T 0727/95 (Cellulose) 21-05-1999
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Produit à base de cellulose réticulée, films formés à partir de ce produit, procédé et micro-organismes pour sa préparation
Ajinomoto Co.
Inc.
I. Le brevet européen n 0 228 779, intitulé "Produit à base de cellulose réticulée, films formés à partir de ce produit, procédé et microorganismes pour leur préparation", comprenant 8 revendications, a été délivré sur la base de la demande européenne n 86 308 092.5.
La revendication 5 s'énonçait comme suit :
"5. Procédé de production d'une cellulose réticulée selon la revendication 1, selon lequel :
a) on cultive, dans les conditions de culture avec agitation, un micro-organisme dénommé Acetobacter ayant la capacité des micro-organismes correspondant aux numéros ATCC 53264, ATCC 53263 et ATCC 53524, de former un produit cellulosique dans des conditions de culture avec agitation, dans un milieu liquide approprié pour produire de la cellulose avec une productivité volumique moyenne d'au moins 0,1 g/l/hr sur une période supérieure à 70 heures, ce micro-organisme ayant une fréquence de conversion, dans des conditions de culture avec agitation, de formes productrices de cellulose en formes non productrices de cellulose inférieure à 0,5% sur 42 à 45 générations, ainsi que cela est déterminé par l'apparition de colonies non productrices de cellulose sur un milieu solide, et
b) on sépare le produit cellulosique réticulé obtenu."
La revendication 1 portait sur une cellulose réticulée obtenue à partir d'un micro-organisme. Les revendications dépendantes 2 à 4 spécifiaient d'autres caractéristiques de la cellulose selon la revendication 1. Les revendications 6 à 8 portaient sur des micro-organismes ayant la capacité de produire ladite cellulose.
II. Un acte d'opposition a été déposé ; l'opposant demandait la révocation du brevet au titre de l'article 100 a) CBE (manque de nouveauté et d'activité inventive) et au titre de l'article 100 b) CBE (exposé insuffisant de l'invention).
III. La division d'opposition a maintenu le brevet sous une forme modifiée.
IV. Le requérant (l'opposant) a formé un recours ; il a également acquitté la taxe de recours et produit un mémoire exposant ses motifs, avec données expérimentales à l'appui.
V. L'intimé (titulaire du brevet) a répondu au mémoire exposant les motifs du recours, en s'appuyant lui aussi sur des données expérimentales.
VI. Le requérant a à son tour répondu à l'intimé.
VII. Une notification exposant sans engagement l'avis provisoire émis par la Chambre a été envoyée aux parties conformément à l'article 11(2) du règlement de procédure des chambres de recours.
VIII. Les deux parties ont répondu à la notification de la Chambre et produit de nouvelles déclarations et des données expérimentales supplémentaires.
IX. Une procédure orale s'est tenue le 23 mars 1999. L'intimé a présenté une nouvelle requête principale et une requête subsidiaire.
Les revendications 1 et 3 de la requête principale s'énoncent comme suit :
"1. Procédé pour obtenir une cellulose réticulée comportant fréquemment des filaments épaissis qui sont reliés en formant un treillis s'étendant dans trois dimensions, et s'avérant résistant au compactage lorsqu'il est façonné sous la forme de feuilles à l'aide de moyens de stratification, procédé selon lequel :
a) on cultive, en agitant, un micro-organisme dénommé Acetobacter ayant la capacité des micro-organismes correspondant aux numéros ATCC 53264, ATCC 53263 et ATCC 53524, de former un produit cellulosique dans des conditions de culture avec agitation, lequel micro-organisme, lorsqu'il est cultivé selon l'exemple XII, a la capacité à la fois de produire de la cellulose avec une productivité volumique moyenne d'au moins 0,1 g/l/hr sur une période supérieure à 70 heures, tout en présentant, sous agitation, une fréquence de conversion de formes productrices de cellulose en formes non productrices de cellulose inférieure à 0,5% sur 42 à 45 générations, ainsi que cela est déterminé par l'apparition de colonies non productrices de cellulose sur un milieu solide, et
b) on sépare le produit cellulosique réticulé obtenu."
"3. Micro-organisme dénommé Acetobacter ayant la capacité des micro-organismes correspondant aux numéros ATCC 53264, ATCC 53263 et ATCC 53524, de former un produit cellulosique dans des conditions de culture avec agitation, et ayant, dans des conditions de culture avec agitation, une fréquence de conversion de formes productrices de cellulose en formes non productrices de cellulose inférieure à 0,5% sur 42 à 45 générations, ainsi que cela est déterminé par l'apparition de colonies non productrices de cellulose sur un milieu solide, et ayant également, lorsqu'il est cultivé selon l'exemple XII, la capacité de produire de la cellulose dans des conditions de culture avec agitation avec une productivité volumique moyenne d'au moins 0,1 g/l/hr sur une période supérieure à 70 heures."
La revendication 3 selon la requête subsidiaire différait de la revendication 3 selon la requête principale en ce que le produit cellulosique était défini plus en détail.
X. Les documents suivants figurant dans le dossier sont mentionnés dans la présente décision :
(45) : Déclaration du Dr Shoda en date du 31 octobre 1995.
(53) : Déclaration du Prof. Streeck en date du 31 octobre 1995.
XI. Les arguments que le requérant a avancés par écrit et au cours de la procédure orale en ce qui concerne le respect des conditions requises aux articles 83 et 123 CBE peuvent se résumer comme suit :
Article 123(2) et (3) CBE
Dans la demande telle que déposée, la capacité des micro-organismes Acetobacter (revendication 1 a)) de produire de la cellulose n'était pas définie en fonction directe des souches déposées.
De même, le milieu de culture dans l'exemple XII n'était pas divulgué initialement en relation avec les souches Acetobacter en général, mais en relation avec la souche spécifique 1603-11. En outre, il n'était pas utilisé comme milieu dans lequel produire de lacellulose, mais comme milieu de croissance à utiliser préalablement à la production de cellulose.
Dans l'exemple XII, il n'était pas précisé si le milieu de croissance devait être liquide ou solide, tandis que dans la revendication 1 du brevet délivré, il était spécifié que le milieu de croissance devait être liquide. Ainsi, le remplacement de la caractéristique "milieu liquide" par la caractéristique "cultivée selon l'exemple XII" revenait à élargir la portée de la protection.
Article 83 CBE
Les revendications 1 à 4 ne se limitaient ni à un procédé à mettre en oeuvre à l'aide des micro-organismes déposés (revendication 1 ou 2), ni à des micro-organismes déposés (revendication 3 ou 4). Il se posait donc la question de savoir s'il était possible, sans devoir se livrer à des efforts déraisonnables, d'isoler d'autres micro-organismes ayant la productivité et la stabilité revendiquées.
Il avait été allégué que l'homme du métier envisagerait d'utiliser la mutagenèse classique afin d'obtenir ces micro-organismes. Toutefois, l'homme du métier ne saurait pas quelle souche d'Acetobacter utiliser pour la mutagenèse. En outre, l'étape essentielle, à savoir la sélection d'une souche remplissant les conditions voulues en matière de productivité et de stabilité, n'était pas divulguée de façon suffisante pour permettre à l'homme du métier de réaliser l'invention.
La fréquence des hauts producteurs de cellulose dans une population mutagénisée serait de l'ordre de 1 sur 50 000. L'aspect optique des colonies mutagénisées n'indiquait pas si elles avaient la capacité de produire de la cellulose en excès (document (45)). En sélectionnant les micro-organismes à croissance rapide dans des flacons que l'on agiterait, on retiendrait de préférence ceux qui ne produisent pas de cellulose car ils se développent plus rapidement que ceux qui produisent de la cellulose. Vérifier la stabilité et la productivité de chaque mutant dans des fermenteurs de 14 litres exigerait des efforts déraisonnables, car il se pourrait qu'il faille même jusqu'à un ou deux ans pour en isoler un qui soit intéressant.
La situation n'était pas comparable à celle qui existe dans le domaine de la biotechnologie dans le cas où la connaissance d'une séquence d'ADN appropriée donne à l'homme du métier la possibilité de reconstituer l'invention, même dans le cadre d'une revendication plus large portant sur des variants. Cette possibilité n'existe pas dans le cas d'une invention portant sur un mutant aléatoire, lorsque ce n'est que par hasard qu'un autre mutant présentant les propriétés requises peut être créé et que ce n'est qu'au prix d'un effort déraisonnable qu'un tel mutant est sélectionné si l'étape de sélection inclut la fermentation pendant 70 heures à l'échelle du laboratoire.
XII. L'intimé a répondu en avançant essentiellement les arguments suivants :
Article 123(2) et (3) CBE
La demande telle que déposée enseignait que l'invention recouvrait des micro-organismes équivalents fonctionnellement aux souches déposées pour la production de cellulose.
Le milieu de culture selon l'exemple XII était divulgué initialement non seulement en relation avec la souche 1603-11, mais également en relation avec la souche 1603-21 selon l'exemple XIII. Dans les deux exemples, de la cellulose était produite à partir de souches cultivées dans ce milieu.
Il ressortait implicitement du libellé de l'exemple XII que le milieu défini dans cet exemple était un milieu liquide.
Article 83 CBE
Dans le domaine de la biotechnologie, la jurisprudence considère que l'on peut extrapoler d'une séquence clonée à toutes les séquences avec laquelle elle s'hybride, ce qui permet ainsi de revendiquer un très grand nombre de molécules même s'il n'en a été isolé qu'une seule et si l'obtention d'autres molécules peut représenter un travail considérable.
D'un point de vue juridique, il était injuste et peu judicieux de refuser d'accorder le même type de protection à une technologie différente couverte par le même type de revendications de large portée.
Partant des souches selon l'invention, il n'était nullement nécessaire d'envisager un processus de mutation pour parvenir aux caractéristiques pertinentes de l'invention. Néanmoins, si des mutants présentant des caractéristiques supplémentaires se révélaient nécessaires, ils pouvaient être obtenus sans efforts excessifs par mutagenèse classique des souches déposées.
Il était possible également d'obtenir sans efforts déraisonnables des micro-organismes stables hauts producteurs de cellulose en opérant une mutagenèse classique sur n'importe quelle souche d'Acetobacter. Une seule de ces mutagenèses permettrait d'obtenir 5000 mutants. La première étape du criblage des mutants consisterait alors à observer la morphologie des survivants de la mutagenèse : 400 à 500 survivants seraient retenus selon ce critère. Leur croissance serait testée dans des flacons que l'on agiterait et les micro-organismes à croissance lente seraient éliminés car il était avantageux aux fins de la fermentation industrielle que les micro-organismes se multiplient rapidement. Ce faisant, on réduirait le nombre de mutants au stade du criblage final, si bien qu'il serait testé de vingt à trente micro-organismes à croissance rapide dans des fermenteurs de 14 litres, ce qui était parfaitement faisable.
Il serait injuste d'exiger de l'intimé qu'il fixe une limite supérieure pour la productivité volumétrique, puisqu'il avait été le premier à divulguer une productivité aussi élevée que la productivité la plus basse qui avait été revendiquée.
XIII. Le requérant a conclu à l'annulation de la décision attaquée et à la révocation du brevet européen n 0 228 779 et demandé également, à titre de requête subsidiaire, qu'on lui permette de produire des preuves expérimentales supplémentaires.
L'intimé a demandé que la requête subsidiaire présentée par le requérant soit rejetée, que la décision attaquée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur la base de la requête principale ou de la requête subsidiaire présentée lors de la procédure orale du 23 mars 1999.
XIV. Au terme de la procédure orale, après délibération de la Chambre, la présidente a rendu la décision suivante: "La Chambre notifiera sa décision par écrit. Il ne sera plus accepté de moyens supplémentaires, sauf si la Chambre décide de poursuivre la procédure et fixe un calendrier pour soumettre des moyens supplémentaires."
1. Le recours est recevable.
Requête principale
Article 123(2) et (3) CBE
2. A la page 40 de la demande telle que déposée, il est dit que "toute souche de micro-organisme équivalente fonctionnellement aux souches déposées est considérée comme faisant partie de la présente invention". Il ne peut donc être objecté qu'à l'origine, les micro-organismes nétaient pas définis directement en fonction des souches déposées.
3. L'exemple XII tel que déposé divulgue la production de cellulose par la souche 1603-11 dans un milieu appelé "milieu CSL", dont la composition est donnée à la page 14. Ce milieu est également utilisé (quoique à une concentration légèrement moindre) dans l'exemple II pour tester la productivité en cellulose d'autres souches d'Acetobacter (ATCC 31174, ATCC 2376A ou B). Le milieu de l'exemple XII était donc divulgué initialement en tant que milieu dans lequel les souches d'Acetobacter en général produisent de la cellulose.
4. Le milieu selon l'exemple XII est utilisé dans un fermenteur dans des conditions de culture avec agitation et doit par conséquent être liquide. Le remplacement de l'expression "milieu liquide" par "milieu selon l'exemple XII" n'a pas étendu la portée de l'invention.
5. Il est satisfait aux conditions requises à l'article 123(2) et (3) CBE.
Article 83 CBE ; caractère suffisamment clair et complet de l'exposé
Revendication 3 selon les requêtes principale et subsidiaire
6. Cette revendication 3 porte sur des micro-organismes dénommés Acetobacter ayant la capacité des micro-organismes déposés sous les numéros ATCC 53264, ATCC 53263 et ATCC 53254 pour ce qui est de la production de cellulose et de la fréquence de conversion de formes productrices de cellulose en formes non productrices de cellulose. Par la formulation "ayant la capacité de", la revendication couvre non seulement les micro-organismes Acetobacter dérivés des souches déposées, mais également les micro-organismes Acetobacter qui présentent comme les souches déposées les caractéristiques qui ont été énoncées.
7. L'article 83 CBE exige que l'invention soit exposée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Selon la jurisprudence des chambres de recours, cette disposition doit être interprétée comme signifiant qu'il doit être possible à partir de l'enseignement du fascicule de brevet de mettre en oeuvre l'ensemble de l'objet défini dans la revendication sans avoir à se livrer à des efforts déraisonnables (cf. par exemple les décisions T 409/91, JO OEB 1994, 653; T 435/91, JO OEB 1995, 188; T 612/92 du 28 février 1996). Ceci signifie en l'occurrence que le fascicule de brevet doit fournir suffisamment d'information pour permettre non seulement d'isoler d'autres mutants des micro-organismes déposés, mais encore d'isoler des Acetobacters stables hauts producteurs de cellulose à partir de souches génétiquement différentes.
8. A la page 10, lignes 7 à 12 du fascicule de brevet, et dans les exemples II et IV, il est décrit un procédé par lequel le micro-organisme déposé ATCC 53264 (1603-3) est muté dans le gène glcA-. Les conditions expérimentales de la mutagenèse sont précisées, ainsi que le test de criblage des mutants glcA-. L'exemple II montre comment tester la stabilité du phénotype producteur de cellulose, et l'exemple XII comment tester la productivité en cellulose. Par conséquent, la Chambre n'estime pas qu'il soit nécessaire de se livrer à des efforts déraisonnables pour isoler, à partir de la souche déposée, d'autres mutants intéressants possédant un phénotype sélectionnable tout en conservant les caractéristiques revendiquées pour ce qui est de la productivité en cellulose et de la stabilité. Le fascicule de brevet expose à cet égard l'invention de façon suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter.
9. Toutefois, dans les deux requêtes, la revendication 3 couvre également des micro-organismes stables hauts producteurs de cellulose qui ne sont pas dérivés des micro-organismes déposés. Pour savoir s'il est possible d'isoler de telles souches, il est intéressant de considérer la manière dont un micro-organisme stable haut producteur de cellulose était obtenu initialement, telle qu'elle est décrite à la page 9, lignes 20 à 25 du fascicule du brevet: "Les souches Acetobacter stables selon l'invention sont dérivées d'un isolat initial d'un isolat initial d'une souche A. xylinum obtenue ... sous le numéro d'ordre NRRL B42. La culture de la souche NRRL sur des boîtes d'agar contenant le milieu R20-2 a mis en évidence deux morphologies de colonies, l'une blanche, l'autre beige. Au microscope, les colonies beiges présentent des structures cellulaires allongées en forme de bâtonnets, typiques de la souche Acetobacter. Cette souche est dénommée 1306-3. A la différence de la souche mère NRRL B42, 1603-3 ne produit pas de polysaccharide soluble dans l'eau...".
10. Le brevet ne fournit pas d'autres informations. Il n'est notamment pas divulgué que les colonies beiges qui ne produisent pas ledit polysaccharide sont toujours stables et constituent de hauts producteurs de cellulose. En fait, dans sa réponse à la notification de la Chambre, l'intimé affirme: "Bien qu'il soit possible de découvrir dans la nature d'autres souches similaires (stables, constituant de hauts producteurs), cette possibilité ne permet absolument pas à elle seule de considérer que l'exposé de l'invention est suffisamment clair et complet. La réponse à donner à la question de savoir s'il est satisfait aux conditions requises à l'article 83 ne dépend pas d'autres "coups de chance" de ce genre (guillemets ajoutés par la Chambre).
11. De l'avis de la Chambre, la découverte dans la nature d'autres souches d'Acetobacter stables hauts producteurs de cellulose est effectivement aléatoire, et faire dépendre du hasard la reproductibilité de l'invention revient à attendre de l'homme du métier des efforts déraisonnables s'il n'est pas prouvé que ces découvertes aléatoires se produisent effectivement et peuvent être constatées assez fréquemment pour que la reproductibilité de l'invention soit garantie. Pour que l'exposé de l'invention puisse être jugé suffisamment clair et complet, Il doit exister aussi d'autres moyens fiables d'obtentir les souches recherchées.
12. Il a été suggéré que la mutagenèse classique constituait un tel moyen. La Chambre pourrait admettre qu'à la date de priorité, l'amélioration par mutagenèse des propriétés bactériennes faisait partie des connaissances générales de l'homme du métier qui aurait pu ainsi avoir l'idée de faire muter les souches existantes d'Acetobacter pour obtenir des souches produisant de la cellulose en excès, bien qu'il ne soit rien indiqué à ce sujet dans le fascicule de brevet.
13. D'après l'intimé, entre 400 et 500 survivants de la mutagenèse seraient retenus sur la base de leur apparence morphologique, et leurs propriétés de croissance seraient testées dans des flacons que l'on agiterait. La productivité en cellulose et la stabilité des 20 ou 30 survivants se caractérisant par une croissance rapide seraient testées dans des fermenteurs de 14 litres, selon l'exemple XII du brevet en litige. Un petit nombre de tests suffiraient pour trouver le mutant désiré.
14. Il n'a jamais été affirmé cependant que les survivants qui produisaient de la cellulose en grande quantité présentaient une morphologie permettant de les distinguer des survivants produisant des quantités normales de cellulose (tels que les cellules bactériennes de la culture soumise à mutagenèse qui auraient pu échapper à la mutagenèse). Même si les survivants non producteurs de cellulose peuvent se distinguer morphologiquement des producteurs de cellulose, cette différence de morphologie n'est d'aucune aide pour le criblage des hauts producteurs.
15. De même, la capacité de croissance rapide n'a jamais été liée à une haute productivité en cellulose ou à la stabilité. Au contraire, à la page 3, lignes 25 à 27 du brevet en litige, il est signalé que les Acetobacters non producteurs de cellulose se multiplient plus rapidement sous agitation que les producteurs de cellulose. Celle propriété semblerait indiquer qu'il apparaîtrait que les producteurs de cellulose instables, c'est-à-dire les producteurs de cellulose qui se reconvertissent en non producteurs de cellulose avec une fréquence élevée, auraient une meilleure croissance que les producteurs stables.
16. La Chambre estime par conséquent que les étapes précédant les tests dans les fermenteurs de 14 litres ne permettent pas de distinguer les micro-organismes à croissance rapide produisant de la cellulose en grande quantité des micro-organismes à croissance rapide produisant de la cellulose en quantité normale. Elles ne permettent pas non plus de sélectionner des mutants stables pour ce qui est de leur capacité de production de cellulose.
17. La question qui reste encore à trancher est donc de savoir s'il est possible, sans avoir à se livrer à des efforts déraisonnables, de tester individuellement, dans des fermenteurs de 14 litres, la stabilité et la haute production en cellulose des survivants de la mutagenèse à croissance rapide, producteurs de cellulose. Dans le cas de la mutagenèse en glcA-, le brevet en litige divulgue à la page 10, lignes 9 à 12, que deux mutants glcA- ont été obtenus sur une population de 8100 survivants. D'après le document (53), "il existe bien plus de possibilités d'inactiver (de détruire) une fonction génétique ... qu'il n'y en a d'accroître la synthèse d'un produit d'un gène". Par conséquent, les mutations vers la surproduction de cellulose devraient être plus rares que les mutations en glcA-. Néanmoins, on peut, dans le cadre de l'argumentation, admettre que la fréquence mutationnelle en glcA- et la fréquence de mutation vers la surproduction de cellulose seraient à peu près identiques. Dans ce cas, il faudrait tester quelque 4000 survivants dans des fermenteurs de 14 litres afin d'isoler un haut producteur. De l'avis de la Chambre, un tel test exigerait des efforts déraisonnables de la part de l'homme du métier, et il ne serait même pas garanti qu'il découvrirait le mutant désiré après avoir testé un nombre aussi élevé de survivants.
18. La Chambre conclut dans ces conditions que l'objet de la revendication 3 selon la requête principale n'est pas reproductible dans toute l'étendue de la revendication sans que l'homme du métier ait pour cela à se livrer à des efforts déraisonnables. La revendication 3 selon la requête subsidiaire diffère de la revendication 3 selon la requête principale en ce que la cellulose produite par le micro-organisme revendiqué est caractérisée plus en détail, ce qui ne change rien pour ce qui est de la conclusion à tirer en ce qui concerne le caractère suffisant ou non de l'exposé.
19. L'intimé a comparé la situation en l'occurrence avec celle qui existe dans le domaine de la biotechnologie lorsqu'il est jugé admissible, sur la base de l'isolement et de la caractérisation d'un ADN spécifique, de reconnaître que l'exposé de l'invention est suffisamment clair et complet s'agissant d'une revendication large portant sur l'ADN et sur des ADN pouvant s'hybrider avec ce dernier. Il a fait valoir qu'une telle revendication couvre un nombre de composés encore plus élevé que le nombre de souches mutantes couvertes par une revendication relative à des micro-organismes Acetobacter ayant la capacité des souches déposées pour ce qui est de leur stabilité et de leur productivité en cellulose, et ce ne serait que justice par conséquent que d'admettre que l'exposé de l'invention est suffisant dans le cas de la revendication large dont il est question dans la présente espèce.
20. En établissant ce parallèle, l'intimé sous-entend forcément qu'il existe le même type de relation entre les micro-organismes revendiqués et la souche déposée que celle qui existe entre les ADN s'hybridant avec l'ADN revendiqué et l'ADN revendiqué, à savoir qu'il est concevable que les premiers puissent être dérivés de la seconde. Ce serait effectivement le cas des micro-organismes couverts par la revendication 3, qui sont dérivés des souches déposées par l'adjonction d'autres mutations voulues, et conservent néanmoins la productivité en cellulose et la stabilité de celles-ci (cf. point 6 ci-dessus).
21. Toutefois, la revendication 3 n'est pas limitée à ces micro-organismes, mais englobe également des micro-organismes Acetobacter ayant la productivité en cellulose et la stabilité revendiquées, mais non dérivés des souches déposées. C'est pour ceux-là que l'exposé de l'invention a été jugé insuffisant. Comme le raisonnement développé ci-dessus ne vaut pas dans leur cas, il ne peut être invoqué pour faire reconnaître que l'exposé de l'invention est suffisamment clair et complet dans toute l'étendue de la revendication.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. Le brevet est révoqué.