T 0920/90 09-06-1993
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Bains et procédé pour le polissage chimique de surfaces en acier inoxydable
Détermination de l'état de la technique le plus proche - Prise en considération de la composition et des propriétés - Amélioration non prévisible
Inventive step - state of the art
I. La demande de brevet européen n 87 202 404.7 (n de publication 0 274 776) a été rejetée par décision de la Division d'examen pour manque d'activité inventive. Cette décision était basée sur les revendications telles que déposées dont la revendication 1 avait le libellé suivant :
"Bains pour le polissage chimique de surfaces en acier inoxydable, comprenant, en solution aqueuse, un mélange d'acide chlorhydrique, d'acide phosphorique et d'acide nitrique, et de l'acide sulfosalicylique, caractérisés en ce qu'ils comprennent, dans la solution aqueuse, au moins un composé abiétique soluble."
II. Dans cette décision, la Division d'examen a noté que le décapage chimique et le polissage chimique avaient au moins en commun l'action d'un acide sur les surfaces à traiter, les aspérités des surfaces métalliques étant attaquées préférentiellement dans le cas du polissage chimique alors que le décapage dissolvait préférentiellement les impuretés. Elle a considéré qu'il était connu de l'homme de l'art que le métal de base est attaqué aussi bien lors du décapage que lors du polissage chimique et a cité dans ce contexte l'encyclopédie Ullmann, vol. 12, page 164 (document (3)). D'après la décision, cette attaque du métal de base étant indésirable aussi bien dans le décapage compte-tenu des pertes de métal et de la pollution des bains que dans le polissage chimique du fait de l'amoindrissement de la sélectivité d'attaque des aspérités, l'homme du métier aurait cherché à limiter l'attaque chimique en profondeur dans ces deux procédés et donc à utiliser des adjuvants retardateurs de corrosion. La Division d'examen a conclu qu'il était évident d'utiliser dans des bains de polissage chimique pour l'acier l'abiétamine proposée dans GB-A-734 665 (document (1)) comme retardateur de la corrosion du métal de base, l'acier étant mentionné en préférence.
III. La requérante a formé un recours contre cette décision et a remis des exemples comparatifs en annexe au mémoire de recours.
IV. Dans une notification annexée à la citation à une procédure orale, la requérante a été informée que le document EP-A-19 964 (document (2)) analysé dans la demande de brevet rejetée et cité dans le rapport de recherche semblait représenter l'état de la technique le plus proche de la demande. En outre, il a été souligné qu'en l'absence de preuves montrant une amélioration du poli par rapport aux bains de polissage du document (2), cet avantage ne pourrait être pris en considération pour la formulation du problème.
Des exemples comparatifs ont été produits avec la lettre de la requérante datée du 24 mai 1993 et lors de la procédure orale qui s'est déroulée le 9 juin 1993. Au cours de cette procédure, la Chambre a exprimé des doutes quant à la possibilité de mettre en oeuvre l'invention et d'obtenir le poli désiré dans tout le domaine revendiqué. Ces doutes étaient supportés par le document US-A- 2 564 753 (5) (mentionné dans le rapport de recherche et dans la demande de brevet) selon lequel les amines de colophane ne sont pas appropriées en tant qu'inhibiteur de corrosion dans les solutions d'acides minéraux utilisées pour le nettoyage des métaux (cf. col. 1, lignes 1-14).
La requérante a présenté un jeu de revendications modifiées à titre de requête unique lors de la procédure orale. La revendication 1 objet de cette requête a le libellé suivant :
"Bains pour le polissage chimique de surfaces en acier inoxydable, comprenant, en solution aqueuse, un mélange d'acide chlorhydrique, d'acide phosphorique et d'acide nitrique, et de l'acide sulfosalicylique, caractérisés en ce qu'ils comprennent au moins une abiétamine substituée de formule générale :
(FORMULE)
dans laquelle :
- R1 désigne un radical abiétyle, hydroabiétyle ou déhydroabiétyle,
- X1 désigne un radical comprenant au moins un groupe carbonyle, et
- X2 désigne un atome d'hydrogène ou un radical comprenant au moins un groupe carbonyle,
ladite abiétamine substituée étant soluble dans la solution aqueuse."
V. Les arguments avancés par la requérante par écrit et lors de la procédure orale peuvent être résumés comme suit :
Le document (1) concerne un procédé pour le décapage chimique de surfaces métalliques. Le décapage chimique et le polissage chimique sont deux opérations essentiellement différentes visant des objectifs différents. Le décapage consiste à enlever une pellicule d'un corps étranger adhérant à une surface métallique et lors de cette opération on évite expressément de corroder la surface métallique sous la pellicule. A cet effet, on incorpore un inhibiteur de corrosion au bain de décapage. Dans un procédé de polissage chimique, la surface métallique traitée ne comporte pas de film adhérent, elle est attaquée volontairement sur la totalité de sa superficie, mais de manière contrôlée en fonction de son profil, c'est-à-dire avec une vitesse d'attaque qui varie en fonction de la forme et de la grandeur des aspérités et des cratères. Il n'est donc pas exact que l'attaque du métal de base est indésirable dans le polissage chimique. En conséquence, l'homme du métier ne peut pas trouver d'information sur les bains de polissage chimique dans le document (1) puisque ce dernier traite exclusivement du décapage chimique dont la fonction est différente de celle du polissage chimique.
De plus, les exemples comparatifs joints à la lettre du 24 mai 1993 complétés par ceux produits lors de la procédure orale montrent que les bains de polissage selon l'invention conduisent à des résultats de rugosité, brillance et profondeur d'attaque nettement améliorés par rapport aux bains du document (2). Il ressort en outre des exemples comparatifs portant sur les aciers ASTM-304 L et ASTM-316 L (tableau III) que le bain de polissage selon l'invention peut être adapté à des types d'acier différents et permet d'obtenir deux polis tout à fait semblables sur des aciers différents. L'homme du métier ne pouvait prévoir à la lecture du document (1) que les abiétamines utilisées en tant qu'inhibiteur de corrosion dans les bains de décapage selon le document (1) permettraient d'améliorer le poli des surfaces en acier inoxydable traitées dans des bains de polissage contenant ces abiétamines. Il est d'ailleurs confirmé dans le document US-A-2 662 814 (document (4)) que l'action des inhibiteurs de corrosion sur le poli est imprévisible (voir col. 3, lignes 66-78). De plus, l'homme du métier avait à sa disposition non seulement les abiétamines du document (1) mais aussi un grand nombre d'autres composés connus comme inhibiteurs de corrosion avant la date de priorité.
VI. La requérante a requis l'annulation de la décision de la Division d'examen et la délivrance d'un brevet sur la base des revendications 1 à 9 remises lors de la procédure orale et de la description, pages 1, 4, 5, 7, 8, 9 et 10 telles que déposées et pages 2, 3 et 6 remises lors de la procédure orale.
1. Le recours est recevable.
2. Les revendications modifiées satisfont aux dispositions de l'article 123(2) CBE. En effet, la revendication 1 est basée sur la combinaison des revendications 1 et 2 de la demande déposée initialement et sur les indications à la page 3 de la description (lignes 5-6) selon lesquelles le composé abiétique doit être soluble dans la solution aqueuse. La valeur limite inférieure de 0,01 g de composé abiétique mentionnée dans la revendication 6 est supportée par la description, page 5, lignes 18 à 24. La renumérotation des revendications dépendantes ainsi que l'adaptation des pages 2, 3 et 6 de la description aux revendications modifiées sont aussi conformes aux dispositions de l'art. 123(2).
3. La Chambre note que, d'une part, la revendication 1 modifiée ne couvre plus les bains d'acides comprenant n'importe quel type de composé abiétique soluble mais a été limitée aux bains comprenant les abiétamines substituées de formule définie dans cette revendication et, d'autre part, la description comporte des exemples illustrant la mise en oeuvre et l'efficacité des bains de polissage contenant lesdites amines substituées. Par conséquent les revendications et la description remplissent les dispositions des art. 84 et 83 respectivement.
4. Aucun des documents cités ne divulgue des bains pour le polissage chimique de surfaces en acier inoxydable comprenant, en solution aqueuse, un mélange d'acide chlorhydrique, d'acide phosphorique et d'acide nitrique et de l'acide sulfosalicylique, qui contiennent au moins une abiétamine substituée telle que définie dans la partie caractérisante de la revendication 1. Par conséquent, les bains revendiqués sont nouveaux.
5. D'après la décision de la Division d'examen, le but poursuivi par la demande de brevet était de "ralentir la vitesse de l'attaque chimique et d'obtenir un poli supérieur". Il semble donc que la Division d'examen ait considéré les bains à très grande vitesse d'action (c'est-à-dire quelques minutes) auxquels il est fait référence à la page 1 de la description (lignes 13-30) comme représentant l'état de la technique le plus proche.
La Chambre ne peut cependant suivre cette approche et considère que le document (2) constitue en fait l'état de la technique le plus proche. Ce document divulgue des bains pour le polissage chimique de surfaces en acier inoxydable comprenant, comme ceux de la présente demande, un mélange d'acides chlorhydrique, phosphorique et nitrique et de l'acide sulfosalicylique. De plus ces bains sont du type à vitesse d'action lente, c'est-à-dire qu'ils nécessitent plusieurs heures de traitement à une température entre 20 et 100 C pour conférer un poli optimum aux surfaces en acier inoxydable. Les bains du document (2) contiennent en outre un éther de cellulose à titre de régulateur de viscosité et du chlorure d'alkylpyridinium en tant que surfactant (voir page 2, lignes 24-35 et page 3, lignes 1-16). La présente demande étant aussi relative à des bains pour le polissage chimique de surfaces en acier inoxydable à vitesse d'action lente, le document (2) analysé à la page 2 de la description est manifestement plus pertinent que le document US-A-3 709 824 discuté à la page 1, lignes 13- 30, de la description, puisque ce dernier décrit des bains pour le polissage de surfaces en acier inoxydable comprenant certes les mêmes acides mais qui ont une très grande vitesse d'action (quelques minutes). Cette conclusion s'appuie sur la jurisprudence des Chambres de recours en ce qui concerne la détermination de l'état de la technique le plus proche, en particulier T 69/83, JO OEB 1984, 357.
5.1. En partant du document (2) comme état de la technique le plus proche, le problème technique à la base de la présente demande de brevet peut être défini comme étant de fournir des bains pour le polissage chimique de surfaces en acier inoxydable à vitesse d'action lente, qui procurent une amélioration du poli desdites surfaces.
Conformément à la revendication 1, la solution proposée consiste en un bain comprenant au moins une abiétamine substituée de formule générale définie dans la revendication 1, ladite abiétamine étant soluble dans la solution aqueuse comprenant l'acide sulfosalicylique et le mélange d'acide chlorhydrique, d'acide phosphorique et d'acide nitrique.
Il ressort des exemples comparatifs remis avec la lettre du 24 mai 1993 et lors de la procédure orale que les bains de polissage chimique selon la revendication 1 conduisent à des meilleurs résultats que les bains de polissage du document (2) du point de vue rugosité, brillance et profondeur d'attaque de l'acier inoxydable traité (voir notamment les exemples 6 et 8 avec l'acier ASTM-304 L et les exemples 10 et 12 avec l'acier ASTM- 316 L. En l'absence de preuve du contraire, la Chambre n'a donc aucune raison de douter que le problème posé a été effectivement résolu par les bains de polissage chimique à action lente ayant la combinaison de caractéristiques indiquées dans la revendication 1.
5.2. Le document (2) enseigne que les bains de polissage chimique à très grande vitesse d'action (quelques minutes) tels que ceux décrits dans US-A-3 709 824 présentent l'inconvénient d'être inutilisables pour certaines applications, notamment pour le polissage de la face interne des parois de cuves de grandes dimensions car il est impossible d'obtenir un poli uniforme de la paroi. Pour remédier à cet inconvénient, ce document propose des bains à vitesse d'action lente (2 à 24 heures de traitement à une température de 20 à 100 C) contenant les acides phosphorique, chlorhydrique et nitrique, de l'acide sulfosalicylique (agent de brillantage), de l'éther de cellulose comme régulateur de viscosité et du chlorure d'alkylpyridinium, comme surfactant. Le document (2) ne contient cependant aucune information susceptible de suggérer à l'homme du métier comment ces bains de polissage chimique pourraient être modifiés pour améliorer le poli des surfaces en acier inoxydable tout en maintenant la vitesse d'action lente définie ci- dessus.
5.3. Quant au document (1), il ne concerne pas les bains pour le polissage chimique mais des inhibiteurs de corrosion utilisables dans les bains acides pour le décapage chimique (voir page 1, lignes 43-50).
Comme souligné par la requérante, le décapage chimique et le polissage chimique sont deux opérations réalisant des fonctions différentes. Le décapage chimique consiste à enlever un film d'un corps étranger (par ex. oxyde métallique ou carbonate de calcium) adhérant à la surface métallique et, lors de cette opération, on cherche à éviter l'attaque de la surface métallique. A cet effet, on incorpore des inhibiteurs de corrosion au bain de décapage (voir document (3) page 164, par. 7.2 et page 165). Selon la requérante, dans le cas du polissage chimique, la surface métallique est au contraire attaquée volontairement sur la totalité de sa superficie mais avec une vitesse qui varie en fonction de la forme et de la grandeur des aspérités et des cratères.
La Chambre est cependant d'avis que, malgré ces différences, l'homme du métier confronté à un problème technique dans le domaine du polissage chimique des métaux consulterait et prendrait en considération non seulement la littérature dans ce domaine mais aussi celle concernant le décapage chimique car le polissage chimique et le décapage chimique des métaux au moyen de bains d'acides représentent certainement des domaines techniques voisins. Il est à noter dans ce contexte que le document (3), page 165 (colonne de gauche, dernier paragraphe) et le document (4) qui concerne des bains comprenant les acides chlorhydrique, nitrique et phosphorique, destinés au polissage chimique de surfaces en acier inoxydable et au décapage chimique de telles surfaces (cf. col. 4, lignes 53-55 ; col. 5, revendication 1) confirment le caractère voisin de ces deux domaines techniques.
5.4. Le document (1) divulgue des abiétamines substituées de formule
(FORMULE)
dans laquelle R désigne un radical abiétyle, hydroabiétyle ou déhydroabiétyle, X un atome d'hydrogène ou un radical CH2-R1 et R1 un radical attaché à - CH2 - par un atome de carbone ayant au moins un atome d'hydrogène et contenant un groupe céto en position de cet atome de carbone. Ces abiétamines répondent donc à la formule plus générale définie dans la revendication 1 de la présente demande. Le document (1) enseigne que ces abiétamines substituées constituent des inhibiteurs de corrosion exceptionnellement puissants qui sont particulièrement appropriés pour éviter ou retarder l'attaque des surfaces métalliques par des milieux acides, en particulier l'attaque des surfaces en acier. D'après (1), ces composés sont utilisables pour la protection des métaux ferreux lors de l'élimination des dépôts de tartre, des incrustations ou de la rouille au moyen d'acides tels que les acides chlorhydrique, sulfurique, acétique et formique ou des acides semblables, c'est-à-dire lors de l'opération de décapage chimique (voir page 1, lignes 11-36 et 43-50 , page 4, revendication 11). Ce document ne mentionne ni l'acier inoxydable, ni la possibilité d'utiliser lesdites abiétamines dans des bains pour le polissage chimique.
Le document (4) publié en 1953 divulgue certes la possibilité d'incorporer des inhibiteurs "d'activité des acides" aux bains pour le polissage chimique de surfaces en acier inoxydable (cf. col. 3, lignes 43-73 ; exemple 6 ; col. 5, revendications 1 et 5) ; cependant, il ressort aussi de ce document que l'influence de ces inhibiteurs sur le polissage et donc sur la qualité du poli des surfaces métalliques n'est absolument pas prévisible (cf. col. 3, lignes 67-70).
Etant donné que l'influence des inhibiteurs d'attaque sur le poli des surfaces métalliques est imprévisible, que le document (1) n'envisage pas d'utiliser lesdites abiétamines substituées dans des bains de polissage chimique et ne contient donc aucun renseignement quant à leur influence sur la qualité du poli et enfin que ces abiétamines sont présentés dans (1) comme des inhibiteurs de corrosion exceptionnellement puissants, ce document n'aurait pu inciter l'homme du métier confronté au problème défini ci-dessus à remplacer le régulateur de viscosité et le surfactant des bains de polissage du document (2) par les abiétamines du document (1) car il ne pouvait manifestement pas escompter que les bains résultants permettraient d'améliorer le poli des surfaces en acier inoxydable et donc de résoudre le problème posé (cf. décision T 2/83, JO OEB, 1984, 265, point 7, suivie d'autres décisions non publiées, par exemple T 456/88 ou T 459/89).
5.5. Les autres documents cités dans le rapport de recherche sont moins pertinents que les documents considérés ci- dessus et leur divulgation n'a aucune influence sur les conclusions précédentes.
5.6. Il résulte de ce qui précède que les bains de polissage chimique objets de la revendication 1 ne découlent pas de façon évidente des documents cités. Les raisons indiquées précédemment s'appliquent de façon analogue au procédé pour le polissage d'une surface en acier inoxydable selon la revendication 7 puisque celui-ci est caractérisé par la mise en oeuvre d'un bain selon la revendication 1. Par conséquent, les bains et le procédé de polissage chimique selon les revendications 1 et 7 satisfont aux dispositions de l'art. 56.
6. Les revendications dépendantes 2 à 6, 8 et 9 qui concernent des modes de réalisation particuliers, bénéficient de la brevetabilité des revendications 1 et 7 et sont donc aussi acceptables.
DISPOSITIF
1. La décision de la Division d'examen est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour délivrance d'un brevet sur la base des documents suivants : - revendications 1 à 9 remises lors de la procédure orale, - description : pages 2, 3 et 6 remises lors de la procédure orale et pages 1, 4, 5, 7, 8, 9 et 10 telles que déposées initialement.