T 0838/92 10-01-1995
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Appareil de nettoyage de véhicules, et véhicule muni d'un équipement auxiliaire de nettoyage
Témoignage d'une personne, dont l'impartialité est contestée
Admissibilité de ce moyen de preuve (oui, sous réserve qu'il ait été soumis à la discussion des parties)(cf. point 5.4 des motifs)
Usage public antérieur (établi par un faisceau d'éléments de preuve précis et concordants)
Déplacement de la charge de la preuve (point 5.7 des motifs)
Activité inventive (non)
Appeal procedure - admissibility - decision appealable
Appeal procedure - procedural status of the parties - parties to appeal proceedings
Novelty - prior use
Novelty - burden of proof
I. Le requérant est titulaire du brevet européen n 0 163 792 (n de dépôt : 84 401 125.4).
II. L'intimée a fait opposition et requis la révocation complète du brevet européen.
Pour en contester la brevetabilité, elle a pour l'essentiel invoqué deux usages antérieurs, dont celui de l'appareil "Nettobus" fondé sur les justificatifs suivants :
- B1 : Invitation pour la présentation au public d'un prototype Nettobus le 24 juin 1982 ;
- B2 : Article paru dans la revue "La Vie des Transports" du 3 juillet 1982 ;
- B3 : Diverses pièces extraites de la comptabilité et des livres de la société Alvan Blanch France, sous-traitant de la société Midis puis de la société Nettobus pour la fabrication d'appareils vendus sous la dénomination "Nettobus", lesdites pièces comportant des factures et bons de livraisons à la société Midis entre le 30 juin 1982 et le 3 mai 1984 ;
- B4 : Documentation commerciale et technique décrivant les appareils "Nettobus" 22 et 45 tels que visibles dans les ateliers de la Société "Transports Meyer" depuis 1982 ;
- B5 : Courrier adressé à la société Onet le 12. avril 1984 par la société Trans Air concernant une proposition de vente avec descriptif technique d'un appareil "Nettobus 22 M" ;
- B9 : Dépôt en France du modèle n 822 551 en date du 21 juillet 1982 concernant l'appareil "Nettobus" et photographies de cet appareil ayant servi au dépôt de ce modèle ;
- B10 : Attestation du Directeur Général de la société Alvan Blanch, sous-traitant de la société Midis puis de la société Nettobus ;
- B11 : Contrat de distributeur entre les sociétés Midis et Stame en date du 19 janvier 1983 ;
- B12 : Facture n 169.09.82 de la société Midis à la société Stam en date du 16 septembre 1982 relative à la vente d'un appareil "Nettobus 22" type II ;
- B13 : Constat dressé par huissier de justice en date du 7 mars 1990 ;
- B14 : Constat dressé par huissier de justice en date du 26 juin 1991 ;
- B15 : Facture / Bon de livraison d'un autre appareil Nettobus en date du 8 décembre et 7. décembre 1982 respectivement ;
- B16 : Dessin d'atelier d'un appareil Nettobus Modèle 22, daté du 17 mai 1982 établi par la société Alvan Blanch (versé au dossier à l'audience du 18 mars 1992) ;
La Division d'opposition a également procédé au cours de la procédure orale du 18 mars 1992, à l'audition de Monsieur Wicks, directeur général de la Société Alvan Blanch qui a répondu aux questions qui lui ont été posées. Cette audition a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal (B17).
III. Par décision prise à l'issue de la procédure orale du 18. mars 1992 et signifiée par lettre remise à la poste le 17. juillet 1992, la division d'opposition a estimé que :
- toutes les caractéristiques de l'appareil Nettobus, telles qu'elles ressortent du dessin d'atelier B16 faisaient partie de l'état de la technique au sens de l'article 54(2),
- l'objet de la revendication 1 du brevet se retrouvait tout entier dans ce dessin d'atelier et ne présentait pas par suite la nouveauté requise.
Elle a, en conséquence, révoqué le brevet européen en cause.
IV. Par lettre reçue le 8 septembre 1992, le requérant (titulaire du brevet) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.
Le mémoire dûment motivé a été déposé le 16. novembre 1992.
V. En réplique à une communication de la chambre de recours, en date du 10 décembre 1993, le requérant a versé au dossier une nouvelle revendication principale unique.
Cette revendication se lit comme suit :
"Appareil de nettoyage de véhicule délimitant un volume de transport qui peut être fermé et qui comporte au moins deux ouvertures, l'appareil comprenant :
- un bâti (30) délimitant un conduit ayant une entrée et une sortie, le conduit comportant une première partie sensiblement horizontale, disposée entre l'entrée et le dispositif de séparation de déchets lourds, et une seconde partie sensiblement verticale dans laquelle le courant est ascendant,
- un dispositif de ventilation (52) monté transversalement au conduit afin qu'il fasse circuler un courant d'air de l'entrée à la sortie du conduit,
- un dispositif (42, 44) de séparation de déchets, monté transversalement au conduit entre l'entrée de celui-ci et le dispositif de ventilation, et comportant un dispositif de séparation de déchets lourds et un filtre, le dispositif de séparation de déchets lourds (42, 44) étant disposé au-dessous du courant d'air formé dans le conduit et au-dessous du filtre, et le filtre (50) étant destiné à séparer les déchets légers et étant disposé dans la seconde partie sensiblement verticale du conduit, afin que le courant d'air remonte dans le filtre, les particules arrêtées par le filtre étant retenues à la face inférieure de celui-ci.
- un dispositif d'adaptation (24, 26) monté à l'entrée du conduit, destiné à entourer une partie au moins d'une ouverture du véhicule, et comportant un dispositif à soufflet dont la partie opposée au conduit est entourée au moins en partie d'un dispositif d'amortissement destiné à être appliqué contre une partie de véhicule voisine d'une ouverture de celui-ci, et
- un pistolet à air comprimé accessible par l'intérieur du soufflet,
si bien que le conducteur du véhicule, lorsque le dispositif d'amortissement a été appliqué contre une partie du véhicule voisine de l'ouverture, peut se saisir du pistolet à air comprimé."
VI. Le requérant sollicite l'annulation de la décision attaquée et le maintien du brevet européen sur la base de cette revendication unique déposée le 5 mars 1994.
Il sollicite également l'annulation du procès verbal relatif à l'audition du témoin (B17).
Au surplus, il demande à la Chambre de dire que l'opposante n'est plus partie à la procédure pour défaut du respect de la règle de "bonne foi".
Au soutien de ses demandes, il fait valoir pour l'essentiel l'argumentation suivante :
i) Sur la requête en annulation du procès verbal de la procédure orale :
Le procès verbal n'a pas été établi conformément à la règle 76 CBE : il ne reflète pas convenablement le déroulement de la procédure orale et omet des éléments importants susceptibles d'étayer un recours contre la décision de révocation. Le procès verbal n'a pas été soumis aux parties, notamment au titulaire du brevet.
ii) Sur la requête en annulation de la décision attaquée en raison d'un vice substantiel de procédure (violation du droit d'être entendu)
La division d'opposition a procédé à l'audition d'un témoin et celui-ci, pour étayer son témoignage, a déposé un dessin d'atelier en date du 17 mai 1982 (Document B16). Malgré la demande du requérant de disposer de suffisamment de temps pour vérifier l'authenticité de cette pièce présentée pour la première fois au cours de la procédure orale, la division d'opposition ne lui a pas donné de délai pour présenter des observations.
iii) Sur la requête tendant à l'exclusion de l'opposante comme partie à la procédure.
L'opposition était fondée sur deux usages antérieurs, celui de l'appareil "Nettobus" et celui de l'appareil "Wind Cleaner". Le dessin de l'appareil "Wind Cleaner" versé au dossier par l'opposante est une simple photocopie et l'original n'a pas été produit. Etant donné la contradiction entre la date portée sur le document (Mars 1982) et la date à laquelle la société auteur du document correspondait aux indications portées par le document, le document "Wind Cleaner" produit est un faux. L'opposante en produisant un faux document n'a pas respecté le principe de bonne foi qui est le fondement de tout le fonctionnement de l'Office Européen des Brevets.
Il y a donc lieu de décider que l'opposante n'est plus partie à la procédure pour défaut du respect de cette règle fondamentale.
iv) Sur l'usage antérieur allégué de l'appareil "Nettobus"
La division d'opposition a fondé sa décision sur l'audition d'un témoin et le dessin d'atelier produit par le témoin. Or, ce témoin est poursuivi en France pour des actes de contrefaçon commis à l'égard du brevet français correspondant. Il y a donc lieu de se poser la question de savoir si un brevet européen délivré peut être révoqué sur le seul témoignage oral d'un présumé contrefacteur.
En ce qui concerne le constat d'huissier de justice daté du 7 mars 1990 (B13), il y a lieu d'observer que :
- ce constat n'était pas contradictoire ;
- l'appareil Nettobus décrit par cet huissier n'est pas celui ayant fait l'objet de la facture du 16. septembre 1982 ;
- cet appareil a été commercialisé par le distributeur d'alors (la société Stam) entre 1983 et 1986 ; il pourrait donc s'agir d'un appareil livré postérieurement au dépôt du brevet, et
- ce type d'appareil ne comportait pas le système à air comprimé qui a été ajouté ultérieurement.
Le constat d'huissier daté du 26 juin 1991 (B14) n'était pas non plus contradictoire. La facture produite par le requérant à l'audience qui s'est tenue devant la division d'opposition montre que l'appareil faisant l'objet de ce constat est certainement postérieur au dépôt du brevet européen en cause.
Au surplus, la structure que pouvaient avoir ces appareils à l'origine, au moment où ils ont été livrés, ne peut pas être établie à partir de ces deux constats.
VII. Sur la brevetabilité de l'invention revendiquée :
La revendication unique protège la combinaison d'un appareil de nettoyage incorporant notamment un dispositif à soufflet muni d'un dispositif d'amortissement destiné à être appliqué contre une partie de véhicule et d'un pistolet à air comprimé accessible par l'intérieur du soufflet. La combinaison revendiquée est clairement supportée par la description du brevet ; elle est destinée à la mise en oeuvre du procédé de nettoyage faisant l'objet de la colonne 5, ligne 13 à la colonne 6, ligne 5 du brevet européen en cause.
Selon ce procédé, un véhicule est conduit en face du soufflet et, lorsqu'il a été arrêté, son conducteur ouvre les ouvertures du véhicule ; le dispositif d'amortissement est appliqué contre une ouverture du véhicule et le dispositif de ventilation se met en route et provoque la formation d'un puissant courant d'air à l'intérieur du véhicule. Le conducteur prend alors le pistolet à air comprimé accessible par l'intérieur du soufflet et parcourt l'intérieur du véhicule en projetant un jet d'air comprimé contre le sol ; le puissant courant d'air créé par l'appareil entraîne la poussière et les déchets, les déchets relativement lourds étant séparés par le dispositif de séparation de déchets lourds par gravité et les déchets légers étant retenus par le filtre. Ensuite, le conducteur remet en place le pistolet à air comprimé dans l'appareil et le soufflet est replié.
Ainsi, les caractéristiques ajoutées à la revendication principale, à savoir le dispositif à soufflet et le pistolet à air comprimé accessible par l'intérieur du soufflet constituent une véritable combinaison de moyens participant à l'obtention d'un résultat commun, qui est le procédé de nettoyage ci-dessus rappelé.
La combinaison de moyens revendiquée ne résulte pas à l'évidence de l'état de la technique opposée : les deux constats d'huissier n'apportent pas d'élément décisif à l'encontre de la nouvelle revendication, indépendamment du fait qu'ils ne se rapportent pas à des appareils identifiés de manière certaine, ainsi qu'il a été exposé précédemment.
L'article paru dans la revue "La Vie des transports" n'est nullement pertinent puisqu'il indique l'utilisation d'une soufflette raccordée à un circuit extérieur de l'appareil.
VIII. L'intimée (opposante) a contesté point par point l'argumentation du requérant :
En ce qui concerne le document relatif à l'appareil "Wind Cleaner" les allégations du titulaire du brevet sont dénuées de tout fondement ; en effet, il ressort des documents produits par l'opposante au cours de la procédure d'opposition que le dessin de l'appareil "Wind Cleaner" existait bien en 1982, mais que ce document avait été effectivement "altéré" par l'apposition ultérieure d'un autocollant lors du changement du siège social de la société. Dans ces conditions, une telle démarche tendant à considérer que l'opposante ne ferait plus partie à la procédure pour défaut du respect de la bonne foi est une tentative abusive visant à semer le doute dans l'esprit des membres de la chambre de recours.
Le requérant (titulaire du brevet) est instigateur de la production des appareils Nettobus (la société Alvan Blanch étant sous-traitante) et était également chargé de leur commercialisation par le biais de la société Midis ; le requérant considère que des modifications ont été apportées, après livraison, aux appareils Nettobus et que les factures produites ne concernaient pas les appareils Nettobus décrits par les deux huissiers. Par conséquent, le requérant devrait être en mesure d'indiquer à la chambre de recours où et à qui ont été alors livrés lesdits appareils concernés dans les factures annexées aux procès verbaux du 7 mars 1990 et du 26 juin 1991 (justificatifs B13 et B14). L'incapacité de fournir la preuve contraire accrédite l'exactitude des constatations des deux huissiers.
IX. L'intimée (opposante) sollicite :
- le rejet du recours et la révocation complète du brevet européen en cause ;
- l'aménagement d'une nouvelle audition de témoins, si le témoignage de la personne déjà convoquée devait être remis en cause, et
- une répartition différente des frais prévue à l'article 104 CBE.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 ainsi qu'aux règles 1(1) et 64 CBE ; il est recevable.
2. Sur la requête tendant à l'exclusion de l'opposante comme partie à la procédure
Selon l'article 107 CBE, lorsqu'un recours est formé par l'une des parties, toutes les autres parties à la procédure sont de droit parties à la procédure de recours.
La Convention ne contenant aucune disposition permettant à une division d'opposition ou à une Chambre de recours d'exclure une partie de la procédure en cours, l'intimée (opposante) est et demeure partie à la procédure.
De plus, au soutien de cette demande, le requérant a tenté de faire valoir que l'intimée aurait, à l'appui de l'usage antérieur de l'appareil "Wind cleaner", sciemment produit un faux.
Il n'est pas conforme au principe de bonne foi qui prévaut en matière de procédure devant l'OEB de soutenir qu'un document est faux sans en rapporter la preuve. En l'occurrence, et bien que ce document n'apparaisse pas nécessaire à la solution du présent litige, la Chambre, après avoir examiné la cause en tous ses éléments, est parvenue à la conclusion que cette allégation n'était pas fondée.
3. Sur la requête en annulation du procès-verbal de la procédure orale
L'article 106 CBE dispose que les "décisions ........ sont susceptibles de recours". Le procès-verbal de la procédure orale ne constitue pas une décision et ne peut donc pas être "annulé" par la Chambre de recours.
D'autre part, dans la mesure où le requérant se réfère à la règle 76(2) CBE, il y a lieu de remarquer qu'elle ne concerne que le procès-verbal de la déposition d'un témoin.
En ce qui concerne l'ordre dans lequel les témoins ont été entendus, force est de constater que le requérant n'en a retiré aucun moyen pour étayer son recours et, quant au délai que le requérant aurait demandé pour pouvoir vérifier la validité du dessin d'atelier du 17. mai 1982 portant sur l'appareil "Nettobus", il est référé au point suivant.
4. Sur la requête en annulation de la décision attaquée en raison d'un vice substantiel de procédure
La chambre ne peut pas considérer, comme constituant un vice substantiel de procédure, le fait que la Division d'opposition n'aurait pas laissé suffisamment de temps au requérant pour "vérifier l'authenticité" du dessin d'atelier (justificatif (B16) versé aux débats à l'audience du 18 mars 1992, alors que, pendant la procédure de recours, l'authenticité de ce dessin d'atelier n'a pas été remise en cause.
Il ne peut donc pas davantage être fait droit à cette requête.
5. Sur l'usage antérieur des appareils "Nettobus"
5.1. De la déposition du témoin, directeur technique de la société Alvan Blanch jusqu'en 1986 et des pièces versées au dossier, la chambre tire les faits suivants :
a) des appareils de nettoyage dénommés "Nettobus" ont été construits à partir de juin 1982 par la société Alvan Blanch et vendus à plusieurs clients, en particulier à la société Stam, par la société Midis ayant des liens avec le titulaire du brevet ;
b) entre juin 1982 et avril 1984, sept appareils ont été livrés par la société Alvan Blanch à des clients de la société Midis.
Il est noté que le requérant lui-même ne conteste pas que certains des appareils Nettobus ont été livrés à des clients, antérieurement à la date de dépôt du brevet européen en cause (1er juin 1984).
5.2. Il résulte des documents de la cause, spécialement du justificatif B12 (facture de la société Midis à la société Stam en date du 16 septembre 1982) et du constat d'huissier en date du 7 mars 1990 (B13) qu'un appareil "Nettobus 22" fabriqué par la société Alvan Blanch a été vendu et livré à la société Stam avant la date de dépôt du brevet européen en cause. Cet appareil a été loué par la société Stam à la société Rapides du Sud-Est et exploité par cette dernière.
Il y a lieu d'observer à cet égard que, dès lors qu'elle est établie, la vente d'un seul appareil suffit pour détruire la brevetabilité (voir notamment décision T 482/89, JO 1992, 646).
5.3. Au surplus, il ressort en particulier des justificatifs B14 (constat du 26 juin 1991) et B15 qu'un autre appareil "Nettobus 22" fabriqué par la société Alvan Blanch a été livré et vendu par la société Midis à la société Centrale Poids Lourds suivant une facture du 8 décembre 1982 et bon de livraison du 7 décembre 1982, c'est-à-dire avant le dépôt du brevet européen en cause.
5.4. Le requérant a soutenu que le témoignage du directeur technique d'Alvan Blanch ne saurait être retenu comme moyen de preuve, l'impartialité de ce témoin étant tout à fait sujette à caution puisqu'il est poursuivi pour acte de contrefaçon du brevet français correspondant.
A cet égard, la décision T 482/89 (JO OEB 93, 214) a déjà fait application du principe de la liberté de la preuve, tout moyen de preuve, indépendamment de son genre, s'avérant recevable. Par conséquent, il appartient à la division d'opposition ou à la chambre de recours d'apprécier avec circonspection les dires d'un témoin dont l'impartialité serait sujette à caution. Bien entendu, les résultats de l'audition du témoin doivent être soumis à la discussion des parties. En effet, l'article 113 paragraphe 1 dispose que "les décisions de l'office ne peuvent être fondées que sur les motifs au sujet desquels les parties ont pu prendre position". Cette condition est en l'espèce remplie, les deux parties ayant pu s'exprimer sur les résultats de l'audition.
La Chambre ne saurait davantage retenir l'argument concernant l'absence de caractère contradictoire invoquée à l'encontre des constats d'huissiers. De tels actes relatifs à des constatations matérielles n'ont valeur que de simples renseignements qui, en qualité de moyens de preuve peuvent être retenus au dossier dès lors que, ainsi qu'il vient d'être exposé supra, ils ont été soumis à la discussion des parties.
5.5. Les deux appareils "Nettobus 22" examinés par les huissiers reproduisent, à l'exception de la caractéristique relative au pistolet à air comprimé, toutes les caractéristiques essentielles de la revendication du brevet européen en cause, à savoir :
a) un bâti délimitant un conduit comportant une première partie sensiblement horizontale et une seconde partie sensiblement verticale ;
b) un dispositif de ventilation (ventilateur d'aspiration monté dans le conduit vertical au-dessus du filtre) ;
c) un dispositif de séparation de déchets monté transversalement au conduit entre l'entrée de celui- ci et le dispositif de ventilation et comportant, d'une part, un filtre (constitué, dans le cas d'espèce, d'un double grillage) disposé dans la seconde partie sensiblement verticale et, d'autre part, un dispositif de séparation de déchets lourds par gravité (par trois bacs en forme de trémie qui peuvent être évacués par la porte à double battant disposée à l'arrière de l'appareil) disposé au-dessus du courant d'air formé dans le conduit et au-dessous du filtre, et
d) un dispositif d'adaptation monté à l'entrée du conduit, qui comporte un soufflet et un dispositif d'amortissement.
Au surplus, sur les deux appareils "Nettobus 22" décrits par les huissiers est prévu un enrouleur fixé sur la paroi gauche verticale du conduit d'aspiration, ledit enrouleur recevant un tuyau d'air comprimé à l'extrémité duquel est adapté une soufflette. Le fait que la marque "Fenwick" de l'enrouleur dont la présence a été constatée (justificatif B13) soit différente de celle ("Fog") de l'enrouleur monté initialement sur l'appareil livré à la société Stam en 1982 ne prouve nullement que l'appareil livré à l'origine à la société Stam ne comportait pas les caractéristiques essentielles a), b), c) et d) ci-dessus rappelées.
Le requérant n'a pas non plus apporté, à l'appui de ses allégations, la preuve que l'appareil décrit dans B14 n'avait pas été fabriqué et vendu en 1982. Bien au contraire, l'appareil ayant fait l'objet de ce constat porte la référence "Nettobus 22" que l'on retrouve sur les factures du 7 décembre 1982 et sur le bon de livraison correspondant (justificatif B15). Au surplus, l'appareil décrit par l'huissier comporte une plaque de fabricant mentionnant l'année 1982 et la référence d'immatriculation 22003 (ce qui pourrait signifier "Nettobus" 22 n 3) ; l'appareil qui porte une telle plaque apposée sur sa structure même, à la différence de pièces telle que les enrouleurs, a donc été fabriqué en 1982 ; il ne peut donc pas s'agir de l'appareil n 8 qui a été, selon les dires mêmes du requérant, fabriqué ultérieurement.
Il est également établi, tant par l'audition du témoin que par le dessin d'atelier daté du 17 mai 1982 et portant la référence Nettobus modèle 22, que les appareils Nettobus 22 fabriqués à partir de ce dessin d'atelier comportaient également les caractéristiques a), b), c) et d) ci-dessus mentionnées.
Il est encore fait référence au dépôt effectué en France du modèle n 822551 en date du 21 juillet 1982 concernant un appareil "Nettobus" (justificatif B9). Il résulte de l'examen des photographies de l'appareil Nettobus ayant servi au dépôt de ce modèle que ce modèle reproduit bien les éléments a), b), c) et d) revendiqués.
5.6. Il y a lieu enfin de considérer l'article paru dans la revue "La Vie des Transports" du 3 juillet 1982 accompagné d'une illustration photographique d'un appareil de nettoyage (justificatif B2). L'appareil de nettoyage représenté comporte une partie horizontale et une partie verticale montrant, en son sommet, l'emplacement du ventilateur. La partie horizontale du bâti comprend, à l'avant, un soufflet dont la partie opposée au conduit est entourée d'un dispositif d'amortissement destiné à être appliqué contre l'ouverture d'un véhicule de transport de passagers (caractéristique d) ci-dessus) et à l'arrière une porte à double battant surmontée de l'inscription "Nettobus". Il y a lieu de noter que le bâti vu de l'extérieur, est identique à celui des appareils examinés par les huissiers à cette seule différence près que le logement cylindrique du ventilateur est, dans les appareils décrits, surmonté d'un cache amovible. Ainsi, la paroi arrière des appareils décrits dans les constats comporte également une porte à double battant.
Ainsi que l'établit l'illustration photographique de cet article de presse, le conduit d'aspiration qui relie le soufflet au cylindre dans lequel est logé le ventilateur, comporte forcément une partie horizontale et une partie verticale. De plus, dans le corps de l'article, il est indiqué que les poussières et déchets s'accumulent à l'intérieur du Nettobus dans un filtre et des compartiments poubelle. Par conséquent, si l'on reprend les termes de la revendication 1, on constate que l'appareil faisant l'objet de cette publication ayant eu lieu en 1982 reproduisait les caractéristiques a), b), et d) dans leur intégralité et la caractéristique c) partiellement, puisque la disposition du filtre et des compartiments poubelle n'est pas spécifiée, bien qu'il soit clair, pour tout homme du métier, que le filtre ne peut être que devant le ventilateur.
Par conséquent, la déposition du témoin, le dessin d'atelier portant sur l'appareil Nettobus 22 (justificatif B16), l'article de presse déjà cité, le dépôt de modèle visant à protéger un appareil Nettobus (justificatif B9) et les deux constats d'huissiers constituent un faisceau d'éléments précis et concordants permettant d'affirmer que des appareils Nettobus ayant les éléments a), b), c) et d) de l'invention ont été fabriqués et vendus antérieurement au dépôt du brevet européen en cause.
5.7. Il y a lieu de relever encore que le titulaire du brevet, qui est lui-même à l'origine de la livraison des appareils Nettobus, devrait être en mesure d'apporter la preuve que les appareils livrés antérieurement au brevet européen en cause ne reproduisaient pas les caractéristiques a), b), c) et d) revendiquées.
A cet égard, il soutient que c'est à l'opposante de motiver son opposition et d'apporter ainsi la preuve que les appareils livrés à l'origine divulguent bien l'ensemble des éléments a), b), c) et d) de l'invention, la charge de la preuve revenant à l'opposante et non pas au titulaire du brevet.
Certes appartient-il à l'opposante d'apporter la preuve que l'appareil "Nettobus 22" avait fait l'objet d'un usage antérieur détruisant la brevetabilité de l'appareil revendiqué. Ainsi, comme il vient d'être exposé supra, l'intimée a rapporté un ensemble d'éléments précis et concordants emportant la conviction de la Chambre. Dès lors que pour réfuter ces éléments, le titulaire du brevet a fait valoir à son tour une allégation, il lui appartenait d'en établir le bien fondé. Ainsi, la charge de la preuve peut se déplacer d'une partie à l'autre, le principe étant que chaque partie a la charge de la preuve des faits qu'elle allègue (voir décision T 109/91 du 15. janvier 1992, point 2.10 des motifs).
5.8. Compte tenu de tout ce qui précède, le fait de prétendre que les appareils Nettobus livrés à l'origine ont été modifiés de façon substantielle, c'est-à-dire ne comportaient pas l'ensemble des caractéristiques a), b), c) et d) que l'on retrouve sur les appareils décrits par les deux huissiers de justice apparait comme une simple allégation dépourvue de toute justification.
Il s'ensuit qu'un appareil de nettoyage comportant l'ensemble des caractéristiques a), b), c) et d) fait partie de l'état de la technique au sens de l'article 54, paragraphe 2, CBE.
6. Sur la brevetabilité de l'appareil revendiqué
Ainsi qu'il a été montré plus haut, l'appareil de nettoyage revendiqué se distingue pour l'essentiel de celui ayant fait l'objet de l'usage antérieur invoqué par l'existence d'un pistolet à air comprimé accessible par l'intérieur du soufflet.
Dans l'article "La Vie des Transports" (justificatif B2) l'appareil "Nettobus" représenté reproduit, ainsi qu'il a déjà été exposé, les caractéristiques a), b), et d) dans leur intégralité et la caractéristique c) partiellement, puisque la disposition du filtre et des compartiments poubelle n'y est pas spécifiée. Le procédé de nettoyage faisant l'objet de cet article est, pour l'essentiel, identique à celui faisant l'objet du brevet européen en cause. En effet, le rédacteur de l'article expose :
"Le procédé est... assez simple. Tout est basé sur la mise en dépression de l'intérieur du véhicule grâce à un immense aspirateur dont la bouche d'aspiration vient se coller sur toute la surface d'un des accès du véhicule".
"Le système d'aspiration est fixe et fonctionne grâce à un moteur de quelque 20 ch. qui anime un ventilateur. Le véhicule vient se positionner de telle sorte que l'un de ses accès soit placé juste face à un tunnel d'aspiration. L'extrémité du tunnel d'aspiration est mobile grâce à une structure en "accordéon" et vient se coller sur la porte ouverte du véhicule. La porte du deuxième accès du véhicule est également ouverte et l'aspiration crée un puissant courant d'air à l'intérieur".
"En même temps que l'aspiration est en cours de fonctionnement, un opérateur soulève la poussière collée au siège et, le cas échéant, le contenu des cendriers à l'aide d'une puissante "soufflette". Une fois en suspension, poussières et cendres sont aspirées par le Nettobus".
"Grâce à ce système, l'intérieur d'un véhicule peut être ainsi nettoyé en trois minutes environ... les poussières et déchets s'accumulent à l'intérieur du Nettobus dans un filtre et des compartiments poubelles".
Par conséquent, l'article de "La Vie des Transports" enseigne clairement d'associer à un appareil Nettobus une soufflette à l'aide de laquelle l'opérateur soulève les poussières collées aux sièges.
Il n'est pas spécifié dans cet article que la soufflette ou pistolet à air comprimé est accessible par l'intérieur du soufflet mais une telle caractéristique constitue à l'évidence, une simple mesure d'exécution à la portée de l'homme du métier. En effet, d'après le procédé de nettoyage décrit dans cet article, l'opérateur soulève les poussières à l'aide de la soufflette une fois que le dispositif d'amortissement a été appliqué sur l'une des deux portes ouvertes du véhicule de transport de passagers et qu'un puissant courant d'air a été créé à l'intérieur de celui-ci. Dans ce cas, le pistolet à air comprimé est forcément accessible par l'intérieur du soufflet, c'est-à-dire placé à l'intérieur de l'appareil de nettoyage. En effet, si le pistolet à air comprimé était placé non pas à l'intérieur mais à l'extérieur de l'appareil, l'opérateur devrait alors faire pénétrer le pistolet à air comprimé par la porte ouverte du deuxième accès du véhicule, ce qui présente l'inconvénient de compliquer le procédé de nettoyage et de nécessiter un tuyau de branchement de grande longueur pour atteindre la deuxième porte de l'autobus et, par suite, un enrouleur de grande dimension.
Il est vrai que la soufflette dans cet article est "branchée sur un circuit extérieur d'air comprimé" mais cela ne veut pas pour autant dire que la soufflette n'est pas accessible depuis l'intérieur du soufflet.
En d'autres termes, l'homme du métier sait que le pistolet à air comprimé décrit dans l'article de presse précité peut être placé soit à l'extérieur de l'appareil de nettoyage, soit à l'intérieur et dans ce cas il est accessible au conducteur par l'intérieur du soufflet. L'homme du métier en présence de cet article et confronté au problème de l'emplacement intérieur ou extérieur du pistolet divulgué pouvait à l'aide de ses seules connaissances et sans faire preuve d'activité inventive concevoir qu'il était possible et avantageux de placer le pistolet à l'intérieur de l'appareil de nettoyage, compte tenu des inconvénients prévisibles entrainés par un emplacement extérieur, lors de la mise en oeuvre du procédé de nettoyage. Par ailleurs, l'agencement d'une soufflette ou pistolet à air comprimé à l'intérieur de l'appareil de nettoyage est, ainsi que l'a exposé l'intimée dans sa lettre du 29 juillet 1994, décrit dans le document US-A-4 115 896 cité dans le mémoire d'opposition.
Force est donc de constater que l'objet de la revendication unique ne présente pas l'activité inventive requise (article 56 CBE).
Il s'ensuit que le motif d'opposition invoqué s'oppose au maintien du brevet européen tel que modifié.
7. Sur la requête de l'intimée sollicitant que les frais qu'elle a dû exposer devant la première instance soient mis à la charge du requérant
L'article 104, paragraphe 1 dispose que chaque partie conserve à sa charge les frais qu'elle a exposés. Toutefois, selon l'exception définie par le même paragraphe, une répartition différente des frais peut être ordonnée "si l'équité l'exige". L'exigence d'équité s'apprécie en l'espèce en tenant compte des abus possibles commis par le requérant.
Dans le cas d'espèce, la Chambre ne peut pas considérer comme constituant un abus, l'absence du titulaire du brevet en personne à l'audience, alors que du côté de l'intimée, un groupe de sept personnes a comparu. En effet, c'est l'intimée qui a invoqué les deux usages antérieurs et qui a proposé des témoignages à titre de justificatifs apportés à l'appui de ces deux usages. Il est donc équitable que ce soit l'intimée et elle seule qui supporte les frais liés à l'audition des témoins qu'elle a proposée.
Il ne peut donc être fait droit à cette requête.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le recours est rejeté.
2. La requête en répartition des frais de l'intimée (opposante) est rejetée.