T 0398/92 (Pellet de diltiazème/FARMAC) 12-11-1996
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Procédé pour la préparation d'un produit retard-contenant du ditiazem pour une administration journalière unique
I. La demande de brevet 88 100 839.5, publiée sous le numéro de publication EP-A-0 282 698, a été rejetée par la Division d'examen au motif que les revendications amendées pendant la procédure ne satisfaisaient pas aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
II. La décision a été rendue sur base d'un jeu de 16 revendications dont les revendications 1, 2 et 3 comprenaient des caractéristiques et des valeurs provenant des dessins de la demande initiale.
La Division d'examen a considéré que ces caractéristiques n'étaient pas décrites dans la demande telle que déposée, et que des dessins ne pouvaient servir de fondement à une revendication amendée que lorsque les informations présentées découlaient directement et sans ambiguïté de la demande, même en tenant compte, le cas échéant, d'informations implicites pour l'homme du métier.
Selon la Division d'examen, ces conditions n'étaient pas satisfaites, car il n'y avait aucune indication, dans les dessins en question, des valeurs spécifiques de libération du diltiazème revendiquées.
Dans la décision attaquée, la Division d'examen ne s'est pas penchée sur les autres revendications modifiées.
III. La Requérante a formé un recours contre cette décision. Les arguments présentés dans le mémoire de recours peuvent être résumés comme suit :
Les points mis en évidence sur les différentes courbes sont des valeurs expérimentales mesurées et non pas des représentations graphiques théoriques, comme soutenu par la Division d'examen, et partant, ces courbes sont équivalentes à la présentation de données dans un tableau.
En s'appuyant sur les décisions T 145/87, T 523/88 et T 169/83, la Requérante constate que la description en toutes lettres est une des formes admises de divulgation d'une invention, mais qu'un dessin ou un graphe constituent d'autres possibilités valables de divulgation. Partant, une revendication peut être modifiée par l'introduction de caractéristiques qui sont déductibles directement et sans ambiguïté des dessins.
D'après la Requérante, l'homme du métier aurait été capable de déduire sans ambiguïté de la courbe 36/S illustrée en figure 2.1 les valeurs et les caractéristiques reprises dans les revendications et de reconnaître, par simple comparaison avec cette courbe, les courbes de la figure 4.1 ayant les mêmes caractéristiques, à savoir les lots 55/S et 86/S.
Pour cette raison il apparaît tout à fait acceptable de définir l'objet revendiqué au moyen de caractéristiques numériques tirées des figures 2.1 et 4.1.
D'autre part, les pellets revendiqués auraient pu être définis par référence aux figures en question. C'est dans le respect des dispositions de la règle 29(6) CBE que les courbes de dégagement illustrées par ces figures ont été définies au moyen de paramètres dans les revendications.
IV. En réponse à une notification de la Chambre relative à des objections sur base de l'article 123(2) CBE, la Requérante a produit un nouveau jeu de 15 revendications amendées.
Le libellé des revendications 1, 2 et de la revendication indépendante 8 est :
"1. Pellet de diltiazème à libération retardée comprenant un pellet à libération rapide, ledit pellet à libération rapide étant constitué de diltiazème ou d'un chlorhydrate de diltiazème en association avec au moins un liant, et une membrane extérieure à travers laquelle le dégagement du diltiazème peut s'effectuer dans un milieu aqueux, caractérisé en ce que la courbe de dégagement "in vitro" du diltiazème, contrôlée selon la méthode de PADDLE de la Pharmacopée US XXI présente un profil approximativement linéaire (36/S, 86/S, 55/S) pendant les 6 premières heures, dont la pente est comprise entre 6 % par heure et 11 % par heure, et que ledit dégagement s'effectue de façon lente et graduelle, de sorte que le taux de dégagement total après 12 heures soit compris entre 65 % et 93 % de la quantité totale de diltiazème contenu dans ledit pellet.
2. Pellet de diltiazème à libération retardée selon la revendication 1, caractérisé en ce que ladite courbe de libération (36/S) présente les caractéristiques numériques approximatives :
a) Libération de 15 % du diltiazème total après 2 h.
b) 25 % après 4 h.
c) 38 % après 6 h.
d) 52 % après 8 h.
e) 65 % après 12 h.
8. Utilisation de pellet de diltiazème à libération retardée selon l'une quelconque des revendications précédentes pour la fabrication d'une forme orale solide destinée au traitement de l'hypertension artérielle ou de l'angine de poitrine par administration de doses uniques quotidiennes."
V. La Requérante requiert l'annulation de la décision contestée, le remboursement de la taxe de recours, la poursuite de la procédure d'examen sur base du jeu de revendications déposé le 30 mars 1996 et la délivrance d'un brevet sur base de ce jeu de revendications.
1. Le recours est recevable.
2. Les revendications 1 à 7 et 8 à 15 visent respectivement un pellet de diltiazème à libération retardée et l'utilisation du même ou d'un mélange de pellets pour la fabrication d'une forme orale solide destinée à différents traitements thérapeutiques tandis que, dans la demande initiale, les revendications visaient un procédé de préparation d'une forme orale solide.
De telles modifications étendent la protection demandée, ce qui est, admissible à condition de respecter les dispositions de l'article 123(2) CBE.
Le pellet, tel que défini dans le préambule de la revendication 1, est décrit dans la demande initiale (page 1, ligne 9 ; page 3, dernier paragraphe ; page 5, dernier paragraphe ; page 6 premier paragraphe ; page 11, ligne 28 et 29 ; revendication 1) et dans les exemples avec tous les détails expérimentaux.
En particulier, le passage indiquant l'association du diltiazème "avec ... d'autres excipients conventionnels à dégagement contrôlé in vitro de la substance active ..." (page 3, lignes 23 à 25) donne une description générale qui supporte la "membrane extérieure" citée en revendication 1 sans la qualification de "polymère".
3. Le pellet est caractérisé dans la revendication 1 par le profil "approximativement linéaire" de ladite courbe de libération in vitro du diltiazème, par la pente de la dite courbe, qui est comprise entre 6 % et 11 % par heure, et par le taux de dégagement total après 12 heures, qui est compris entre 65 % et 93 %. Le dégagement in vitro est contrôlé par la méthode standard de PADDLE de la Pharmacopée US XXI, méthode citée dans les figures 1.1, 2.1, 3.1 et 4.1 de la demande initiale. Cette courbe de libération est caractérisée dans la revendication 2 par des valeurs numériques tirées de la courbe 36/S de la figure 2.1.
Ces caractéristiques ne sont pas mentionnées en toutes lettres dans la partie écrite de la demande initiale mais sont tirées des figures 2.1 et 4.1 telles que déposées. Pour cette raison, la Division d'examen a considéré que l'addition de ces caractéristiques contrevenait aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
4. L'équivalence, quant à la divulgation d'un enseignement technique, entre la partie écrite (description et revendication) et la partie graphique (dessins) d'une demande de brevet, a été acceptée dans la décision T 0169/83 (JO OEB 1985, 193). La décision souligne que rien dans la CBE ne permet de conclure que les dessins aient un rang secondaire vis-à-vis des autres parties de la demande. Au contraire, la CBE n'exige pas dans la description d'exposé complet de tous les détails pratiques de l'objet revendiqué, qui, par contre, peuvent être décrits au moyen de dessins (cf. 3.3.1). La Chambre a ainsi reconnu qu'il n'y a pas de contravention aux dispositions de la CBE lorsque des caractéristiques qui n'ont été exposées initialement que dans les dessins sont déduites de ceux-ci et introduites aussi bien dans les revendications que dans la description.
Les conditions nécessaires sont que l'homme du métier puisse de façon claire et sans ambiguïté déduire dans leur totalité et directement des dessins ces caractéristiques du point de vue structurel et fonctionnel, et qu'il n'y ait pas de contradiction avec les autres éléments de l'exposé de l'invention.
Ces conditions ont été jugées satisfaites, par exemple, dans le cas de la décision T 0145/87 (du 28. février 1990, non publiée au JO OEB) dans laquelle la Chambre a indiqué qu'une description expressis verbis ne représente qu'un moyen de divulgation d'un enseignement. Une possible alternative est la représentation graphique, par exemple au moyen d'une courbe dans une système de coordonnées cartésiennes illustrant la relation fixe entre deux variables.
Dans des cas différents, repris à titre d'exemple, la Chambre de recours a décidé que les conditions visées ci-dessus n'étaient pas satisfaites.
Dans la décision T 0256/89 (du 25 septembre 1989, non publiée au JO OEB), des valeurs tirées de l'échelle des abscisses d'un système de coordonnées cartésiennes n'ont pas été considérées comme divulguées dans la demande initiale parce qu' elles n'identifiaient pas de données expérimentales réelles mais simplement des points de subdivision de l'échelle en abscisse. De plus, l'homme du métier n'aurait pu admettre ces valeurs comme partie de l'invention puisque elles étaient en contradiction avec l'ensemble de l'enseignement technique de la demande.
Dans la décision T 0241/88 (du 20 février 1990 , non publiée au JO OEB), la Chambre a décidé qu' une valeur déduite d'un graphe dans un système de coordonnés n'était pas décrite dans la demande déposée parce que ni l'axe des abscisses ni celui des ordonnées ne présentaient d' échelles. Partant, le graphe du dessin était purement illustratif du phénomène physique et ne divulguait pas d'enseignement quantitatif.
5.1. Dans l'affaire présente, les dessins en question, à savoir les figures 2.1 et 4.1, illustrent des courbes dans un système de coordonnées cartésiennes avec une échelle définie et précise. Elles ne sont donc pas comparables à la représentation schématisée d'une invention donnée par un graphe. Ces courbes sont extrapolées à partir de points représentés par des cercles, des losanges, des triangles, des carrés. La Chambre reconnaît que ces points ne sont pas des constructions graphiques purement intellectuelles mais, au contraire, correspondent à des valeurs expérimentales véritables, notamment les pourcentages de dégagement in vitro du diltiazème observés à 2, 4, 6, 8 et 12 heures. Partant, ces points sont équivalents à des formes de réalisation pratique de l'invention, donc à des exemples et chaque courbe a la même fonction qu'un tableau de données.
Bien que les pourcentages de dégagement ne soient pas mentionnés expressis verbis dans le document initial, la Chambre est d'avis que l'homme du métier aurait pu les extraire de manière claire et sans ambiguïté grâce à l'échelle donnée sur l'axe des ordonnées, compte tenu du fait que les figures en question sont suffisamment précises pour permettre une lecture exacte des valeurs en ordonnée et donc pour en déduire les mêmes caractéristiques numériques que celles introduites dans les revendications.
D'autre part, l'expression "de façon claire et sans ambiguïté" n'a pas un sens absolu, mais nécessite une interprétation selon le domaine technique spécifique et la variable considérée. Dans la présente affaire, la variable est le pourcentage de médicament dégagé en solution et mesuré selon une méthode expérimentale et, partant, susceptible d'erreur expérimentale. Pour cette raison, la Chambre estime que la marge théorique d'erreur inhérente à la lecture des dessins est acceptable, compte tenu de l'aspect expérimental du phénomène mesuré.
En conclusion, l'introduction dans le texte des revendications des caractéristiques numériques déduites des courbes 36/S (figure 2.1), 86/S et 55/S (figure 4.1) ne contrevient pas aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
5.2. Une caractéristique additionnelle de la courbe de dégagement selon la revendication 1 est représentée par son profil approximativement linéaire pendant les 6 premières heures.
La courbe 36/S est typique de la phase 2 (page 7 et 8 de la demande initiale) et représente apparemment une forme de réalisation préférée de l'invention. La relation approximativement linéaire entre le temps, en abscisse et le pourcentage de libération du diltiazème, en ordonnée, définie par dite courbe n'est pas seulement clairement illustrée par la figures 2.1, mais elle est aussi confirmée par les valeurs d'augmentation horaire calculées sur la courbe, qui sont approximativement constantes pendant les 6 premières heures. La même caractéristique se retrouve dans les courbes 86/S et 55/S de la figure 4.1 mais pas dans les courbes de référence.
La Chambre est d'avis que l'homme du métier aurait immédiatement reconnu dans le profil linéaire des courbes en question une caractéristique essentielle de l'invention et que cette caractéristique est en accord avec les autres éléments de l'exposé de l'invention.
Bien qu'une expression telle que "approximativement" ne soit pas acceptable, en principe, puisque elle introduit une marge d'ambiguïté dans l'étendue de la revendication, dans le cas d'espèce elle rend compte du fait que les courbes en question sont des représentations graphiques d'un processus expérimental et donc ne peuvent que tendre au modèle théorique de ligne droite, sans toutefois se superposer. D'autre part, l'expression "approximativement linéaire" doit être considérée par rapport au profil des courbes de référence, qui, sans aucun doute, définissent une relation temps/libération très éloignée de celle représentée par une droite. Donc, en l'espèce, la marge de variabilité inhérente dans le mot "approximativement" ne donne pas lieu à une objection de manque de clarté de la revendication.
Par conséquent, la Chambre estime qu'il n'y a pas contravention aux dispositions de l'article 123(2) CBE et de l'article 84 CBE par l'introduction de l'expression "approximativement linéaire" dans la revendication 1.
5.3. La courbe de libération de diltiazème du pellet de la revendication 1 est ultérieurement définie par une pente comprise entre 6 % et 11 % par heure et par un taux de dégagement total après 12 heures compris entre 65 % et 93. % de la quantité totale de diltiazème contenu dans le pellet.
Cependant, comme la Chambre l'a déjà souligné au paragraphe 5.1, les valeurs limites des fourchettes sont décrites comme des valeurs expérimentales dans les figures 2.1 et 4.1, et sont équivalentes à des exemples.
La pente de la courbe correspond au pourcentage de libération horaire. La valeurs 6 %, qui représente la libération minimale, se calcule directement à partir de la courbe 86/S de la figure 4.1 et correspond à la libération observée après 1 heure (6 %) ou 2 heures (12 %). La valeur 11 %, qui représente la libération maximale, se calcule à partir de la courbe 55/S de la figure 4.1 et correspond à la libération après 2 heures (22 %) ou 6 heures (66 %).
Le taux de dégagement de 65 % est déductible de la courbe 36/S de la figure 2.1 à 12 heures et la valeur 93. % de la courbe 55/S de la figure 4.1, également à 12. heures.
En ce qui concerne les plages entre ces valeurs et mentionnées dans la revendication 1, la Chambre est de l'avis suivant.
Dans de nombreux passages, la demande initiale souligne que le pellet de l'invention est caractérisé par une montée lente et graduelle de la courbe hématique (cf. page 9, lignes 10 à 15, page 10, lignes 6 à 10 et revendication 7), ce qui, d'ailleurs se reflète dans le profil des courbes de libération in vitro.
La Chambre estime que l'expression "montée lente et graduelle", telle qu' illustrée par les dessins, couvre toutes les possibilités de dégagement retardé s'effectuant d'une manière régulière et continue. Partant, cette expression, qui n'est pas définie quantitativement dans la description, représente une enseignement technique général équivalent à une plage ouverte susceptible d'être définie sous forme d'une plage plus étroite limitée par des valeurs décrites dans la demande, notamment dans les figures 2.1 et 4.1, sans contrevenir aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
Par ailleurs, la jurisprudence a établi (T 54/82, JO 1983, 446 et T 201/83 JO, 1984, 481) qu'il est conforme aux dispositions de l'article 123(2) CBE d'utiliser à cet effet un élément divulgué uniquement dans un exemple si, pour l'homme de métier, cet élément est représentatif de la divulgation générale de l'invention, ce qui est le cas, selon la Chambre, des caractéristiques des courbes de dégagement et ce, par opposition à un élément associé aux autres caractéristiques de l'exemple de telle façon qu'il serait limité exclusivement à cet exemple.
En conclusion, la Chambre ne voit dans le texte de la revendication 1 aucun élément contraire aux dispositions de l'article 123(2) CBE.
6. En ce qui concerne la revendication 2, les caractéristiques numériques citées dans le texte se lisent directement sur la courbe 36/S de la figure 2.1 telle que déposée. Comme déjà exposé en relation avec la revendication 1, l'introduction dans la revendication 2 de ces caractéristiques ainsi que du mot "approximatives" ne contrevient pas aux dispositions des l'article 123(2) et 84 CBE.
7. Les revendications 4, et 6, prévoient que le cycle de pulvérisation d'un liant et d'aspersion subséquente du diltiazème sur les granules de saccharose et amidon soit répété de l'ordre de 50 à 100 fois et que le cycle d'enrobage du pellet rapide dans une membrane de polymère et talc soit répété de l'ordre de 20 à 25 fois.
Ces fourchettes sont décrites de façon inhérente et générale dans les revendications initiales 8 et 2 qui soulignent, la première que les préparations de l'invention peuvent contenir des quantités différentes de diltiazème, pour adapter la posologie aux différents besoins de couverture thérapeutique, la deuxième que le pellet contenant le diltiazème est recouvert par une membrane d'épaisseur variable.
Par ailleurs, les valeurs limites de dites fourchettes sont décrites clairement dans les exemples A1, A2, B1, B2, C1 et C2.
8. De même, les caractéristiques "pluralité de couches de talc et polymères", dans la revendication 3, "éthanol et mélanges éthanol-acétone" dans la revendication 4, "mélange d'amidon et de saccharose" dans la revendication 5, sont décrites clairement dans les exemples.
En conclusion, la Chambre considère que les revendication du 28 mars 1996 satisfont aux dispositions de l'article 123(2) CBE
8. En ce qui concerne la requête en remboursement de la taxe de recours au sens de la règle 67 CBE, la Requérante n'a invoqué aucun argument à l'appui de celle-ci. La Chambre ne reconnaît pas de vice substantiel de procédure dans la procédure antérieure et ne voit ainsi aucune raison justifiant le remboursement.
DISPOSITIF
Par ces motif, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la première Instance afin de poursuivre la procédure.
3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.