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T 0703/94 (Procédé de fabrication de pastilles de combustible nucléaire) 22-01-1999
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Procédé de fabrication de pastilles de combustible nucléaire à base d'oxyde d'uranium
Nouveau motif d'opposition pris en considération au stade de la procédure de recours
Nouveauté (oui)
Activité inventive (non, requête principale et requête subsidiaire 1)
Modification s'étendant au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée (requête subsidiaire 2)
I. La demande de brevet européen 87 401 285.9, revendiquant la priorité d'une demande de brevet déposée en France le 10. juin 1986 sous le numéro 8 608 380, a donné lieu à la délivrance du brevet n 0 249 549 sur la base d'un jeu de 7 revendications.
II. Le requérant (opposant) a formé opposition contre le brevet en demandant que celui-ci soit révoqué dans sa totalité au titre de l'article 100(a) CBE, le seul motif invoqué étant tiré des articles 52(1) et 56 CBE, eu égard aux documents suivants :
D1 : EP-A-0 012 915,
D2 : Journal of Nuclear Materials, vol. 106, 1982, pages 15-33,
D3 : US-A-4 389 355,
D4 : US-A-3 094 377, et
D5 : FR-A-2 001 113.
Au cours de la procédure devant la première instance, l'opposant a également fait référence au rapport ANL-6023 de "Argonne National Laboratory" intitulé "Preliminary report on conversion of uranium hexafluoride to uranium dioxide in a one-step fluid-bed process" (D6), datant d'août 1959.
En outre, l'opposition était fondée sur le motif tiré de l'article 100(b) CBE.
III. Au cours de la procédure orale devant la Division d'opposition, l'intimé (titulaire du brevet) a remplacé les revendications 1 à 7 telles que délivrées par un nouveau jeu de revendications 1 à 6 dont la nouvelle revendication 1 résulte de la combinaison des revendications 1 et 2 du brevet délivré.
IV. Par décision intermédiaire remise à la poste le 4. juillet 1994, la Division d'opposition a maintenu le brevet sur la base des revendications modifiées.
Dans sa décision la Division d'opposition a considéré que l'objet de la revendication 1 modifiée ne découlait pas de manière évidente de l'état de la technique.
En particulier, la Division d'opposition a estimé que l'état de la technique n'incitait pas à fabriquer des pastilles frittables à base d'un mélange de poudre d'UO2 obtenue par "voie sèche" avec de la poudre "réactive" d'U3O8 obtenue par oxydation d'une partie de la poudre d'UO2 afin de réduire la fragilité en "cru" des pastilles.
En outre, la Division d'opposition a constaté que la description (et notamment les exemples) donnait à l'homme du métier suffisamment d'information pour qu'il puisse réaliser l'invention.
V. Par lettre reçue le 24 août 1994, le requérant a formé un recours à l'encontre de la décision intermédiaire et exposé les motifs du recours. La taxe de recours a été payé à la même date. Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen dans son ensemble.
Le requérant a invoqué pour la première fois le motif de manque de nouveauté, eu égard au document suivant :
D7 : US-A-4 053 559.
En outre, des objections ont été soulevées contre l'activité inventive sur la base des documents D2, D4, D6 et D7.
VI. Par lettre reçue le 21 mars 1995, l'intimé a contesté les objections contre la nouveauté et l'activité inventive de l'invention et a sollicité le maintien du brevet sous la forme modifiée arrêtée dans la décision de la Division d'opposition. A l'appui de ses arguments, il a fait référence aux documents suivants :
A1 : S. Whillock et al, "Journal of Nuclear Material", vol. 175, 1990, pages 121-128 ;
A2 : G. D. White et al, "UO2 Oxydation at Low Temperatures in Air", "American Chemical Society, 36th Annual Pacific Coast Regional Meeting", octobre 1983, pages 1-14 ; et
A3 : Geoffrey C. Allen et al, "Oxydation of Crystalline UO2 studied using X-Ray ...", "J. Chem. Soc. Faraday Trans. 1", vol. 83, 1987, pages 925-935.
VII. Par sa notification du 11 novembre 1998, annexée à une convocation à la procédure orale sollicitée par les deux parties, la Chambre de recours a indiqué son intention de prendre le nouveau motif d'opposition et le document D7 en considération.
VIII. Par lettre du 21 décembre 1998, le requérant a présenté une attestation de Monsieur Lelièvre ayant une connaissance personnelle de l'installation décrite par D7.
IX. A la procédure orale qui a eu lieu le 22 janvier 1999, l'intimé a expressément approuvé la discussion concernant le nouveau motif d'opposition.
Le requérant demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.
L'intimé demande le rejet du recours et le maintien du brevet
- tel que prévu par la Division d'opposition (requête principale) ;
- sur la base de la revendication 1 soumise à la procédure orale, avec les revendications 2-6 telles que prévues par la Division d'opposition (requête subsidiaire 1) ;
- sur la base de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 avec l'addition des mots "en four de conversion" après les mots "par voie sèche" à la ligne 3, avec les revendications 2-6 telles que prévues par la Division d'opposition (requête subsidiaire 2).
X. La revendication indépendante 1 selon la requête principale est rédigée comme suit :
"1. Procédé de fabrication de pastilles frittables à base de dioxyde d'uranium, suivant lequel on comprime en pastille, à froid, un mélange de poudre constituée au moins en majeure partie d'oxyde d'uranium UO2 obtenu par voie sèche et d'une proportion de 5 à 40 % en poids de poudre réactive d'oxyde d'uranium sensiblement à l'état de U3O8, fabriquée par oxydation à l'air, à une température inférieure à 800 C, d'une fraction du dioxyde d'uranium obtenu par voie sèche, et ayant une granulométrie inférieure à 350 microns."
La revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 s'énonce comme suit :
"1. Procédé de fabrication de pastilles frittables à base de dioxyde d'uranium, suivant lequel : on fabrique par voie sèche une poudre d'uranium UO2, on sépare la poudre obtenue en deux fractions, on fabrique, à partir d'une des fractions, de la poudre réactive d'oxyde d'uranium sensiblement à l'état de U3O8 par oxydation à l'air à une température inférieure à 800 C, on constitue un mélange de poudres constitué en majeure partie de l'oxyde d'uranium UO2 obtenu par voie sèche et d'une proportion de 5 à 40 % en poids de la poudre réactive d'oxyde d'uranium, ayant une granulométrie inférieure à 350 microns."
La revendication 1 selon la requête subsidiaire 2 se base sur le texte de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 avec l'addition des mots "en four de conversion" après les mots "par voie sèche" à la ligne 3.
XI. Au soutien de sa requête le requérant développe essentiellement l'argumentation suivante :
A. Requête principale
Nouveauté (articles 52(1) et 54(1)(2) CBE)
Selon l'enseignement du document D7 une poudre d'oxyde d'uranium UO2 obtenue par voie sèche est oxydée à 300 C de manière contrôlée jusqu'à obtenir un rapport oxygène-uranium de 2,25 ± 0,05. La seule caractéristique de la revendication 1 qui n'est pas expressément mentionnée par D7 est celle que la poudre résultante est un mélange de UO2 et 5 à 40 % de U3O8. Cependant cette caractéristique est implicite dans l'enseignement de D7 compte tenu du fait que les paramètres de l'oxydation de UO2 connus de D7 sont identiques à ceux indiqués dans la revendication 1 attaquée. En outre les documents A3 (cf. le paragraphe "Experimental" aux pages 925-926 et le paragraphe "Conclusions" à la page 934) et D3 (cf. colonne 5, 21-38) confirment le fait que de l'oxydation de UO2 à 300 C résulte l'oxyde U3O8 et que d'autres oxydes tels que par exemple U4O9 ne sont pas produits. Ni l'attestation de M. Lelièvre ni les autres documents tels que A1 et A2 n'apportent la preuve du contraire. De plus, la revendication 1 du brevet ne définit pas que le mélange est exclusivement constitué par UO2 et U3O8. Par exemple, le rapport oxygène-uranium de 2,22 tel qu'il a été divulgué par le tableau 1 du brevet ne peut pas être obtenu par un mélange constitué seulement de UO2 et 24,6 % de U3O8.
Activité inventive (articles 52(1) et 56 CBE)
Les documents les plus pertinents à cet égard sont D2, D4, D6 et D7.
Par exemple, le document D4 (cf. figure 1 ; colonne 2, lignes 39-47 ; et colonne 4, lignes 19-70) enseigne de préparer un mélange d'une poudre de UO2 commerciale et d'une poudre de U3O8 d'une proportion de 35 à 65 % en poids afin d'améliorer le compactage en pastilles et la frittabilité. De l'oxydation à une température de 700 C résulte une poudre ayant une granulométrie correspondant à "100 mesh", c'est-à-dire inférieure à 350 microns. Bien qu'on utilise selon D4 un certain pourcentage de U3O8 recyclé de déchets (ce qui est tout à fait normal parce que les déchets sont inévitables et donc il faut les recycler), l'enseignement de D4 n'est pas du tout limité à cette possibilité parce qu'on peut aussi utiliser une poudre de U3O8 obtenue par une oxydation directe et séparée de la poudre de UO2, c'est-à-dire une poudre de U3O8 verte ou réactive, comme par exemple la figure 1 de D4 le montre de façon évidente. En outre le libellé de la revendication 1 du brevet n'exclut pas la présence d'autres constituants. Pour l'homme du métier il est tout à fait évident que l'enseignement du document D4 peut être appliqué aux pastilles utilisant une poudre de UO2 fabriquée par voie sèche d'autant plus que l'utilisation d'une telle poudre pour la fabrication de pastilles était connue de plusieurs documents tels que D2, D6 et D7 ou même des documents cités à la page 2 du brevet. Par conséquent, l'objet de la revendication 1 n'implique pas d'activité inventive. La raison pour laquelle l'enseignement de D4 (et surtout le schéma fonctionnel de la figure 1) ne peut pas s'appliquer à la poudre de UO2 voie sèche disponible au marché n'est pas suffisamment motivée dans la décision de la Division d'opposition.
L'objet de la revendication 1 est évident aussi à partir de l'utilisation de la poudre de UO2 fabriquée par voie sèche telle qu'elle est connue des documents cités dans le brevet aussi bien que de D2 (cf. la figure 2 et le tableau 3) et D6. Compte tenu du fait qu'il était tout à fait normale pour la fabrication de pastilles de préparer un mélange avec une poudre de U3O8, le problème de compactage d'une poudre de UO2 pure, tel qu'il est discuté dans le brevet, ne se serait pas posé pour l'homme du métier qui aurait considéré par exemple l'utilisation d'une poudre verte ou réactive de U3O8 telle qu'elle est connue de D4 et, indirectement, de D7. D'ailleurs, il n'existe aucune différence entre la poudre de U3O8 verte obtenue de l'UO2 voie humide et la poudre de U3O8 verte obtenue de l'UO2 voie sèche en ce qui concerne leurs propriétés chimiques et physiques. Même le brevet n'inclut aucune information à cet égard.
B. Requêtes subsidiaires
Modifications (article 123(2) CBE)
Les modifications des revendications 1 des requêtes subsidiaires sont telles que leur objet s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle à été déposée.
Notamment la caractéristique "en four de conversion" ajoutée à la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 n'est pas divulguée de façon générale mais seulement dans un contexte spécifique (cf. la description de l'exemple 1 de la demande telle qu'elle a été publiée). De plus, l'étape de séparation de la poudre UO2 en deux fractions est seulement divulguée dans le contexte d'un procédé utilisant des nacelles pour l'oxydation de l'UO2 (cf. la description de l'exemple 1 de la demande).
Activité inventive (articles 52(1) et 56 CBE)
Les arguments exposées pour la requête principale s'appliquent aussi aux requêtes subsidiaires. L'étape de séparation de la poudre UO2 en deux fractions est bien connue de document D4 (cf. par exemple figure 1).
XII. Les arguments développés par l'intimé peuvent être résumés comme suit :
A. Requête principale
Nouveauté (articles 52(1) et 54(1)(2) CBE)
L'oxydation de UO2 n'est pas une réaction instantanée mais se déroule par des étapes intermédiaires, déterminée par de nombreux paramètres tels que par exemple la température, le temps d'oxydation, le taux d'oxygène, la surface spécifique de granules de UO2 etc.. Contrairement à l'objet de la revendication 1, l'oxydation selon D7 se déroule à une atmosphère presque inerte (3 à 7 moles d'azote et 0,2-1 moles d'air). En outre, compte tenu du fait que la température selon D7 est assez basse, la cinématique de l'oxydation est lente. De plus en ce qui concerne la surface spécifique de granules de UO2, il n'est pas possible de conclure que l'oxydation des granules de UO2 obtenus par lit fluidisé selon D7 aurait le même résultat que celui du document A3 obtenu par un autre procédé dans un autre réacteur. Par conséquent, il est très probable que le procédé selon D7 ne transforme pas une partie de UO2 en l'état de U3O8 mais produit des oxydes intermédiaires. Dans ce contexte, l'attestation de M. Lelièvre, selon laquelle la poudre obtenue par un procédé tel que divulgué par D7 s'avère impropre pour l'utilisation commerciale, constitue une preuve supplémentaire que le produit d'oxydation de D7 se distingue de U3O8 selon le brevet. De toute façon, personne ne peut dire avec certitude comment la réaction selon D7 se développe. Il reste donc au moins des doutes sérieux en ce qui concerne l'état final de l'oxydation et la composition de la poudre obtenue par le procédé selon D7. Par ailleurs, d'après la jurisprudence des chambres de recours un document de l'état de la technique ne détruit la nouveauté de l'objet revendiqué que si celui-ci dérive directement et sans aucune équivoque de ce document. Cette condition n'est pas remplie par l'enseignement de D7.
Activité inventive (articles 52(1) et 56 CBE)
La présente invention se réfère à la résolution d'un problème spécifique révélé pour la première fois par les inventeurs du brevet ; c'est-à-dire le problème de l'augmentation de la résistance en cru ou la solidité des pastilles en vert fabriquées à partir d'UO2 voie sèche, sans pour autant avoir un effet défavorable sur les propriétés des pastilles frittées. Ni le problème ni la solution d'ajouter à la poudre de UO2 voie sèche une proportion spécifique d'une poudre de U3O8 sont connus de l'art antérieur.
Selon le document D2, par exemple, la poudre de U3O8 provenant du recyclage de déchets n'est pas réactive dans le sens de l'invention. De plus la fonction de la poudre de U3O8 est différente parce qu'elle est ajoutée afin de former des pores dans les pastilles frittées (cf. D2 : figure 2 ; page 19, colonne à gauche, avant-dernier paragraphe ; page 20, colonne à gauche, dernier paragraphe - colonne à droite, premier paragraphe).
En ce qui concerne le document D4, il date de 1960, c'est-à-dire d'une époque où de l'UO2 voie sèche n'était pas disponible commercialement si bien que le problème que vise à résoudre l'invention n'avait pas encore été défini. Dans ce contexte, le document D6 datant de 1959 montre seulement en relation avec une installation expérimentale que les réactions chimiques permettant de réduire directement UF6 en UO2 étaient connues. Cependant, rien ne pouvait suggérer à l'homme du métier de rechercher une solution aux nouveaux problèmes posés par l'utilisation commerciale de l'UO2 voie sèche dans des documents remontant à une époque où un tel produit n'était pas encore disponible commercialement. En outre, le vrai problème à résoudre à la base de D4 est celui du recyclage de déchets (cf. D4 : colonne 2, lignes 39-44 ; et colonne 4, lignes 8-18). C'est pourquoi l'homme du métier en appliquant l'enseignement de D4 ajoutera toujours au mélange une poudre de U3O8 obtenu par recyclage de déchets. En revanche, la revendication 1 se réfère à un mélange dont les constituants sont exclusivement la poudre de UO2 voie sèche et la poudre de U3O8 réactive, comme cela ressort à l'évidence de l'utilisation du mot "constituée" au lieu du mot "comprenant". Contrairement à l'art antérieur, l'invention même n'utilise pas de lubrifiant et de liant.
Le document D7 se réfère aussi à un autre problème qui vise à réduire le teneur résiduelle en fluor (cf. colonne 2, lignes 35-41). Il y a une seule constatation isolée à la colonne 2, lignes 41-44 concernant la résistance en vert de pastilles qui est si spéculative qu'un lecteur de D7 n'y attache pas d'importance. De toute façon, rien ne suggère dans D7 de prendre une fraction de UO2 et de l'amener en totalité à l'état de U3O8.
B. Requêtes subsidiaires
Modifications (article 123(2) CBE)
A plusieurs reprises le brevet et la description originale (cf. page 2, lignes 6-8 ; page 3, lignes 24-25 et 35 ; et page 4, lignes 23-24 de la demande telle qu'elle a été publiée) se réfèrent à l'utilisation d'une poudre d'UO2 fabriquée dans un four de conversion du genre connue par exemple des documents FR-A-2 060 242 et US-A-4 397 824. La poudre d'UO2 fabriquée dans un tel four comprend moins d'impuretés, notamment en ce qui concerne la concentration de fluor, que la poudre d'UO2 selon D7.
De plus, l'étape de séparation de la poudre UO2 en deux parties est explicitement divulguée à la page 3, ligne 25, de la demande telle qu'elle a été publiée.
Nouveauté et activité inventive (articles 52(1), 54(1)(2) et 56 CBE)
Les arguments tels qu'ils sont invoqués pour la requête principale s'appliquent également aux objets des requêtes subsidiaires. De plus, les étapes de séparation de la poudre de UO2 en deux fractions et l'oxydation totale d'une fraction à l'état de U3O8 ne sont pas connues ni de D7 ni d'un autre document dans le contexte d'utilisation de UO2 voie sèche.
1. Le recours a été formulé en bonne et due forme et dans les délais impartis. Il est donc recevable.
2. Nouveau motif d'opposition
Le requérant a invoqué le motif de manque de nouveauté pour la première fois au stade de la procédure de recours. En principe selon la décision G 10/91 (JO 1993, 420) de nouveaux motifs d'opposition ne peuvent être pris en considération à ce stade de la procédure qu'avec le consentement du titulaire du brevet. La Grande Chambre de recours fait néanmoins remarquer qu'en cas de modifications des revendications ou d'autres parties d'un brevet pendant une procédure d'opposition ou de recours, il faut examiner en détail si ces modifications sont compatibles avec les conditions posées par la CBE (cf. point 19 de G 10/91). Dans le cas d'espèce, étant donnée que le brevet à été modifiée au cours de la procédure d'opposition, et que, en particulier, les revendications ont été modifiées lors de la procédure orale devant la Division d'opposition, le nouveau motif est pris en considération par la Chambre aussi bien que le document D7 cité à l'appui du motif. Par ailleurs, l'intimée a présenté ses arguments en faveur de la nouveauté des objets des revendications vis-à-vis D7, par écrit et à la procédure orale devant la Chambre.
A. Requête principale
3. Modifications (articles 123(2) et (3) CBE)
La revendication 1 selon la requête principale résulte de la combinaison des revendications 1 et 2 du brevet tel que délivré. Donc la revendication 1 modifiée ne contrevient pas aux exigences des articles 123(2) et 123(3) CBE.
4. Nouveauté (articles 52(1) et 54(1)(2) CBE)
Le document D7 ne divulgue pas expressément l'état final d'oxydation obtenu dans le quatrième réacteur, ni la composition résultante de la poudre. L'oxydation qui a lieu à une température de 300 C (cf. par exemple le tableau 2) produit une poudre ayant un rapport oxygène-uranium de 2,2-2,3. Il y a plusieurs paramètres en dehors de la température, tels que le temps d'oxydation, la concentration de l'oxygène ou la surface spécifique de granules de UO2, qui déterminent la cinématique de l'oxydation et ainsi la composition finale de la poudre. Faute d'information quant à ces paramètres, on ne connaît ni la composition de la poudre obtenue ni l'état d'oxydation de ses composants. En particulier, on ne peut pas conclure avec certitude que l'oxydation à 300 C selon D7 conduit au même résultat que l'oxydation à 300 C tel que décrite par le document A3, c'est-à-dire à l'oxydation d'une partie de UO2 à U3O8. Il n'est pas exclu que des oxydes intermédiaires en plus de U3O8 se forment avec le procédé selon D7. Dans un tel cas où la poudre résultante est constituée par un mélange comprenant plus de deux composants, il est alors impossible de déterminer à partir du rapport oxygène-uranium le contenu de l'un des composants par exemple celui de U3O8. En conclusion, l'exposé du document D7 n'est pas suffisamment clair et non ambigu pour permettre d'antérioriser l'objet de la revendication 1 (cf. par exemple T 465/92 (JO 1996, 32 ; point 8.4 des motifs)). La Chambre est également satisfaite qu'aucun des autres documents disponibles ne divulgue un procédé combinant toutes les caractéristiques de l'objet de la revendication 1.
5. Activité inventive (articles 52(1) et 56 CBE)
5.1. Le document D4 (cf. figure 1 ; colonne 2, lignes 38-46 ; et colonne 4, lignes 19-70) se réfère à un procédé de fabrication de pastilles frittables à base de dioxyde d'uranium, suivant lequel on comprime en pastille, à froid, un mélange de poudre constituée de l'oxyde d'uranium UO2 et d'une proportion de 35 à 65 % en poids d'une poudre réactive d'oxyde d'uranium à l'état de U3O8. La poudre de U3O8 utilisée a une origine quelconque et peut être fabriqué au moins en partie à partir d'une fraction de UO2 par oxydation à l'air par exemple à une température de 700 C. La poudre de U3O8 est fabriquée avec une granulométrie correspondant à "100 mesh" (149 micron) et ajoutée à la poudre de UO2 afin d'augmenter la frittabilité des pastilles. La poudre d'uranium UO2 utilisée est du type "vert" ou "commercial".
5.2. La seule différence entre l'objet de la revendication 1 et l'art antérieure selon D4 est donc la caractéristique que la poudre de UO2 est obtenue par voie sèche. La Chambre note qu'en effet le problème envisagé par le présent brevet concernant la résistance des pastilles en cru fabriquées par compression d'une poudre de UO2 pure, tel qu'indiqué à la page 2, lignes 6-11 du brevet, ne se pose pas pour l'homme du métier travaillant avec le procédé connu de D4 parce qu'il utilise déjà un mélange de poudre de UO2 et de U3O8 pour la fabrication des pastilles.
Compte tenu de ladite différence, le problème objectif consiste en l'utilisation d'une poudre de UO2 obtenue par un procédé spécifique de conversion.
Dans ce contexte, la Chambre ne partage pas l'opinion de l'intimé selon laquelle l'objet de la revendication 1 serait limité à une poudre ayant seulement les deux constituants UO2 et U3O8. Bien que l'opinion de l'intimé semble être supportée par l'usage du mot "constituée" tel qu'il est utilisé pour la définition du mélange de poudre, il faut noter que la même revendication 1 utilise le mot "constituée" en relation avec la phrase "au moins en majeure partie", permettant ainsi la présence des constituants supplémentaires. De plus, la revendication 4 dépendante définit expressément d'autres oxydes faisant partie de la poudre. Selon la description (cf. page 3, lignes 8-9), même un oxyde d'uranium de recyclage peut également être incorporé dans le mélange. Par conséquent, il ressort de l'ensemble du brevet que le mot "constituée" ne peut raisonnablement être interprété comme signifiant que le mélange de poudre comporte exclusivement les deux composants mentionnés dans la revendication 1.
5.3. L'oxyde d'uranium UO2 fabriqué par voie sèche était déjà connu avant la date de priorité revendiquée par le brevet, par exemple des documents indiqués à la page 2, lignes 6-7 du brevet. De plus, le document D2 (cf. notamment la figure 2 ; et les paragraphes 2 ; 2.1.2 ; 2.2.1. ; 2.2.2 ; 3.3.1 ; 3.3.2) décrit différents procédés industriels de fabrication de dioxyde d'uranium UO2 et de pastilles frittées à base de la poudre UO2. D2 présente également une comparaison des propriétés des différents types de UO2 . Ce document prouve donc, que l'oxyde d'uranium UO2 de type "voie sèche" était disponible sur le marché avant la date de priorité du brevet.
5.4. Pour l'homme du métier ayant connaissance, au vu du document D4, de la possibilité d'utiliser dans un procédé de fabrication des pastilles frittables un mélange d'une poudre de UO2 industrielle et de la poudre de U3O8 obtenue au moins en partie par l'oxydation directe de UO2 (c'est-à-dire de la poudre de U3O8 réactive), il était tout à fait normal de prendre en considération pour un tel procédé l'utilisation de l'UO2 voie sèche dès que ce type d'oxyde était commercialement disponible. L'homme du métier serait donc arrivé à l'objet de la revendication 1 sans avoir à faire preuve d'activité inventive.
5.5. L'argumentation de l'intimé selon laquelle rien ne pouvait suggérer à l'homme du métier de rechercher une solution aux nouveaux problèmes posés par l'utilisation commerciale de l'UO2 voie sèche dans des documents, tel que D4, remontant à une époque où un tel produit n'était pas encore disponible commercialement, n'est pas convaincante.
Premièrement, en partant de l'art antérieur selon D4, le problème de fabrication des pastilles frittables de UO2 pur ne s'est pas posé. En effet, tous les documents disponibles qui concernent la fabrication de pastilles frittables enseignent d'ajouter à la poudre de UO2 une poudre de UO2 oxydée, normalement une poudre de U3O8, afin d'améliorer la frittabilité des pastilles. De plus, selon l'opinion de la Chambre, il ne s'agit pas de se demander quel procédé était évident à la date de la publication de D4 mais plutôt quel procédé était évident avant la date de priorité du brevet. Il est tout à fait normal de profiter d'un progrès de la technique. Par conséquent, il était évident pour l'homme du métier d'utiliser de l'UO2 voie sèche dès sa disponibilité sur le marché dans le procédé de fabrication de pastilles frittables tel qu'il est connu de D4 afin d'exploiter les propriétés de ce matériau. Finalement, l'argumentation de l'intimé ignore qu'il est connu de D4 qu'au moins une partie de la poudre de U3O8 ajoutée au mélange est constituée par une poudre de U3O8 réactive. En outre, D7 indique qu'une oxydation partielle d'une poudre de UO2 (ce qui conduit, même si l'enseignement de D7 n'est pas totalement explicite, à un mélange de UO2 et de U3O8) produit des pastilles frittables dont la résistance en cru est améliorée.
5.6. En conclusion, l'homme du métier considère comme évident l'ensemble des caractéristiques comprises dans la revendication 1. Par conséquent, l'objet de cette revendication n'implique pas d'activité inventive.
6. En conclusion, l'invention selon la requête principale ne satisfait pas aux conditions des articles 52(1) et 56. CBE.
B. Requête subsidiaire 1
7. Modifications (article 123(2) CBE)
La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 se distingue pour l'essentiel de celle de la requête principale pour l'essentiel par la définition d'une étape de séparation de la poudre UO2 en deux fractions afin de fabriquer à partir de l'une des fractions un oxyde à l'état de U3O8. Une telle étape est divulguée à la page 5, lignes 14-15, de la demande telle qu'elle a été déposée. En outre, il est évident de la description de l'exemple 1 que ladite étape permet d'effectuer une oxydation complète de l'UO2. Apparemment cet effet peut être obtenu en principe indépendamment des autres détails techniques (tels que par exemple l'utilisation des nacelles dans un four) décrits dans le contexte de l'exemple 1. Pour cette raison, la Chambre n'accepte pas l'argumentation du requérant que l'isolation de l'étape de séparation du contexte de la description de l'exemple 1. modifierait le brevet de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle à été déposée. Par conséquent, la requête subsidiaire 1 satisfait aux exigences de l'article 123(2) CBE.
De plus l'objet de la revendication 1 modifiée n'étend pas la protection conférée (article 123(3) CBE).
8. Nouveauté (articles 52(1) et 54(1)(2) CBE)
Le procédé selon la revendication 1 se distingue de l'objet du document D7 par les caractéristiques concernant les étapes de séparation de la poudre de UO2 en deux fractions et l'oxydation totale d'une fraction à l'état de U3O8. Par conséquent, la Chambre est satisfaite que l'objet de la revendication 1 est nouveau.
9. Activité inventive (articles 52(1) et 56 CBE)
Face au fait que les étapes de séparation de la poudre de UO2 en deux fractions et l'oxydation totale de l'une des fractions à l'état de U3O8 sont connues de D4, les considérations exposées pour la requête principale s'appliquent mutatis mutandis aussi à l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 1.
Par conséquent, la requête subsidiaire 1 ne satisfait pas aux conditions des articles 52(1) et 56 CBE.
C. Requête subsidiaire 2
10. Modifications (article 123(2) CBE)
La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 se distingue de celle de la requête subsidiaire 1 par la caractéristique additionnelle qu'on fabrique l'UO2 "en four de conversion". Cependant, la divulgation de la demande telle qu'elle a été déposée (cf. page 2, lignes 6-8 ; page 3, lignes 24-25 et 35 ; et page 4, lignes 23-24 de la demande telle qu'elle a été publiée) ne se réfère pas à un four de conversion en général mais exclusivement à un four d'un genre spécifique, c'est-à-dire à un four tel qu'il est décrit dans les brevets FR-A-2 060 242 et US-A-4 397 824. La revendication 1 ne définissant pas ce type spécifique, son contenu s'étend au-delà de la demande telle qu'elle a été déposée.
Par conséquent, la revendication 1 n'est pas conforme aux dispositions de l'article 123(2) CBE et la requête subsidiaire 2 est rejetée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la Division d'opposition est annulée.
2. Le brevet européen est révoqué.