1. La demande européenne D1 qui a été déposée antérieurement au brevet européen en cause a été publiée entre la date de dépôt (21 juillet 1987) et la date de priorité (30 juillet 1986) dont bénéficie le brevet européen en cause. La requérante a fait valoir que l'invention revendiquée ne se retrouvait pas dans la revendication 1 de la demande prioritaire.
2.2. Il résulte des dispositions du paragraphe 4 de l'article 88 de la CBE qu'il suffit, pour que le droit de priorité puisse être revendiqué dans une demande ultérieure, que les éléments de l'invention pour lesquels la priorité est revendiquée soient révélés d'une façon précise dans les pièces de la demande antérieure considérées dans leur ensemble.
En l'espèce, la description et les dessins du brevet européen en cause sont quasiment identiques à la description et aux dessins de la demande prioritaire. Tous les éléments caractéristiques de la revendication 1 du brevet européen en cause se retrouvent dans le mode de réalisation décrit en liaison avec les figures 1 à 5 des dessins. Ce mode de réalisation révèle de façon précise notamment la réalisation dissymétrique du coin (20) et de la cage (40), la cage portant, du côté d'un seul des deux pistons (14, 15), un rouleau d'appui (32), (33) coopérant avec deux chemins de roulement associés (30), (31), (34), (35) parallèles et formés sur le corps (16) et le coin (20) respectivement du côté de ce piston (cf. notamment figures 2 et 3 et colonne 6, lignes 22 à 35 du document prioritaire).
2.3. Il est vrai que la disposition dissymétrique qui fait l'objet de la revendication 1 du brevet européen en cause ne se retrouve pas dans la revendication 1 de la priorité française. Cependant, aux termes du paragraphe 4 de l'article 88 CBE ci-dessus rappelé, la demande prioritaire doit être prise, non pas seulement dans ses revendications, mais dans son ensemble : il s'ensuit que les éléments de la revendication 1 du brevet européen en cause peuvent se retrouver dans la demande prioritaire, non seulement dans les revendications mais aussi dans la seule description.
2.4. Force est donc de constater que la revendication 1 du brevet européen en cause bénéficie bien de la priorité française du 30 juillet 1986.
3. Sur la nouveauté de l'objet de la revendication 1 par rapport à la demande européenne D1
3.1. Etant donné que la demande européenne D1 a été publiée postérieurement à la priorité française du 30 juillet 1986 valablement revendiquée, elle fait partie de l'état de la technique selon l'article 54, paragraphe 3 de la CBE.
Le paragraphe 3 ne joue que dans la mesure - et c'est le cas en l'espèce - où des états désignés (DE, GB, IT) dans le brevet européen en cause sont également désignés dans la demande européenne D1 (cf. le paragraphe 4 de l'article 54). De plus, conformément à l'article 56 CBE, la demande européenne D1 qui fait partie de l'état de la technique au titre de l'article 54, paragraphe 3 ne peut pas être prise en considération pour l'appréciation de l'activité inventive.
3.2. Le mécanisme d'actionnement selon la revendication 1 du brevet européen en cause est caractérisé en ce que le coin (20) et la cage (40) sont dissymétriques. Par contre, la cage et le coin qui sont décrits ou représentés dans la demande européenne D1 ne sont pas dissymétriques mais symétriques. Déjà à ce titre, l'objet de la revendication 1 présente la nouveauté requise par rapport à la demande européenne D1.
3.3. Au surplus, le mécanisme d'actionnement selon la revendication 1 du brevet européen en cause est aussi caractérisé en ce que l'on prévoit, du côté d'un seul des deux pistons, au moins un rouleau d'appui. Cette caractéristique ne se retrouve pas non plus dans la demande européenne D1 puisque l'on prévoit des deux côtés - et non pas d'un seul côté - des rouleaux d'appui.
3.4. Il est vrai que la revendication 1 du brevet européen D1 délivré précisait dans sa partie caractérisante que le coin était guidé "par au moins un rouleau d'appui". La revendication 1 du brevet européen D1 protégeait ainsi un mécanisme pouvant ne comporter qu'un rouleau d'appui, forcément disposé d'un seul côté du coin.
Il y a toutefois lieu de noter tout d'abord que selon l'article 54, paragraphe 3 de la CBE, c'est le contenu de la demande européenne telle que déposée, en l'espèce la demande européenne D1 et non pas celui du brevet européen tel que délivré qui doit être pris en considération.
De plus, la caractéristique visée ci-dessus qui ne figurait pas dans la demande européenne D1 mais qui a été ajoutée en cours d'examen dans le brevet européen D1 a été considérée par la Chambre de recours 3.2.1 dans la décision T 242/91 ci-dessus mentionnée comme constituant une modification inadmissible au titre de l'article 123(2) de la CBE. La Chambre 3.2.1 a ainsi estimé, selon la jurisprudence constante en la matière que la prévision d'un seul rouleau d'appui ne dérivait pas directement et sans ambiguïté de la demande européenne D1, même en tenant compte d'éléments implicites pour l'homme du métier.
3.5. La requérante soutient aussi que dans l'appréciation de la nouveauté, il convient de vérifier si l'antériorité a divulgué l'invention dans les éléments essentiels qui la constituent ; une simple différence qui n'affecte pas ces éléments essentiels ne saurait suffir à rendre nouvelle l'invention revendiquée.
A cet égard, la Chambre estime - ainsi que cela ressort du point 4.4 ci-après - que la suppression des moyens d'appui destinés à absorber les efforts au freinage en marche arrière ne constitue par une simple différence n'ayant quasiment aucun effet, mais bien au contraire, une caractéristique essentielle contribuant à résoudre le problème posé dans le brevet européen en cause, à savoir celui d'empêcher une usure différentielle des garnitures des segments, sans augmenter pour autant l'encombrement du mécanisme d'actionnement. Il est indéniable que la disposition dissymétrique revendiquée permet de réduire sensiblement l'encombrement du mécanisme selon l'invention, dans un emplacement où il est important d'être économe de ce point de vue.
3.6. Pour les motifs ci-dessus exposés, l'objet de la revendication 1 présente la nouveauté requise par rapport à la demande européenne D1 (article 54 de la CBE).
4. Activité inventive de la revendication 1
4.1. Au cours de la procédure d'opposition, la requérante a tenté de faire valoir que l'objet de la revendication 1 ne présentait pas l'activité inventive requise compte tenu de l'enseignement du document D2. Ce motif n'est pas repris dans le recours. Cependant, le motif d'opposition indiqué à l'Article 100(a) n'est pas le manque de nouveauté mais le défaut de brevetabilité qui peut aussi résulter du manque d'activité inventive. La Chambre est donc tenue d'examiner le défaut de brevetabilité c'est-à-dire aussi le manque d'activité inventive, même si l'opposante invoque seulement l'absence de nouveauté à l'appui de son recours.
4.2. La demande européenne D1 qui fait, ainsi qu'on l'a montré plus haut, partie de l'état de la technique selon l'article 54, paragraphe 3 de la CBE, ne peut pas constituer l'état de la technique le plus proche à partir duquel il convient d'établir le problème posé et la solution apportée par l'invention revendiquée.
L'état de la technique le plus proche reste donc celui indiqué en colonne 1, lignes 8 à 24 du brevet européen en cause et qui est illustré par exemple, par le document de brevet GB-A-1 447 358 également mentionné dans le brevet européen en cause.
4.3. Ainsi qu'il est indiqué dans la partie introductive de la description, ce type de frein à tambour à commande par coin comprend ordinairement deux segments munis d'une garniture, chaque segment étant articulé à une extrémité sur un plateau solidaire de la fusée sur laquelle est montée une roue associée d'un véhicule. Entre les deux extrémités non articulées, se trouve le mécanisme de commande par coin.
Dans ce type de frein, il s'ajoute, à l'usure normale, une cause d'usure particulière qui résulte de la structure même du frein. En effet, lors d'un freinage, l'un des segments est "tendu" tandis que l'autre est "comprimé". Le segment situé en amont du coin, par rapport au sens de rotation du tambour est "tiré" par le tambour à partir de son point d'articulation, tandis que le segment aval est comprimé par le frottement du tambour, vers son point d'articulation. La compression du segment aval est amplifié par le fait que le coin lui-même transmet au segment comprimé l'effort qu'il reçoit du segment tendu, du fait que celui-ci tend à pivoter vers l'intérieur du tambour. Il en résulte une usure différente des garnitures de frein, la garniture du segment comprimé s'usant plus vite que celle du segment tendu. Une usure mieux répartie sur les deux garnitures permettrait d'espacer les démontages du frein nécessaires au remplacement des garnitures usées (cf. colonne 1, quatrième paragraphe du brevet européen en cause). De plus, le mécanisme de commande doit être disposé dans un endroit où la place est réduite et doit par conséquent être d'un faible encombrement.
4.4. En conséquence, le problème posé est sensiblement celui indiqué dans le paragraphe joignant les colonnes 1 et 2 du brevet européen en cause, à savoir celui de réaliser un mécanisme d'actionnement de frein à tambour à commande par coin, conçu de manière à empêcher une usure différentielle des garnitures des segments. De plus, ce problème doit être résolu sans pour autant en accroître de façon sensible l'encombrement.
Un tel problème est résolu pour l'essentiel par les caractéristiques énoncées dans la partie caractérisante de la revendication 1.
4.5. La solution revendiquée ne découle pas de manière évidente de l'enseignement du document D2. En effet, le document D2 concerne, dans son mode de réalisation des figures 1 à 3, un mécanisme d'actionnement d'un frein à tambour comportant un seul piston (et non pas deux) actionné par un coin. Le mécanisme de freinage qui fait l'objet de ce document n'est donc pas du type énoncé dans le préambule de la revendication 1.
Au surplus, les deux rouleaux (12, 13) qui sont disposés de part et d'autre du coin constituent des rouleaux de commande. Par conséquent, rien ne suggère dans ce document de prévoir, à côté de ces rouleaux de commande, des rouleaux d'appui destinés à éviter la transmission des efforts de freinage par le coin du segment tendu au segment comprimé et, encore moins, de disposer ces rouleaux d'appui de façon dissymétrique. Ainsi, l'homme du métier, en appliquant l'enseignement du document D2 au dispositif connu mentionné dans le brevet européen en cause, ne pouvait en aucune façon aboutir à l'invention revendiquée.
4.6. Pour les motifs ci-dessus exposés, l'objet de la revendication 1 du brevet présente l'activité inventive requise au sens de l'article 56 de la CBE.
Cette conclusion s'étend également aux revendications 2 à 5 qui sont rattachées à la revendication 1 et à la revendication 6 de frein à tambour caractérisée en ce qu'elle comprend un mécanisme conforme à la revendication 1.
5. Force est donc de constater que le motif d'opposition visé à l'article 100(a) de la CBE ne s'oppose pas au maintien du brevet européen tel que délivré.
6. La requérante se référant à sa demande européenne D1 a également posé la question de savoir si la suppression d'un élément non nécessaire dans un dispositif brevetable constitue une invention brevetable. Cependant, il n'y a pas lieu de répondre à une telle question, car celle-ci ne fait pas l'objet du recours : la question posée en l'espèce était de savoir si l'objet de la revendication 1 présente la nouveauté requise par rapport à la demande européenne D1 ; et dans ce cas, ainsi qu'il a été montré plus haut, le fait de supprimer un rouleau d'appui et d'avoir ainsi un seul rouleau disposé d'un côté du coin suffit à rendre l'objet de la revendication 1 du brevet européen en cause nouveau par rapport à la demande européenne D1. Par contre, la chambre ne peut pas répondre à la question de savoir si dans le cas présent, cette suppression permet de rendre le dispositif revendiqué non seulement nouveau mais encore inventif puisque la demande européenne D1 fait partie de l'état de la technique selon l'article 54(3) CBE et ne peut donc pas, en vertu de l'article 56(2° phrase), être pris en considération dans l'appréciation de l'activité inventive.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.