T 1013/02 17-02-2004
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Tuyau pour canalisations du type à double enveloppe d'isolation thermique
Transmission de la qualité d'opposant et de requérant
Nouveauté (oui)
Activité inventive (non)
I. L'intimée est titulaire du brevet européen n° 0 890 056 (n° de dépôt : 97 919 439.6).
La revendication 1 du brevet se lit comme suit :
"1. Tuyau à double enveloppe pour canalisations, notamment pour canalisations de produits pétroliers à poser en mer, caractérisé en ce que, dans un espace annulaire étanche (5) entre un tube interne (1) et un tube externe (2) disposés coaxialement l'un dans l'autre, il comporte une plaque autoportante (7, 8, 9) de matériau microporeux à pores ouverts, présentant une flexibilité suffisante pour être enroulée contre le tube interne (1), et en ce qu'il est réservé hors ledit matériau dans ledit espace annulaire, un passage libre à une circulation longitudinale de gaz par lequel on fait régner une pression réduite tout au long dudit espace annulaire."
II. La requérante a fait opposition et requis la révocation complète du brevet européen.
Pour en contester la brevetabilité, elle a notamment opposé les documents :
D1 : EP-A-0 484 491
D5 : FR-A-2 673 264
D8 : Brochure commerciale en anglais portant sur l'isolation "Microtherm" ; date de copyright septembre 1989 ;
D21 : Brochure commerciale en français correspondant à la brochure commerciale en anglais D8 ; date de copyright : janvier 1990.
D22 : Attestation de M. André Massé de la Société Techni- Therm en date du 24 avril 2002
D24 : "Isolation thermique industrielle" par Jean Danckaert, Techniques de l'ingénieur, Mécanique et Chaleur, novembre 1994.
III. Par décision remise à la poste le 6 août 2002, la Division d'opposition a rejeté l'opposition et, par suite, maintenu le brevet européen tel que délivré.
IV. Par lettre reçue le 9 septembre 2002, la requérante (opposante) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.
Dans le mémoire dûment motivé, déposé le 29. novembre 2002, était cité le nouveau document suivant :
D25 : GB-A-1 210 275.
Pendant la procédure de recours, la requérante a entre autres, cité le justificatif suivant :
D30 : Attestation de M. Patrick Marquet en date du 18. décembre 2003.
V. Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 17. février 2004.
La requérante (opposante) demande l'annulation de la décision attaquée et la révocation du brevet européen.
L'intimée (titulaire du brevet) demande le rejet du recours et le maintien du brevet européen tel que délivré.
VI. Au soutien de son action, la requérante développe pour l'essentiel l'argumentation suivante :
i) D25 divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 : en effet, l'isolant thermique qui est disposé dans une enveloppe constitue en fait une plaque présentant une flexibilité suffisante pour être enroulée autour d'une surface cylindrique, comme celle du tube interne d'un tuyau à double enveloppe utilisable comme oléoduc ; la dernière couche d'isolant est séparée de la paroi interne du tube externe par un espace longitudinal ; au surplus, un vide partiel est créé au sein du matériau isolant, plus précisément à l'intérieur des interstices entre les grains de poudre. La valeur du vide peut être de l'ordre de 1 Torr, soit 1,3 mb. Dans un exemple de réalisation, le matériau isolant peut être un mélange de cendres volantes utilisé comme opacifiant et de silice expansée (page 6, lignes 103 à 106). L'isolant en question est un microporeux à pores ouverts puisque les dimensions des grains de poudre finement divisée sont comprises entre 150 Å et 0,5 µm.
L'objet de la revendication 1 ne présente donc pas la nouveauté requise par rapport à cet état de la technique.
ii) L'objet de la revendication 1 se distingue pour l'essentiel du tuyau à double enveloppe pour canalisation, décrit dans le document D1 en ce que l'isolant thermique est une plaque de matériau microporeux à pores ouverts ayant une flexibilité suffisante pour être enroulée contre le tube interne. Ces deux caractéristiques sont divulguées dans les brochures D8 ou D21. Dès lors, il est à la portée de l'homme du métier, de remplacer l'isolant rigide du document D1 par l'isolant microporeux faisant l'objet du document D8 ou D21 et d'aboutir ainsi, sans faire oeuvre inventive, à l'invention revendiquée.
VII. L'intimée (titulaire du brevet) a contesté l'argumentation de la requérante.
i) Elle a tout d'abord estimé que l'objet de la revendication 1 présente la nouveauté requise par rapport au document D25 :
la requérante se fonde sur la réalisation particulière décrite en liaison avec les figures 1 à 4 qui concerne non pas un tuyau à double enveloppe mais un conteneur destiné à contenir un fluide liquide froid, par exemple de l'oxygène liquide.
Ce conteneur comprend une paroi externe et une paroi interne entre lesquelles sont interposées des couches d'isolant. Selon les figures 2 à 4, on prévoit trois couches superposées d'isolant thermique. Il est précisé que la dimension des particules peut varier dans une large mesure (page 5, lignes 89 à 94), que le meilleur choix est un mélange de particules de grande taille (2 mm) et de petite taille (10 Å) et enfin que la dimension des particules n'est pas critique.
La requérante invoque le passage de la page 6, lignes 102 à 109 relatif au compactage d'une poudre sous une pression de 8,5 kg/m2, les grains de la poudre ayant une taille comprise entre 150 Å et 0,5 m. Rien ne permet d'affirmer que la dimension des interstices devrait être du même ordre de grandeur que la taille des grains. En effet, aucun justificatif ne vient étayer l'existence d'une relation entre une compression de 8,5 kg/cm2 et la dimension des interstices et surtout l'obtention de pores ouverts.
Par conséquent, le document D25 ne décrit nullement un tuyau à double enveloppe comportant à titre d'isolant thermique un matériau microporeux à pores ouverts.
ii) La combinaison des enseignements des documents D1 et D21 ou D8 ne saurait porter atteinte à l'activité inventive de l'objet de la revendication 1. En effet, rien dans cette combinaison n'incite à choisir un panneau d'isolant thermique suffisamment flexible pour être enroulé autour du tube interne de la canalisation à double enveloppe : dans l'état de la technique le plus proche illustré par le document D1, l'isolant thermique se présente sous la forme de deux demi- coquilles rigides. Les brochures D8 ou D21 proposent certes un isolant microporeux à pores ouverts sous forme de panneaux mais ces derniers sont des panneaux plans rigides qui ne sont nullement susceptibles d'être enroulés autour d'une surface cylindrique. Il est vrai que ces deux brochures proposent également des panneaux à lames articulées par des coutures de verre pour former un panneau flexible. Mais de tels panneaux ne sont pas susceptibles d'être enroulés autour d'un tuyau ou tube en épousant étroitement la surface cylindrique externe du tube ; au surplus, ces panneaux articulés ne présentent pas une isolation thermique suffisante pour l'application envisagée en raison de la présence des coutures de verre.
iii) Il y a lieu d'ajouter que les isolants microporeux décrits dans les brochures D21 ou D8 sont associés à de hautes températures (960-1025°C) qui sont très éloignées du domaine de températures du pétrole brut. Ainsi, l'isolant microporeux à pores ouverts demeurait, jusqu'à l'invention revendiquée, un isolant d'un prix très élevé et convenant pour des hautes températures, ce qui détournait l'homme du métier de son emploi dans des conduites à double enveloppe pour canalisations de produits pétroliers. Au surplus, l'inventeur a découvert que les performances des matériaux microporeux pouvaient être substantiellement améliorées en exploitant un passage libre dans la conduite à double enveloppe et en créant une pression réduite au sein du matériau microporeux et de l'espace annulaire ménagé dans la conduite à double enveloppe. Si la pression réduite n'influe pratiquement pas sur le coefficient d'isolation thermique d'un matériau microfibreux, il en va tout autrement dans le cas d'un isolant microporeux à pores ouverts, où le coefficient d'isolation thermique est nettement amélioré dès la moindre augmentation de la dépression. Cette propriété n'est aucunement suggérée par les brochures D8 ou D21 ni d'ailleurs par le document D1.
Il s'ensuit que l'objet de la revendication 1 ne résulte pas à l'évidence de l'état de la technique opposé et notamment de la combinaison des documents D1 et D8 ou D21.
1. Le recours est recevable.
2. Transmission de la qualité d'opposante et de requérante :
Ainsi qu'il est établi par des extraits KBis en date du 28. août 2003 délivrés par le Greffe du Tribunal de commerce de Nanterre (FRANCE) qui ont été déposés le 30. octobre 2003 et dont une copie a été directement remise à l'intimée le jour de l'audience, la totalité des actifs de propriété intellectuelle de COFLEXIP ont été transférés à TECHNIP OFFSHORE INTERNATIONAL et la totalité de ces actifs de TECHNIP OFFSHORE INTERNATIONAL SA ont été transférés à TECHNIP FRANCE. Ce transfert des actifs de propriété intellectuelle (savoir-faire, brevets et marques) a été réalisé conjointement avec celui de la plupart des actifs industriels et commerciaux de la société COFLEXIP.
Dans la décision G 0004/88 (JO OEB 1989, 480) la Grande Chambre de Recours a estimé que l'action en opposition engagée devant l'Office Européen des Brevets par une entreprise pouvait être transmise en cas de reprise de l'entreprise en question. Dans la décision T 0659/92 (JO OEB 1995, 519) la Chambre a précisé que la qualité de partie pouvait être transmise à tout moment au cours de la procédure de recours en instance, pour autant qu'elle soit transmise conjointement avec l'activité économique ou la partie de l'entreprise dans l'intérêt de laquelle le recours a été formé.
Ainsi qu'il résulte des pièces visées ci-dessus, la plupart des actifs industriels et commerciaux ainsi que la totalité des actifs de propriété intellectuelle (savoir-faire, brevets et marques) de COFLEXIP ont été transférés à TECHNIP OFFSHORE INTERNATIONAL SA, puis à TECHNIP FRANCE. Dans la totalité des actifs de propriété industrielle et intellectuelle qui ont été transférés à TECHNIP FRANCE figurent de toute évidence toutes les affaires pendantes devant l'Office Européen des Brevets, aussi bien les procédures ex-parte que les procédures inter partes dans lesquelles la société COFLEXIP était partie à la procédure et agissait en particulier en tant qu'opposante et requérante.
L'habilitation de TECHNIP FRANCE à exercer le droit d'opposante et de requérante dans la présente affaire ne saurait donc être mise en question.
Le mandataire agréé de l'opposante d'origine, la société COFLEXIP qui, par suite de la transmission en question, agit pour le compte de la société TECHNIP FRANCE n'était pas tenu, en vertu de la décision du Président de l'Office Européen des Brevets en date du 19 juillet 1991 relative au dépôt de pouvoir (JO OEB 1991, 489), de déposer un nouveau pouvoir signé.
3. Nouveauté
Dans son raisonnement sur l'absence de nouveauté du tuyau à double enveloppe revendiqué, la requérante s'est appuyée sur le mode de réalisation décrit en liaison avec les figures 1 à 4 du document D25 alors que ce dernier concerne un récipient à double paroi et non pas un tuyau à double enveloppe. Bien qu'il soit indiqué notamment en page 5, lignes 28 à 30 que l'isolation thermique peut être avantageusement utilisé dans des récipients ou conduits à double paroi tels que des oléoducs par exemple, un tuyau à double enveloppe n'y est pas spécifiquement décrit.
Au surplus, cette antériorité n'évoque nulle part un isolant thermique microporeux à pores ouverts. A la page 6, lignes 101 à 107, il est indiqué que le matériau isolant peut être un mélange de cendres et de silice expansée, dont la taille des particules est comprise entre 150 Å et 0,5 µm. La requérante soutient que la dimension des interstices devrait être du même ordre de grandeur que la taille des grains et que par conséquent, la poudre compactée en question constituerait un isolant microporeux à pores ouverts. Or, la requérante n'a pas démontré que pour un isolant microporeux à pores ouverts, la taille des pores correspondait à la taille des particules. Bien au contraire, dans le schéma figurant à la page 9 de la brochure D21, la taille des pores de la structure microporeuse apparaît nettement plus grande que la taille des particules de silice. Rien ne permet donc d'affirmer que la poudre compactée décrite en page 6, ligne 101 à 106 ait une structure microporeuse à pores ouverts.
Pour cette seule raison, l'objet de la revendication 1 est nouveau par rapport à cet état de la technique.
4. Opposabilité des brochures D21 et D8 de la société Micropore
Les deux brochures D21 et D8 de la Société Micropore International Ltd. n'ont pas été prises en considération par la Division d'opposition au motif, d'une part, qu'elles auraient été produites tardivement et que, d'autre part, ces brochures qui portent comme date de copyright septembre 1989 et respectivement janvier 1990 donneraient aucune indication quant à leur date de mise à la disposition du public. Dans le cas d'espèce, il est important de savoir, si ces deux brochures ont été mises E la disposition du public avant le 29 mars 1996 qui est la date de priorité dont bénéficie le brevet européen en cause, étant donné qu'elles divulguent en fait l'isolant microporeux à pores ouverts défini dans la revendication 1.
Il s'agit de deux brochures commerciales, l'une en anglais et l'autre en français qui sont bien entendu destinées à être diffusées parmi les clients de la société Micropore International Ltd et de ses filiales. Les deux dates de copyright (septembre 1989 et respectivement janvier 1990) rendent plus que vraisemblable que ces deux brochures ont été distribuées aux clients de la société pendant la période s'étendant de septembre 1989 au 29 mars 1996, c'est-à-dire pendant un laps de temps supérieur à 5 ans. Au surplus, les clients en question n'étaient pas tenus au secret puisqu'il s'agit là de brochures commerciales qui sont généralement diffusées sans obligation de confidentialité.
Il y a également lieu de se référer à l'attestation de M Patrick Marquet (D30) qui déclare avoir été employé par la société Microtherm Europa NV. (Belgique) et avoir distribué et fait distribuer aux clients de la société les brochures concernant les produits Microtherm, référencées D8 et D21 et ce, jusqu'à son départ de la Société qui est intervenu le 1er septembre 1996.
Il y a lieu de noter que selon l'attestation D22, la brochure D21 a été remise dès 1991 à un utilisateur de matériau isolant standard et microporeux à savoir la Société Techni-therm. Un tel utilisateur n'était certainement pas tenu au secret ; au contraire, les caractéristiques du document D21 qui est une brochure commerciale plaident clairement en faveur de l'absence d'une telle obligation de confidentialité.
Enfin, le rédacteur du brevet européen expose au point [0011] ce qui suit :
"Un matériau particulièrement approprié pour le tuyau de l'invention est représenté par des plaques d'isolant microporeux à base d'une matière céramique préférentiellement à base de silice, telles qu'elles existent dans le commerce où elles sont produites par la Société Micropore International Ltd. sous la marque Microtherm".
Les deux brochures commerciales en question décrivent également des plaques d'isolant microporeux à base de silice qui sont produites par la même société Micropore International Ltd. sous la marque Microtherm.
Au point [0052] du brevet européen en cause, il est précisé que la plaque fabriquée par la société Micropore International Ltd. sous la marque Microtherm comporte une structure microporeuse de silice contenant environ 65% de silice et environ 32% de dioxyde de titane, le reste de la composition en poids étant constitué par de l'alumine et des traces de différents autres oxydes métalliques ou alcalino-terreux. Cette composition se retrouve en page 14 de la brochure Microtherm (D21). Autrement dit, le brevet européen expose lui même que l'isolant microporeux - dénommé Microtherm standard dans la brochure D21 - existait déjà dans le commerce à la date de dépôt effective du brevet européen en cause.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les deux brochures D8 et D21 ont bien été rendues accessibles au public avant la date de dépôt effective du brevet européen en cause, le 29 mars 1996 et font donc bien partie de l'état de la technique opposable.
5. Activité inventive
5.1. La revendication 1 peut être décomposée selon les caractéristiques suivantes :
Tuyau à double enveloppe pour canalisations, notamment pour canalisations de produits pétroliers à poser en mer, caractérisé en ce que :
a) dans un espace annulaire étanche (5) entre un tube interne (1) et un tube externe (2) disposés coaxialement l'un dans l'autre,
b) il comporte une plaque autoportante (7, 8, 9) de matériau microporeux à pores ouverts,
c) celle-ci présentant une flexibilité suffisante pour être enroulée contre le tube interne (1),
d) et en ce qu'il est réservé hors ledit matériau dans ledit espace annulaire un passage libre à une circulation longitudinale de gaz,
e) par lequel on fait régner une pression réduite tout au long dudit espace annulaire.
Ainsi que l'a fait valoir à juste titre la Division d'opposition, l'utilisation à titre de canalisation de produits pétroliers à poser en mer, figurant dans le préambule de la revendication 1, ne constitue pas une caractéristique limitative puisqu'elle est introduite par l'expression "notamment". Le tuyau à double enveloppe revendiqué est, par conséquent, un tuyau ou canalisation en général.
5.2. Les deux parties sont d'accord pour considérer que c'est le document D1 qui constitue l'état de la technique le plus proche. Il y a lieu de noter que l'état de la technique exposé dans ce document concerne une canalisation destinée à être posée sous l'eau (document US-H-594) et que le document D1 lui- même est relatif à une canalisation pour le transport d'un milieu gazeux ou liquide dont la température est différente de la température ambiante. C'est aussi le cas d'une canalisation sous-marine utilisée pour le transport de produits pétroliers, c'est-à-dire de produits liquides, dont la température doit être maintenue au-dessus de la température ambiante. On sait en effet que le pétrole brut est dans un certain nombre de cas extrait du sol à une température qui excède de plusieurs dizaines de degrés la température ambiante et que son refroidissement à la température ambiante peut provoquer par exemple, une précipitation des produits paraffiniques pouvant conduire progressivement au bouchage du tuyau ou canalisation.
Le tuyau à double enveloppe revendiqué se distingue de celui décrit dans le document D1 par les éléments caractéristiques a), b) et c) visés ci-dessus. En effet, les deux tubes interne et externe ne sont pas, dans le document D1, coaxiaux, mais excentrés, comme cela est bien visible sur la figure 1 et comme cela est également revendiqué dans la revendication 1 de cette antériorité. L'élément caractéristique a) n'est donc pas reproduit.
Le document D1 prévoit d'entourer le tube interne par un isolant thermique se présentant sous la forme de deux demi-coquilles préformées ; il ne divulgue donc pas une plaque de matériau microporeux à pores ouverts, présentant une flexibilité suffisante pour être enroulée contre le tube interne (éléments caractéristiques b) et c)). S'agissant de l'élément caractéristique a) visé ci-dessus, il est bien connu de réaliser des tuyaux à double enveloppe dont les tubes interne et externe sont coaxiaux (voir par exemple le document D5 relatif à une conduite pour le transport de fluides, en particulier d'hydrocarbures).
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 se distingue pour l'essentiel du tuyau à double enveloppe connu, décrit dans le document D1 en ce que l'isolant est une plaque de matériau microporeux à pores ouverts ayant une flexibilité suffisante pour pouvoir être enroulée contre le tube interne.
5.3. En partant de cet état de la technique le plus proche, le problème posé dans le brevet européen en cause pourrait être celui de proposer un tuyau à isolation thermique du type à double enveloppe présentant, en premier lieu, une plus grande facilité de mise en place de l'isolant thermique et, en second lieu, un encombrement réduit, plus précisément un tuyau à double enveloppe dont l'épaisseur totale de l'espace annulaire et, par conséquent, les dimensions du tube externe sont sensiblement plus réduites et ce, pour une même section utile du tube interne et pour des contraintes d'isolation thermique similaires (voir colonne 4, paragraphe [0024], lignes 50 à 55 du brevet européen en cause).
5.4. La solution du second problème partiel, l'utilisation d'un isolant thermique microporeux à pores ouverts, est clairement suggérée par les brochures Microtherm D8 ou D21 ; au surplus, la solution du premier problème partiel, la réalisation de cet isolant microporeux à pores ouverts sous forme d'une plaque suffisamment flexible pour être enroulée contre le tube interne du tuyau à double enveloppe, est aussi clairement suggérée tant par les brochures D8 ou D21 que par le document D25.
Ainsi qu'il a été exposé plus haut, l'isolant thermique préféré mis en oeuvre dans le brevet européen en cause est celui défini au paragraphe [0052], à savoir une plaque fabriquée par la Société Micropore Internationale Ltd. sous la marque Microtherm dans laquelle la structure microporeuse contient environ 65% de silice et environ 32% de dioxyde de titane, le reste de la composition en poids étant constitué par de l'alumine et des traces de différents autres oxydes métalliques ou alcalino-terreux. Il s'agit, par conséquent, de la plaque Microtherm standard dont la composition est donnée en page 14 de la brochure D21 (64,66% de silice et 31,9% d'oxyde de titane).
Les deux brochures D8 ou D21 ne se contentent pas de décrire l'isolant microporeux à pores ouverts faisant l'objet de la revendication 1, elles contiennent également des indications à même d'inciter l'homme du métier à remplacer l'isolant thermique mis en oeuvre dans le document D1 par l'isolant microporeux à pores ouverts faisant l'objet de ces deux brochures. En effet, le graphique figurant à la page 2 de ces deux brochures montre que dans une gamme de température moyenne allant de -100 à +600°C, l'isolant Microtherm standard (celui qui a une densité de 240 kg par m3) a une conductivité thermique nettement inférieure à celle des autres matériaux isolants conventionnels tels que de la mousse de polyuréthane, du silicate de calcium ou des panneaux de mousses de verre ; au surplus, en page 4, dans la rubrique "introduction" il est précisé que "le pouvoir isolant du Microtherm est de trois à quatre fois supérieur à celui des autres matériaux conventionnels tels que : laines de roche, fibres céramiques, ou silicates de calcium. Ainsi, à qualité thermique équivalente, les surépaisseurs d'isolants "standard" peuvent être ainsi avantageusement remplacées par du Microtherm, rendant les installations et les structures plus minces et plus légères, donc plus performantes" (soulignage ajouté).
L'auteur du document D24 qui reprend à la figure 8 le contenu du graphe de la brochure D21 et qui se réfère à l'isolant Microtherm standard de 240 kg /m3 précise que si l'on utilise un isolant microcellulaire (Microtherm) "l'épaisseur nécessaire peut alors être 3 à 4 fois plus faible que pour les isolants conventionnels" (voir page 12 de l'article D24).
Par conséquent, l'homme du métier qui cherche à réduire l'encombrement du tuyau à double enveloppe connu, décrit dans le document D1 ou autrement dit, qui vise à le rendre plus mince et plus léger tout en maintenant ses qualités d'isolation thermique, est naturellement amené à la lumière des deux brochures D21 ou D8 à remplacer l'isolant qui y est prévu par un isolant microporeux à pores ouverts, étant donné que cette utilisation lui permettra de réduire l'épaisseur nécessaire de l'isolant thermique et par suite l'épaisseur de l'espace annulaire où est disposé cet isolant et donc les dimensions du tube externe, pour une même section utile du tube interne et pour des contraintes d'isolation thermique similaires.
5.5. Il est indéniable, ainsi que le fait valoir l'intimée (titulaire du brevet) que le document D1 divulgue des demi- coquilles d'isolant microfibreux sous un vide poussé de 3. mbar. L'utilisation d'un isolant microporeux à pores ouverts présente selon l'intimée l'avantage inattendu que sa conductivité thermique peut être améliorée dès que l'on applique une faible dépression par exemple de l'ordre de 900 mbar.
Ceci étant exposé, il y a lieu d'observer, en premier lieu, que le graphe 4 en page 7 de la brochure D21 montre clairement que le vide permet d'améliorer nettement la conductivité thermique d'un isolant microporeux à pores ouverts. En second lieu, l'homme du métier confronté au problème posé est naturellement incité à prendre en considération l'enseignement des deux brochures Microtherm dont le but est aussi de rendre "les installations et les structures plus minces et plus légères et donc plus performantes" et à remplacer, par conséquent, l'isolant microfibreux du document D1 par l'isolant microporeux à pores ouverts préconisé dans ces deux brochures. Le fait que cette solution permette aussi de résoudre simultanément et de façon inattendue un autre problème partiel, à savoir l'amélioration de la conductivité thermique en appliquant une faible dépression ne rend pas nécessairement inventive la solution en question. Un effet supplémentaire imprévu ne confère donc pas forcément de caractère inventif à une solution par ailleurs évidente. Il est fait référence à la jurisprudence des Chambres de recours mentionnée en page 158 sous la rubrique "7.7.1 Avantage inattendu" de la jurisprudence des Chambres de Recours 4ème édition 2001 et plus particulièrement à la décision T 0069/83 (JO OEB 1984, 357) qui y est citée.
Il y a lieu d'ajouter que l'homme du métier sait par le graphe 4 en page 7 de la brochure D21 que la conductivité thermique de l'isolant microporeux à pores ouverts peut être améliorée en appliquant une dépression. Il n'est pas dit que la dépression requise peut être faible mais l'homme du métier est à même, par de simples essais, de constater qu'en créant une faible dépression la conductivité thermique de l'isolant microporeux à pores ouverts peut être sensiblement abaissée. Il s'agit là d'opérations de simple mise au point à la portée de l'homme du métier avec ses seules connaissances.
L'intimée a également soutenu que les isolants microcellulaires décrits dans les deux brochures D21 ou D8 sont associés à de hautes températures (de 950 à 1025°C) pour lesquelles il ne serait pas possible de concevoir de manière économique des tuyaux à isolation thermique du type à double enveloppe, la notion de tenue en température étant associée à celle de coût élevé. Un tel raisonnement ne saurait être suivi dans son ensemble : en effet, le graphe en page 2 des deux brochures Microtherm montre sans aucune ambiguïté que l'isolant microporeux à pores ouverts peut être mis en oeuvre dans une gamme de températures allant de -100 à 600°C. Au surplus, les températures élevées auxquelles se réfère l'intimée sont des températures limites d'utilisation, ce qui signifie que ces isolants doivent être obligatoirement employés en deça de ces températures maximales. Parmi les applications spécifiquement envisagées dans ces deux brochures figure celle des radiateurs à accumulation où la température du noyau est portée à quelques dizaines de degrés. En page 18, il est dit que l'isolant Microtherm est homologué pour l'utilisation dans les industries aéronautiques, nucléaires et navales qui ne sont pas toutes des utilisations à hautes températures. Enfin, il y a lieu d'observer que le surcoût résultant de l'utilisation d'un isolant microporeux à pores ouverts est pour partie compensé par le fait qu'il est susceptible de rendre "les installations et les structures plus minces et plus légères et donc plus performantes" (point 4 sous la rubrique "Introduction", de la brochure D21).
Dans le document D1, l'isolant microfibreux se présente sous la forme de demi-coquilles préformés. Toutefois, l'homme du métier qui cherche à faciliter la mise en place de l'isolant thermique autour du tube interne du tuyau à double enveloppe est aussi amené à consulter le document D25 qui vise à perfectionner des systèmes d'isolation connus et qui concerne des récipients ou conduits à double paroi tels que des pipelines, par exemple (page 5, lignes 25 à 30). L'isolant thermique préconisé est constitué par une enveloppe souple remplie de poudre compactée. L'enveloppe remplie de matériau isolant peut être mise en forme et recourbée de façon à épouser le contour des parois du dispositif à isoler (page 5, lignes 45 à 47) ; elle peut être perméable ou imperméable au gaz, une enveloppe perméable étant particulièrement avantageuse lorsque l'isolant thermique doit être utilisé sous un vide partiel, du fait que la perméabilité de l'enveloppe permet au gaz d'être évacué de l'intérieur de l'enveloppe après que cette dernière ait été placée in situ, c'est-à-dire entre les deux parois tubulaires du récipient (page 5, lignes 51 à 60). Par conséquent, le document D25 enseigne d'utiliser à titre d'isolant thermique une poudre compactée ou un mélange de poudre et de fibres compactées retenues dans une enveloppe souple, non étanche, susceptible d'être enroulée autour d'une surface cylindrique. L'isolant microporeux à pores ouverts faisant l'objet des brochures D8 ou D21 consiste également en un mélange de poudre et de fibres compactées à l'intérieur d'une enveloppe non étanche. L'homme du métier est donc à même d'en déduire qu'un tel mélange de poudre et de fibres compactées sous enveloppe peut être aussi suffisamment flexible pour être enroulé contre le tube interne du tuyau à double enveloppe connu, décrit dans le document D1.
Il est vrai que dans les brochures D8 ou D21, ce mélange de poudre et de fibres compactés sous enveloppe peut former un panneau plan rigide. Toutefois il s'agit d'une application particulière et la gamme des produits figurant dans ces deux brochures n'est nullement limitative puisqu'il est expressément indiqué sous la rubrique "terminologie" en page 4 que si un produit de la gamme standard ne répond pas complètement à une application donnée, il est presque toujours possible d'apporter les améliorations voulues. Au surplus, il est spécifié dans cette rubrique "qu'il est possible de faire varier la densité centrale d'un panneau par rapport à sa partie extérieure, afin de lui attribuer différents degrés de rigidité et de flexibilité". Cet état de la technique montre ainsi à l'homme du métier comment on peut faire varier la rigidité ou la flexibilité d'un panneau d'isolant microporeux à pores ouverts. Compte tenu de cet enseignement, l'homme du métier peut par de simples essais, avec une espérance de réussite raisonnable et sans faire oeuvre inventive tenter d'obtenir un panneau à base d'un mélange de poudre et de fibres compactés dans une enveloppe souple, non étanche qui soit suffisamment flexible pour être enroulé autour du tube interne d'un tuyau à double enveloppe.
Il ne saurait être valablement soutenu que les isolants microporeux à pores ouverts décrits dans ces deux brochures D21 ou D8 sont pulvérulents et rendent, par conséquent, suspecte leur utilisation dans l'espace interne d'un tuyau à double enveloppe. En effet, l'isolant thermique préconisé dans le document D25 est, bien que de nature pulvérulente, destiné à des conduits à double enveloppe tels que des pipelines par exemple.
Force est donc de constater que l'objet de la revendication 1 ne présente pas l'activité inventive requise (article 56 CBE).
Il ne saurait donc être fait droit à l'unique requête de l'intimée visant au maintien du brevet européen tel que délivré.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet européen n° 0 890 056 est révoqué.