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Hans Clevers

Organes humains (organoïdes) développés en laboratoire

Catégorie
Recherche
Domaine technique
Technologie médicale
Organisation
Hubrecht Institute and Utrecht University
Avec les premiers « organoïdes », le généticien moléculaire néerlandais Hans Clevers et ses équipes de l'Institut Hubrecht et l'University Medical Center (UMC) d'Utrecht ouvre une nouvelle ère de médecine personnalisée et de développement de médicaments. Ces mini-organes - foie, poumons ou intestins - sont développés à partir des cellules souches des patients et permettent aux médecins de tester les effets spécifiques des médicaments en toute sécurité, hors du corps humain.

Finaliste du Prix de l’inventeur européen 2017

Hans Clevers a fait cette découverte capitale après s'être penché pendant une dizaine d'années sur la capacité extraordinaire des intestins à s'auto-réparer. Le chercheur a longtemps soupçonné les cellules souches des intestins d'être les principaux moteurs de la régénération des intestins. Il est devenu le premier scientifique au monde à repérer une catégorie de ces cellules souches, les LGR5, à l'intérieur des glandes (ou « cryptes ») de la paroi intestinale. Hans Clevers a d'abord lancé une technique génétique pour développer les cellules souches LGR5 en laboratoire, puis il a développé des « intestinoïdes » qui pourraient servir à tester les médicaments en toute sécurité sur des tissus intestinaux humains actifs.

Grands de quelques millimètres et développés sur une dizaine de jours, ces mini-organes ont ouvert la porte au développement d'autres organoïdes en laboratoire, notamment le cerveau, le foie et les reins. Le développement pharmaceutique et la médecine personnalisée sont les principaux domaines impactés. Cette technique permet également de reproduire les tumeurs cancéreuses, les « tumoroïdes », qui sont développées dans le but de tester des centaines de régimes médicamenteux différents in vitro (hors du corps humain).

Bénéfices pour la société

Les avantages de cette invention brevetée sont double. D'abord, les organoïdes permettent aux fournisseurs de soins de santé de tester même des traitements agressifs - par exemple contre le cancer - sans faire mal au patient. On estime à 5% le nombre des admissions dans les hôpitaux européens dues aux effets secondaires des médicaments. Elles pourraient être évitées avec les organoïdes. Ces effets secondaires représentent également la cinquième cause la plus fréquente de décès à l'hôpital.

En outre, les organoïdes permettent de personnaliser la médecine et les traitements, car ils sont en adéquation avec le profil génétique d'un patient unique. Cette invention a déverrouillé la médecine personnalisée et ouvre un chapitre nouveau pour les essais pharmaceutiques. En effet, les pratiques actuelles en matière d'essais cliniques évaluent les effets des médicaments sur la population mais pas sur les patients individuels.

L'invention de Hans Clevers permet également, en développant des répliques des tumeurs cancéreuses, appelées « tumoroïdes », de tester de manière sécurisée les effets des thérapies potentielles destinées aux nouvelles formes de cancer.

En outre, les organoïdes proposent une alternative viable aux tests sur les animaux - souhaitable d'un point de vue éthique mais aussi parce que les réactions aux médicaments varient significativement entre les hommes et les animaux.

Avantages économiques

Bien que ne perçant que lentement le marché, les organoïdes ont le potentiel de faire considérablement baisser les coûts et les taux d'échec dans le développement des médicaments. Une étude récente d'Excel Matrix révèle que des investissements de plusieurs millions d'euros sont nécessaires pour développer un nouveau médicament, alors qu'on estime à un sur 10 000 le nombre de produits chimiques qui passe du cycle de découverte au marché. Le pourcentage d'échecs cliniques en phase avancée - qui est actuellement de 50% en phase III - augmente également. Les organoïdes permettent de faire des « essais sur route » sur les nouveaux médicaments avec un retour d'informations direct et donc des économies substantielles.

Faisant le lien entre les laboratoires et l'exercice clinique, Hans Clevers a cofondé deux brillantes entreprises dérivées : U-BiSys BV en 1996 (désormais Crucell, qui fait partie de Johnson & Johnson) et Semaia Pharmaceuticals GmbH & Co. KG en 2000 (désormais Hybrigenics SA).

Les analystes voient les organoïdes comme des éléments capables de changer la donne sur le marché mondial de la culture des cellules 3D. Alors que les ventes de ce segment ont atteint environ 560 millions d'euros en 2014, il est attendu une plus grande disponibilité des organoïdes pour faire avancer le marché jusqu'à 2 milliards d'euros en 2019 avec un taux de croissance annuel de 30%.

Comment ça marche ?

Les organoïdes de Hans Clevers ont été les premiers à être développés dans une boîte de Pétri de laboratoire en dehors des cellules souches issues de biopsies réalisées sur les intestins de patients. Le défi majeur consistait à maintenir la croissance des cellules souches en dehors du corps humain, une prouesse jugée impossible par les scientifiques avant cette découverte.

En résolvant ce problème, l'invention donne la possibilité aux cellules souches de poursuivre leur division - et donc leur croissance - et de devenir des clones miniatures de leurs « organes parents ». Il suffit de les plonger dans des cultures de « gel bio » qui simulent les caractéristiques de l'intestin humain tout en fournissant un support structurel.

Dans cet environnement, ils se développent rapidement et une dizaine de jours environ transforme les cellules souches en organoïdes de quelques millimètres. D'autres recherches ont révélé que cette technique pouvait également développer des mini-organes à partir des cellules souches du foie, du cerveau ou des reins.

L’inventeur

À la fois physicien et scientifique travaillant en laboratoire - une combinaison plutôt rare -, Johannes (« Hans ») Carolus Clevers a obtenu en 1985 un doctorat en immunologie à l'Université d'Utrecht, tout en étudiant en parallèle la médecine pour devenir docteur en 1984. Après avoir terminé ses recherches postdoctorales au Dana-Farber Cancer Institute de l'Université d'Harvard, il crée son propre laboratoire de recherche en génétique à l'Université d'Utrecht. Entre 2002 et 2012, il est directeur de la recherche sur les cellules souches au sein du Hubrecht Institute. Pendant cette période, il se concentre sur la recherche gastro-entérologique et son laboratoire réalise des analyses révolutionnaires des mécanismes cellulaires qui interviennent derrière les cancers colorectaux. En 2009, il développe le premier « intestinoïde » au monde qui permet de tester les médicaments sur des tissus intestinaux humains actifs.

Avec une carrière dans la recherche étalée sur plus de 30 années au cours desquelles il écrit plus de 540 publications, Hans Clevers est reconnu comme une autorité internationale dans son domaine. Avide d'améliorer les résultats des traitements réalisés à l'aide de la génétique personnalisée, Hans Clevers recherche actuellement des patients atteints de fibrose kystique au Pays-Bas pour un programme de thérapie par intestinoïde.

Aujourd'hui, Hans Clevers est professeur à l'Université d'Utrecht, et il est également directeur de recherche au Princess Máxima Center en oncologie pédiatrique depuis 2015. Ses contributions à la médecine basée sur les cellules souches, à l'oncologie et à la recherche en génétique ont été récompensées par de nombreux prix, notamment le prix Louis Jeantet (2004), le prix Heineken pour la médecine (2012) et le Breakthrough Prize in Life Sciences (prix des avancées capitales dans les sciences de la vie) (2013).

Le saviez-vous ?

La faculté des intestins humains à s'auto-réparer est proprement extraordinaire. Tous les deux ou cinq jours, les intestins régénèrent entièrement leur surface avec des cellules toutes neuves. Aucun organe n'arrive à les égaler et les scientifiques ont longtemps soupçonné les cellules souches des intestins d'être les moteurs de cette auto-réparation.

Maintenant que Hans Clevers a découvert les cellules souches LGR5, leur pouvoir régénérant pourrait être exploité et mise au service d'une approche audacieuse. Des films de science-fiction comme The Island (2005) et Repo Men (2010) n'ont réussi qu'à esquisser cette idée sur le grand écran. Cependant, cette approche pourrait être un jour développée dans un laboratoire : développer à l'extérieur du corps humain des organes de donneurs génétiquement adaptés destinées à des receveurs individuels spécifiques et prêts en cas de nécessité de transplantation.

À la question sur les perspectives de guérir les hommes avec des intestins, des foies ou des reins développés en laboratoire, la réponse de l'inventeur est optimiste. Hans Clevers et son équipe ont déjà « rafistolé » des intestins cancéreux sur des souris avec des cellules en bonne santé développées en laboratoire, et ils espèrent que les transplantations d'organoïdes deviendront une réalité au cours des cinq prochaines années. Pour Hans Clevers, ce serait un étape de plus dans une vie déjà riche en inventions.

Inventors revisited

En 2020, l'OEB a repris contact avec d'anciens finalistes et lauréats pour connaître leurs points de vue sur les tendances de l'innovation et de la propriété intellectuelle : un regard unique sur la recherche et les inventions nouvelles à la pointe de la technologie.

Hans Clevers
L'avenir de la recherche en sciences de la vie

Les organoïdes inventés par Hans Clevers sont utilisés pour effectuer des travaux de recherche en toute sécurité sur des tissus humains, dans des domaines allant des traitements anticancéreux à la production d'anti-venins, et de médicaments personnalisés au nouveau coronavirus. Le professeur Clevers a poussé sa technologie encore plus loin et pourra bientôt utiliser des organoïdes dans les transplantations d'organes sur le corps humain.

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Il fut un temps où développer des mini-organes humains dans un laboratoire aurait semblé complètement farfelu. Hans Clevers a changé cette manière de voir. Aujourd'hui, les organoïdes qu'il a inventés sont utilisés pour des recherches sur l'humain en toute sécurité, dans des domaines allant des traitements contre le cancer à la production d'antivenins et de la médecine personnalisée au coronavirus.

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