J 0001/21 27-10-2021
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DISPOSITIF FORMANT ÉLÉMENT MURAL DE CONSTRUCTION
Restitutio in integrum - délai pour requérir la poursuite de la procédure,
Restitutio in integrum - requête recevable (oui),
Restitutio in integrum - vigilance nécessaire de la part d'un mandataire agréé (oui),
Restitutio in integrum - vigilance nécessaire de la part du demandeur (non).
I. Le requérant a formé un recours contre la décision de la division d'examen postée le 8 septembre 2020 ayant rejeté la requête en restitutio in integrum au titre de l'article 122 CBE concernant la demande de brevet européen EP 13799339.0 déposée le 23 octobre 2013 par M. Jean-Luc Sarrail.
II. La chronologie des faits ayant conduit à cette décision est la suivante :
- Le 02 mai 2018, la division d'examen, ayant conclu que la demande de brevet ne satisfaisait pas aux exigences de la CBE, a adressé au mandataire du demandeur une notification au titre de l'article 94(3)CBE, l'invitant à présenter ses observations dans un délai de 4 mois. Il était précisé que la demande de brevet européen serait réputée retirée, conformément à l'article 94(4) CBE, s'il n'était pas déféré à cette invitation dans le délai imparti. Le délai a été porté à 6 mois le 17 septembre 2018 à la demande du mandataire.
- Aucune réponse n'étant parvenue dans ce délai, la division d'examen a, au visa de l'article 94(4)CBE, adressé le 17 décembre 2018 au mandataire du demandeur une notification constatant la perte d'un droit conformément à la règle 112(1) CBE. Cette notification mentionnait la possibilité de requérir une décision en l'espèce au titre de la règle 112(2)CBE ou la poursuite de la procédure en application de l'article 121 CBE.
- A défaut de toute requête dans le délai prescrit,la procédure relative à la demande de brevet a été close le 20 mars 2019.
III. Par lettre du 18 avril 2019 , le mandataire du demandeur a présenté une demande en restitutio in integrum quant au délai de présentation de la requête en poursuite de la procédure au titre de l'article 121 CBE. Au soutien de sa demande, il a fait valoir qu'il n'avait pu requérir la poursuite de la procédure dans le délai prescrit car le demandeur, qui était injoignable en raison d'un voyage à l'étranger au mois de février 2019, n'avait pu recevoir à temps la lettre recommandée de son mandataire sollicitant des instructions de sa part. Le mandataire a souligné que, de son côté, il avait fait preuve d'une extrême vigilance en faisant parvenir au demandeur à plusieurs reprises des rappels quant à l'expiration du délai de réponse à la notification selon l'article 94 (3) EPC du 2 mai 2018.
IV. La division d'examen a émis le 9 mars 2020 une notification au titre de l'article 113 CBE informant le mandataire du demandeur de son intention de rejeter la requête en restitutio in integrum car les éléments produits ne permettaient pas de justifier que le demandeur avait fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances. Le mandataire était invité à présenter toute observation ou commentaire supplémentaire dans le délai de deux mois à compter de la signification de la notification.
V. Sans réponse dans ce délai, la décision de rejet a été signifiée par voie postale le 8 septembre 2020.
VI. Dans sa décision, la division d'examen a estimé que le mandataire avait fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances en adressant au demandeur des rappels concernant le délai arrivant à échéance, mais que s'agissant du demandeur, des doutes existaient quant à sa vigilance. En particulier,
- la seule affirmation que le demandeur était à l'étranger ne saurait justifier qu'il a fait preuve de toute la vigilance nécessaire,
- Il appartient au demandeur de prendre les dispositions appropriées pour que d'autres personnes puissent veiller au respect des délais pendant son absence, même si les normes applicables à cet égard peuvent être moins sévères que pour une grande entreprise,
- Le demandeur n'a pas décrit quels systèmes ont été mis en place à son bureau pour assurer le suivi des délais en son absence.
VII. Le demandeur (requérant) a formé un recours contre cette décision le 16 novembre 2020. Il sollicite l'annulation de la décision de la division d'examen en date du 8 septembre 2020 ayant rejeté la requête présentée le 18 avril 2019 en restitutio in integrum quant au délai de présentation de la requête en poursuite de la procédure au titre de l'article 121 CBE.
VIII. Dans son mémoire de recours, le requérant fait valoir que la division d'examen n'a pas pris en considération la qualité de particulier du demandeur ni le fait que ce dernier, se trouvant à l'étranger au mois de février 2019, n'avait pu avoir connaissance du dernier rappel avant l'échéance du délai, adressé par le mandataire le 19 février 2019 par lettre recommandée avec avis de réception, courrier qu'il était seul à pouvoir retirer auprès des services postaux.
Il ajoute que le fils du demandeur, qui en temps normal aide son père pour la gestion de son portefeuille de brevet, était indisponible au mois de février 2019 en raison de son déménagement à Paris à cette période induit par un nouvel emploi. Il souligne qu'au demeurant, le fils du demandeur, qui ne résidait pas au même domicile que son père, n'aurait pas pu retirer le courrier recommandé dans les délais.
Il précise enfin qu'en raison de la crise sanitaire, des taches induites par son mandat de maire de sa commune et de ses problèmes de santé, le demandeur n'a pas trouvé le temps ni l'énergie nécessaire pour répondre à la notification de la division d'examen au titre de l'article 113 CBE.
IX. Le requérant a été cité le 28 mai 2021 à une procédure orale fixée au 5 novembre 2021.
X. Dans une notification au titre de l'article 15(1) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCA), annexée à la citation, la Chambre de recours a indiqué au requérant qu'elle considérait provisoirement que le demandeur n'avait pas fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances (Article 122 (1) CBE) et qu'elle envisageait donc de rejeter le recours.
XI. Par courrier du 19 octobre 2021, le requérant a indiqué qu'il renonçait à participer à la procédure orale.
1. Le recours est recevable (Article 108 CBE).
2. La requête en restitutio in integrum est également recevable (Article 122(1) et règles 136(1) et (2) CBE).
La requête était accompagnée d'un exposé des motifs, les taxes correspondantes ont été acquittées et l'acte non accompli l'a été dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l'empêchement (réception le 1er mars 2019 de la lettre recommandée du 19 février 2019) et dans un délai d'un an à compter de l'expiration du délai non-observé.
3. En application de l'article 122(1) CBE, un demandeur de brevet européen peut être rétabli dans ses droits si, bien qu'ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, il n'a pas été en mesure d'observer un délai à l'égard de l'office européen des brevets. L'obligation de vigilance s'apprécie au vu des faits de la cause dans leur ensemble et pèse au premier chef sur le demandeur, puis par l'effet de la délégation qu'opère le mandat, sur le mandataire agréé chargé de le représenter auprès de l'OEB, sans que l'absence de faute du mandataire n'exonère le mandant des conséquences de ses propres comportements fautifs, voire même simplement négligents (J3/93).
3.1 La Chambre considère en l'espèce que la période à prendre en compte pour apprécier l'attitude du demandeur et de son mandataire n'est pas seulement celle courant entre la signification de la notification du 17 décembre 2018 constatant la perte d'un droit au titre de la règle 112(1) CBE et le 27 février 2019, date d'échéance du délai pour requérir la poursuite de la procédure, comme l'a retenu la division d'examen, mais l'ensemble de la période ayant conduit à la perte de droit, soit depuis de la signification de la notification au titre de l'article 94(3)CBE en date du 2 mai 2018.
3.2 La Chambre estime que la division d'examen a retenu à juste titre que le mandataire avait, sur cette période, fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances en adressant au demandeur des rappels concernant le délai arrivant à échéance. Il est en effet établi qu'entre le 2 mai 2018, date de la notification au titre de l'article 94(3)CBE et le 27 février 2019, date d'échéance du délai pour requérir la poursuite de la procédure, le mandataire avait adressé trois courriers électroniques (les 11 juin 2018, 1**(er) octobre 2018 et 15 octobre 2018) puis une lettre recommandée avec avis de réception (le 19 février 2019) pour informer le déposant des délais à respecter dans le cadre de la procédure d'examen de sa demande de brevet et solliciter des instructions de sa part.
3.3 La Chambre considère en revanche que les éléments produits ne démontrent pas que le demandeur, de son côté, a fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances sur la période considérée.
3.3.1 La Chambre ne souscrit pas à l'analyse du requérant qui fait valoir, en premier lieu, que la division d'examen n'a pas tenu compte de la qualité de particulier du demandeur, laquelle aurait dû conduire à une appréciation moins stricte de son devoir de vigilance. Le requérant estime ainsi qu'en mettant en place une organisation pour la gestion de son portefeuille de brevet qui implique son fils et son banquier dans la relation avec son mandataire, le demandeur a suffisamment fait preuve de vigilance.
Si l'on ne peut, en effet, imposer au demandeur individuel non représenté les mêmes exigences de vigilance en matière de suivi des délais qu'à un mandataire agréé ou au département brevet d'une grande entreprise (voir J5/94), le demandeur était au cas présent représenté par un mandataire agrée. A ce titre, il lui incombait à tout le moins d'être attentif aux communications de son mandataire et de répondre en temps et en heure aux demandes d'instruction de ce dernier. Or, il n'est pas contesté qu'au cours de la période considérée (voir point 3.1) aucune réponse n'a été apportée par le demandeur aux différents courriers électroniques de son mandataire sollicitant des instructions de sa part. Le demandeur était pourtant informé de l'existence du délai de deux mois pour requérir la poursuite de la procédure, ainsi que de l'imminence de son échéance au début de l'année 2019. Ainsi, par courrier électronique du 15 octobre 2018 (pièce 5), le mandataire avait expressément informé le demandeur de la nécessité de répondre à la notification du 2 mai 2018 avant le 2 novembre 2018 et de la possibilité, après cette date " de répondre dans un délai de deux mois supplémentaire moyennant le paiement d'une surtaxe."
3.3.2 La Chambre considère également que, contrairement à ce que prétend le requérant, l'absence du demandeur en février 2019 et l'impossibilité pour lui de prendre connaissance à temps du dernier rappel de son mandataire, ne constitue pas une excuse légitime à son absence de réponse.
a) Le demandeur avait été parfaitement informé par son mandataire, avant même son voyage au Maroc en février 2019, de l'existence du délai et de l'imminence de son échéance. Il aurait donc tout à fait pu donner des instructions à son mandataire avant son départ ou même depuis le Maroc. Le fait qu'il n'ait pas reçu dans les délais le dernier rappel adressé par son mandataire par courrier recommandé est à cet égard indifférent.
b) De plus, l'absence de réception dans les délais de ce courrier lui est entièrement imputable. Un demandeur normalement compétent et raisonnable aurait dû s'organiser pour assurer le suivi de son courrier pendant son déplacement à l'étranger. Il s'agit là d'une précaution élémentaire, même pour un particulier, surtout lorsqu'il est informé de l'imminence de l'échéance d'un délai pour la suite de la procédure devant l'OEB. Cette précaution ne nécessitait pas la mise en place d'une organisation complexe susceptible de constituer un fardeau excessif pour un particulier, mais la mise en place de mesures simples, telles qu'un suivi de son courrier à un tiers et/ ou une procuration auprès des services postaux permettant à ce tiers de retirer les courriers recommandés en son nom. Au cas d'espèce, il aurait même suffit que le demandeur informe son mandataire de son déplacement à l'étranger pour éviter l'envoi d'un courrier recommandé pendant son absence. Or, il est avéré que le mandataire était sans nouvelle du demandeur depuis plusieurs mois et n'avait donc pas été informé de l'absence de celui-ci au cours du mois de février 2019 (voir mémoire de recours, page 3 avant-dernier paragraphe). Et le demandeur ne justifie pas avoir mis en place un quelconque système pour assurer le suivi du courrier pendant son absence.
c) Le séjour au Maroc du demandeur au cours du mois de février 2019 ne constitue pas une circonstance exceptionnelle susceptible d'excuser l'absence de toute mesure pour le suivi des courriers de son mandataire en son absence. En effet, il est établi par les documents produits (P1 à P4) que le demandeur se déplace régulièrement au Maroc où il dispose d'une résidence secondaire, où il exerce des fonctions de gérant d'une société de droit marocain et où il a créé des partenariats pour le développement commercial de la technologie couverte par sa demande de brevet.
d) L'argument selon lequel le fils du demandeur, qui aide normalement son père pour la gestion de son portefeuille de brevet, était indisponible au mois de février 2019 est un fait nouveau plaidé pour la première fois au stade de la procédure de recours, qui n'a pas à être pris en considération par la Chambre, conformément à la jurisprudence constante des chambres de recours (voir La jurisprudence des chambres de recours, point III. E. 5.1). Pour autant cette circonstance n'apparaît pas décisive puisque le demandeur ne justifie pas comment son fils, qui ne résidait pas à la même adresse que lui, aurait pu, même s'il avait été disponible, prendre connaissance du dernier rappel du mandataire dès lors qu'aucun suivi de courrier et/ou procuration auprès des services postaux n'avait été mis en place.
4. La Chambre relève enfin que les arguments soumis par le requérant pour expliquer l'absence de réponse de sa part à la notification de la division d'examen au titre de l'article 113 CBE dans le cadre de l'examen de sa requête en restitutio in integrum sont sans lien avec l'appréciation de son devoir de vigilance avant l'expiration du délai dont le rétablissement est demandé. Ces arguments ne seront donc pas examinés.
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.