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T 1049/21 (Prédiction de demande de consommation/ELECTRICITÉ DE FRANCE) 20-12-2022
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PROCÉDÉ DE PRÉDICTION DE DEMANDE DE CONSOMMATION, UTILISANT UN MODÈLE DE PRÉDICTION PERFECTIONNÉ
Restitutio in integrum (non)
Restitutio in integrum - mécanisme de vérification indépendant (non)
I. Le recours a été formé contre la décision de la division d'examen du 26 février 2021, rejetant la demande de brevet européen n° 17740416.7.
II. La requérante sollicite par ailleurs que la Chambre fasse droit à sa requête déposée le 24 juin 2021 sur pied de l'article 122 CBE, visant la restauration de son droit de former valablement recours, requête accompagnée d'un acte de recours contre la décision susmentionnée ainsi qu'un mémoire exposant les motifs de ce recours. En cas d'avis préliminaire négatif de la Chambre quant à sa requête, la requérante à par ailleurs sollicité qu'une procédure orale soit tenue.
III. La requérante a omis lors de la formation de son recours contre la décision en question de déposer l'acte de recours dans le délai de deux mois de la signification de cette décision - réputée avoir été effectuée le 8 mars 2021 selon la règle 126(2) CBE - ainsi que le requiert l'article 108 CBE. La taxe de recours a quant à elle été réglée le 2 avril 2021 et le mémoire de recours déposé ainsi qu'indiqué plus haut le 24 juin 2021, dans les délais impartis respectivement de deux et de quatre mois suivant la signification de ladite décision.
IV. La requérante invoque dans sa requête que la suppression de la cause d'inobservation du délai de dépôt de l'acte de recours litigieux est intervenue le 9 juin 2021 par la réception d'un courriel informel d'un agent de l'OEB chargé des formalités, attirant l'attention de son mandataire sur le fait que la taxe de recours serait remboursée car l'acte de recours n'avait pas été déposé en temps utile, ce qui aurait permis audit mandataire de prendre conscience de l'erreur consistant en l'omission du dépôt de cet acte.
V. En ce qui concerne cette erreur, la requérante invoque également qu'elle serait isolée et aurait eu lieu nonobstant toute la vigilance requise de la part de son mandataire et de son assistante paralégale, tous professionnels chevronnés dans leurs domaines de compétences respectifs et la présence au sein du cabinet dont fait partie ledit mandataire, d'un système normalement satisfaisant de vérification des délais, indiquant la nécessité de former un recours et de payer la taxe y relative, sous la responsabilité du mandataire (Annexes 8 et 9 du dossier de la requérante).
VI. La requérante invoque en outre que l'erreur en question se serait produite dans des circonstances spéciales, à savoir (...) le 22 mars 2021 (Annexe 3 du dossier de la requérante). Celle-ci lui aurait pendant environ 3 à 5 jours, au cours lesquels il a interrompu ses activités professionnelles, causé notamment (...). Ensuite, pendant environ 10 à 20 jours, soit jusqu'aux environs du 20 avril il aurait (...). La requérante indiquait également que (...) (Annexe 4 du dossier de la requérante). Dans ces circonstances, le mandataire de la requérante avait omis, lors de sa signature avec le logiciel EPOLINE du paiement de la taxe de recours le 2 avril 2021, de joindre l'acte de recours y relatif. Il a ensuite informé son assistante paralégale de cette signature, laquelle assistante a fait passer le délai de recours en historique (archivage) dans le système de gestion des délais interne au cabinet du mandataire nonobstant l'absence d'acte de recours, son attention ayant été focalisée sur la vérification du montant en vigueur de la taxe de recours que lui avait demandé d'effectuer le mandataire.
VII. La Chambre a notifié à la requérante une communication selon l'article 15(1) RPCR 2020 dans laquelle elle émettait l'avis préliminaire selon lequel la requête en restitution de droit n'était pas recevable dès lors qu'il appartenait au mandataire de la requérante à l'issue de la période durant laquelle il se disait (...), soit au plus tard aux environs du 20 avril 2021, de vérifier que les actes posés au cours de cette période n'avaient pas été entachés d'erreurs, de sorte que la suppression de la cause d'inobservation du délai de dépôt de l'acte de recours litigieux devait être considérée avoir eu lieu à l'issue de cette période. En effet, selon la jurisprudence des Chambres, la cause d'inobservation est supprimée à la date à laquelle la personne responsable de la demande est informée du fait qu'un délai n'a pas été respecté ou, comme en l'espèce selon l'avis préliminaire de la Chambre, aurait dû remarquer l'erreur commise si toute la vigilance requise avait été exercée (cf. notamment J 27/88,
T 315/90, T 840/94, J 24/97, J 27/01, T 1026/06,
T 493/08, J 1/13, T 1588/15). Par conséquent, l'acte de recours avait selon cet avis préliminaire été déposé hors délais, à savoir après le 8 mai 2021 (10 mai 2021 selon la règle 134(1) CBE) le seul paiement de la taxe de recours n'étant selon la jurisprudence des Chambres (cf. J 19/90) pas suffisant pour qu'un recours soit considéré valablement formé.
VIII. Selon l'avis préliminaire de la Chambre, la requête était en tout état de cause non fondée. En effet, premièrement la responsabilité de la surveillance de délais relatifs à des actes de procédure importants tel le dépôt d'un acte de recours revenait au mandataire lui-même et non à un collaborateur ou un assistant paralégal. Deuxièmement, il n'apparaissait pas d'après la Chambre qu'un système normalement satisfaisant de surveillance des délais était présent en l'espèce. En effet, dans une structure de taille importante telle que le cabinet dont fait partie le mandataire de la requérante, un tel système doit comprendre un dispositif efficace de vérification des délais indépendant de la personne responsable de cette vérification, notamment pour prévenir tout malentendu entre cette personne et un collaborateur ou un assistant en charge du même dossier.
IX. Dans sa réponse du 29 novembre 2022 à cette communication, la requérante fait valoir qu'au cours de la période de 10 à 20 jours précédant le 20 avril 2021, durant laquelle elle indiquait que son mandataire avait (...), ce dernier avait signé au moins 8 dossiers dont seul celui objet de sa présente requête était entaché d'une erreur, de sorte que d'une part, l'erreur en question ne pouvait être tenue comme étant en lien causal avec d'éventuels (...) et que d'autre part, il en résultait qu'il n'était pas justifié pour le mandataire de la requérante de vérifier les actes posés pendant ladite période, en manière telle que la cessation de l'empêchement en question devait bien être considérée comme intervenue lors de la réception par ce mandataire du courriel informel de l'OEB du 9 juin 2021 cité plus haut.
X. Dans cette réponse à la communication de la Chambre, la requérante fait également valoir que compte tenu de l'expérience de son mandataire, de l'assistante paralégale de celui-ci ainsi que d'un collaborateur ayant tous trois été en charge du dossier litigieux, des procédure internes de leur cabinet et des rappels de "logiciel métier" ainsi que de l'activité habituelle de ce mandataire, qui présentait pour la première fois en vingt ans d'activité une requête en restauration de droit, l'erreur commise devait être considérée comme isolée et due à des circonstances spéciales, à savoir les effets de (...) de ce mandataire, dans un système donnant par ailleurs satisfaction, de sorte que la requête en question serait fondée.
XI. La procédure orale a été tenue le 20 décembre 2022 sous forme de visioconférence. A l'issue de cette procédure orale, le Président a annoncé la décision de la Chambre.
1. Recevabilité de la requête
1.1 La requérante a invoqué lors de la procédure orale, en complément de ses écrits, que la période au cours de laquelle son mandataire aurait pu souffrir de troubles de la vigilance ne pouvait être considérée comme limitée au 20 avril 2021, mais avait pu se poursuivre au delà de cette date, de sorte qu'il ne pouvait être non plus considéré que ces troubles auraient disparu avant la date limite de dépôt de l'acte de recours du 8 mai 2021 (10 mai 2021 selon la règle 134(1) CBE). Il ne pourrait donc être exigé d'elle qu'elle vérifie les actes qu'elle avait posé avant cette date une fois que ces troubles de la vigilance auraient disparu, puisque cette disparition ne pouvait in fine être précisément délimitée dans le temps.
1.2 La requérante a également invoqué que la préparation du recours avait été effectuée dès le 2 avril 2021, soit bien en amont du délai de recours du 8 mai 2021 (10 mai 2021 selon la règle 134(1) CBE). Cependant, nonobstant le fait que l'assistante paralégale du mandataire avait omis de générer l'acte de recours en même temps que l'avis de paiement de la taxe de recours, ce mandataire n'avait pas relevé cette absence d'acte de recours, car il était alors focalisé sur la vérification que le montant de la taxe de recours n'avait pas été modifié. L'assistante en question avait également été focalisée sur cette vérification que ledit mandataire lui avait demandé d'effectuer. Selon la requérante, l'archivage par cette dernière de la préparation du recours dans le système de gestion des délais du cabinet du mandataire après signature par ce dernier du contenu de cette préparation via le logiciel EPOLINE (à savoir l'avis de paiement de la taxe de recours), permettait dans ce contexte raisonnablement audit mandataire, en exerçant toute la vigilance nécessaire, de considérer que ce recours avait été régulièrement formé.
1.3 Il y avait donc bien lieu, selon la requérante, de considérer que la suppression de la cause d'inobservation du délai de dépôt de l'acte de recours litigieux était intervenue le 9 juin 2021 par la réception d'un courriel informel d'un agent de l'OEB chargé des formalités, attirant l'attention de son mandataire sur le fait que la taxe de recours serait remboursée car l'acte de recours n'avait pas été déposé en temps utile.
1.4 La Chambre estime que l'existence des troubles de la vigilance invoqués par la requérante dans sa requête n'est établie par aucun élément probant, (...) (Annexe 3 du dossier de la requérante). La Chambre relève à cet égard que, dans sa à la communication susmentionnée de la Chambre, la requérante invoque que son mandataire a signé au moins 8 dossiers au cours de la période de ces prétendus troubles et que seul celui relatif au recours litigieux présentait une irrégularité, de sorte qu'il n'y aurait pas lieu de présumer l'existence de tels troubles en lien causal avec l'erreur commise.
1.5 En outre, même en considérant que ces troubles auraient été présents, la Chambre reconnaît qu'un doute subsiste quant à la période durant laquelle le mandataire de la requérante en aurait été effectué et dès lors quant au fait que ces troubles auraient cessé à un moment qui lui permettait encore de vérifier les actes qu'il avait posé au cours de la période en question. Ce doute doit profiter à la requérante, de sorte qu'il peut être raisonnablement considéré que la suppression de la cause d'inobservation du délai de dépôt de l'acte de recours litigieux est bien intervenue le 9 juin 2021, date de réception d'un courriel informel d'un agent de l'OEB chargé des formalités, et que la requête déposée le 24 juin 2021 l'a donc été dans le délai prescrit de deux mois suivant cette suppression (Règle 136(1) CBE). Cette requête est donc recevable.
2. Fondement de la requête
2.1 En vertu de l'article 122(1) CBE, la requérante doit prouver que la personne responsable de déposer un éventuel recours, en l'occurrence le mandataire de la requérante, n'a pas été en mesure de respecter le délai de ce dépôt malgré toute la vigilance requise par les circonstances. Dans les cas où la cause du non-respect d'un délai implique une erreur dans l'exécution de l'intention de cette personne de respecter le délai, la jurisprudence des Chambres a établi des critères. En particulier, les Chambres ont ainsi accepté que des circonstances exceptionnelles telles qu'une restructuration organisationnelle, un changement ou un retrait de représentation, une maladie grave ou un stress psychologique grave inopinés de la personne responsable (voir la jurisprudence des Chambres de recours, 10ème édition, chapitre III.E.5.3.) ou une erreur isolée dans un système de vérification normalement satisfaisant (cf. jurisprudence des Chambres de recours, 10ème édition, chapitre III.E.5.4.), peuvent être des raisons acceptables pour lesquelles un délai n'a pu être respecté. Par ailleurs, la jurisprudence des Chambres relative à "une erreur isolée dans un système donnant par ailleurs satisfaction" ne saurait être invoquée pour faire abstraction de l'omission d'un acte par le mandataire agréé proprement dit, à moins que des circonstances spéciales ne l'expliquent (cf. T 1056/06).
2.2 En l'espèce, selon la Chambre, (...) ne sont en tout état de cause pas assimilables aux situations de survenance inopinée de maladie grave ou de lourde épreuve psychique qui, selon la Jurisprudence (voir notamment T 525/91, T 558/02, T 1401/05, T 387/11, T 970/12) peuvent justifier une omission de poser un acte comme la prise de conscience tardive d'une telle omission. En effet, dans ces situations, le délai dans lequel l'acte omis devait être posé arrivait à échéance soit très peu de temps après la survenance d'une telle maladie ou épreuve psychique, soit durant l'absence du mandataire suite à cette survenance. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. En outre, le mandataire de la requérante a délibérément choisi de continuer d'exercer ses activités alors qu'il se savait affecté par une maladie dont un des symptômes connus consiste en des troubles de la vigilance. Aucune circonstance exceptionnelle ne saurait donc être invoquée dans le cas présent.
2.3 La requérante n'a pas contesté que l'erreur commise relevait de la responsabilité de son mandataire (cf. Annexe 8 du dossier de la requérante, "Procédure interne opérationnelle Métier relative au recours" qui indique que la responsabilité "pour former recours et payer la taxe de recours" appartient au mandataire) et, en tout état de cause, la Chambre rappelle que le dépôt d'un acte de recours et sa signature constituent un élément particulièrement important relevant de la seule responsabilité du mandataire (cf. jurisprudence des Chambres de recours, 10ème édition, chapitre III.E.5.5.4.e) et en particulier T 1561/05).
2.4 Lors de la procédure orale, la requérante a insisté sur le fait que l'erreur de son mandataire constituerait bien une erreur isolée dans des circonstances spéciales (...) dans le cadre d'un système de surveillance des délais normalement satisfaisant au sein du cabinet de ce mandataire et que dès lors, toute la vigilance requise de la part de ce dernier doit être considérée comme présente et l'erreur en question par conséquent acceptable, de sorte que la requête serait fondée.
2.5 A cet égard, la requérante a souligné, quant au système de surveillance en question, que trois personnes étaient en charge du dossier objet du recours litigieux et pouvaient vérifier le respect de délais (à savoir le mandataire responsable, un collaborateur depuis devenu également mandataire et une assistante paralégale), mais qu'à l'époque des faits, (...) avait réduit les interactions entre les membres du cabinet. En ce qui concerne un délai de recours, la requérante a précisé que le système de surveillance des délais du cabinet de son mandataire signale, une fois reçu l'accord d'un client quant à l'introduction d'un recours devant les Chambres, le délai de cette introduction (Annexe 9 du dossier de la requérante, base interne de gestion des délais, onglet "Réponse à l'OEB"). L'acte de recours et l'avis de paiement de la taxe y relative sont alors en principe générés par l'assistante paralégale, soumis pour signature au mandataire responsable du dossier, déposés ensuite auprès de l'OEB. Le délai de recours et de dépôt de l'acte de recours ne sont alors archivés par l'assistante paralégale. La requérante a indiqué également qu'il arriverait qu'un mandataire vérifie les délais relatifs à un dossier d'un autre mandataire, sans toutefois établir ceci par des éléments probants ni invoquer un quelconque caractère systématique d'une telle vérification par une personne extérieure à un tel dossier.
2.6 La Chambre remarque à cet égard tout d'abord qu'un seul signalement de délai (cf. "Réponse à l'OEB" ci-dessus) apparaît dans le système de surveillance des délais en question, à la fois pour le délai de dépôt après signature de l'avis de paiement de la taxe de recours et le délai de dépôt après signature de l'acte de recours. Certes ces deux actions doivent être effectuées dans des délais identiques pour qu'un recours soit valablement formé, mais elles sont cependant indépendantes l'une de l'autre et il n'apparaît pas que le système en question empêche l'archivage des opérations de recours lorsque l'une de ces deux actions n'a pas (encore) été effectuée.
2.7 Par ailleurs, la Chambre rappelle que, dans le cadre d'une structure de taille importante comme celle du cabinet du mandataire de la requérante, la jurisprudence des Chambres impose qu'un tel système doit comprendre un dispositif de vérification des délais indépendant de la personne (ou des personnes) responsable(s) de dossier auquel ces délais sont afférents, notamment pour prévenir tout malentendu entre un mandataire et un assistant (jurisprudence des Chambres de recours, 10ème édition, chapitre III.E.5.4.4.a)). Or, tel n'apparaît pas être le cas en l'espèce, puisque seules les personnes en charge du dossier litigieux - en particulier, le mandataire et son assistante paralégale - étaient responsables de la vérification du dépôt dans le délai requis de l'acte de recours et de l'avis de paiement de la taxe de recours, et non soit une personne extérieure à ce dossier soit un système automatique d'alerte d'une telle personne.
2.8 Il résulte de ce qui précède que, selon la Chambre, il n'a pas été établi par la requérante qu'un système de vérification des délais normalement satisfaisant selon les critères définis par la jurisprudence des Chambres applicables au cas d'espèce était bien présent au sein du cabinet du mandataire de la requérante. Par conséquent, l'erreur du mandataire consistant en l'absence de dépôt dans les délais impartis de l'acte de recours n'apparaît pas acceptable et la requête en restauration du droit de la requérante de former valablement recours n'est dès lors pas fondée.
2.9 En application des principes énoncés dans la décision G 0001/18 de la Grande Chambre de recours, le recours est réputé ne pas avoir été formé et le remboursement de la taxe de recours doit être ordonné d'office.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La requête en restauration du droit de former valablement recours est rejetée car recevable, mais non fondée.
2. Le recours est réputé ne pas avoir été formé.
3. La taxe de recours est remboursée.