R 0021/10 (Violation prétendue fondamentale de l'Art. 113(1)/BRIDGESTONE CORPORATION) 16-03-2011
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Pneumatique à performance de bruit de roulement améliorée
Violation fondamentale de l'Art. 113(1) - non
Nécessaire neutralité des débats - durée de la procédure orale
I. Le brevet européen nº 1 075 968 a été délivré à la Société de Technologie Michelin et al.
II. Une opposition a été formée contre ce brevet par Bridgestone Corporation fondée sur les Articles 100(a), (b) et (c) CBE.
III. Par décision réputée signifiée le 18 octobre 2007, la division d'opposition a révoqué le brevet, motifs pris du défaut de clarté de la requête principale d'une part, de manquement aux dispositions de l'Article 123(2) CBE des deux requêtes auxiliaires d'autre part.
IV. Appel a été formé par les titulaires du brevet et par décision T 1989/07 prononcée à l'issue de la procédure orale tenue le 28 juillet 2010 et réputée signifiée le 29 octobre 2010, la Chambre de recours technique a :
- annulé la décision attaquée,
- renvoyé l'affaire à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure sur la base de la requête principale.
V. La revendication 1 de ladite requête principale correspond à celle du brevet délivré et s'énonce ainsi qu'il suit:
"Pneumatique comportant un sommet prolongé par deux flancs et deux bourrelets, une carcasse ancrée dans les deux bourrelets, ledit sommet comprenant :
- au moins une nappe de renforcement composée de renforts parallèles et orientés selon un angle alpha relativement à la direction circonférentielle, et
- au moins une nappe de renforts orientés circonférentiellement enroulés en hélice,
caractérisé en ce que,
extraits du pneumatique vulcanisé, lesdits renforts orientés circonférentiellement possèdent un module initial inférieur à 900 cN/tex et développent une contrainte sous 3 % de déformation supérieure à 12 cN/tex."
Ce libellé correspond à l'essentiel à la revendication 4 telle que déposée sauf en ce que l'expression originaire "dans ledit pneumatique à l'état neuf" a été remplacée par celle "extraits du pneumatique vulcanisé".
Cette modification a été considérée par la division d'opposition comme contrevenant aux dispositions de l'Article 123(2) CBE, et par la Chambre de recours technique comme ne s'étendant pas au delà du contenu de la demande telle que déposée et par tant conforme à ces mêmes dispositions.
VI. L'opposante intimée a par requête formée le 17 décembre 2010 demandé la révision de la décision de la Chambre de recours sur le fondement des dispositions de l'Article 112bis(2)c) CBE, motifs prétendus d'une violation fondamentale par cette instance de son droit d'être entendu en ce qu'elle aurait au mépris des dispositions de l'Article 113(1) CBE fondé sa décision sur des motifs au sujet desquels la demanderesse à la révision n'aurait pu prendre parti.
Elle a requis en conséquence que la décision T 1989/07 soit annulée, que la procédure soit rouverte devant les Chambres de recours et que la taxe de requête en révision lui soit remboursée selon les termes de la règle 110 CBE.
Une procédure orale était requise au cas où la Grande Chambre de recours envisagerait de rejeter la requête.
VII. Dans une communication réputée signifiée le 7 février 2011, la Grande Chambre de recours conformément aux dispositions des Articles 13 et 14(2) de son règlement de procédure a informé la requérante en révision de son opinion provisoire à telle fin de préparer la procédure orale.
La Grande Chambre considérait en l'état que la requête dont s'agit n'était pas manifestement irrecevable, dès lors d'une part qu'elle était régulière en ses forme et délai et d'autre part, qu'une objection selon la règle 106 CBE ne pouvait être raisonnablement soulevée pendant la procédure orale tenue devant la Chambre de recours technique 3.2.01 le 28 juillet 2010 puisque les motifs prétendus au soutien de la requête en révision trouvaient leur cause dans ceux de la décision signifiée par écrit.
La Grande Chambre était toutefois d'avis provisoire que la requête en révision pourrait être néanmoins considérée comme manifestement infondée puisque basée exclusivement sur la critique de l'appréciation des faits de la cause par la Chambre de recours.
VIII. Une procédure orale s'est tenue le 16 mars 2011 devant la Grande Chambre de recours composée conformément aux dispositions de la règle 109(2)a) CBE.
1. Dès lors qu'il n'est point douteux que la décision entreprise de révision fasse grief à la requérante, et dès lors d'autre part que la requête en révision est régulière en ses forme et délai, la Grande Chambre de recours confirme son opinion provisoire telle qu'exprimée dans sa communication, qu'elle n'est point manifestement irrecevable. Il n'y a pas, au reste, matière à développer ce point plus avant puisqu'aussi bien pour les motifs ci-après exposés ladite requête est considérée comme manifestement non fondée.
2. Sur le premier moyen pris en ses deux branches
2.1 La requête en révision sur le seul fondement de laquelle il importe à la Grande Chambre de recours de statuer lorsqu'elle siège dans la formation prévue à la Règle 109(2)a) CBE, fait d'abord grief à la décision entreprise de révision d'avoir statué sur l'appel en faisant de la revendication 1 de la requête principale une interprétation toute nouvelle, et sur laquelle en tous cas l'intimée demanderesse à la révision n'aurait pu prendre parti, en ce qu'une caractéristique dont la divulgation était jusqu'alors contestée s'est vue tout soudain dans la décision écrite qualifier de fonctionnelle alors même que dans toute la procédure de première instance et d'appel elle avait jusqu'alors été présumée technique. Faute pour la Chambre de recours technique d'avoir soumis telle surprenante interprétation dont il ne pouvait raisonnablement être attendu qu'elle fût jamais envisagée par les parties, à un débat contradictoire entre celles-ci, le droit à être entendu de l'intimée aurait été violé alors et surtout que la Chambre ne se serait au surplus pas mieux exprimée sur les arguments tirés de l'opportunité d'un test d'essentialité d'une part, et d'une possible généralisation d'une caractéristique relevant de l'enseignement de la demande originaire d'autre part.
2.2 La Grande Chambre de recours considère toutefois qu'en l'état le moyen est manifestement non fondé.
En effet, d'une part il est de jurisprudence constante que la Grande Chambre de recours saisie d'une requête en révision n'a point compétence ratione legis comme ratione materiae pour connaître des demandes tendant à remettre en cause le fond du litige et par tant à contester l'appréciation souveraine qu'a fait la Chambre de recours des faits dont elle était saisie. Précisément en l'espèce, il résulte de l'exposé des faits et prétentions comme de celui des motifs de la décision entreprise de révision que l'ensemble des débats a porté sur l'interprétation du libellé de la revendication 1 de la requête principale et sur sa conformité avec les exigences de l'Article 100 c) CBE au regard de la divulgation de la demande telle que déposée. Il ne peut en conséquence être sérieusement soutenu que le droit d'être entendue de l'opposante intimée, demanderesse à la révision, ait pu en rien être méconnu, (à cet égard cf. : R 1/08 à R 15/10, jurisprudence constante).
2.3 Il ne saurait pas plus être fait reproche à la Chambre de recours, dans une procédure inter partes, de n'avoir pas manqué à son absolu devoir de neutralité en n'informant pas les parties de toute possible interprétation de la revendication dont s'agit. Il suffit à la Grande Chambre de constater à cet égard que les considérations ayant emporté la conviction de la Chambre de recours ne sont en rien étrangères aux débats tels qu'ils résultent de la procédure écrite (cf. Points 1.2 à 1.6 in extenso de la décision T 1989/07), (cf. R 1/08 15 juillet 2008 - Motifs 3.1, R 18/09 27 septembre 2010 - Motifs 14, R 15/10 25 novembre 2010 - Motifs 9).
2.4 Egards pris des considérations qui précédent, le moyen ne peut donc être non plus fondé en sa deuxième branche, tirée de ce que la Chambre de recours aurait négligé de répondre aux arguments tenant à une généralisation intermédiaire prétendue de la divulgation originaire, et aurait encore refusé de procéder au test d'essentialité de la caractéristique litigieuse. En effet, encore, outre que ces arguments devenaient aux yeux de la Chambre nécessairement redondants puisqu'elle avait jugé de la divulgation par une autre analyse relevant de son appréciation souveraine, il convient de rappeler que la Chambre est saisie de faits qu'il lui appartient d'évaluer en tant que tels et qu'elle ne saurait à cet égard dans l'exercice de son pouvoir souverain être liée par les convictions préalables des parties, (cf. R 1/08 à R 15/10 jurisprudence constante).
3. Sur le second moyen tiré du renversement de la charge de la preuve prétendument opéré par la Chambre
Outre le simple fait que ce moyen ne relève pas de la liste exhaustive des causes possibles de révision portée à l'Article 112bis(2) a) à e) CBE et aux règles 104 et 105 CBE, il suffit à la Grande Chambre de recours de constater que la Chambre de recours technique, loin de renverser en rien la charge de la preuve, a simplement mis en pratique le principe selon lequel chaque partie a la charge de la preuve des faits qu'elle allègue (cf. Point 1.7 de la décision T 1989/07).
4. Egards pris enfin du fait que la durée des débats n'est point un motif de révision, et qu'ils ne doivent pas dépasser celle nécessaire à l'élaboration de sa conviction par l'instance de jugement, la Grande Chambre ne peut que rejeter ce moyen qui au reste n'a pas été soutenu plus avant pendant la procédure orale tenue devant elle, (cf. R 15/10 25 novembre 2010 - Motifs 10).
5. Qu'il s'en suit que la requête est manifestement non fondée.
DISPOSITIF
Par ces motifs il est statué à l'unanimité comme suit :
La requête en révision est rejetée comme manifestement non fondée.